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Author Topic: En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre  (Read 863 times)

Thymian

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En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre
« on: July 05, 2018, 09:41:21 AM »

En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre.

"Soline Roy @so_sroy
Journaliste sciences et médecine au Figaro. Le cœur sur terre, la tête au-dessus des nuages et quelques mots entre les deux."

BIEN!

https://twitter.com/so_sroy/status/997846073803792384

[*quote*]
Soline Roy @so_sroy
19. Mai

Attention, thread historico-homeopatho-judiciaire #FakeMed
En 1858, un jeune médecin fait dans le journal "L'Union médicale" une recension sévère (mais juste 😁) du livre d'un homéopathe...
07:26 - 19. Mai 2018

... et devinez quoi ? Il se prend un procès de 12 homéopathes très très fâchés...

Soline Roy @so_sroy
19. Mai

En voici l'histoire rapidement brossée, tous les détails sont ici:
https://archive.org/stream/b22349315#page/251/mode/1up

Soline Roy @so_sroy
19. Mai

En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre: "De l'homœopathie, et particulièrement de l'action des doses infinitésimales". Il en envoie un exemplaire à L'Union médicale en priant le journal de bien vouloir en faire la recension.

Soline Roy @so_sroy
19. Mai

Bonne pâte, le rédacteur en chef prévient: l'homéo c'est bullshit, on va dire du mal, mieux vaut qu'on s'abstienne. Magnan insiste: si si, faites, je préfère la critique au silence.

Soline Roy @so_sroy
19. Mai

Le livre est donc confié à un autre jeune médecin contributeur de la revue. Et son article est magique 😍😍😍
[*/quote*]


Googletrans:

"Journalist science and medicine at Le Figaro. Heart on earth, head above the clouds and a few words in between."

https://twitter.com/so_sroy/status/997846073803792384

[* Quote *]
Soline Roy @so_sroy
19. May

Attention, historico-homeopatho-judicial thread #FakeMed
In 1858, a young doctor in the newspaper "The Medical Union" a severe review (but fair du) of the book of a homeopath ...
07:26 - 19. May 2018

... and guess what? He takes a trial of 12 homeopaths very very angry ...

Soline Roy @so_sroy
19. May

Here is the story quickly brushed, all the details are here:
https://archive.org/stream/b22349315#page/251/mode/1up

Soline Roy @so_sroy
19. May

In 1857, a young doctor, Mr. Magnan, published a book: "Homeopathy, and especially the action of infinitesimal doses". He sent a copy to L'Union médicale, asking the newspaper to make a review of it.

Soline Roy @so_sroy
19. May

Good dough, the editor warns: the homeo is bullshit, we will say bad, better to abstain. Magnan insists: if so, do, I prefer criticism to silence.

Soline Roy @so_sroy
19. May

The book is thus entrusted to another young doctor contributing to the journal. And his article is magic 😍😍😍
[* / Quote *]
« Last Edit: July 05, 2018, 10:05:03 AM by Thymian »
Logged
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Thymian

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LE LIVRE: En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre
« Reply #1 on: July 05, 2018, 10:33:37 AM »

Full text of "La médecine traditionnelle et l'homoeopathie : procès intenté au journal l'Union médicale par douze homoeopathes"

[*quote']
MÉDECINE TRADITIONNELLE  ET L’HOMŒOPATHIE.

Taris. — Imprimerie de L. MAKTINET, rue Mignon, i. 7


LA MÉDECINE TRADITIONNELLE  ET  L’HOMŒOPATHIE,

PROCÈS INTENTÉ AU JOURNAL L’UNION MÉDICALE FAR DOUZE HOMŒOPATHES ,

PRÉCÉDÉ DES MÉMOIRES ET DES NOTES DIVERSES
PUBLIÉS PAR LES PARTIES AU COURS DES DÉBATS ,
ET RECUEILLIS

Par M. J. SABBATIER ,

Ancien Sténographe des Chambres pour le Moniteur ,
Directeur de la Tribune judiciaire.

PARIS,
AUX BUREAUX DE L’UNION MÉDICALE, | AUX BUREAUX DE LA TRIBUNE JUDICIAIRE,
rue du Faubourg-Montmartre, 56.
Chez BORRANI ,
LIBRAIRE , RUE DES SAINTS-PÈRES, 9.
Décembre IM. TM


; iy ;'i ' .

M.IADÏOâlM KOI

LA
MÉDECINE TRADITIONNELLE
ET
L’HOMŒOPATHIE.


INTRODUCTION.

Voici, tels qu’ils résultent des débats, les faits qui ont donné lieu à ce
procès.

Dans le courant de 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un
livre intitulé: De /’ homœopathie, et particulièrement de l'action des doses
infinitésimales. 11 en dépose, suivant l’usage, deux exemplaires au bu-
reau de Y Union médicale , et prie le rédacteur en chef de ce journal,
M. le docteur Amédée Latour, de vouloir bien en faire rendre compte.
M. A. Latour objecte que sa conviction est depuis longtemps faite sur
rhomœopathie, que la lecture du livre de M. Magnan ne la modifiera
probablement pas, que dès lors le compte rendu sera nécessairement
sévère, et que, dans de telles circonstances, il lui paraît plus convenable
de s’abstenir. M. Magnan insiste, préférant une critique sévère au silence
de Y Union médicale , et ne demandant ni indulgence pour l’auteur
ni complaisance pour la doctrine. Dans ces termes, M. A. Latour
confie l’examen du livre de M. Magnan à un jeune écrivain de talent,
M. le docteur Gallard, qui avait déjà donné à Y Union médicale plusieurs
articles justement remarqués. Des médecins homœopathes croient voir
dans le compte rendu de M. Gallard une atteinte portée à leur hono-
rabilité. M. le docteur Pétroz et M. le docteur Léon Simon père, l’un
comme président, l’autre comme secrétaire de la commission centrale
homœopathique, et agissant au nom de cette commission, adressent une
réponse à Y Union médicale , portant rétractation publique des exprès-



6 ARTICLE INCRIMINÉ.

sions dont s’était servi M. Gallard à l’égard des médecins qui pratiquent
l’homœopathie et auxquelles l ’ Union médicale a prêté sa publicité. M. le
docteur Richelot, l’un des fondateurs et gérant dudit journal, refuse d’in-
sérer cette rétractation publique.

Sur son refus, MM. les docteurs Pétrozet Léon Simon, auxquels se joi-
gnent MM. Gastier, Chargé, L. Molin, Escal lier, Leboueher, Love, Guey-
î-ard, Audouit et Desterne, assignent MM. les docteurs Amédée Latour,
rédacteur en chef, Richelot, gérant de l 'Union médicale , et Gallard,
auteur de l'article, devant le Tribunal de première instance de la Seine.
Leurs conclusions tendent : l u à ce que ces Messieurs soient condamnés à
50 000 francs de dommages-intérêts; 2° à « l’insertion du jugement à
intervenir dans le journal l 'Union médicale , ainsi que dans quatre jour-
naux de Paris, au choix des requérants et aux frais de MM. Latour, Ri-
chelot et Gallard. »

C’est en cet état que s’engage le procès.

M c Émile Ollivier, assisté de M c Lesage, avoué, se présente pour les
demandeurs; M e Andral, assisté de M e Adam, avoué, se présente pour
M. Gallard; M e Victor Lefranc, pour M. Amédée Latour; M c Bethmont,
pour M. Richelot. M. Sallantin occupe le siégedu ministère public.

Au cours des débats les demandeurs se désistent de leur action contre
M. Amédée Latour.

Les plaidoiries sont précédées de part et d’autre de la publication des
mémoires scientifiques et des documents divers qui suivent.



ARTICLE INCRIMINÉ.

FEUILLETON DE L’UNION MÉDICALE.

(Numéro du 24 octobre I8i>7.)

De l’homœopathie , et particulièrement «le l'action des doses
infinitésimales ,

Par le docteur A. Magnan. — Paris, J. -B. Baillière et fils et Denlu.

Lettres sur l’homœopathie, ou réfutation complète de cette méthode

curative,

Par P. -A. Manec jeune. — Paris, Victor Masson.

Tout ce qu’il y avait à dire au sujet de l’homœopathie a depuis long-
temps déjà été dit et parfaitement dit par des voix plus autorisées que
la nôtre. 11 n’entre pas dans notre intention de ranimer le débat sur cette
question, que nous regardons comme bien et dûment jugée ; car si nous



7



ARTICLE INCRIMINÉ.

comprenons que la doctrine de Hahnemanu ait pu être, comme elle l'a
été, discutée et même expérimentée au moment de son apparition, il nous
semble difficile d’admettre qu’elle puisse encore aujourd'hui être adoptée
et mise de bonne foi en pratique par des médecins sérieux et instruits.
Telle est la seule et véritable raison qui nous empêche de nous occuper
des élucubrations de MM. les homœopatlies. Si nous nous décidons à
nous départir de cette réserve habituelle en faveur du livre de M. Ma-
gnan, c’est que, par exception, nous croyons avoir trouvé dans l’auteur
un homme sérieusement convaincu, et susceptible par conséquent de
reconnaîire qu’il a pu s’égarer, si on lui démontre sou erreur. Je ne pense
pas que M. Magnan soit notre ancien collègue d’internat, et j’ignore s’il
y a ou non communauté de doctrine entre les deux homonymes; mais
je dois dire que cette similitude de nom est la principale, sinon la seule
cause qui, après avoir d’abord attiré mon attention sur cette brochure,
m’ait ensuite décidé à en parler ici. Je ne veux pourtant pas consacrer
à cette critique plus d’importance que le sujet ne le mérite . et loin d’es-
sayer de reprendre à nouveau la discussion sur les doctrines hornœopa-
thiques, je me bornerai à bien préciser pourquoi cette discussion ne peut
plus être ravivée.

M. Magnan se trompe lorsque, dans sa préface, il entrevoit le « com-
mencement d’un débat calme, sérieux et digne de la science ». Ce débat
a eu lieu; il est clos, et il n’appartient à personne, pas même à des
hommes jeunes, honnêtes et ardemment convaincus, comme il paraît
l’être, de le ranimer jamais. On ne peut, en effet, opposer que le si-
lence et le dédain à ceux qui, battus sur les hauteurs où s’agitent les
discussions scientifiques, essayent maintenant d’engager une misé-
rable lutte sur le terrain fangeux de la pratique industrielle et de l’exploi-
tation.

L’homœopathie n’est plus une doctrine, encore bien moins une
science : c’est un commerce exercé par quelques-uns au détriment de la
science et de l’humanité ; et, s’il est une époque où l’on a pu « appliquer
la méthode de Halmemann sans être un ignorant abject, un pauvre illu-
miné ou un misérable charlatan », ce n’est certainement pas à l’époque
actuelle. Il faut bien le dire à M. Magnan, puisqu’il l’ignore, les plus
ardents promoteursde la doctrine ont le bon esprit de l’abandonner dans
la pratique. Chaque fois qu’ils se trouvent en présence d’une maladie
grave, ils saignent, ils purgent, ils donnent des doses massives, absolu-
ment comme si Halmemann n’eût jamais existé; mais ils crient par-
dessus les toits qu’ils font de rhomœopalhie. On a vu dernièrement un
des plus en renom appelé près d’une dame du grand inonde, qui, vers la
fin d’une maladie incurable, était affectée d’anasarque et d’ascite, lui
administrer journellement cinquante centigrammes de calomel, et déter-
miner ainsi une diarrhée colliquative, grâce à laquelle Ihydropisie di-
minua momentanément, mais l’issue fatale fut très certainement hâtée;
ce qui n’empêcha pas l'entourage de la patiente d’être trompé par cette
supercherie, et île proclamer dans tous les salons de Paris les heureux
effets du traitement homceopathiqve. Je cite ce fait entre mille, et parce



8



ARTICLE INCRIMINÉ.

qu’il a eu un certain retentissement. D’autres fois, si l’homœopatbe
exerce dans un service hospitalier, on le voit (comme je l’ai vu moi-même
dans mes voyages) se ménager de petites statistiques favorables en n’ad-
mettant pas dans ses salles les sujets atteints de maladies graves, en n’y
laissant pas séjourner les tuberculeux et les cancéreux, et en les mettant
à la porte non pas. seulement la veille de leur mort, mais quelquefois le
jour même. On comprendra que je ne veuille nommer personne ni pré-
ciser davantage, mais ces faits sont de notoriété publique parmi les mé-
decins ou élèves fréquentant les hôpitaux de la ville d’Europe dans
laquelle ils se passent. Qui donc maintenant voudrait prendre au sérieux
les travaux publiés par des hommes capables de tels actes, et se donner
la peine, je ne dirai pas même de les discuter, mais seulement de les
lire? — Ces travaux, du reste, ne sont pas d’habitude écrits pour les
médecins : ils sont rédigés avec l’intention de capter la bonne foi des
gens du monde; ils mentent comme tous les prospectus.

Cette habitude de s’adresser aux gens du monde plutôt qu’aux mé-
decins est, du reste, tellement inhérente à la doctrine, que nous voyons
tous les livres homœopathiques être écrits dans ce but, sans en excepter
même celui que nous analysons, car il se vend au Palais-Royal, chez
Dentu, éditeur de nouveautés. Nous n’aimons pas cette manière de faire,
et nous devions la signaler, quoique rien de ce qui précède ne s’applique
personnellement àM. Magnan, dont nous n’avons aucune raison de sus-
pecter la loyauté. Bien au contraire, nous trouvons dans sa brochure
des passages qui trahissent chez lui une louable préoccupation de ce
qu’il croit être utile à la science et à l’humanité. Ainsi il n’admet pas
ces compromis monstrueux que nous venons de signaler, et il reconnaît
que « la doctrine nouvelle prétendant être complète, n’admet rien en
partage et veut être victorieuse ou terrassée ». Seulement il la regarde
comme victorieuse, tandis qu’il nous serait facile de démontrer qu’elle
est non pas terrassée, le mot serait trop prétentieux, mais avortée. Cette
démonstration, on la trouvera tout entière dans les Lettres de M. Manec,
qui constituent un excellent volume dont nous aurons occasion de par-
ler lorsque nous aurons exposé brièvement les idées de M. Magnan.
Nous ne nous occuperons pas des considérations inutiles ou complète-
ment étrangères au sujet, qui abondent dans cette petite brochure de
150 pages environ, sur laquelle nous nous arrêtons d’abord, et nous
aurons soin d’en dégager ce qui a rapport exclusivement aux deux bases
de l’homœopathie : 1” le précepte Similia similibus curantur ; 2° l’action
des doses infinitésimales.

Le petit chant de triomphe que M. Magnan a, en commençant, entonné
au profit de l’homœopathie devait être suivi du récit des luttes et des
combats qu’elle a dû soutenir, et personne ne s’étonnera d’apprendre
que Galilée, Newton, Harvey, Jenner, Christophe Colomb, ne sont rien
dm près de Hahnemann et de ses adeptes. Il en est de même pour tous
les novateurs, et nous avons vu, il y a quelques années, un assez grand
nombre de réformateurs se comparer ni plus ni moins qu’à Jésus-Christ.
Mais si nous ne nous étonnons pas de cette apothéose, nous sommes



ARTICLE INCRIMINÉ.



9



assez surpris d’apprendre que tous les jours, la médecine, la vraie mé-
decine, celle que M. Magnan appelle [’ Allopathie, emprunte ses formules
à l’Homœopathie ; c’est absolument comme, si l’on accusait le Christ
d’avoir copié Mahomet, parce que les mêmes préceptes se rencontrent
quelquefois dans l’Évangile et dans le Coran. Que M. Magnan veuille
donc réfléchir un peu, et qu’il relise l’introduction au Traité de théra-
peutique de MM. Trousseau et Pidoux. Lui qui se plaint de n’avoir
trouvé nulle part « une appréciation sévère, mais juste, » des doctrines
homœopathiques , il pourra la rencontrer dans cette histoire philoso-
phique de toute la médecine, où chacun des systèmes qui se sont pro-
duits depuis Hippocrate est apprécié en très bons termes et de la façon
la plus impartiale. Il y verra, à propos de l’homœopathie, que : « Tout
» a sa raison d’être, même les plus incroyables rêveries. De celle-ci se
» dégage une vérité thérapeutique déjà connue des galénistes, rajeunie
» par Paracelse, exaltée par Van-Helmont; c’est que, pour être spéci-
» fîque ou direct, un médicament doit agir là où agit la maladie. Mais
» de quelque manière qu’il le fasse, soit qu’il y détermine des symptômes
» d’apparence semblable ou dissemblable, dans l’un et l’autre cas il agit
» selon le principe contraria contrariis, c’est-à-dire que ses effets étant
» incompatibles avec ceux de la maladie, ils s’excluent et se neutralisent,
» de même qu’on voit deux affections, deux diathèses s’exclure générale-
» ment, et être, comme on dit, antagonistes. h’ homœopathie a donc fait ici
» deux choses: elle a d'abord rappelé une vérité ancienne ; mais voulant y
» mettre du sien, elle n'a su innover qu'une erreur. >> (Trousseau et Pidoux,
h° édit., p. lxxvi.) .

Cette erreur, c’est la dose infinitésimale, car elle découle naturellement,
forcement, du précepte Similia similibus. Et c’est, quoi qu’en veuille dire
M. Magnan, dans l’emploi des médicaments à de semblables doses que
gît maintenant toute l’homœopathie. On ne saurait, en effet, prendre
plus longtemps au sérieux la recherche des spécifiques telle quelle a été
entreprise par Halmemann, d’après le fait mal observé et surtout mal
interprété de l'action du quinquina sur l’hommesain. L’excitation fébrile
que détermine ce médicament ne diffère en rien de celle occasionnée par
tous les toniques, par tous les stimulants surtout, tels que le thé, le café,
les vins généreux, qui pourtant ne guérissent pas la fièvre intermit-
tente. Pourquoi donc le quinquina et les autres rares médicaments spé-
cifiques auraient-ils la propriété de guérir certaines maladies bien déter-
minées? Pourquoi?... Vous croyez le savoir, vous, homœopathes ; nous,
médecins, nous l’ignorons, et nous avouons humblement notre igno-
rance; nous nous bornons à constater ces propriétés quand le hasard
nous les révèle, quand l’expérimentation nous les démontre ; et nous
n’allons pas plus loin. Quant aux homœopathes, s’ils prétendent avoir
contre chaque maladie un spécifique à l’aide duquel ils la guérissent
sûrement, il faut que, nouveaux Promélhées, ils aient su dérober le feu
du ciel. Soyons donc plus modestes, et rappelons-nous que la seule pré-
tention du médecin doit être de a guérir quelquefois, soulager souvent,

» consoler toujours ». C’est surtout en face de ces maladies terribles,



io



ARTICLE INCRIMINE.



comme le choléra, le croup, la fièvre typhoïde, etc., que nous sentons
combien est grande notre impuissance à lutter contre cette loi de la
douleur et de la mort imposée par la Divinité à tout ce qui vit dans la
nature. Non, mille fois non, nous ne prétendons pas guérir toujours;
mais nous demandons plus que des affirmations à ceux qui osent se dire
plus heureux ou plus habiles. Il nous faut des preuves nombreuses, pal-
pables, convaincantes, irrécusables, et nous sommes surpris de voir
M. Magnan renouveler de si singulières affirmations, surtout à propos
du choléra, quand une épreuve publique et solennelle, tentée à Mar-
seille, a prouvé jusqu’à l’évidence combien sont vaines les prétentions
deses cosectaires.

C’est, du reste, parce qu’ils ont compris combien est pernicieux le
précepte Similia simili bus curantur, et après en avoir éprouvé les funestes
effets, que les homœopathes ont eu recours aux doses infiniment petites.
Cette vérité se trouve, en effet, parfaitement exposée par M. Magnan
lui-même, et je ne puis mieux faire que de lui laisser la parole :

« Les aggravations dont il (Hahnemann) fut souvent témoin l’obli-
» gèrent à descendre à de petites doses telles qu’une goutte, une demi-
» goutte, et même un quart de goutte de teinture... Mais, dans certains
» cas, ces doses déjà minimes ayant semblé encore trop fortes, il fallut
» atténuer davantage. » (P. 87.) — Ou voit qu’il en vint ainsi jusqu’à ne
plus rien administrer du toutetà s’en rapporter à la nature médicatrice
du soin desauver ses malades. C’est encore ce que nousavoue M. Magnan:
« Dans certains cas, les maladies guérissent spontanément, c’est-à-dire
« sans l’intervention de l’art et par les seules ressources de la nature. J'ai
» peine à comprendre comment, placé à ce point de vue, Hahnemann a
» pu concevoir que la guérison artificielle (par les secours de l’art) se
» faisait par une autre voie que la guérison naturelle, et qu’il ait pu
>> imaginer, pour expliquer le phénomène, qu’il y avait substitution
» d’une maladie artificielle plus forte à une maladie naturelle plus fai-
» ble. .. (P. 71.). Bien que les médicaments homœopathiques possèdent
» virtuellement la propriété de produire des phénomènes analogues à
» ceux qu’on veut guérir, la dose que l’on emploie, quoique agissant
» sur des organes malades, c’est-à-dire sur des fibres vivantes , dont
» la sensibilité est considérablement accrue, est certainement trop
» minime pour produire de toutes pièces un véritable état morbide artificiel. »

(P- 12.)

Croirait-on, après cela, que M. Magnan consacre plusieurs chapitres
et un grand nombre de pages à nous (lémontvev la possibilité de l’effica-
cité des doses homœopathiques ou infinitésimales? Il est vrai que pour
cela, il prend plusieurs points de départ, sinon faux au moins parfaite-
ment contestables : d’abord la divisibilité delà matière à l’infini ; puis
comme exemples de cette divisibilité et de l’action des substances les
plus ténues, les principes odorants, la lumière, l’électricité, enfin les
ferments et les virus, voire même les émotions morales. Il n’espère pas
que nous le suivions dans ses divagations extra-scientifiques, et nous
nous contenterons de répondre à cet argument, en apparence spécieux,



11



ARTICLE INCRIMINÉ.

qui consiste â dire : Un corps dissous dans un liquide y est divisé en
particules excessivement ténues, et ce corps ainsi dissous agit bien plus
efficacement sur l’économie que s’il était administré à l’état solide :
Corpora non ugunt nisi soluta. Accordons qu’un corps dissous soit divisé
dans le liquide, comment me prouverez-vous qu’il se trouve réduit à
l’état de particules plus petites dans une solution étendue que dans une
solution concentrée? Puis si ce corps a besoin d'être dissous pour être
absorbé, où avez-vous vu qu’une dose de solution étendue me produira
plus d’effet que la même dose de solution concentrée dans laquelle j’aurai
fait entrer dix, quinze, cent fois plus de la substance en question ? Et ce
ne sont pas des doses semblables que vous administrez dans vos for-
mules liomœopathiques, dont vous affirmez fort souvent l’efficacité,
tandis que vous ne la démontrez nulle part. — Ne savons-nous pas qu’il
ne reste plus rien dans le véhicule bien avant que l’on soit arrivé à la
30 e dilution; et, si comme le dit M. Magnan, 1 25 grammes (A onces)
d’alcool suffisent pour faire cette 30 e dilution, ignore-t-il qu’elle renferme
alors non pas une goutte de teinture mère, mais une fraction de cette
goutte, dont le dénominateur serait le 30 e terme d’une progression géo-
métrique commençant à 1 et ayant pour raison 1 0 1 ) ; c’est-à-dire un
nombre composé de 59 chiffres. Tandis que, s’il voulait faire l’opération
complète pour la goutte entière, il devrait employer une quantité d’al-
cool qui, pour être représentée non pas seulement en litres, mais en
mètres cubes, exigerait un nombre composé de cinquante-deux chiffres.
Cette masse d’alcool formerait une sphère liquide des millions de fois
plus considérable que la sphère terrestre dont le volume est exprimé
en mètres cubes par vingt et un chiffres seulement. Qu’ont donc de si
étrange de semblables calculs? Ne sont-ils pas établis d’après les for-
mules (1) à l’aide desquelles se détermine la valeur soit d’un terme quel-
conque, soit de la somme des termes d’une progression géométrique?
On sait avec quelle rapidité croît chacun de ces termes, et l’on a sou-
vent cité pour exemple la fameuse demande de l’inventeur de l’échi-
quier, dont la récompense devait consister en un certain nombre de
grains de blé. calculé de la manière suivante : 1 grain serait placé sur
la première case, 2 sur la suivante, et ainsi de suite, en doublant à cha-
que case. On arrivait ainsi à un total de grains de blés représenté par
un nombre composé de 20 chiffres. Mais la progression n’avait pour
raison que 2, tandis que dans les préparations liomœopathiques celte
raison est 100. Chaque terme qui, dans un cas est seulement le double
du précédent, en est dans l’autre le centuple.

Halmemann, de son côté, savait bien qu’il ne devait plus rester un
atome de la substance active quand elle avait été ainsi plusieurs fois
diluée; aussi, comme le dit M. Magnan, à la place du mot dilution,
employait-il souvent celui de dynamisation, qui avait pour lui une



(1) Ces l'orinules sont l = ar'‘ 1 et S = ; a représentant le premier terme

V — I



de la progression, / le dernier, r la raison, n le nombre des termes, S leur somme.



12



ARTICLE INCRIMINÉ.



signification toute particulière. Mais beaucoup d’homœopathes, et
même des plus fervents, ne savent probablement pas jusqu’où doit les
conduire cette manière de considérer la propriété médicamenteuse
comme une fdrce indépendante de la matière, qui en serait seulement le
substratum , et il peut être bon de le leur indiquer. Entraîné par une
logique rigoureuse après être parti d’un principe erroné, leur grand
prêtre en était venu au point d’isoler tellement la vertu médicatrice de
la substance médicamenteuse elle-même, qu’il entrevoyait la possibi-
lité de supprimer tous les médicaments, même les plus infinitésimaux
des pharmacopées bomœopatbiques, et d’y « substituer Y action mesmé-
» rique de la volonté ferme d’un homme bien portant de déterminer chez
» son prochain des symptômes semblables h ceux de la maladie. »
( Organon .) On le voit, l’homœopathie mène directement au magnétisme,
et c’est justice, car les deux se valent.

Nous n’irons pas plus loin sur ce sujet, et nous renverrons, pour tous
les points non discutés ici, à l’article déjà cité de MM. Trousseau et
Picloux, et aux Lettres de M. Manec, dans lesquelles M. Magnan aurait
pu également trouver, s’il l’eût voulu, cette «appréciation sévère mais
juste » qu’il n’a su rencontrer nulle part. Nous conseillerons la lecture
de ce dernier ouvrage, surtout aux adeptes d’Hahneman, car ils y trou-
veront un résumé de leur doctrine plus lucide et plus complet que celui
auquel leurs propres auteurs les ont habitués. Chacun des points de
départ de l’homœopathie y est exposé et apprécié avec clarté et impar-
tialité; puis l’auteur passe en revue les conséquences déduites de cha-
cun des faits-principes parfois exacts, le plus souvent spécieux, et il a
toujours soin d’indiquer avec une sûreté de vues remarquable le point
précis vers lequel le raisonnement dévie pour passer au sophisme. Ces
Lettres ont été publiées d’abord dans un journal étranger à la médecine,
et à la suite de cette fameuse comment dirai-je? comédie ou mysti-

fication qui s’est appelée le Congrès homœopathique de Bordeaux. Et,
chose remarquable, aucun des fameux paladins qui s’étaient escrimés
dans l’enceinte sacrée contre des ennemis absents rfa osé prendre sa
lance pour venir se mesurer sur un terrain neutre avec ce fameux jou-
teur. Est-ce que le prédicateur qui, apostrophant Voltaire du haut de
sa chaire, le réduisait si facilement au silence, se serait faithomœo-
pathe ?

Un dernier mot à M. Magnan, il trouve tout naturel que les profes-
seurs des Écoles, « ceux qui dirigent la science, qui en sont les princes,
» ne veuillent pas reconnaître et convenir que la science ait pu marcher
» sans eux. » Et il explique ainsi leur opposition systématique à l’homœo-
pathie. Mais nous, mais toute la jeune génération médicale contempo-
raine, nous n’avons pas la même raison de lui être opposés. Nous res-
pectons l’autorité des maîtres, mais Dieu sait si ce respect, va jusqu’à
l’abnégation de nos opinions personnelles. Bien des fois il nous est
arrivé , aux uns comme aux autres , soit de combattre des idées an-
ciennes, soit d’émettre des idées nouvelles, et toujours nous avons
trouvé nos maîtres disposés, soit à accepter ces mêmes idées, soit à les



SOMMATION.



ia



rejeter, mais en les discutant avec une sorte de déférence dont nous
leur avons su gré. Pourquoi n’en serait-il pas de même de l’homœo-
patliie? Nous direz-vous que nous ne la connaissons pas? Mais nous
avons lu plus de vos livresque beaucoup d’homœopathes ; mais nous
avons préparé nous-mêmes des globules et nous en avons pris, si nous
n’en avons pas administré à nos malades. Est-ce donc notre faute si nous
n’en avons pas éprouvé le moindre effet? Vous prétendez que les dilu-
tions conservent et même multiplient en quelque sorte les propriétés de
vos médicaments ; parmi ces propriétés, il en est une dont il est bien
facile de constater la persistance, c’est la sapidité. Si donc vous pouvez
nous faire percevoir la saveur soit du sucre , soit du sel , soit de la colo-
quinte ou de toute autre substance, après la dixième dilution, à plus
forte raison à la trentième, nous reconnaîtrons que vous faites autre
chose que de l’expectation, que vous donnez autre chose que de l’eau
pure ou du sucre de lait à vos malades ; enfin , que vous pouvez avoir
raison. Et nous serons tout à fait convertis si, après avoir préparé, de
concert avec nous, des médicaments homœopathiques, vous parvenez à
reconnaître, d’après leurs effets, ceux que nous administrerons nous-
mêmes, soit à vous, soit à une personne en santé, soit à un malade à
votre choix.

T. Gallard.


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.         Im Angesicht von Gewalt ist Höflichkeit gegenstandslos.
.         At face with violence politeness is pointless.

.         (User TNT in the former CDU forum)
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Thymian

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Re: En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre
« Reply #2 on: July 05, 2018, 10:34:53 AM »

SOMMATION.


A messieurs Richelot, gérant du journal /'Union médicale, et Gallard,
rédacteur du même journal.



Messieurs,



Paris, le 29 octobre 1857.



Nous lisons dans le numéro du 2A octobre courant ùel’Union médicale
un feuilleton de M. Gallard où se trouve le passage suivant :

« L’homœopathie n’est plus une doctrine, encore bien moins une
science : c'est un commerce exercé par quelques-uns au détriment de la
science et de l’humanité ; et, s’il est une époque où l’on a pu appliquer
la méthode de Hahnemann sans être un ignorant abject , un pauvre illu-
miné ou un misérable charlatan , ce n’est certainement pas à l’époque
actuelle. »

De telles expressions constituent une atteinte grave portée à l'honneur
et à la considération de ceux qui défendent et appliquent la doctrine
homœopathique. Il vous serait impossible de citer un seul fait qui pùt
motiver une pareille appréciation et en des termes aussi agressifs.

Il y a plus, M. Gallard n’a pas même pour excuse la précipitation
avec laquelle un journal est rédigé. Ses attaques ont été préparées de



14



SOMMATION.



longue main. C’est, en effet, dans une étude bibliographique écrite à
loisir, ayant préalablement exigé un examen attentif, une critique ap-
profondie, c’est dans un article rédigé à l’avance, disons-nous, que, de
sang-froid, M. Gai lard porte devant le public et contre une portion
notable du corps médical les accusations les plus graves et les plus posi-
tives, sous une forme que ne justifieraient ni les emportements de la
colère ni les entraînements du fanatisme.

Or, dans une discussion scientifique, une telle passion, allant jusqu’à
contester et même à nier la probité de ses adversaires et la sincérité de
leurs convictions, n’est pas moins sévèrement réprouvée par la raison
que condamnée par la morale et par la loi.

Nous venons donc vous demander, Messieurs, comme c’est notre droit
et notre devoir, de rétracter publiquement les expressions dont l’un de
vous s’est servi à l’égard des médecins qui pratiquent l’homœopathie, et
auxquelles Y Union médicale a prêté sa publicité. Par l’aveu d’une erreur
et d’une faute commise, l’honnête homme s’honore lui-même et ne fait
qu’ajouter à sa propre considération.

A cette rétractation, vous devrez ajouter la rectification de deux faits
avancés par M. Gallard :

1° M. Gallard se trompe en affirmant que le livre de M. Manec n’a
reçu aucune réfutation de la part des médecins homœopathes.

2° Il se trompe aussi lorsqu’il insinue que, ayant été plusieurs fois pro-
voqués à une discussion sérieuse, nous avons fui le combat au lieu de
l’accepter.

Nous avons entre les mains la preuve matérielle du refus fait par

Y Union médicale de donner accès dans ses colonnes aux réponses qui
lui ont été adressées par plusieurs de nos confrères.

Les collections du Journal de la Société homœopathique de Paris et de

Y Art médical sont là pour réfuter les erreurs de M. Gallard, et pour
montrer avec quel soin les journaux allopathiques, et notamment Y Union
médicale, évitent toute discussion doctrinale avec nous.

Nous espérons de votre équité, Messieurs, que cette lettre n’aura pas
le sort des réclamations qui l’ont précédée. Nous vous demandons, et au
besoin nous vous requérons de l’insérer en entier dans le plus prochain
numéro de votre journal, à titre é\e protestation de notre part au nomde tous
les médecins homœopathes de France, et de déclarer formellement que,
dans le passage cité, les expressions de M. Gallard ont dépassé, malgré
lui, nous voulons bien le croire, les limites de toute polémique honnête
et avouable.

Agréez, Messieurs, nos salutations.

Au nomde la Commission centrale homœopathique,

D r Pétuoz, président.

D r Léon Simon père, secrétaire général.



ASSIGNATION.



15



ASSIGNATION.

« L’an mil huit cent cinquante-sept, le 2 décembre, à la requête
de, etc (1).

» Tous les sus-nommés agissant et procédant dans le même intérêt, et
faisant élection de domicile à Paris, rue Drouot, n° 16, en l’étude de
M e Lesage, avoué près le tribunal civil de première instance de la Seine,
lequel est constitué et occupera sur la présente assignation et ses suites.

» J’ai, Edme-Jean-Baptiste Bourgeois, huissier près le tribunal civil de
la Seine, séant à Paris, y demeurant, rue delà Verrerie, n° 61 ,

» Soussigné, donné assignation à M. le docteur Amédée Latour, ré-
dacteur en chef du journal l 'Union médicale, demeurant au siège dudit
journal, à Paris, rue du Faubourg-Montmartre, n° 56, où étant et parlant
à la concierge de la maison ainsi déclarée,

» Et par copie séparée à MM. Gallard et Richelot ,

» A comparaître à la huitaine franche, délai de la loi, à l’audience et
par-devant Messieurs les présidents etjuges composant la première cham-
bre du tribunal civil de première instance de la Seine, séant au palais
de justice à Paris, dix heures du matin, pour :

» Attendu que le journal V Union médicale a publié dans son numéro
du samedi 2i octobre 1857 un article consacré à l’examen de deux ou-
vrages relatifs à la médecine homœopathique, dans lequel on lit le pas-
sage suivant : « L’homœopathie n’est plus une doctrine, encore bien
» moins une science : c'est un commerce exercé par quelques-uns au
» détriment de la science et de l’humanité; et, s’il est une époque où l'on
» a pu appliquer la méthode deHahnemann sans être un ignorant abject,
» un pauvre illuminé, ou un misérable charlatan, ce n’est certainement
» pas à l’époque actuelle. »

» Attendu que le même article contient d’autres passages dans lesquels
sont énoncés des faits attribués à certains médecins homœopathes, ou
dont la responsabilité rejaillit sur tous les médecins qui emploient cette
méthode, faits qui sont de nature à porter l’atteinte la plus grave à
l’honneur et à la considération desdits médecins, aussi bien qu’à nuire
essentiellement à l’exercice de leur profession ;

» Attendu qu’une lettre a été adressée au nom d’un certain nombre
des requérants au journal V Union médicale, à la date du vingt-neuf
octobre 1857, dans le but d’obtenir la rétractation publique des expres-
sions injurieuses contenues dans ledit article et la rectification des faits
y énoncés;

» Attendu que cette lettre n’ayant pas été insérée dans Y Union médi-
cale , il a été fait sommation à MM. Richelot et Gallard, par exploit du

(f) MM. Pétroz, Gastier, Léon Simon, Chargé, L. Molin, Cretiu, Escallier, Lebou--
cher, Love, Gucyrard, Audouit et Dcsternc, membre de la Commission centrale ho-
mœopalhique pour Paris,



16



ADHÉSIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES.



ministère de Roisin, huissier à Paris, en date du quatre novembre der-
nier, enregistré, d’avoir à insérer ladite lettre dans le plus prochain
numéro du journal ;

» Attendu que cette sommation est restée sans effet;

» Attendu que les attaques dont la médecine homœopathique et les
médecins qui l’exercent ont été l’objet dans l’article sus-mentionné et
qui vont jusqu’à nier la probité desdits médecins et la sincérité de leurs
convictions, causent évidemment aux requérants un dommage consi-
dérable ;

» Attendu que le préjudice s’aggrave encore par le refus du gérant de

Y Union médicale d’insérer dans ce journal la lettre sus-mentionnée, puis-
que ce refus condamne les médecins homœopathes à garder vis-à-vis des
lecteurs de Y Union médicale un silence dont se prévaut contre eux l’auteur
de l’article ;

» Attendu qu’aux termes de l’article 1 382 du Code Napoléon, tout fait
quelconque de l’homme qui cause un préjudice à autrui oblige celui par
le fait duquel il est arrivé à le réparer;

» Attendu que les requérants n’ont d’autre moyen d'obtenir la répa-
ration qui leur est due que de s’adresser à la justice;

» Farces motifs et tous autres à suppléer de droit et d’équité :

» S’entendre, MM. Latour et Richelot, rédacteur en chef et gérant du
journal l’ Union médicale , et Gallard, signataire dudit article, condamner
solidairement, par toutes les voies de droit et même par corps, à payer
aux requérants la somme de cinquante mille francs à titre de dommages-
intérêts pour le préjudice causé ;

» Voir ordonner l’insertion du jugement à intervenir dans le journal

Y Union médicale ainsi que dans quatre autres journaux de Paris, au
choix des requérants et aux frais de MM. Latour, Richelot et Gallard ;

» S’entendre condamner aux dépens, sous les réserves les plus éten-
dues de fait et de droit. »



ADHÉSIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICALE DU PREMIER ARRONDISSEMENT.

A monsieur le Président de /'Association de prévoyance des médecins

de la Seine.

Paris, le 8 jauvier 1858.

« Monsieur le Président,

» La Société médicale du premier arrondissement m’a chargé de vous
faire part de la décision suivante, qu’elle a prise à I’unanimité dans sa
séance du jeudi 6 courant.

» La Société médicale du premier arrondissement de Paris :



17



ADHÉSIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES.

» Considérant que l’article publié dans le journal l’Union médicale
du 2A octobre 1857, contient l’expression des sentiments naturels à tout
médecin honnête homme, sur la variété de charlatanisme médical qui
se décore du nom de doctrine ou médecine homœopathique ;

» Émet le vœu : que l’Association de prévoyance des médecins de la
Seine soit priée d’intervenir, autant qu’il lui sera possible, dans le
procès soulevé à propos de cet article, afin de soutenir de son appui et
de son action même au besoin , la dignité de la profession médicale
intéressée dans cette attaque.

» Daignez agréer, etc.;

» Au nom de tous les membres du bureau ,

» Le secrétaire général ,

» Signé : D r Mouzard. »

Les Sociétés savantes de Paris qui ont pris une délibération analogue
sont :

La Société médicale du 1" arrondissement,

— — 2 e arrondissement,

— — 3 e arrondissement,

— — 5 e arrondissement,

— — 7 e arrondissement,

( 1 )

— — 11 e arrondissement,

La Société anatomique,

La Société médicale d’observation,

La Société médico-pratique,

La Société médico-chirurgicale,

La Société médicale d’émulation ,

La Société des médecins des bureaux de bienfaisance.



L’Association a envoyé la circulaire suivante à ces diverses Sociétés,
qui s’étaient spontanément adressées à elle :

ASSOCIATION DES MÉDECINS DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE.

(Fondée par Orlila le 19 juillet 1833, reconnue par décret du 16 mars 1851.)

Paris, le 20 février 1858.

« Monsieur et très honoré confrère,

» J’ai soumis au bureau de l’Association et à la Commission générale
la résolution que vous m’avez fait l’honneur de me transmettre et par

(1) Plusieurs membres delà Société médicale du 8' arrondissement nous ont affirmé
que cette Société avait pris une décision dans le même sens; mais il faut que cette
délibération n’ait pas été expédiée, car on u’en retrouve aucune trace.



18



ADHÉSIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES.

laquelle la Société. ........ émet le vœu que l’Association de pré-
voyance des Médecins de la Seine donne un appui moral et, au besoin,
un appui matériel à M. le docteur Gallard dans l’action judiciaire qui
lui est intentée par les médecins homœopalhes.

)> Vous ne pouvez douter, Monsieur le Président, des sentiments de
sympathie qui nous animent tous pour notre honorable confrère, M. le
docteur Gallard, lequel, dans cette circonstance, s’est fait tout à la fois
le défenseur des saines doctrines et des intérêts de la dignité profession-
nelle. Mais, quel que puisse être le désir du Bureau et de la Commission
de témoigner à M. le docteur Gallard ces sentiments de sympathie, ils
ne peuvent s’engager par une intervention que n’autorisent pas les sta-
tuts de notre Association.

» D’après les termes de la demande dirigée contre M. le docteur Gal-
lard, ce n’est ni la question scientifique ni un droit se l’attachant direc-
tement à la profession médicale qui se débat devant le tribunal, il s’agit
uniquement d’apprécier si l’article incriminé a dépassé les droits qui
autorisent la liberté de la critique.

» Le Bureau, auquel a été adjointe une commission spéciale, a pensé
que la question était réduite à ces termes, l’association devant s’abstenir
de transformer ce débat par une intervention que n’autorisent pas les
statuts.

» Le Bureau regrette donc de ne pouvoir donner suite à la résolution
que vous avez bien voulu lui transmettre, et de n’avoir qu’un vœu bien
sincère à exprimer pour le succès de la cause de M. le docteur Gallard.

» Agréez, etc.

» Signé : Baron Paul Dubois. »



A cette circulaire, il a été répondu :

SOCIÉTÉ MÉDICALE DU PREMIER ARRONDISSEMENT.

Paris, le 25 mars 1858.

A Monsieur le Président de /'Association des Médecins de la Seine.

« Monsieur le Président,

» La Société médicale du premier arrondissement a chargé son bureau
de vous accuser réception de la lettre que vous avez bien voulu lui
écrire concernant le procès que va subir un de nos confrères, de la part
de médecins dits homœopathes.

» La Société craint de n’avoir pas été comprise par l’Association. Elle
ne demandait pas l’appui matériel de cette dernière, et elle trouve bien
tiède, bien restreinte la sympathie qu’exprime la lettre dont le bureau
de la Société du premier arrondissement a l’honneur de vous accuser
réception.

» Ce que notre compagnie avait désiré était une manifestation mo-
rale à laquelle elle croyait la dignité de la profession intéressée.



19



MÉMOIRE DU DOCTEUR GALLARD.

» Elle regrette de voir l’Association restreindre volontairement son
rôle à celui d’une association de charité, quand on ne sollicitait d’elle
quoi que ce soit de semblable.

» Elle pense qu’on pouvait faire mieux, et elle a été affligée devoir
déserter les saines traditions, quand une bonne occasion était offerte de
les soutenir.

» Veuillez agréer, Monsieur le Président, etc.

» Le Président, » Le Secrétaire général,

' » Signé : Béhier. » Signé . l) r Mouzard. »



NOTE SCIENTIFIQUE

SUR LA DOCTRINE DITE HOMOEOPATHIQUE

A l’occasion ou procès intenté au journal

L’UNION MÉDICALE,

Dans la personne de MM. G. Richelot, gérant ;

A. Latour , rédacteur en chef ;

T. Gallard, auteur de l’article incriminé.



EXPOSÉ DE L’AFFAIRE.

Douze personnes se disant membres d’une prétendue commission
centrale homœopathique, nous demandent 50,000 francs de dommages-
intérêts pour avoir, dans un article publié le 2A octobre 1857 par le
journal l'Union médicale , porté atteinte à leur honneur et à leur consi-
dération, ainsi que pour avoir nui à l’exercice de leur profession.

M c Amiral, qui a bien voulu se charger de défendre l’auteur; M'Beth-
mont, qui a consenti à prêter au journal son puissant concours, et
M e Victor Lefranc, qui veut bien se présenter pour le rédacteur en chef,
assistés de M e Émile Adam, avoué, démontreront, nous en sommes con-
vaincus, non-seulement le mal fondé de la demande, mais encore que
les demandeurs doivent être considérés comme non-recevables.

Pleins de confiance dans nos honorables avocats, nous leur laissons
le soin de discuter la question au point de vue juridique. Mais, pour
justifier la forme et le fond de notre article, nous demandons au tribunal
la permission de lui exposer la doctrine homœopathique, son origine,
ses conséquences pratiques et les dangers qui peuvent résulter de son
application, en ayant soin de citer, à l’appui de notre opinion, la relation
des expériences tentées par les maîtres les plus illustres et les jugements
qu’ils ont portés sur l’homœopathie.



2o



MÉMOIRE

Si le tribunal veut bien prendre connaissance des faits et des docu-
ments que nous avons recueillis, et que nous avons l’honneur de mettre
sous ses yeux, il comprendra et il approuvera, nous osons l’espérer, la
sévérité des appréciations contenues dans l’article incriminé.

Richelot, A. Latour, T. Gallaud.



« L’homœopathie est vraie ou mensongère.

» L’homœopathie est une mystification ou une doctrine
» sérieuse. Daus le premier cas, on ne saurait trop se hâter
» d’en délivrer le monde en ouvrant les yeux aux cré-
» dulf.s et en démasquant les fourbes. »

(Chargé. — • L’Homœopathie et ses détracteurs.)

Vers la fin du siècle dernier, en 1790, un rêveur allemand, Hahne-
mann, essaya de résoudre la question que Molière avait si malicieuse-
ment posée aux médecins de son temps : « Pourquoi les médicaments
guérissent-ils? Pourquoi l'opium fait-il dormir { 1) ? »

Rien n’est si aride, si obscur que la recherche des causes premières,
car il reste toujours quelque chose à éclaircir au delà du point que l’on
est une fois parvenu à élucider, et la solution du problème se trouve
toujours reculée sans pouvoir être jamais donnée d’une façon défi-
nitive (2). Chacun sait à quelles erreurs ou à quelles illusions peut con-
duire cette recherche, et, de nos jours, on ne voit plus que les exaltés
ou les esprits creux s’égarer dans une semblable voie. Hahnemann s’y
engage pourtant sans sourciller, et peu satisfait de la naïve et modeste
réponse mise par le grand satirique dans la bouche de son héros, il
imagina d’en faire une, non-seulement différente, mais diamétralement
opposée, en disant : « Non, les médicaments ne guérissent pas parce
qu’ils ont une vertu curative; non Y opium n'endort pas parce qu’il a une
vertu dormitive ; bien au contraire, si les médicaments guérissent, c’est
qu’il y a en eux un principe morbifique capable de donner justement la
maladie qu’ils sont destinés à guérir ! Si l'opium fait dormir , c’est qu’il
ij a en lui une vertu excitatrice capable de chasser le sommeil ! . .. »

Et l’homœopathie fut inventée !. ..

(1) Sait-on comment l’opium a produit la stupeur? pas mieux qu’on ne sait com-
ment le mercure a éteint la syphilis. — Dans les deux cas on est parti d’un fait expé-
rimental, et c’est le caractère de toutes les sciences d’observation — seules les mathé-
matiques et la métaphysique sont affranchies de cette nécessité (Trousseau et Pidoux,
Introduction au Traité de thérapeutique et de matière médicale, p. 61).

(2) On demandait un jour à Newton pourquoi il marchait quand il en avait envie?
et comment son bras et sa main se remuaient à sa volonté. Il répondit qu’il n’en
savait rien. — Mais du moins, lui dit-on, vous qui connaissez si bien la gravitation
des planètes, vous me direz par quelle raison elles tournent dans . un sens plutôt que
dans l’autre ; et il avoua encore qu’il n’en savait rien.

Quelqu’un a-t-il jamais su dire précisément comment une bûche se change dans
son foyer en charbon ardent, et par quelle raison la chaux s’enflamme avec de l’eau
fraîche.

Le premier principe du mouvement du cœur dans les animaux est-il bien connu?



DU DOCTEUR GALLARD.



21



I.

PRINCIPE FONDAMENTAL DE l’hOMOEOPATHIE .

Similia similibus curantur.

Un semblant d’expérience paraissait pouvoir en quelque sorte autoriser
une si étrange conclusion. Mais cette simple et unique expérience , qui
t’ait à elle seule tout le fond de la doctrine, ne supporte pas le plus léger
examen et n’autorise pas le moins du monde les conséquences qui en
ont été déduites.

C’est à propos de l’action curative du quinquina, guérissant si mer-
veilleusement les fièvres intermittentes, que Hahnemarin s’évertua à re-
chercher pourquoi ce médicament jouit d’une semblable propriété. Il
pensa qu’en expérimentant son action sur des personnes en santé, il par-
viendrait à élucider le mystère de sa vertu fébrifuge. Le quinquina, ainsi
essayé, développa chez les individus soumis à l’expérience, un peu de
chaleur et une légère accélération de la circulation se traduisant à l’ex-
térieur par un peu de rougeur ou de coloration de la peau, plus parti-
culièrement de celle du visage, et par une petite élévation du pouls.
Hahnemann crut, dans la réunion de ces symptômes essentiellement légers
et fugaces , voir un véritable accès fébrile, et il s’empressa de dire : Le
quinquina , qui guérit la fièvre intermittente, a pour propriété de com-
muniquer cette même fièvre aux personnes bien portantes auxquelles on
l’administre; donc, pour guérir une maladie quelconque , il faut choisir un
médicament capable de produire cette même maladie chez une personne en
santé.

Sait-on bien nettement comment la génération s’opère? A-t-on deviné ce qui nous
donne les sensations, les idées, la mémoire ?

Pour découvrir un peu ce qui se passe en moi,

Je m’en vais consulter le médecin du roi.

Sans doute il en sait plus que ses doctes confrères ;

Je veux savoir de lui par quels secrets mystères
Ce pain, cet aliment, dans mon corps digéré,

Se transforme en un lait doucement préparé?

Comment toujours filtre dans scs routes certaines
En longs ruisseaux de pourpre il court enfler mes veines,

A mon corps languissant rend un pouvoir nouveau,

Fait palpiter mon cœur et penser mon cerveau?
il lève au ciel les yeux, il s’incline, il s’écrie :

Dcmandes-le à ce Dieu qui nous donna la vie.



Je n'imiterai point ce malheureux savant
Qui des feux de l’Etna scrutateur imprudent,

Marchant sur des monceaux de bitume et de cendre
l ut consumé du feu qu’il cherchait à comprendre.

(Voltaire — Dict. Philosophique.)



22 MÉMOIRE

Une seule expérience, faite sur uri seul médicament, et cela suffit pour
arriver à bouleverser toute la médecine, en concluant d’une façon aussi
générale quenousvenons de le dire ! ■ — Qui n’estsurprisd’une telle préci-
pitation? Qui peut reconnaître dans une semblable manière d’agir, le calme
et le recueillement dignes du savant et surtout du philosophe qui veut
systématiser? Et cependant ce n’est pas dans l’empressement irréfléchi
vers une généralisation trop rapide que consiste seulement la faute
deHahnemann. On peut lui adresser un reproche bien plus grave encore,
car il y a, dans sou expérience, une erreur capitale, une de ces méprises
qu un élève en médecine ne commettrait pas.

Les symptômes que Hahnemann a pu déterminer, soit en prenant lui-
même du quinquina, soit en l’administrant à d’autres personnes bien
portantes, ne sont pas ceux d’un accès de fièvre intermittente. A-t-il
observé ce frisson, cette sensation de froid prolongé avec horripilations,
claquements de dents et production de cet état particulier vulgairement
désigné sous le nom de chair de poule; toutes circonstances qui signalent
le début des accès de fièvre intermittente? Non, certes , et il n’a pas vu
davantage cette chaleur sèche, brûlante, avec soif vive, bouche aride et
plus ou moins pâteuse qui succède au frisson et constitue la deuxième
phase du véritable accès fébrile; enfin, il a bien moins encore rencontré
cette sueur abondante avec abattement, prostration des forces, qui ne
manque jamais à la suite de l’accès dû à la fièvre intermittente. De
plus, le quinquina, administré à un individu bien portant, ne détermine
pas un mouvement intermittent, c’est-à-dire se reproduisant périodique-
ment comme les véritables accès fébriles. Le quinquina ne produit pas
ces symptômes, et il n’est pas un homme intelligent qui ne puisse s’en
convaincre facilement, s’il veut prendre la peine d’interroger à ce sujet
les personnes (et elles sont nombreuses à Paris, surtout parmi les jeunes
filles et les jeunes femmes) qui prennent habituellement du quinquina,
soit en poudre, soit en pilules, soit, et plus communément, à l’état de
vin de quinquina.

Ce que ces personnes éprouvent après avoir pris leur médicament,
c’est, nous le répétons, un peu de chaleur développée d’abord vers l’es-
tomac, puis se répandant dans tout le corps, absolument comme si elles
venaient de boire un peu de vin généreux, de la liqueur, du café ou du
thé; et pourtant personne n’a songé à accuser ces substances de déter-
miner des accès de fièvre intermittente. Elles tonifient, elles remontent
les forces, voilà tout; mais elles ne produisent ni ne guérissent la ma-
ladie désignée sous le nom de fièvre paludéenne ou intermittente. Quant
au quinquina, il ne fait pas autre chose chez les individus bien portants ;
il a des propriétés toniques analogues à celles du vin, de l’alcool ou du
café; mais en outre il possède une propriété fébrifuge qu’il ne partage
pas avec ces substances. Cette vertu lui est bien spéciale et ne paraît
avoir aucun rapport avec les propriétés toniques qui lui sont communes
avec un grand nombre de médicaments, car elle ne se retrouve dans
aucun de ces derniers.

Ce que nous avançons ici n’est pas une opinion personnelle édifiée



DU DOCTEUR CALLARD.



23



pour le besoin de la cause, et il nous suffira d’ouvrir les ouvrages de
médecine les plus répandus pour apporter un grand nombre de citations
avec le témoignage des hommes les plus justement célèbres à l’appui de
ce que nous venons de dire.

Ainsi, M. Andral annonce en pleine Académie de médecine (séance
du 17 mars 1835) que « le quinquina expérimenté par lui n’a jamais
» produit de mouvement fébrile ni rien qui ressemblât à une fièvre in-
» termittente. »

Et Double , confirmant ce que son collègue vient de dire, ajoute : « En
» 1801, M. Dumas (de Montpellier), considérant la fièvre comme un
» excellent moyen de guérison, cherchait les moyens de la produire ar-
» tificiellement. Pendant quatre mois nous prîmes lui et moi du quin-
» quina à toutes doses; nous n’eûmes jamais un accès de fièvre. » ( Pro-
cès-verbaux de l'Académie , et Archives générales de médecine , 2 e série,
t. VIÏ, p. 407.)

MM. Trousseau et Pidoux disentdans leur traité de thérapeutique, qui
est entre les mains de tous les praticiens et de tous les élèves: « Huit
» grammes de poudre de quinquina jaune arrêtent une maladie qui
» allait foudroyer l’organisme; ils n’ont ce merveilleux effet que dans
» certains cas bien déterminés. — Tout homme sain peut prendre la
» même dose sans s’en apercevoir, et il a fallu la pierre de touche qu’on
» nomme une maladie paludéenne pour déceler dans le quinquina cette
» puissante action. Personne ne l’aurait déduite de ses propriétés sur
» l’homme sain, de sa composition chimique, etc. » (. Introduct ., p. 60.)

M. Requin, professeur à la Faculté de médecine, médecin de l’Hôtel-
Dieu, membre de l’Académie, etc., et auteur d’un ouvrage de médecine
également classique, dit : « Ce fut pour expliquer l’action spécifique du
» quinquina contre la fièvre intermittente que Hahnemann vint à con-
» cevoir l’idée mère, le principe suivant moi chimérique de son très
» chimérique système. Un beau jour il s’imagina de s’administrer le
» quinquina. Et puis il s’imagina éprouver, sous l’influence de cet agent,
» unefièvre intermittente. Peut-être l’éprouva-t-il effectivement, tant il y
» a dans la nature de hasards infiniment variés qui peuvent prêter appui,
» si l’on veut, à tous les systèmes imaginables! » ( Homœopathie , p. 5).

Enfin M. Jeanncl, professeur à l’École de médecine de Bordeaux, est
encore plus explicite s’il est possible.

« Le quinquina guérit la fièvre parce qu'il la donne. Ce fait fonda-
» mental, découvert par Hahnemann, et qui a engendré toute sa doc-
» trine médicale, je le déclare radicalement erroné, controuvé, imagi-
» naire et faux.

» J’ai considéré l’action des médicaments comme l’objet de la plus
» sérieuse étude, et c’est sur moi-même que j’ai expérimenté les agents
«les plus énergiques de notre matière médicale. — J’ai expérimenté
» sur moi-même un grand nombre de fois, et à différentes doses, le
» sulfate de quinine, l’écorce de quinquina calisaya sous différentes
« formes , etc.

» Depuis vingt ans j’étudie l’action des médicaments, souvent sur



24 MÉMOIRE

» moi-même, comme je viens de le dire, et bien plus souvent sur les
» malades soumis à mon observation. Me trouvant malade ou jouissant
» d’une bonne santé, j’ai pris maintes fois du quinquina, j’en ai admi-
» nistré à des sujets fébricitants ou seulement débilités, et j'ai acquis la
» certitude la plus absolue de ceci :

» Le quinquina n’a pas pour effet thérapeutique de causer la fièvre.

» Enfin , je défie tous les homœopathes de l’univers de me donner la
» lièvre en m’administrant du quinquina. Ils me donneront beaucoup
» d’ennui en m’obligeant à écouter ou à lire leurs dissertations et en
» m’imposant la tâche de détromper le public sur leurs erreurs volon-
» taires ou involontaires, mais ils ne me donneront jamais la fièvre en
» m’administrant le quinquina. En présence d’une commission com-
» posée de tous les homœopathes que vous voudrez et d’un nombre égal
» de confrères choisis par moi, je m’engage solennellement à prendre,

» pendant huit jours de suite (me soumettant d’ailleurs au régime pres-
» crit par l’homœopathie), une quantité de quinquina égale à celle qu’on
» donne ordinairement comme fortifiant ou comme fébrifuge, ou bien
» les préparations de quinquina homœopathiques, le tout à votre choix;

» et si ces préparations me causent un accès de fièvre caractérisé par
» les trois périodes (frisson, chaleur, sueur) , je promets de consacrer .
» 500 fr. à l’œuvre de charité que vous m’indiquerez, et je signe de
» mon nom.

» J. Jeannel, d. m. p.

» Si, au contraire, l’expérience ne réussit pas, vous ne devrez rien...,

» que vous taire.

» Et je n’admets pas qu’il vous soit possible d’équivoquer, d’éluder
» et de me payer de belles paroles. — J’ai rangé les homœopathes
» parmi les charlatans, et ils m’ont répondu par un déluge d’invectives,

» de citations , de prophéties : c’est fort bien. — Aujourd’hui il ne
» s’agit plus d’invectiver, de citer, de déclamer et de prophétiser ; il
» s’agit de me donner la fièvre avec du quinquina, et de vérifier une
» bonne fois votre axiome fondamental.

» J’ai accepté le défi que vous adressiez fièrement au monde entier.

» J’ai nié formellement l’axiome fondamental de l’homœopathie et j’ai
» proposé de le vérifier sur moi purement et simplement — A cette
» proposition loyale d’un homme qui vous défie de reproduire sur lui-
» même, aux dépens de sa propre santé, le. phénomène fondamental de
» votre doctrine, vous répondez : L' adversaire de V homéopathie a fait
» feu trop tôt , il trouvera , clans la suite de notre travail , l'occasion d'exer-

» cer avec plus d' à-propos la vigueur de son argumentation Vous refu-

« sez , par une fin de non-recevoir, une expérience loyale, sérieuse,

» solennelle, décisive Il est toujours à propos de vérifier un fait

» scientifique lorsqu’il est contesté.

» Essayez de me proposer, à moi, une expérience, une seule, surl’ac-
» tion des médicaments réels que je prescris tous les jours.

» Défiez-moi, s’il vous plaît, de constater sur vous-même l’action de



Dü DOCTEUR GALLARD.



25



» l’émétique, de la belladone, de l’ipécacuanha ou de la morphine.

» Certes, les conditions de l’expérience ne seront pas longues à régler ; je
» ne trouverai pas que vous faites feu trop tôt et qu'il se présentera plus
» tard une meilleure occasion d’exercer la vigueur de votre argumentation.

» Continuez donc vos prédications homœopathiques, mais vous avez
» perdu le droit de réclamer, lorsque je continuerai de dire, d’écrire et
» d’affirmer ceci : Le fait fondamental découvert par Hahnemann et
» qui a engendré toute la doctrine homœopathique, est radicalement
» erroné, controuvé, imaginaire et faux.

» Le quinquina ne donne pas la fièvre.

» Je défie tous les liomœopathes de l’univers de me donner la fièvre en
» m’administrant du quinquina. »

(Jeannel. — Lettres sur L homœopathie. — Réponse à M. le comte
de Bonneval, médecin homœoputhe.)

IL

CONSÉQUENCE FORCÉE DE CE PRINCIPE. — LES DOSES INFINIMENT PETITES. —
PRÉPARATION DES MÉDICAMENTS HOMOEOPATHIQUES.

Nous venons de voir Hahnemann formulant avec l’irréflexion et la
légèreté les plus impardonnables un principe qui doit renverser toutes
les idées reçues en médecine. Ce principe est faux, nous le savons, et
nous l’avons surabondamment démontré. Voyons néanmoins com-
ment il sera appliqué et quelles conséquences pratiques vont en être
déduites. — En vertu de ce fameux axiome dont la vérité vient de lui
être si subitement révélée, Hahnemann, placé en face d’un malade, n’aura
plus qu’une chose à se demander : quelle est la substance capable de
déterminer chez une personne bien portante la maladie que j’ai à traiter?
Tous ses soins doivent donc se borner à la recherche de ce précieux
médicament qui, seul, pourra triompher du mal d’après te principe ci-
dessus exposé.

Les occasions ne tardèrent pas à se présenter et Hahnemann s’em-
pressa de prescrire aux malades, assez mal inspirés pour venir le con-
sulter, les médicaments qu’il crut devoir être les plus propres à produire
une maladie semblable à celle dont ils étaient atteints.

Mais, loin d’amener une prompte et rapide guérison, comme il
l’espérait, il ne fit ainsi qu’aggraver leur état (1).

(1) Voir à ce sujet les livres de Hahnemann lui-même, surtout VOrganon, et la
brochure de M. Magnan , médecin homœopathe, qui dit : « Les aggravations dont
" Hahnemann fut souvent témoin l'obligèrent à descendre à de petites doses telles
» qu’une goutte, une demi-goutte, et même un quart de goutte de teinture.... Mais
» dans certains cas ces doses déjà minimes ayant semblé encore trop fortes, il fallut
» atténuer davantage. »



(De l' homœopathie, p. 87.



26



MÉMOIRE

En présence d’un pareil résultat, qu’eût fait un savant, un philosophe,
un honnête homme enfin, mû tout simplement par le désir de trouver
la vérité et de se rendre utile à ses semblables? Nous le demandons à
tout homme de bonne foi, médecin ou autre, ne devait-il pas conclure :
Le système qui m’a conduit dans cette voie est absurde, l’expérience
aussi bien que la raison répugne à le faire admettre; abandonnons-le
au plus vite. Mais Hahnemann ne sut pas se résoudre à un tel aveu.

Ne nous occupons pas pour le moment du mobile qui le fait agir. Et,
sans nous inquiéter de savoir s’il obéit, soit aux conceptions délirantes
d’un cerveau malade qui prend ses rêves pour des réalités, soit aux sug-
gestions que l’appât du gain ou un désir immodéré de renommée peut
dicter à un ambitieux vulgaire, suivons-le dans le développement de
son système pour voir à quelles conséquences absurdes il va se trouver
fatalement entraîné.

Un jour donc il s’éveille avec cette idée : les médicaments guérissent
parce qu’ils ont la propriété de produire la maladie qu’ils sont destinés
à combattre; et, sans plus attendre, il s’empresse de soumettre ses ma-
lades aux conséquences désastreuses de cette idée bizarre. Les résultats
les plus funestes ne l’arrêtent pas ; le système ne peut avoir tort, et si
l’expérience lui est défavorable, c’est que l’expérience est mauvaise ou
mai instituée. ïl aggrave l’état de ses malades au lieu de l’améliorer,
peu lui importe, il n’en persiste pas moins dans sa manière de voir, et
s il lui vient à l’esprit de supposer que cette aggravation peut bien tenir
à ce qu’il leur prescrit des médicaments capables de leur donner une
maladie semblable à celle dont ils sont atteints, il ne renoncera pas pour
cela à cette manière de faire.

Cependant cette aggravation de l’état du malade, sous l’influence de
sa méthode, était visible, même aux yeux les moins clairvoyants, et le
gênait considérablement; aussi s'évertua-t-il à trouver les moyens d’y
obvier. Un expédient fort simple ne tarda pas à se présenter à son esprit,
ce fut de diminuer les doses des substances médicamenteuses. Dès lors,
et on le conçôit aisément, les inconvénients devinrent de moins en moins
sensibles, jusqu’à être tout à fait nuis quand les doses furent réduites à
leur plus simple expression, c’est-à-dire à néant. Quelques gouttes d’un
médicament capable de produire une maladie semblable à celle dont le
patient était atteint, faisaient empirer son état : on n’en donna plus
qu’une moitié, un quart de goutte; mais, comme alors encore on en
sentait parfois l’effet, on descendit à un centième, à un dix-millième, à
un millionième de goutte, ou même moins; c’est-à-dire qu’on en vint
à ne plus rien donner du tout, et, à dater de ce moment, l’aggravation
n’eut plus lieu... par l’effet du remède, du moins.

On ne donna plus rien du tout, avons-nous dit. C’est ce qu’il s’agit de
prouver, et cela sera facile, car il nous suffira d’indiquer comment on
procède pour préparer les médicaments homœopathiques. Cette prépa-
ration, une fois bien connue, la doctrine croule d’elle-même, et nous
sommes certains qu’il n’y a pas au monde un seul homme sensé et in-
telligent qui soit capable de croire à la vertu des médicaments liomœo-



DU DOCTEUR GALLARD.



27



pathiques, quand une fois il sera bien édifié sur la façon dont ils sont
composés, et surtout quand il les aura vu préparer d'après les règles
tracées par Hahnemann.

Vous prenez une goutte d’un médicament quelconque (1) (supposons,
si l’on veut, la substance la plus active qui se puisse imaginer, le poison
le plus énergique et le plus subtil dont on ait jamais entendu parler, une
de ces substances dont une goutte suffirait pour foudroyer un homme),
vous mettez cette goutte dans un flacon avec cent gouttes d’alcool recti-
fié (esprit-de-vin) ; vous agitez, et vous avez un mélange que les homœo-
paihes appellent la première dilution.

(1) On prend un grain de la poudre de ces substances (un grain de mercure coulant,
une goutte de pétrole au lieu d’un grain, etc.), et ou le met sur environ le tiers de
cent grains de sucre de lait pulvérisé, dans une capsule de porcelaine ; on mêle en-
semble les deux poudres avec une spatule d’os ou de corne, et on broie le mélange
avècuue certaine force pendant six minutes; puis pendant quatre autres minutes on
presse la masse avec le pilou contre le fond de la capsule pour la rendre bien homo-
gène, et l’on continue pendant quatre minutes à la broyer avec une égale force sans y
rien ajouter. Cela fait, on consacre encore quatre minutes à la presser de haut en bas et
de bas en haut avec le pilon, et on la dépose sur le second tiers du sucre dé lait, au-
quel on la mêle un instant avec la spatule ; on la broie d’une manière égale pendant
six minutes, puis on la presse encore pendant quatre, et enfin, on la rebroie de nou-
veau avec force pendant six autres ; alors, après avoir consacré quatre autres minutes
à la presser, on y ajoute le dernier tiers du sucre de lait, qu’on y mêle bien au moyen
de la spatule, et on termine l’opération en broyant fortement pendant six minutes,
pressant pendant quatre et rebroyant de nouveau pendant six. La poudre aiusi obtenue
est conservée dans un flacon bouché, qui porte le nom de la substance avec la suscrip-
tion uio, indiquant que le remède qu’il contient est à la centième puissance.

Pour élever alors la substance à ïbàioü, ou à la dix-millième puissance, on prend un
grain de la poudre Too, on le met dans la capsule avec le tiers de cent grains de sucre
de lait récemment pulvérisé; on mêle le tout ensemble avec la spatule, et Ton pro-
cède comme ci-dessus, en ayant soin que chaque tiers soit deux fois broyé avec force,
pendant six minutes chaque fois, et pressé dans l’intervalle pendant environ quatre
minutes, avant qu’on ajoute le second et le troisième tiers du sucre de lait, après l’ad-
dition de chacun desquels on recommence de la même manière. Tout étant fini, ou met
la poudre dans un flacon bouché, avec la suscription io,uO°, indiquant que la matière
médicinale se trouve au dix-millième degré de dilution.

En agissant de même avec un grain de cette nouvelle poudre, ou la porte à 7, c’est-
à-dire à la millionième puissance.

Ainsi chaque dilution exige six fois six minutes de broiement et six fois quatre
minutes de frottement, ce qui fait plus d’une heure pour chacune.

Pour établir de l'uniformité dans la préparation des médicaments homœopathiques,
et notamment des antipsoriques, au moins sous forme de poudre, il est nécessaire que
toutes les substances médicinales soient amenées à la millionième puissance, ni plus
ni moins. De cette manière on a ensuite un point de départ fixe pour préparer les dis-
solutions et les dilutions nécessaires de ces dissolutions. Tous les médicaments qui
ont été amenés eu poudre à la millionième puissance, se dissolvent dans l’eau et dans
l’alcool, et peuvent ainsi être réduits sous forme liquide.

La première dissolution ne peut point avoir lieu avec de l’alcool pur, parce que le
sucre de lait ne se dissout point dans ce véhicule. On l’opère donc au moyen de l’alcool
aqueux, que l'on prépare d’une manière uniforme en mêlant ensemble par dix secousses



28 MÉMOIRE

Cette première dilution n’est pas celle qu’ils emploient, le médica-
ment y est encore en trop grande quantité , il a besoin d’être atténué
davantage. Pour cela faire, on prend une goutte de cette première dilu-
tion, on la mêle à cent nouvelles gouttes d’alcool ; on agite comme pré-
cédemment et on a la deuxième dilution. Remarquez bien que chaque
goutte de la première dilution ne contient qu’un centième de la goutte
du médicament employé , puisque celte goutte primitive a été mélangée
à cent gouttes d’alcool pour constituer cette première dilution. On prend
une goutte de la première dilution , soit un centième de la goutte pri-
mitive, que l’on mêle à cent gouttes d’alcool pour former la deuxième
dilution; chacune des gouttes de cette deuxième dilution renfermera
donc seulement un centième de centième ou un dix-millième de la
goutte primitive.

On commence déjà à comprendre que cette fameuse goutte, qui
aurait pu avoir une action énergique si on l’eût employée tout entière ,
n’en aura plus qu’une très problématique lorsqu’au lieu de l’adminis-
trer à une seule personne , on la divisera entre tous les individus com-
posant une armée de dix mille hommes. Mais ce n’est rien encore. Quel
est l’homœopathe qui voudrait employer la deuxième dilution? Donner
en une seule fois un dix-millième de goutte d’un médicament, mais ce
serait énorme , monstrueux , ce serait une dose massive.

On prend donc une goutte de la deuxième dilution, soit, comme nous
venons de l’établir, un dix-millième de la goutte primitive, et on la
mêle encore à cent gouttes d’alcool, on agite et on a la troisième dilu-
tion , de laquelle chaque goutte renferme seulement un millionième de
goutte de la substance employée.

Puis on procède à la confection de la quatrième dilution, en mêlant

c’est-à-dire par dix tours de bras, cent gouttes d’eau distillée et cent gouttes d’alcool
absolu, tous deux à la température des caves.

On verse cent gouttes de l’alcool aqueux ainsi préparé sur un grain de la poudre
médicamenteuse (1) amenée à la millionième puissance, on bouche le flacon, on le
tourne lentement sur lui-même jusqu’à ce que la poudre soit dissoute, et on le secoue
deux fois, c’est-à-dire par deux tours de bras. Cela fait, on met le nom du médicament
sur le flacon, avec la suscription üxjT- Une goutte de cette liqueur, qu’on fait tomber
dans quatre-vingt-dix-neuf à cent gouttes d’alcool pur, après quoi on bouche le flacon,
et on lui imprime deux secousses, donne un médicament que l’on marque 7o,oooi. Une
autre goutte de celui-ci, qu’on secoue également deux fois dans un flacon avec quatre-
vingt-dix-neuf ou cent gouttes d’alcool pur, procure un nouveau médicament, auquel
on donne pour signe 7i. On continue de même pour toutes les dilutions qui doivent
être portées à des degrés supérieurs de puissance, en ne donnant chaque fois que deux
secousses au mélange.

Comme la secousse ne doit avoir lieu que par des coups modérés du bras dont la
main tient le petit flacon, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de choisir des flacons
dont la capacité soit telle que les cent gouttes du médicament étendu les remplissent
jusqu’aux deux tiers, ni plus ni moins. (Exposition de la Doctrine homœopathique ou
Organon de l'art de guérir, par S. HahnemAnn, accompagné de fragments des autres
ouvrages de l'auteur et suivie d’une pharmacopée homœopathique ; nouvelle traduction
par Jourdan, — Paris, 1832. — Pag. 410 et suiv.)



DU DOCTEUR GALLARD.



29



une goutte de la troisième à cent gouttes d’alcool; de la cinquième, en
mêlant une goutte de la quatrième à cent gouttes d’alcool, et ainsi de
suite. On est allé , dit-on , jusqu’à la seize-millième dilution ; mais d’ha-
bitude, on se contente de la trentième ou même de la douzième, et
c’est déjà bien assez pour qu’il n’y ait plus rien.

Pas n’est besoin d’être profondément versé dans la connaissance des
sciences médicales pour comprendre ce que doit valoir un médicament
ainsi préparé; il suffit du bon sens le plus vulgaire pour cela. Si cepen-
dant il restait encore quelque hésitation dans l’esprit d’une personne
prévenue, nous lui dirions: Prenezun tout petit ilacon, faites tomber dans
son intérieur une goutte d’un médicament quelconque , puis rincez-le
trente fois de suite , avec cent gouttes d’eau ou d’alcool chaque fois, en
l’agitant fortement et le vidant après chaque opération assez complète-
ment pour ne laisser qu’une seule goutte de liquide dans son intérieur ;
à la trentième fois, vous croirez sans doute que votre flacon est bien
propre et ne renferme plus que de l’alcool parfaitement pur. — Eh bien!
vous serez dans l’erreur la plus profonde. — Tous les homœopathes
vous diront que vous avez , non pas de l’alcool pur, comme vous le
pensez , mais la trentième dilution de la substance médicamenteuse
dont vous aviez mis une goutte dans le flacon. Au lieu de nettoyer ce
dernier en faisant passer successivement de l'alcool dans sa cavité pen-
dant trente fois de suite, vous n’avez fait que développer, par l’agita-
tion et le frottement, la puissance médicamenteuse de cette goutte que
vous vouliez chasser; aussi vous reste-t-il un médicament des plus
actifs et des plus énergiques. — Vous ne le croirez pas sans doute. —
Tans pis pour vous , car c’est ainsi que se préparent les médicaments
homœopathiques.

Quand on arrive à la trentième dilution, on a divisé la goutte du
médicament employé en autant de parties qu’il y a d’unités dans un
nombre composé de soixante chiffres. — Ce qui plaît surtout à Halme-
mann dans cette préparation, c’est que les médicaments ne s’y pré-
sentent plus dans leur état ordinaire ou grossier , et n’ofïrent plus au-
cune des propriétés grâce auxquelles on pourrait reconnaître leur
présence : « Découverte, ajoute-t-il fièrement, dont j’ai le premier fait
» part au monde (1), » oubliant que cette découverte constitue juste-
ment le plus grave reproche adressé à ses préparations médicamen-
teuses ; — car, en vertu de l’axiome ex nihilo nihil , personne , excepté
lui, ne s’étonne que ses dilutions ne présentent plus aucun des carac-
tères propres à faire reconnaître la substance primitivement employée.

Veut-on savoir dans quelle quantité d’alcool devrait être délayée une
goutte de médicament pour être ramenée en entier à la trentième dilu-
tion? — Le calcul est bien simple ; tout le monde peut le faire avec
nous, sans recourir à l’algèbre, et nous allons 1 indiquer en reprenant
la préparation des dilutions telle que nous l’avons déjà exposée; après
cela nous n’aurons plus à revenir sur cette question.

(1) Traili 1 des maladies chroniques, t. I, p. 229.



30



MÉMOIRE



Vous prenez, avons-nous dit, une goutte d’un médicament quelcon-
que, vous la mêlez à cent gouttes d’alcool pour constituer la première
dilution.

Si vous voulez faire passer une goutte de cette première dilution à la
deuxième, il vous faudra cent gouttes d’alcool, mais si vous voulez y
faire passer les cent gouttes (qui représentent la totalité de la goutte pri-
mitive), il vous en faudra cent fois plus; or, cent fois cent gouttes font
dix mille gouttes ou un demi-litre environ.

Pour ramener ces dix mille gouttes ou ce demi-litre à la troisième
dilution, il nous faudra cent fois dix mille gouttes, soit un million de
gouttes, ou cent fois un demi-litre, soit cinquante litres. Ainsi une
goutte de médicament et cinquante litres d’alcool, voilà la troisième di-
lution.

Pour faire passer ces cinquante litres à la quatrième dilution, il faut
cent fois plus d’alcool. — Cent fois cinquante litres représentent cinq
mille litres,

Qui, pour passer de la quatrième à la cinquième dilution, exigeront
cinq cent mille litres,

Lesquels, pour être ramenés à la sixième dilution, demanderont cin-
quante millions de litres,

Ces cinquante millions de litres, pour passer à la septième dilution,
exigeront 5,000,000,000 de litres ou cinquante millions d’hectolitres.

Une goutte d’une substance aussi énergique qu’on peut la supposer
délayée dans cinquante millions d’hectolitres d’esprit-de-vin, et l’on ose
nous dire qu’il y a quelque chose, et on veut nous faire prendre cela
pour un médicament !

Cependant nous ne sommes encore qu’à la septième dilution ; à la
treizième il faudrait une quantité d’alcool vingt fois plus considérable
que la quantité d’eau répandue dans toutes les mers du globe. « Et
» quand vous auriez une sphère qui, ayant la terre pour centre, serait
>) capable de renfermer, en outre, la lune, le soleil et toutes les planètes,
» et que dans ce flacon, que vous rempliriez d’esprit-de-vin, vous dé-
» layassiez une goutte, une seule goutte ou un seul grain d’une substance
» médicamenteuse, vous n’auriez qu’une solution de la vingt- troisième
» dilution, et cependant vous saurez que la douce-amère demande vingt-
» quatre dilutions, et la coquille d’huîtres trente dilutions. » ( Bulletin
général de thérapeutique, t. X1Y, p. 125.)

Mais ce n’est pas tout, vous vous figurez peut-être qu’un médicament
ainsi dilué, divisé à l’infini, peut être administré sans inconvénient; et
vous croiriez ne pas vous exposer à de grands dangers en en prenant des
quantités considérables. — Vous auriez tort, au moins d’après Hahne-
mann; laissons-le parler lui-même :

« Le quinquina, dit-il, est un des plus puissants médicaments végé-
» taux. .. Je trouve qu’une seule goutte de teinture, assez étendue pour ne
» contenir que la quadrillionième partie (inrb u ouoütio ooo ooo ooo ouo ooo)
» d’un grain [sic), est une dose souvent même trop forte, mais constam-
» ment suffisante pour opérer tout ce que le quinquina peut produire en



DU DOCTEUR GALLARD.



31



» pareil cas, et qu’il est fort rare d’ètre obligé d’en faire prendre une
» seconde au malade pour procurer la guérison. » ( Organon , p. 395.)

Mais il a trouvé un moyen très ingénieux de fractionner encore ces
gouttes, contenant un quadrillionième de grain de médicament, et qui
constituent une dose souvent trop forte.

« Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’employer de petites dragées en
» sucre de la grosseur d’un grain de pavot (globules); une de ces dra-
» gées, imbibée du médicament, forme une dose qui contient environ la
» trois-centième partie d'une goutte , car trois cents dragées delà sorte sont
/ » suffisamment imbibées par une goutte d’alcool-, en mettant une sem-
» blable dragée sur la langue sans rien boire ensuite, on diminue con-
» sidérablement la dose. Mais si le malade, étant très sensible, on
» éprouve le besoin d’employer la plus faible dose possible, et cepen-
» dant d’arriver au résultat le plus prompt, on se contente de faire respi-
» rer le sujet une seule fois dans un petit flacon contenant une dragée de la
» grosseur d’une graine de moutarde , imbibée du liquide médicinal très
» étendu. — Après que le malade a flairé , on rebouche le flacon , qui peut
» servir ainsi des années sans perdre sensiblement de ses vertus médi-
» cinales. » ( Organon , p. 323, et Traité des maladies chroniques , t. I,
p. 203.)

Mais ce ne sont pas les substances actives, les médicaments énergi-
ques, ou les poisons subtils, comme nous l’avons supposé en commen-
çant; ce sont les matières les plus simples et les plus vulgaires, les plus
inoffensives, celles dont on trouve partout la présence dans l’eau, dans
l’air, dans les aliments, qu’à ce titre on considère comme sans action sur
l’organisme, qui sont ainsi préparées par Hahnemann (1). C’est le char-
bon de bois, c’est la coquille d’huître, c’est le sel marin, c’est la pous-
sière de cailloux, c’est le lycopode, cette poudre jaune excessivement
fine que les nourrices emploient pour empêcher les enfants de se couper,
et qui, dans la pharmacie ordinaire, est considérée comme tellement
inerte, qu’elle a pour seul usage de recouvrir les pilules afin de les em-
pêcher de s’agglutiner entre elles. — Eh bien ! toutes ces substances
figurent au nombre ries médicaments auxquels Hahnemann a le plus sou-
vent recours, et qu’il conseille de préparer en les fractionnant, les di-
visant à l’infini comme nous venons de l’indiquer (2).

(1) Voyez Hahuemann, Traité des maladies chroniques, t. 1, p. 413, t. R, p. 108,
996, 549, etc.

(2) Si les homœopalhes se mettent au-dessus du bou sens, ils ne se mettent pas
moins au-dessus des obligations imposées par la loi à tous les médecins. — Ainsi l’or-
donnance royale du 29 octobre 1846 sur la vente des substances vénéneuses ayant
force de loi, impose aux médecins certaines obligations, la suivante, par exemple
(art. 5, paragraphe 2) : « Cette prescription doit être signée, datée et énoncer en toutes
lettres la dose desdites substances. » Mais jamais uu homœopathe n’a énoncé la dose
en toutes lettres. — Comment le pourrait-il? Il objectera à cela que le médicamcut,
tel qu’il le prescrit, n’est plus vénéneux. C’est vrai, puisque nous avons démontré
qu’il n’existe plus rien dans ses dilutions, mais elles ont la prétention de renfermer
des substances vénéneuses, et cela suffit aux yeux de la loi. — Les homœopathes se



32



MEMOIRE



III.

VERTUS ATTRIBUÉES PAR LES HOMGEOPATHES AUX MÉDICAMENTS PRÉPARÉS D’APRÈS
LES RÈGLES TRACÉES PAR HAHNEMANN.

Il est vrai de dire que les homoeopathes aussi, et Hahnemann tout le
premier, ont bien été forcés de reconnaître que la petite parcelle de mé-
dicament contenue dans la trentième dilution (s’il est possible d’admettre
qu’une parcelle aussi infiniment petite puisse exister en réalité), ne de-
vait plus avoir par elle-même aucune propriété médicinale. Aussi sup-
posent-ilsque par le frottement répété pendant leurs dilutions successives,
quand ils agitent le liquidedans le flacon, ou quand ils broient la poudre
pour opérer un mélange intime, ils développent dans ce mélange des
vertus nouvelles et une force extrêmement énergique. C’est une hypo-
thèse bien gratuite que rien ne justifie. Il est très vrai que par le frotte-
ment exercé entre deux corps on développe de l’électricité, de la cha-
leur et tnêmede la lumière; mais si l’électricité, la chaleur et la lumière
sont souvent des agents précieux de traitement entre les mains du mé-
decin, ils ne constituent pas à eux trois les seules et uniques ressources
qu’il ait à sa disposition. Bien des corps sont employés comme médica-
ments qui ne sont ni électriques, ni chauds, ni lumineux. Et, du reste,
lorsque le frottement développe de la chaleur, de l’électricité ou de la
lumière dans un corps, il ne le fait que d’une manière transitoire et
passagère, de telle sorte que les propriétés nouvelles acquises par ces
corps sous cette influence disparaissent spontanément peu de temps après
que le frottement a cessé.

La science, le raisonnement, la logique et le simple bon sens sont
d’accord pour repousser le système homœopathique. Mais ne serait-il pas
possible que la science et la logique eussent tort, et que l’expérience vînt
leur donner un éclatant démenti? On ne le pensait pas ; mais néanmoins
on voulut expérimenter, d’autant plus que les homœopatbes prônaient,
avec une assurance inouïe, d’éclatants succès attribués par eux à leur
méthode, dont ils vantaient partout l’infaillibilité.

A ce sujet, nous aurons démontrer plus tard que tous ou presque
tous les médecins qui se disent homœpathes ne se fient pas, dans les
cas graves, aux médicaments préparés tl’après la méthode de Hahne-
mann. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit en ce moment, il faut savoir
si, par le traitement homœopathique seul, consciencieusement adminis-
tré, on peut déterminer la guérison dans certains cas. Non, dirons-nous,
on ne la déterminera pas ; mais comme on ne fait rien pour l’empêcher,
pour entraver la marche delà maladie, il pourra se faire que la guérison

servent de signes conventionnels et d’abréviations dont le seul but est de rendre la
prescription plus mystérieuse, plus impénétrable pour le public. — On comprend par-
faitement le danger de cette licence au point de vue de la police et de la médecine
légale.



DU DOCTEUR CALLARD.



33



arrive spontanément, naturellement, absolument comme cela aurait eu
lieu si l’on n’avait rien prescrit du tout.

C’est une objection sérieuse que Hahnemann avait prévue sans doute,
car il s’efforce sans cesse de la combattre, en contestant à la nature le
pouvoir de faire à elle seule les frais de la guérison d’une maladie, quel-
que légère qu elle soit. Et, comme il sait que la nature va lui donner de
nombreux démentis, il l’injurie et l’invective par avance en lui donnant
les épithètes de grossière, absurde, inintelligente ; et il l’associe aux re-
proches qu’il adresse à tous les médecins opposés à sa doctrine. « La
» nature inintelligente, livrée à elle-même, ne peut rien faire de mieux,
» dans les maladies chroniques et dans les affections aiguës qui en pro-
» cèdent de temps en temps, que de recourir à des palliatifs pour sauver
» temporairement le sujet du danger subit qui menace ses jours... L 'allô-
» pathie n'a pu qu'imiter la nature inintelligente dans ses efforts pal 1 ia -
» til’s, sans même produire ce faible résultat, mais aussi sans manquer
» d’épuiser beaucoup les forces. Elle n'a donc jamais fait , comme la
» nature, que hâter la ruine générale. » (Hahnemann, Traité des malad.
chron., t. 1, p. 217.)

En dépit de l’anathème lancé contre elle par Hahnemann, la nature
est loin d’être aussi coupable qu'il veut bien le dire. Malheureusement,
les efforts qu’elle tente dans un but curatif ne sont pas toujours assez
puissants ou assez bien dirigés pour être salutaires et conduire à une
guérison assurée. Quelquefois même, loin d’être avantageux, ils sont une
cause d’aggravation formidable. Alors le médecin doit, comme de juste,
se tenir toujours prêt à les combattre lorsqu’ils lui paraîtront devoir
tendre plutôt à aggraver l’état du malade qu’à le soulager. Mais si, dans
ces cas, il peut et doit agir d’une façon efficace et réellement utile, nous
devons reconnaître que, le plus souvent, dans l’immense majorité ries
cas, la nature est assez puissante pour pouvoir guérir toute seule ; aussi
le médecin prudent doit-il alors se borner à suivre la marche de la ma-
ladie, à surveiller les efforts de la nature et à activer la guérison en
agissant dans le même sens qu’eux.

Pour acquérir une conviction définitive à cet égard, il suffisait d’aban-
donner certains malades aux seuls efforts de la nature et de voir ce qui
adviendrait. C’est ce qui a été tenté par les médecins les plus expéri-
mentés de l’Europe, en prenant toutes les précautions possibles afin
d’éviter que l’expérimentation n’eût de fâcheux résultats pour le patient.
A Vienne, à Saint-Pétersbourg, à Paris, ou a pu constater que toutes les
maladies qui guérissaient sous l'influence d’un traitement homoeopa-
tliique, guérissaient tout aussi bien, tout aussi sûrement, tout aussi
promptement sans qu’on fit aucuneespècede médication. Nouvelle preuve
a ajouter à celles démontrant que les médicaments homœopathiques sont
nuis , ne contiennent rien et n’ont aucun effet sur les organes d’un
homme sain ou malade (1).

Et l’on ne s’étonne plus que, dans une pharmacie homœopathique

(I) Voyez les expériences relatées ci après, au chap. îv, p. 38 et suiv.

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.         At face with violence politeness is pointless.

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Thymian

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Re: En 1857, un jeune médecin, M. Magnan, publie un livre
« Reply #3 on: July 05, 2018, 10:38:02 AM »

MÉMOIRE

3b

(comme cela est arrivé, dit-on, à Marseille) (1), les flacons aient été bou-
leversés de telle sorte que les étiquettes ne répondissent plus aux sub-
stances contenues dans chaque flacon, puis les médicaments admi-
nistrés les uns à la place des autres, sans que ni malades ni médecins
s’en soient aperçus; ou qu’un élève en pharmacie (comme cela a eu lieu
d’abord en Allemagne (2), puis cà Paris) se soit amusé, à titre d’expé-
rience ou de simple espièglerie , à donner de l’eau pure, parfaitement
filtrée, à la place de tous les médicaments homœopathiques prescrits sur
les nombreuses ordonnances qu’on lui présentait, et cela sans que per-
sonne, ni un malade, ni un médecin ait songé à s’en plaindre.

On nous dira peut-être : Ces médicaments, auxquels vous n’accordez
aucune valeur, aucune action, mais il se rencontre des personnes qui,
après les avoir pris, éprouvent des symptômes bizarres, extraordinaires.
Il en est même qui, souffrant depuis longtemps, ayant épuisé toutes les
ressources de la médecine, se sont trouvées presque immédiatement
soulagées après avoir eu recours à l’homœopathie.et il est certain qu’elles
ont pris, non pas des médicaments à dose ordinaire déguisés sous le nom
de l’homoeopathie, mais de véritables globu les homœopathiques. Eh bien !
nous l’accordons; non pas que ce soit pour nous une chose patente, avé-
rée, démontrée, mais nous pouvons bien faire cette concession aux ho-
mœopathes. Cependant, en admettant la réalité de ces effets extraordi-
naires, de ces soulagements inespérés, nous affirmons qu’ils n’ont jamais
pu être produits que sur des personnes à imagination facilement impres-
sionnable, ayant une foi vive dans la doctrine, et attendant des résultats
mystérieux de cette médecine étrange, Et de plus, nous soutenons qu’on
n’a jamais pu soulager ainsi que des maladies essentiellement nerveuses,
et pas d’autres; encore n’y a-t-il qu’une amélioration passagère lorsqu’on
a affaire, non pas à une de ces migraines que l’on guérit si radicalement
avec un bijou ou un cachemire, mais bien à une maladie réelle. Ces
effets extraordinaires , surprenants, des médicaments homœopathiques,
sont bien le l'ait de l’imagination, et non pas de l’action réelle du médi-
cament, car on ne les rencontre que si les malades ont été instruits du
genre d’expérience tentée sur eux, et on les produit tout aussi bien avec
de la mie de pain ou toute autre substance notoirement inactive qu’avec
les globules homœopathiques. « 1! est incontestable que non-seulement
» l’aggravation homœopathique, mais encore de véritables guérisons ont
» été déterminées par le sucre de lait, par l’eau pure. » (Griesselich,
Manuel de méd. homœopathique. )

« M. le docteur Seidlitz et plusieurs autres médecins de Saint-Péters-
» bourg ont fait une série d’expériences avec la poudre de charbon de
» bois [carbo vegetabilis des homœopathes) et d’autres corps inertes ad-
» ministres homœopathiquement. Ils ont toujours produit des accidents
» fort extraordinaires, mais qui disparaissaient d’eux- mêmes au bout de

(1) Comme il résulte d’une pièce jointe au dossier.

(2) Voyez la relation de ce fait dans le Bulletin général de thérapeutique, t. IX
p. 400.



du Docteur gallard.



35



» quelques heures. Ils en concluent que l’efficacité de la médecine
» homœopathique gît tout entière dans l’imagination du malade, et que,
» comme en conviennent quelques liomœopathes, pour être guéri, il faut
» avoir la foi : — Crede , et salvus eris. La vogue de la théorie hahne-
» manienne doit être rangée, selon M. Seidlitz, parmi les épidémies d’a-
» liénation mentale. » ( Journal des connaissances médico-chirurgicales ,
t. II, p. 29, septembre 183ô.)

M. Trousseau, qui, lui aussi, avait vu des malades se plaindre d’éprou-
ver des symptômes étranges après avoir pris des globules homœopathi-
ques,‘ lesquels ne produisaient rien sur des médecins, bien que ces
derniers en eussent pris d’abord un seul par jour, puis deux, puis dix,
puis enfin quatre-vingts sans résultat aucun, eut l’idée de faire la contre-
épreuve. Voici comment il s’y prit. Il fit préparer des pilules composées
uniquement de farine de froment parfaitement pure et de gomme ara-
bique; puis il leur donna un nom qui pût frapper l’imagination de ses
malades, et ne les leur administra qu’en prenant des précautions exa-
gérées pour augmenter encore à leurs yeux l’importance du remède.
Cet essai réussit parfaitement bien, et les malades attribuèrent à ces pi-
lules, soit des accidents, soit des améliorations passagères, également
manifestes, mais dont elles étaient bien certainement innocentes. Ce-
pendant elles eurent autant d’action que les plus héroïques d'entre les
médicaments liomœopathiques avec lesquels elles peuvent marcher de
pair. C’est dans le service de Récamier, à l’Hôtel-Dieu, que furent faites
ces curieuses expériences, dont la relation fut publiée par M. Pigeaux
sous ce titre : Etonnantes vertus homceopathiques de la mie de pain [Bull,
de thérap., t. VI, p. 128.)

Si donc les médicaments homceopathiques ont une action, cette action
ne s’exerce que sur l’imagination du malade absolument au même titre
et de la même manière que la mie de pain, décorée d’un nom scienti-
fique et prise de confiance par le malade pour un remède énergique.
Qu’y a-t-il d’étonnant dès lors que l’homœopathie ait pour spécialité
de guérir les migraines des femmes nerveuses et les enrouements de
certains chanteurs, qui ont tant de points de contact avec les vapeurs
d’une femme dont les nerfs sont agacés? Peut-on dire pourquoi tel
chanteur, suivant qu’il se trouvera plus ou moins bien disposé, suivant
que son public lui agréera plus ou moins, suivant telle ou telle circon-
stance qui lui échappe à lui-même, chante mieux, est plus en voix un
jour que l’autre. Est-ce que sa voix n’est pas plus flexible en même
temps que plus ferme et. plus étendue s’il se sent bien disposé et s’il a
confiance en son public que s’il a des craintes, s’il tremble, s’il est in-
quiet? Est-ce qu’alors sa voix peut être raffermie par des remèdes?

un encouragement flatteur ou des applaudissements, en le rassurant sur
les dispositions de son auditoire ne rendront-ils pas tout de suite à sa
voix son éclat habituel? — Et un ami bienveillant n’est-il pas, en sem-
blable occurrence, plus utile qu’un médecin? L’essentiel pour l’artiste est
donc d’être assuré qu’il chantera bien ; persuadez-lui cela par des paroles
affectueuses ou en lui administrant une potion homœopathique, le ré-



38



MÉMOIRE



sultat sera le même, et alors l’homœopathie pourra s’applaudir de l’effet
obtenu. Mais que la voix de ce chanteur soit réellement altérée par suite
d’une maladie quelconque, par suite d’une inflammation même légère
du larynx. Oh ! alors, l’homœopathe pourra administrer tousses globules
en pure perle, il ne fera rien, absolument rien. Demandez-le plutôt à
l’un des plus spirituels sociétaires de la Comédie-Française, M. R...,
qui, se trouvant fort enroué depuis plusieurs jours, se fia aux promesses
de l’homoeopatliie et prit religieusement une potion qui devait faire dis-
paraître son enrouement dans la journée. Le soir sa voix n'était pas plus
rauque que les jours précédents, mais elle l’était tout autant. Demandez-
le encore à l’une de nos plus charmantes cantatrices, M" ,e C... Elle avait
un léger rhume; espérant être plus promptement débarrassée, elle re-
courut aux soins d’un homœopathe. Au bout de trois semaines elle n’a-
vait pas encore reparu sur la scène, mais elle congédiait l’homœopalhe
en question pour rappeler son médecin ordinaire, médecin des hôpitaux,
agrégé de la Faculté de médecine, qui, au bout de quelques jours d’un
traitement fort simple, la rendit enfin aux applaudissements des specta-
teurs. Informez-vous aussi auprès de madame ..., du théâtre Italien,
qui, après s’être laissé persuader par les brillantes promesses de l’ho-
mœopathie, a bien juré qu’on ne l’y prendrait plus.

Mais les homœopathes ne sont pas hommes à se laisser si facilement
abattre ou réduire au silence, et malgré bien des déconvenues, ils con-
tinuent à vanter les merveilles de l’homœopalhie. Ils ne se contentent
plus de guérir les maladies les plus terribles, les plus incurables ou les
plus foudroyantes, celles qui, jusqu’à présent, sont toujours restées au-
dessus des ressources de l’art. La guérison est chose trop vulgaire pour
eux. Grâce à cette merveilleuse méthode de Halmemaun, « la pratique
» médicale, au lieu d’être un tâtonnement irrationnel, devient un pro-
» cédé mathématique nettement déterminé... de telle sorte que la ter-
» minaison fatale, arrivée par un faux traitement, pourrait appeler la
» vindicte de la loi aussi bien que tout homicide! » (Neumann, Beitràye
zur Natur und Heilkunde.) Remarquez bien que c’est un homœopathe qui
parle de cette façon ; aussi M. Manec lui riposte-t-il fort spirituellement:
« Si jamais les homœopathes s’avisent de réviser le Code pénal, tout mé-
» decin qui ne saura pas dégager l’inconnue de cette donnée, c’est-à-dire
» trouver la guérison, sera passible des cours d’assises et puni comme
» assassin. » ( Lettres sur ïhomœopathie).

Puisque la guérison des maladies est chose si simple, si facile, les
homœopathes ne devaient pas se contenter de faire si peu ; ils entrepri-
rent de les prévenir et inventèrent les préservatifs. — C’était la plus riche,
la plus admirable, la plus magnifique idée qui se pùt découvrir...
comme spéculation. — Imaginer de traiter les individus bien portants
sous le prétexte de leur faire éviter une maladie, qui peut les atteindre
sans doute, mais qui certainement épargnera le plus grand nombre
d’entre eux; et, s’ils ont la chance d’être épargnés, leur persuader ensuite
que c’est grâce aux préservatifs dont ils auront fait usage !... N’est-ce
pas une invention sublime? — Figurez-vous, lorsque le choléra vient



DU DOCTEUR CALUARD.



61



fondre sur Paris comme en 1832 ou en 1849, un de ces messieurs ayant
assez d’autorité pour imposer ses préservatifs à toute la population ; il y
aura bien, comme en 1832 ou en 1849, un total de vingt mille décès
environ ; mais sur le million d’habitants qui se trouvent à Paris, il en
restera neuf cent quatre-vingt mille de survivants; et comme ces neuf
cent quatre-vingt mille auront fait usage du préservatif conseillé, c’est
grâce à lui qu’ils auront été sauvés. — Comment ne le croiraient-ils pas?
Les bonnes sœurs d’un couvent important de Marseille se sont bien per-
suadées, en 1854, que les préservatifs à l’usage desquels les soumettait
leur médecin homoeopathe ont eu seuls la puissance de les mettre a l’abri
du lléau qui ravageait la ville! Et cela, quand d’autres établissements
du même genre étaient également épargnés, quoique confiés aux soins de
médecins qui n’avaient prescrit aucun préservatif et s’étaient bornés a
recommander l’observation des règles d’une bonne hygiène.

Envisagée seulement au point de vue de la question des préservatifs,
rhbmœopathie serait bien forte, et c’est par là surtout quelle brille aux
yeux des gens du monde ; car le nombre des individus atteints par une
maladie épidémique et même contagieuse est toujours de beaucoup in-
férieur au nombre des individus épargnés. Mais pour le médecin qui ne
se laisse pas éblouir et veut y voir de plus près avant de se former une
conviction, de semblables faits perdent beaucoup de leur merveilleux
s’il voit les individus soumis aux préservatifs fournir proportionnelle-
ment un nombre de malades aussi grand (pie ceux qui n’y ont pas re-
cours, et s’il voit surtout l’épidémie frapper autour des médecins
homœopathes sur leurs plus fervents adeptes, sur leurs amis les pius
intimes, et souvent même sur leurs parents les plus proches, sur celles
des personnes de leur famille qui, vivant le plus habituellement en con-
tact avec eux, peuvent être surveillées de plus près dans l’administration
des remèdes préservateurs.

Et puis, vous vous vantez non-seulement de guérir promptement et
infailliblement tous les malades affectés de choléra, mais encore de
mettre sûrement à l’abri des atteintes de ce terrible fléau ceux qui en
sont menacés ; et vous croyez que l'on ne vous mettra pas à l’épreuve !
Vous espérez que les médecins les plus honorables et les plus instruits,
découragés par l’inutilité de leurs efforts dans cette lutte contre un mal
inconnu qui moissonne autour d’eux des victimes dans une proportion
effrayante, ne viendront pas remettre entre vos mains le sort de tous
ces moribonds, quand vous prétendez être sûrs de les rappeler à la vie!
Mais le médecin véritablement digne de ce nom, celui qui sent battre
dans sa poitrine un cœur d’homme véritablement accessible à la com-
passion et à la pitié, s’empressera toujours de recourir à tous les traite-
ments possibles, même aux plus invraisemblables (1), quand il aura bien
réellement constaté l’impuissance de son art et de sa science !

(1) «J’aurais, je crois, adopté quclquechose d’aussi absurde même que i.'homœopa-
tlüc, si on me l’eût proposé pour sauver ces malheureuses » (TnoussEAu, Dis-

cours à l’Académie de médecine, séance du 23 mars 1838.)



33



MÉMOIRE



IV.

EXPÉRIENCES AUTHENTIQUES DÉMONTRANT L’iNEFFICACITÉ ABSOLUE DE LA
MÉTHODE HOMOEOPATHIQUE.

Des expériences furent donc instituées, et sans parler de celles que tout
praticien, jaloux de s’éclairer sur cette question, dut faire à huis clos
dans le cercle de sa pratique personnelle, d’autres, en grand nombre,
furent entreprises publiquement et dirigées avec le plus grand soin, la
plus scrupuleuse impartialité, par les hommes les plus éminents, les
plus célèbres et les plus justement estimés, qui honorent notre profes-
sion autant par l’étendue de leur savoir que par l’élévation de leur
caractère.

En France » à Paris, c’est M. Andral, professeur de pathologie géné-
rale il la Faculté de médecine, membre de l’Institut (Académie des
sciences) et de l’Académie de médecine, médecin de l’hôpital de la Cha-
rité, médecin de l’Empereur, etc., qui les institue à l’hôpital de la Pitié,
dans un service public ouvert à tous les étudiants et à tous les médecins.
Il divise en deux séries les cent trente ou cent quarante individus qu’il
soumet à l’emploi des médicaments homœopathiques. Les expériences
de la première série ont pour but de savoir si les médicaments ont la
propriété de produire sur l’homme sain des maladies semblables à celles
que ces médicaments peuvent guérir. Tous les résultats ont été négatifs.
Dans la deuxième série, il cherche à constater si les médicaments gué-
rissent réellement. Constamment la médication homœopathique a été nulle
dans ses effets, et il a fallu le plus souvent se hâter de recourir à la médi-
cation ordinaire pour éviter les accidents.

La relation de ces expériences, après avoir été présentée sommaire-
ment par M. Andral à l’Académie de médecine, qui a vivement applaudi
à ses paroles (séance du 17 mars 1835), a été publiée, avec tous les
détails nécessaires, dans le Bulletin général de thérapeutique (t. VI, p. 318)
par M. le docteur Vernois , qui était alors son interne et qui est aujour-
d’hui médecin de l’hôpital Necker, et médecin consultant de l’Em-
pereur.

Broussais, que certains homœopathes ont voulu représenter comme
un des partisans de leurs doctrines, fit aussi des expériences au Val-de-
Grâce en 1833. « Il fut bientôt forcé de suspendre le traitement homœo-
» pathique, ne voulant pas laisser courir d’aussi grands dangers à ses
» malades, dont l’état ne faisait qu’empirer. » (Manec, Lettres sur l'ho-
mœopathie , p. 22 â.)

Le vénérable M. Ballv, qui est peut-être aujourd’hui le doyen d’âge
des académiciens et des médecins des hôpitaux, désira aussi être édifié
sur Thomœopathie, et voulut l’expérimenter dans son service de l’Hôtel-
Dieu. Afin que ses expériences pussentêtre plus concluantes, il en confia
la haute direction à deux homœopathes, MM. Currie et Léon Simon.



DU DOCTEUR G ALLARD.



39



« M. Currie traita des malades homœopathiquement pendant quatre ou
» cinq mois, avec des médicaments qu’il avait fait venir d’Allemagne, de
» la même pharmacie où Hahnemann faisait préparer les siens. Un
» registre fut tenu par M. Currie et par M. Gross, interne de M. Baily.
» Au bout de quatre à cinq mois, M. Currie se retira en avertissant qu’il
» remettait la suite des expériences à l’année prochaine. On ne le revit
» plus. Je dois déclarer, ajoute M. Ballv, que de tous les malades ainsi
» traités, pas un seuu n’a guéri. Deux faits font exception ; les voici. Le
» premier concerne une femme affectée de cancer de la matrice; elle est
« sortie après trois ou quatre mois de traitement, se disant soulagée.
» Quinze jours après, elle est rentrée à l’hôpital pour la même affection,
« et elle y a succombé. L’autre observation a trait a une de ces affections
» qu’on appelle aujourd’hui fièvres typhoïdes : deux hommes entrèrent
» presque en même temps dans mon service , affectés tous les deux de sym-
» ptômes presque absolument semblables. M. Currie en prit un, qu'il
» traita homœopathiquement ; je traitai l’autre par la méthode ordinaire.
» Mon malade guérit en dix-huit jours ; celui deM. Currie ne sortit qu’a-
» près trois ou quatre mois. » ( Loc . cit.)

Comme M. Bally à Paris, M. Pointe, dans son service de l’Hôtel-
Dieu de Lyon, voulut mettre ses expériences sous la direction d’un ho-
mœopathe, M. Gueyrard. M. Pointe donne lui-même en ces termes le
résultat de l’expérimentation :

« M. le docteur Jaenger se plaint de ce que les médecins ne veulent
» point se donner la peine de vérifier les faits de la doctrine de Hahne-
» mann par l’expérience clinique. Ce reproche que nous adressent cha-
» que jour les médecins homœopathes est d’une inexactitude qui

» mérite d’être relevée Comme praticien, je crois que l’on peut être

» appelé à éclairer un public qui se laisse d’autant plus facilement sé-
» duire et tromper, qu’on lui prêche une doctrine plus merveilleuse et
» plus absurde. C’est à ce titre et en conséquence des devoirs que je crois
» avoir à remplir envers le public, que j’ai cru devoir l’éclairer par des

» expériences faites avec quelque publicité. — Je pourrais vous faire

» part des essais infructueux faits par moi ou par mes collègues; mais
« je me contenterai de vous donner connaissance des expériences faites
» plus en grand dans nos salles de clinique, en présence de nombreux
» témoins et par un homme désireux de réussir et placé par moi dans
» une position telle qu’il lui a été impossible de s’abuser lui-même sur
» les résultats des moyens qu’il mettait en pratique.

» Dans le courant du mois d’avril 1832, je mis à la disposition de
» M. le docteur Gueyrard, médecin homœopathe, une salle de trente lits.

» Il fut libre d’y choisir le nombre de malades qui lui conviendrait et de
» faire toutes les prescriptions qu’il croyait utiles pour le plus grand
» succès de la doctrine de Hahnemann ; je n’y mis qu’une condition :

» c’est que ses visites seraient faites tous les jours à des heures indiquées
» d’avance, afin que toutes les personnes qui voudraient y assister le
» pussent librement... quinze malades ont été traités... Ces expériences
» ont duré dix-sept jours et n’ont cessé que parce que le docteur ^xpéri-



MÉMOIRE



h o

» mentateur s’est volontairement retiré. Pendant eelaps de temps, aucun
» résultat avantageux, aucun amendement notable et qu'on pût attribuer à
» la méthode homœopathique n'a été observé. M. Gueyrard, interpellé plu-
» sieurs fois à ce sujet, en est lui-même convenu. Trois fois pendant le
» cours de ces expériences et de concert avec ce docteur, qui en reconnut
» la nécessité, nous nous sommes écartés de la doctrine de Halme-
» manu (1). »

A Naples, on s’était entouré de plus de précautions encore, car le gou-
vernement voulait être renseigné sur la valeur de l’homœopathie, et les
expériences eurent lieu d’après ses ordres. « En 1829, le docteur de Hora-
» tiisfut autorisé à traiter pendant quarante jours un certain nombre de
» malades dans une salle d’un hôpital de Naples, sous la direction d’une
» commission composée des médecins les plus instruits de cette ville.
» — Toutes les précautions nécessaires pour éviter les sujets d’erreurs
» furent prises avec un soin minutieux. C’est ainsi que les médicaments,
» préparés par le médecin homœopathe sous les yeux de la commission
» furent renfermés dans une boîte à double clef, dont une resta à la
» garde des commissaires, et l’autre à celle du docteur deHoratiis. Un fac-
» tionnaire fut placé à la porte de la salle avec ordre de ne laisser entrer
» le docteur de Horatiis qu’avec les commissaires, et réciproquement.
» M. de Horatiis administra les médicaments en présence des commis-
)> saires. Le résultat des expériences fut complètement nul: ou les maladies
» s’aggravaient, ou elles restaient stationnaires. Jamais elles ne furent
» avantageusement modifiées parle traitement. » (Manec, loc. cit.)

Si l’on rapproche de ces expériences toutes concluantes, toutes déci-
sives, toutes conduites avec la plus grande impartialité, les défis souvent
portés aux homœopathes, et toujours éludés par eux (2), de démontrer
l’action de leurs médicaments sur des personnes saines, en reconnais-
sant d’après leur action ceux qu’ils auront pris eux-mêmes ou en pro-
duisant sur d’autres personnes des effets prédits d’avance, on sera bien
et dûment convaincu que l’homœopathie a été assez essayée, expéri-
mentée, étudiée, et qu’elle est assez connue de tous les médecins sérieux,
pour pouvoir être jugée en dernier ressort.

Cependant une nouvelle occasion se présenta d’expérimenter la mé-
thode homœopathique dans des circonstances dans lesquelles elle n’avait
pu être encore appliquée. — • Ce fut à propos du choléra, qui fit tant de



(1) Gazette médicale, 1833, n° 69, p. 70S.

(2) On se rappelle tes fragments cités plus haut de la lettre de M. Jeannel au doc-
teur comte de Bonncval. — Et M. Léon Simon qui a écrit : g C'est un fait; on ne
)> discute pas avec les faits. Que les ennemis de rhoinœopathic expérimentent sur
i< eux-mômes, et ils seront convaincus... » n’a-t-il pas reculé devant l'épreuve que lui
proposait M. le docteur Marmoral? — Il s'agissait de reconnaître, d’après leurs elfets,
les médicaments homoeopathiques qui lui seraient administrés sans qu’il en connût la
nature. — Il accepta d’abord, mais le lendemain il ne voulut plus expérimenter que
sur des substances dont on lui aurait dit le nom à l’avance. — Et, ce qu’il n’a pas
voulu faire, npl homœopathe n’osera le tenter, nous les en défions tous à nouveau.



DU DOCTEUR GALLADD. ài

ravages en France en 18Zi9 et en 1854. — Cette fois encore les homœo-
palhes furent mis en demeure de reproduire publiquement, dans de
grands hôpitaux, les succès brillants qu’ils prétendaient avoir dans leur
clientèle privée, et comme toujours ils échouèrent complètement (1).

Des tentatives furent faites à Paris, en 1849, à la Salpêtrière, dans le
service de M. Natalis Guil lot, professeur à la Faculté de médecine. On
en trouve la relation dans la lettre suivante, adressée par ce savant pro-
fesseur à M. le docteur Manec, de Monlpezat ;



Paris, i mai 1856.

« Monsieur et très honoré confrère,

» J’ai reçu le livre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser; je
» vous en remercie surtout après l’avoir lu; puisse celte œuvre, utile et
» intéressante à connaître, servira la destruction d’un (2).

» Vous me demandez ce qui s’est passé en 1 849 à la Salpêtrière; ma
» mémoire me rappelle assez les détails que je vais vous rapporter
» pour en certifier l’exactitude, — Le contrôle n’a d’ailleurs pas manqué
» à ces détails déjà loin de moi; mes collègues en ont été les témoins.

» En 18A9, on publiait merveille des succès obtenus a l’hôpital
» Sainte -Marguerite sur des cholériques à l’aide des médicaments
» homœopathiques. J’étais médecin de la Salpêtrière et tort embarrassé
» au milieu d’une cruelle épidémie. Mes confrères et moi étions loin de
» réussir.

» Lorsque j’appris les succès annoncés si hautement dans les leuilles
«publiques, je priai M. Davenne, directeur général de l’assistance
» publique, de m’autoriser à confier mes malades à M. Tessier. — Je lus
» trouver celui-ci, et, sur l’assurance verbale qu’il me donna de ses réus-
» sites, je le conduisis dans mes salles.

» M. Tessier prit immédiatement tels malades qu'il lui convint de
» déterminer , après mon opinion émise, et il les traita à. sa guise.

» Je vis les malades avec lui, fort surpris de ne reconnaître aucune
» méthode déterminée dans de semblables traitements. Tantôt c’était la
» noix vomique , tantôt le charbon , tantôt la craie; que sais-je? Tous les
« médicaments ou les substances qu’on désignait comme tels furent mul-
» tipliés sur les mêmes individus et changés dans les trois visites que
» nous faisions chaque jour aux malades.

» En dernier résultat, sans aller plus loin dans tous ces détails de
» traitement, qui ne m’ont pas paru le moins du monde sérieux, tous les

(1) C’est probablement ce qui a fait dire au docteur MunE daus un petit livre intr
tulé le Médecin du peuple : « Le jour où elle (l’hommopathie) obtiendra les faveurs du
» pouvoir, elle ne sera plus elle-même, elle perdra toute son efficacité, elle cessera de

» guérir El qui vous a dit, pêtilionneurs infatigables, qu’il fût dans les destinées de

» V homéopathie de briller dans les expériences publiques ?» Le fait est que cela est
peu dans scs destinées, car elle n’y a guère brillé jusqu’il présent.

(2) Nous supprimons les trop vertes expressions employées par le savant professeur.



hî MÉMOIRE

» malades que M. Tessier avait choisis sont morts, et très rapidement;
» ils étaient au nombre de huit.

J’en eus assez de ces tentatives, et je crois que M. Tessier partagea
» mon opinion. —Je ne sache pas que depuis cette époque il ait été tenté
» de parler de ses succès en pareille matière.

» Certes, je ne pense en aucune manière qu’il ait été, par un traite-
» ment homœopathique , nuisible aux malades que je lui confiais; la
» cruauté de l’épidémie était grande, et nos ressources faibles. —
» Mais l’homœopathie s’était vantée outre mesure, elle exagérait; elle
» échoua.

» Veuillez, etc. » éù'ÿwéMatalis Gusllot. »

[Le Papillon, journal d'Agen, numéro du 18 mai 1856.)

Des expériences semblables eurent lieu à Marseille; elles furent pro-
voquées par l’administration municipale elle-même. M. le maire de cette
ville en rend compte de la manière suivante, dans une lettre officielle
adressée par lui à la Société impériale de médecine de Marseille, et
publiée dans le Bulletin des travaux de cette Société :

« Marseille, le 30 octobre 18 53.

» Monsieur le Président,

» J’ai l’honneur de vous communiquer le résultat des expérimen-

» tâtions faites à l’Hôtei-Dieu au sujet du traitement des malades cliolé-
» riques par le système homœopathique.

» Le 31 août, j écrivis à ce sujet à M. Chargé

» Le 1 er septembre, dans la matinée, M. Chargé me fit connaître qu’il
» se mettait à ma disposition, et je l’accompagnai à l’Hôtel-Dieu, où je
» le mis en rapport avec la commission administrative.

» Cette commission lui confia le service de deux salles pour le traite—
» ment des cholériques par la méthode homœopathique.

» Ces salles furent acceptées par M. Chargé.

» Il fut ensuite question du mode d’admission des malades.

» Je proposai d’envoyer alternativement un malade dans le service des
» médecins homœopathes, et un dans celui des médecins ordinaires de
» l’établissement.

« M. Chargé ayant exprimé le désir qu'il y eût un jour d’ admission
» pour les uns et un jour pour les autres , le service fut établi dans ces
» conditions, de telle sorte qu’à partir du jour même, 1 er septembre à six
» heures du soir, les malades qui entraient dans le service des médecins
» allopathes furent distingués de ceux qui y étaient entrés antérieure-
» ment, afin de servir à lacomparaison desrésultats obtenus parchaque
» système de traitement.

» M. Chargé désigna lui-même l'élève de V Hôtel-Dieu qui serait spécia-
» lement attaché ù son service.

» Il demanda que les membres du corps médical de l’Hôtel-Dieu ne
» pussent être admis dans les deux salles en dehors des heures de ses



DU DOCTEUR GALLARD. 43

» visites... Cela lui fut accordé. Il ne fut fait d’exception à cette mesure
» qu’en faveur du premier chef interne de l’hôpital, M. Rampai...

■ » Les choses ainsi établies, M. Chargé commença ses visites à l’Hôtel-
» Dieu le 3 septembre, à six heures du matin. — Le lendemain, le nom-
» bre des malades admis dans ses salles devenant assez considérable, il
» jugea nécessaire d’organiser son service de telle manière que des soins
» fussent donnés le plus promptement possible aux malades qui lui
» seraient confiés.

» Trois de ses collègues , docteurs en médecine , MM. Jollier, Rampai et
)) Gillet , se mirent à sa disposition, ainsi que M. Couillier , son élève par-
» ticulier , et divers jeunes gens pris parmi ses plus fervents adeptes.

» Mais dès le 7 septembre, après avoir reçu 26 malades, M. Chargé
» éleva de nombreuses plaintes...

« Le samedi 8 septembre, il me fit connaître sa détermination, et dès
» ce moment les salles de i’homœopathie ne reçurent plus de malades.

» Pendant ces huit jours d’expérimentation, 26 malades y avaient été
)) introduits, il en est mort 21.

» Pendant ce même temps les salles des médecins allopathes ont reçu
» 25 malades cholériques, sur lesquels 14 ont succombé. ..

» Lemaire de Marseille.

» Signé Honnorat. »

M. Chargé a bien voulu essayer d’argumenter contre les résultats
déplorables de cette expérimentation, mais il a eu si peu de succès, qu’il
a dû depuis cette catastrophe abandonner Marseille. Les journaux
homœopathiques eux-mêmes ont dû constater sa défaite et repousser ses
excuses (1).

Est-ii possible, en effet, de désirer quelque chose de plus concluant?
N’avons-’iious pas en même temps l’épreuve et la contre-épreuve? Un
nombre égal de malades traités en même temps dans le même hôpital
par l’homœopathie et par la méthode ordinaire.

Sur 26 confiés aux homœopathes, 21 sont morts; sur 25 traités par les
médecins, 14 seulement sont enlevés. — Et cependant l’homœopathie
vante ses succès et les fait proclamer par les cent bouches de la renom-
mée, tandis que les médecins consciencieux reconnaissent que c’est là
une de ces maladies contre lesquelles leurs efforts sont bien insuffisants,
car elle est le plus souvent au-dessus des ressources de l’art.

Qu’est-ce donc que l’homœopathie ? 11 ne nous appartient pas de

le dire ici ; mais nous ne doutons pas que la véritable qualification , la
seule qui convienne, ne soit sur les lèvres de toutes les personnes qui
ont bien voulu prendre la peine de lire les faits que nous venons
d’exposer.

Et cependant nous n’avons exposé jusqu’ici qu’une partie de la doc-
trine , le traitement envisagé d’une manière générale. Que serait-ce si

(1) Voyez V Art médical (octobre et novembre 1857).



hlx MÉMOIRE

nous la montrions allant chercher l’origine de toutes les maladies, prin-
cipalement de toutes les affections chroniques, dans un miasme qui
n’existe pas , celui de la gale ? — 11 est en effet démontré que la gale est
produite exclusivement par la présence d’un insecte microscopique qui
vit et se développe dans l’épaisseur de la peau. Cette maladie ne peut
donc être répercutée sur les organes internes pour produire le cancer,
la phthisie, etc., comme le croit Hahnemarm (1). Nous pourrions, comme
tant d autres l’ont lait, nous donner le facile plaisir de le tourner en
ridicule à l’occasion de toutes les idées fausses qu’il a émises à ce sujet ,
mais nous nous en abstenons par respect pour les magistrats auxquels
nous avons l’honneur de nous adresser.



V

OPINION DES CORPS CONSTITUÉS ET DES SAVANTS DE TOUS LES PAYS
SUR l’homoeopathie.

Il nous resterait à faire connaître l’appréciation de toutes les auto-
rités scientifiques, de tous les hommes les plus recommandables dans la
médecine, de ceux qui sont le plus haut placés dans l’opinion publique.
— Nous verrions que tous ceux qui ont eu occasion de s’occuper de ce
sujet flagellent en termes énergiques la pratique de l’homœopathie. —
Comment en serait-il autrement , quand les démonstrations de la lo-
gique et celles de l’expérience s’accordent pour rendre évidentes toutes
les faussetés de ce système. — Ces citations seraient instructives et
feraient ressortir la modération extrême de notre article ; mais nous ne
nous les permettrons pas. Nous nous contenterons d’indiquer les sources
aux personnes curieuses d’approfondir la question et de savoir dans
quels termes est jugée l’homœopathie par tous les hommes les plus
éminents (2). Quant à notre procès et à nos juges, nous réservons pour
la défense des droits que nous ne voulons pas revendiquer ici pour la
publicité.

Ici nous nous contenterons d’enregistrer l’arrêt émané du corps scien-
tifique le plus considérable et le plus célèbre, non-seulement de Paris,
mais de toute la France, de l’Europe et du monde entier, — de l'Acadé-
mie impériale de médecine, cet aréopage de savants, le premier corps



(1) Voy. Organon, p. 183, 204, 242, 267, etc., et Traité des maladies chroniques,
passim.

(2) Voy. le compte rendu de la discussion académique au dossier , et dans les
Archives générales de médecine (année 4 835).

CiiAïutiER, rapporteur : L'homœopathie devant la critique et le sens commun, ou
Réfutation delà doctrine de Hahncmann, par Don Thomas de ConsAi, yOna, professeur à
la Faculté de médecine de Madrid ( Bulletin de la Société médico-pratique de Paris,
années 1S4S-51, n"‘ 44-47, p. 59 et suiv.).

Requin, professeur de pathologie interne à la Faculté de l’aris, membre de l’Aca-



DU DOCTEUR GALLARD.



45

officiel de notre profession, celui que le gouvernement a institué pour
le consulter et s’éclairer de ses lumières sur toutes les questions qui se
rattachent à la science ou à la pratique de l’art en médecine.

C’est en 1885 qu’elle eut, pour la première fois, l’occasion de se pro-
noncer sur l’homœopathie, et depuis, loin de se démentir, elle n’a fait,
dans plusieurs circonstances, que confirmer les termes de son premier
jugement. — Une société homœopathique désirait être autorisée à fon-
der des dispensaires et un hôpital spéciaux ; l’Académie de médecine fut
consultée par le ministre à ce sujet.

Elle répondit :

« Chez nous comme ailleurs, l’iiomœopatliie a été soumise en premier
» lieu aux rigoureuses méthodes de la logique, et tout d’abord, la logi-
» que a signalé dans ce système une foule de ces oppositions formelles avec
» les vérités les mieux établies , un grand nombre de ces contradictions cho-
» quantes , beaucoup de ces absurdités palpables qui ruinent inévitable-
i> ment tous les faux sijstèmes aux yeux des hommes éclairés, mais qui
» ne sont pas toujours un obstacle suffisant à la crédulité de la multi-
» tude.

» Chez nous comme ailleurs, i homœopathie a subi aussi l’épreuve des
» faits ; elle a passé au creuset de l’expérience , et chez nous comme ail-
» leurs, l’observation fidèlement interrogée a fourni les réponses les
» plus catégoriques, les plus sévères; car si l’on préconise quelques
» exemples de guérison pendant les traitements homœopalhiques, on
» sait de reste que les préoccupations d’une imagination facile, d’une
» part, et d’autre part les forces médicatrices de l’organisme en reven-
» cliquent à juste titre le succès. Par contre, l’observation a constaté les

demie de médecine, médecin de l’Hôtel-Dieu, etc., art. IIomqeopathie, dans le Dic-
tionnaire des Dictionnaires de médecine.

Trousseau et Pidoux, Traité de thérapeutique et de matière médicale ( Intro-
duction).

Jeannei., professeur à l’École de médecine de Bordeaux ( Réponse à M. le comte de
Bunncval, médecin homœopathe).

Pioiïey , ancien interne des hôpitaux de Paris {Du charlatanisme médical).

Cruciiet, de Marseille (L' homœopathie et le choléra de 1854, à Marseille ).

Manec, de Montpezat, Lettres sur V homœopathie.

Golfin, professeur de thérapeutique à la Faculté de Montpellier ( Eludes thérapeuti-
ques sur la pharmacodynamie).

Orfila, l’habile loxicologiste, qui fut doyen de la Faculté de Paris ( Bulletin général
de thérapeutique, t. XV, p. 392).

Soubeiran, professeur de pharmacie à la Faculté de médecine de Paris ( Traité de
pharmacie, 4 e édit.; préface, p. 7).

Voyez aussi presque tous les .journaux de médecine, notamment :

Le Bulletin général de thérapeutique, t. V, p. 293; t. VI, p. 5, 14, 101, 128;
t. VIII, p. 64, 329; t. XI, p. 392; t. XIV, p. 125; t. XV, p. 392; t. XII, p. 135,
326; t. XLV11I.

La Gazette médicale, 1833, etc., les Archives de médecine, la Gazette des hôpi-
taux, le Journal des connaissances médico-chirurgicales, passim.

La Gazette hebdomadaire, t. III, année 1856, etc., etc., etc.



46



MÉMOIRE



» dangers, mortels de pareils procédés , dans les cas fréquents et graves de
» notre art où le médecin peut faire autant de mal et causer non moins
» de dommage en n’agissant point du tout qu’en agissant à contre-
» temps. La raison et l'expérience sont donc réunies pour repousser de toutes
» les forces de l'intelligence un pareil système. »

Cette réponse a été adoptée à l’unanimité, quant au sens, et à l’una-
nimité moins deux voix quant au texte, par l’Académie, à la suite d’une
discussion qui a duré plusieurs séances et que nous n’osons reproduire,
mais dont le tribunal trouvera dans le dossier le procès-verbal officiel.

Plus récemment, le rédacteur en chef d’une revue liomœopathique
crut devoir offrir à l’Académie de médecine un exemplaire de son jour-
nal. Par un vote sans précédent, l’hommage fut refusé.

Peu de temps après l’apparition de notre feuilleton, et quand on com-
mençait déjà à s’occuper un peu, dans le public, du procès et des ennuis
d’un autre genre qu’il nous avait attirés, les jeunes étudiants en mé-
decine, auxquels s’étaient mêlés un grand nombre de praticiens, se pres-
saient sur les bancs du grand amphithéâtre de la Faculté pour applaudir
aux paroles d’un jeune professeur agrégé, qui dans un cours officiel, leur
disait :

« Puisque vous le désirez, je vais consacrer une leçon à vous parler
» de Hahnemann. et de sa doctrine; je vous en parlerai sans passion;
» mais ne vous attendez pas à ce que je vous en parle avec respect, car
» il ne le mérite pas.

» Hahnemann prétend guérir radicalement; malheureusement, il
» n’est pas ie seul à avoir de semblables prétentions; d’autres en disent
» autant d’une façon blâmable. Vous le voyez par ces petits écrits que
» disséminent certaines gens d’une honnêteté douteuse. Ils procèdent de
» la même façon; ils disent aussi : « Ma méthode nediminue pas seu-
» lement les maladies, elle guérit radicalement. » Voilà ce que disent ces
» médecins de bas étage.

» L’école de Hahnemann s’adresse plutôt aux gens du monde qu’aux
» médecins, et c’est là ce qui a contribué à son succès auprès des pre-
» miers.. ..

» Ce système thérapeutique renferme de telles énormités, qu’il est im-
» possible de le lire de sang-froid.

» Quand on a parcouru ce formulaire, cette longue nomenclature, en
» vérité le courage vous manque, et l’on se demande s’il n’y a pas eu
» aberration d’esprit de la part de l’homme qui l’a inventé.

» Hahnemann a différé de Mesmer et de Cagliostro, en ce que ces der-
» niers avaient eux-mêmes foi dans les erreurs qu’ils accréditaient, tan-
» dis que Hahnemann a cherché à tromper tout le monde, sans avoir
» l’excuse de s’être trompé lui-même. » ( Leçon de M. Lasègue, sténo-
graphiée.)



DU DOCTEUR GALLARD.



I\1



VI.

NOTRE ARTICLE.

Voilà ce que pensent de l’homœopathie les organes éminents et officiels
de la science, la Faculté et l’Académie. Qu’il nous soit permis de placer
notre article du 2 A octobre 1857 en regard et comme sous la protection
de ces arrêts.

(Voyez cet article p. 6.)

Si l’on compare les termes de notre feuilleton aux jugements qu’ont
portés sur l’homœopathie tous les médecins qui en ont parlé avant
nous , on verra que personne n’a été plus modéré que nous ; personne
peut-être ne l’a été autant.

On remarquera aussi que les expressions qui ont le plus vivement
choqué MRI. les homœopathes sont empruntées à l’un d’eux; elles sont
textuellement extraites du livre de M. RIagnan, que nous analysions.

Cet auteur avait dit : « A l’horreur qu’inspirait le nom seul de
» l’homœopathie a succédé en général un certain esprit de tolérance.
» On peut aujourd'hui appliquer la méthode de Bahnemann sans être un
» ignorant abject , un pauvre illuminé, ou un misérable charlatan; on peut
» se faire traiter par cette méthode sans tomber dans le ridicule, et sans

» passer pour avoir perdu le sens commun Les journaux de méde-

» cine commencent à ouvrir leurs colonnes à des discussions scienti-
» fiques qui semblent être le présage de l’esprit d’examen succédant à
» l’esprit de négation ou de dénigrement. A des accusations précipitées,
» acrimonieuses et aveugles , va succéder bientôt un débat calme , sé-
» rieux et digne de la science ». ( Préface , page v.)

Ayant à rendre compte d’un livre dans lequel je rencontrais toutes
ces assertions non justifiées, j’ai répondu: «RI. RIagnan se trompe
» lorsque, dans sa préface, il entrevoit « le commencement d’un débat
» calme, sérieux et digne de la science » . Ce débat a eu lieu ; il est clos,
» et il n’appartient à personne, pas même à des hommes jeunes, hon-
» nêtes et ardemment convaincus, comme il paraît l'être, de le ranimer
» jamais. On ne peut , en effet , opposer que le silence et le dédain à
» ceux qui, battus sur les hauteurs où s’agitent les discussions scienti-
» lîques, essayent maintenant d’engager une misérable lutte sur le ler-
» rain fangeux de la pratique industrielle et de l’exploitation. L’homœo-
» patliie n’est plus une doctrine , encore bien moins une science : c’est
» un commerce exercé par quelques-uns au détriment de la science et
» de l’humanité ; et, s’il est une époque où l’on a pu « appliquer la mé-
» tliode de Halmemann sans être un ignorant abject , un pauvre illu-
» miné, ou un misérable charlatan », ce n’est certainement pas à
» l’époque actuelle. »

J’ai eu soin de placer entre guillemets la phrase que j’empruntais à
RI. RIagnan , et qui est aujourd’hui plus spécialement incriminée. En
prenant ainsi une phrase dans le livre dont je rendais compte, et en la



Zi8



MÉMOIRE



retournant sans en changer un mot, et tout en indiquant son origine,
sommes-nous sorti des droits de la critique et des usages quotidiens de
la presse? N’est-ce pas comme si nous avions dit : — Vous avouez que
l’on a pu, à tort ou à raison, donner autrefois les qualifications en ques-
tion aux disciples de Hahnemann ; et après un tel aveu vous cherchez
à démontrer que de semblables qualifications ne leur sont plus appli-
cables aujourd’hui. Eh bien, moi, je pense tout différemment, j’admets
qu’à la rigueur on ait pu, dans le temps, appliquer cette méthode sans
être tout ce que vous dites, mais aujourd’hui il n’en est plus de même ;
pour appliquer la méthode de Hahnemann , il faut ignorer les résultats
qu’elle a donnés dans les nombreuses expériences instituées pour la ju-
ger, ou ne les ignorant pas, passer outre. — Quelle épithète mérite-t-on
dans le premier cas comme dans le second? Nous le demandons aux
homœopathes eux-mêmes ; et nous empruntons à M. Magnan celles
d'ignorant abject , de pauvre illuminé, de misérable charlatan.

Nous avons écrit déjà de nombreux articles de science ou de polé-
mique, et jamais de semblables expressions ne se sont rencontrées sous
notre plume (1). Comment cette fois avons-nous été amené à nous en
servir? Le tribunal le sait maintenant.

Notre conduite a mérité l’approbation de nos confrères, et grand
nombre d’entre eux ont bien voulu nous faire l’honneur de nous dire
que nous avions , dans cette affaire , su défendre en même temps les
saines doctrines et la dignité de la profession médicale. — Ce ne
sont pas seulement des confrères isolés , mais un grand nombre de
sociétés savantes qui sont venues nous entourer de leur sympathie et

(1) Un passage significatif, car il peut être considéré comme notre profession de foi
en fait de critique, puisqu’il se trouve au commencement du premier article de ce
genre que nous ayons publié dans VUnion médicale, dira mieux que nous ne pouvons
le faire ici quellerègle de conduite nous nous sommes tracée à cet égard : « Si, disions-
» nous, nous trouvons les éléments nécessaires pour une semblable discussion, nous
» tâcherons de les mettre à profit, car notre intention n’est pas de nous bornera une
>, sèche analyse de ces travaux. Nous voulons, au contraire, chercher à nous former
» une opinion personnelle que nous essayerons ensuite de faire prévaloir en prenant
» parti dans la discussion. Cela nous mettra naturellement dans la nécessité de com-
» battre les partisans de l’opinion opposée, mais nous espérons ne le faire qu’à armes
» courtoises, et tout en rendant justice tant au mérite personnel des auteurs qu'à la
» valeur intrinsèque de leurs œuvres. Nous n’oublions pas, en effet, qu’il s’agit d’une
a question fort controversée au sujet de laquelle les doctrines les plus divergentes
» comptent des partisans parmi les célébrités de notre époque, et, si près que nous
» pensions être de la vérité, nous devrons toujours conserver une certaine hésitation
» en face d’un semblable désaccord. J’aime, du reste, à croire que mes anciens collè-
» gués d’internat ne verront dans cette discussion autre chose que le désir d’élucider,
» avec l’aide de leurs lumières, un point encore obscur de pathologie ; et j’ai une
» trop grande confiance dans la noblesse des sentiments dont ils sont animés pour
» penser qu’un seul d’entre eux puisse se froisser de mes objections ou même de mes
» critiques, lesquelles ne devront altérer en rien les bonnes relations que j’ai toujours
« entretenues avec chacun d’eux, et la cordiale amitié qui me lie à plusieurs. » (T. Gal-
x laud , Qu’est-ce que la fièvre puerpérale? p. C, etl 'Union médicale, 4 juillet 1857.)



pu DOCTEUR G ALLA RD. 49

applaudira notre conduite, en acceptant en quelque sorte la solidarité
de notre article par des ordres du jour motivés, qui sont par nous joints
au dossier.

Après ces témoignages, après l’arrêt prononcé avec une si éminente
autorité par l’Académie; après les jugements émis par nos maîtres les
plus illustres (1), nous croyons avoir le droit de dire qu’en écrivant ce
que nous avons écrit; nous avons été le modeste mais véridique inter-
prète du corps médical tout entier.



Vil.

LANGAGE DES ÏI0M0E0PATUES.

A titre de comparaison, nous sera-t-il permis de citer les provocations
dont les médecins ont été l’objet de la part des bomœopalhes, et les
termes dont ils se sont souvent servis vis-à-vis de nous sans que nous
ayons cru, ni notre considération atteinte , ni notre clientèle menacée ?

Voici comment s’exprime Halinemann ( Organon ) :

« Je laisse de côté ce scandale que donne au monde la lie du peuple
médical , et je m’occupe seulement de la médecine ré quant e dans les écoles,
qui, fière de son antiquité, s'imagine avoir réellement le caractère d'une
science. » (P. 2.)

« Il est temps que tous ceux qui se disent médecins cessent de tromper
les pauvres humains par des paroles vides de sens et qu’ils commencent à
agir, c’est-à-dire à soulager et guérir réellement les malades. » (P. 111.)

« N'y a-t-il pas, d’après cela, delà démence à se proposer comme objet
de guérison l’état intérieur » (P. 113.)

« C’est la méthode au moyen de laquelle les médecins ont, jusqu’à pré-
sent, réussi le mieux à se donner l'air de soulager les malades, et sur la-
quelle ils ont le plus compté pour gagner leur confiance en les leurrant
d’un soulagement instantané. » (P. 157.)

« Cette chose est précisément celle qu’on devrait éviter si Loti voulait
ne pas tromper les malades et ne point se moquer d'eux. » (P. 158.)

« Cette pernicieuse méthode , si généralement employée aujourd’hui, est
la principale source des innombrables maladies chroniques, portant des
noms ou innommées, sous le poids desquelles gémit l’humanité tout
entière. — C’est une des actions les plus criminelles dont lu médecine ait pu
se rendre coupable, et cependant c’est celle qu’on a généralement exercée
jusqu’à ce jour. » (P. 2ü5.)

«Peu importe que l’atténuation aille jusqu’au point de paraître impos-
sible aux médecins vulgaires dont l’esprit ne se nourrit que d’idées maté-
rielles et grossières. » (P. 318.)

« Les assertions de la matière médicale ordinaire sont arbitraires et peu



(1) Yoy. ocs jugements aux sources indiquées en note, p. H.



4



50



MÉMOIRE

raisonnées ; elles se rapprochent du pur mensonge. Et quel crime que de fon-
der le traitement des maladeS'Sur des mensonges ! » (P. 351.)

«Voilà comment la santé et la vie des hommes ont été livrées au
caprice de quelques brouillons dont l’imagination faisait tous les frais de
ce qu’on appelait la matière médicale. » (P. 352.)

« N’est-ce pas imprimer à la matière médicale le cachet d’une ignorance
présomptueuse et sons conscience ? » (P. 353.)

« Sans m’arrêter à discuter avec des hommes que les préjugés de
l’école aveuglent , et à qui leur conscience se charge de faire les justes
reproches qu’ils méritent. <> (P. 395.)

Et, dans son Traité des maladies chroniques , le Grand Prêtre de l’ho-
mœopathie ne nous ménage pas davantage:

« Il est incroyable jusqu’à quel point les médecins modernes de l’école
ordinaire se rendent coupables du crime de lèse- humanité , lorsque, sans
excepter presque aucun professeur, aucun des praticiens les plus en
réputation et des écrivains les plus considérables, ils érigent en
règle » (T. I, p. 2k.)

« De tous les méfaits que l’on peut reprocher aux médecins modernes
de l’ancienne école, c’est là réellement le plus nuisible , le plus impardon-
nable

» Celui qui, d’après ces exemples et une innombrable quantité d’au-
tres semblables, n’aperçoit pas le contraire précisément des assertions
qu’ils mettent en avant, s'aveugle à plaisir et agit avec intention au détri-
ment de l' humanité . » (P. 54.)

« Quand bien même il y aurait quelque motif spécieux d’excuser cette

triste négligence et cette ignorance rien ne justifie l’aveuglement

général qui, pendant une si longue suite de siècles, leur a tait mécon-
naître la maladie interne préexistant à l’éruption psorique Afin de

prolonger l'erreur et de laisser le monde dans la pernicieuse croyance »

(P. 72.)

« Le médecin vulgaire nuit ou malade , bien loin de le servir »

(P. 138.)

« La nature inintelligente , livrée à elle-même, ne peut rien taire de
mieux, dans les maladies chroniques et dans les affections aiguës, qui en
procèdent de temps en temps, que de recourir à des palliatifs pour sauver
temporairement le sujet du danger subit qui menace ses jours L’al-

lopathie napu qu imiter la nature inintelligente dans ses efforts palliatifs,
sans même produire ce faible résultat, mais aussi sans manquer d’épuiser
beaucoup les forces. E lie n d donc jamais fait, comme la nature , que hâter
la ruine générale. « (P. 217.)

« Lorsqu’on s'est rendu sourd à la voix de la conscience alors on est

médecin allopathe. »

« Cet art funeste , qui, depuis une longue suite de siècles, est en pos.
session de statuer arbitrairement sur la vie et la mort des malades, qui
fait périr deux fois plus d'hommes que les guerres les plus meurtrières , et
qui en rend des milliers d’autres infiniment plus souffrants qu’ils ne
l’étaient dans l’origine. »



DU DOCTEUR GALLÀRD.



51



« Leur persistance (des médecins) à suivre la méthode, homicide des
anciens , les rend un objet de mépris et d'horreur. L’impartiale histoire
llétrira leurs noms pour avoir dédaigné les secours qu’ils auraient pu
donner à des malades dignes de compassion, s’ils n’avaient pas fermé
méchamment leurs yeux et leurs oreilles à la yrande et salutaire vérité. »
(Hahnemann, l’Allopathie. )

Après Hahnemann, l’inventeur de l’homœopathie , nous pourrions
citer presque tous ses adeptes, car bien peu d’entre eux se sont fait faute
de le suivre dans cette voie; mais nous choisirons de préférence dans les
ouvrages de ceux qui figurent au procès à titre de demandeurs. — Ainsi
JL Escallier , dans un opuscule sur le traitement du rhumatisme, se

propose « de montrer à quels tristes résultats, nous devrions dire à

quels actes coupables, peuvent conduire et l’absence de véritable méthode
thérapeutique chez nos adversaires, et le déplorable esprit de système
qui les entraîne. » (P. 22.)

Plus loin il dit :

« Administrer une substance médicamenteuse à une dose capable
de mettre un être humain dans un état pareil à celui qui vient d’être
décrit, ri est-ce pas en réalité l' empoisonner ? » (P. 29.)

« Nous affirmons que chez tous ces malades il y a eu EMPOISONNEMENT par
le sulfate de quinine. » (P. A5.)

a Si la science et l’art ont le droit de se trouver insultés par la confusion
et le doute qui dominent la thérapeutique officielle du rhumatisme aigu,
l’humanité à son tour a le droit de repousser des médications incen-
diaires aussi bien que les sectaires imprudents ou aveugles qui veulent les
lui imposer. » (P. 50.)

« On peut se demander si la médication n’a pas été plus pernicieuse
que la maladie. » (P. 55.)

Et il termine par un aveu que nous nous plaisons à enregistrer.

« L’HOMŒorATHiE n’ayant pu faire, parmi les médecins, de propagande
bien active... elle s'est insinuée dans l’intérieur de tous les ménages. »

(P. 115.)

Dans une brochure de M. Audouit, nous lisons (1) :

« L’excellence de la méthode homceopatliique me permet d%offrir

à mes collègues un travail un peu plus sérieux peut-être, et à coup sûr
beaucoup plus complet que les données recueillies après vingt mois
d’expériences par MM. Cazenave et Devergie. — Je me hâte d’ajouter
que ce n’est point l’habileté si connue de ces messieurs que j’entends ici
mettre en cause, mais bien le pitoyable système d’expérimentation qu’ils
continuent de suivre en dépit de son incertitude si manifeste, et ce qui
est plus grave, malgré les dangers qu’il fait si souvent courir aux ma-
lades. » (P. 8.)

« La lice est ouverte , continue-t-il ; les plus illustres médecins sanc-
tionnent par leur conduite et par leurs conseils le bill d’indemnité que
vous avez déjà. Courage! Expérimentez sans reiâche , expérimentez

(1) Éludes sur /’hydrocolyle asiatica.



52



MÉMOIRE



encore, expérimentez toujours. Les malades, ceux des hôpitaux surtout,
sont un peu faits pour cela. Ne ménagez personne : expérimentez quand
même, vous navez rien à craindre , et vous pouvez espérer que , sur la terre
qui cachera vos bévues, V Académie reconnaissante fera croître quelques
lauriers. » (P. 42-43.)

« 11 faudrait être bien aveugle ou bien prévenu pour ne pas apercevoir
l’immense supériorité de la méthode expérimentale que j’ai suivie dans
cette étude sur les essais routiniers, empiriques et inhumains que l’on met
en œuvre dans l'école officielle. » (P. 108.)

Enfin, M. Chargé (dans V Homœopathie et ses détracteurs ) s’écrie :

« On trouve dans le livre du docteur Fabre tous les procédés barbares
inventés et perfectionnés par l'allopathie pour torturer et martyriser les
pauvres malades. » (P. 28.)

« Si leurs auteurs (des livres classiques) passent trop souvent sous
silence le nom de Halmemann, c’est une lacune plus ou moins involon-
taire que l'ignorance seule peut se refuser à combler. » (P. 33.)

«Je me trouve à la discrétion de confrères passionnés et qui dans
maintes occasions déjà ont publiquement donné la preuve d’une partialité
injuste et outrageante. » (P. 82.)

« Ce n’est plus de la lactique, c'est du larcin. » (P. 104.)

« Fidèles à leurs habitudes de dénigrement, nos adversaires trouvent
toujours plus facile de nous calomnier que de discuter avec le désir bien
sincère de chercher et de trouver la vérité. » (P. 112.)



VIII.

SITUATION MORALE ET SCIENTIFIQUE DE L’UOMOEOPATHIE.

L’homœopathie prétend être le progrès en médecine, et elle s’écrie :
Le progrès ne peut se faire jour sans lutte et sans difficultés; il trouve
constamment, surtout au sein des écoles, une opposition systématique
qui crée pour lui une résistance souvent difficile à vaincre.

Mais est-elle donc dans ce cas? Est-ce une lutte plus ou moins achar-
née contre quelques hommes isolés ou contre des corps savants obstinés
qu’elle a seulement à soutenir? N’est-elle pas, au contraire, entourée
d’une réprobation générale, universelle?

Une vérité a beau être combattue, proscrite, elle n’est jamais aussi
universellement repoussée que cette doctrine. Si elle était à l’état de
vérité opprimée, on lui verrait faire incessamment de nouveaux prosé-
lytes parmi la jeunesse, dont toutes les aspirations tendent si irrésisti-
blement vers le progrès; elle aurait déjà envahi, peu à peu, les académies,
les facultés, les écoles; elle se serait installée de vive force au sein des
corps savants ou enseignants ; à défaut de l'enseignement officiel, elle
ouvrirait des cours libres qui seraient suivis par les jeunes gens; elle
aurait des noms célèbres à nous citer. Et, au lieu de cela, nous voyons



53



Dü DOCTEUR GAULA RD.

ses adeptes partout honnis et repoussés. Dans tous les États de l’Europe,
à Saint-Péterbourg comme à Paris, à Naples et à Vienne comme à Edim-
bourg ou à Londres, les médecins les plus instruits en même temps que les
plus honorables, viennent, après avoir consciencieusement expérimenté
cette doctrine, la déclarer absurde et inefficace.

Se recrutant surtout parmi les officiers de santé, l’homœopathie ne
brille nulle part en Europe; les écoles et les hôpitaux lui sont fermés, on
expulse ses adeptes des sociétés dont ils faisaient partie, on ne les admet
dans aucune; on se refuse à les rencontrer en consultation (1). Ce ne
sont pas là les caractères de la prévention contre le progrès; ce n’est
même plus pour les médecins une question de science, c’est une question
d’honnêteté et de dignité professionnelles.

Il est vrai, nous le reconnaissons parfaitement, que le progrès ne peut
se faire sans luttes, sans discussion, car il lui faut ces luttes, ces discus-
sions pour le sanctionner, pour lui donner droit de cité dans la science.
La controverse seule permet à la vérité de se faire jour, de se distinguer
de 1 erreur, et il est du devoir de tous les savants de ne jamais admettre
une vérité nouvelle sans l’avoir soumise à un sévère et rigoureux con-
trôle; sans cela, que d’erreurs pénétreraient dans la science sous ce faux
titre de vérité nouvelle !

Ce contrôle indispensable, si rigoureux qu’il soit, n’a jamais été une
barrière infranchissable que pour l’erreur, et constamment la vérité a pu
parvenir à se faire jour en fort peu de temps. Il a fallu, dites-vous sans
cesse, trente ans pour faire accepter la théorie de la circulation du sang ;
mais voilà plus de soixante années que l’homœopathie combat en vain.
Elle est née en 1790. Quels immenses progrès a-t-elle faits, surtout si
nous la comparons à la vaccine, découverte en 1797 seulement; à la
vapeur, à l’électricité, dont certaines propriétés importantes n’ont été
révélées que depuis le commencement de ce siècle, aux vertus anesthé-
siques de l'éther et du chloroforme, dont la connaissance date d’hier, et
qui cependant sont acceptées et utilisées par tous les chirurgiens du
monde.

Vous le voyez donc bien, l’homoeopalhie est un faux système, sans
cela elle n’aurait pas été si universellement combattue, et elle serait ac-
ceptée au même titre que toutes les inventions plus modernes qu’elle,
dont nous venons de faire la rapide énumération.

Et, si tous les corps savants sont unanimes pour la repousser, c’est
qu’au lieu d’être un progrès, comme le prétendent ses partisans, elle
n’est autre chose qu’une immense mystification. Elle est au progrès, ce
qu’est l’Ica rie ou le phalanstère aux grands principes de la civilisation
moderne.

(I) Bulletin général de thérapeutique, t. XXXIX, p. 96 et t. XLl. — Gazelle hebdo-
madaire, 1856. — Journal des connaissances médicales et pharmaceutiques, juin 1 858.
— Archives generales de médecine, juillet 1858, p. Il", etc.



MÉMOIRE



5'j

APPENDICE.

QUE PENSER DES MÉDECINS QUI SE DISANT HOMOEOPATHES FONT
DÈS PRESCRIPTIONS NON HOMQEOPATH1QUES ?

( Les insufficientisles) .

Jusqu’à présent nous n’avons parlé de l’homœopathie qu’en la pre-
nant au sérieux et en considérant les hommes qui la pratiquent comme
profondément convaincus de son efficacité. Mais il ne faut pas croire
qu’il en soit toujours ainsi. Nous voulons bien admettre que, parmi les
homœopathes, il se trouve un petit nombre de médecins consciencieux
qui, abusés par cette chose nouvelle et mystérieuse importée d’Alle-
magne, font abnégation de tout ce qu’ils savent pour adopter les théo-
ries de Halmemann et se laisser guider par ses enseignements ; credo
quia absurdum, disent-ils. Mais ceux-là comprennent parfaitement tout
ce qu’une telle doctrine a d’opposé avec la science réelle, avec la méde-
cine classique, et, les plaçant l’une et l’autre dans un antagonisme con-
stant, iis n’ont jamais pu s’arrêter à l'idée de les associer dans leur
pratique.

Pour eux, « il est absolument interdit de mélanger le traitement ho-
mœopalhique avec les remèdes préconisés par l’ancienne médecine,
une telle association serait monstrueuse (1), » car « l’homœopathie
est une doctrine nouvelle qui prétend être complète, qui n’admet rien
en partage, qui veut être victorieuse ou terrassée (2). » Ce sont, nous
le croyons fermement, de très honnêtes gens, incapables de nuire à leur

prochain sciemment du moins; mais qui à nos yeux ont un seul

tort, et celui-là est immense, c’est de ne pas vouloir nous permettre de
les appeler des ignorants ou des illuminés. Ils ont foi dans ce qu’ils prê-
chent, d’accord, mais croire n’a jamais été le synonyme de savoir, et la
médecine n’est pas une religion, c’est une science.

Cependant, qu’on le sache bien, ceux qui croient réellement en l’ho-
mœopalhie sont les moins nombreux; d’autres, plus habiles sans doute,
mais certainement moins honorables, profitent de l’engouement du pu-
blic pour l’homœopathie qui est, il faut bien le dire, autant à la mode
de nos jours que le baquet de Mesmer a pu l’être dans le siècle dernier.
Une fois appelés auprès des malades désireux d’être soumis au traitement
homœopathique, ces médecins peu consciencieux n’hésitent pas à faire
des prescriptions toutes différentes de celles enseignées par l’auteur de
la méthode qu’ils prétendent pratiquer.

Ils prescrivent donc des médicaments à haute dose, et c’est si peu faire
de l’homœopathie que Hahnemann a lui-méme répudié toute solidarité
avec eux en les reniant pour ses disciples d’une façon assez catégorique

(1) Andiuiîd : Traitement homœopathique du choléra, p. 30.

(•2) Magnan : L'Iinmœopathie, p. 7.



DU DOCTEUR GALLARD.



55



pour ne pas laisser place à l’équivoque. « Une dose plus forte que la
nécessité ne l’exige (1), même du remède le plus homœopathique, agit
avec trop de violence et porte un trouble trop grand, trop prolongé
dans les facultés morales et intellectuelles, pour qu’on puisse de bonne
heure reconnaître l’amélioration dans l’état de ces dernières. Je ferai
remarquer ici que cette règle si importante est une de celles contre les-
quelles pèchent le plus les médecins qui passent de l’ancienne école à
celle de l’homœopathie. Aveuglés par le préjugé, ils s’abstiennent des
plus petites doses des solutions les plus étendues des médicaments, et
se privent ainsi des plus grands avantages que l’expérience en a mille
et mille fois retirés; ils ne peuvent faire ce qu’accomplit le véritable
homœopathe, et se donnent à tort pour ses disciples. » (Hahnemann,
Organon, p. 301.)

Et ailleurs il les accuse de « n’agir ainsi que pour s’épargner la peine
de chercher le remède homœopathique, ou plutôt pour ne pas se donner
celle de devenir médecin homœopathisle tout en ayant l’air de l’être. »
[Organon, p. 153.)

Car « il faut avoir bien peu approfondi l’étude de l’homœopathie,
n’avoir jamais vu aucun traitement homœopathique bien motivé, n’avoir
point su juger jusqu’à quel point ies méthodes allopathiques sont dénuées
de fondement et ignorer quelles suites, les unes mauvaises, les autres
effrayantes, elles entraînent, pour vouloir faire marcher ces détestables
méthodes de pair avec la véritable médecine, et les représenter comme
des sœurs dont elle ne saurait se passer. L ’ homœopathie pure , qui ne
manque presque jamais son but, qui réussit presque toujours, repousse
toute association de ce genre. » (Idem, p. 138.)

« L’homœopathie ne verse pas une seule goutte de sang; elle ne purge
pas et ne fait jamais vomir ni suer; elle ne répercute aucun mal externe
par des topiques, et ne prescrit ni bains chauds ni lavements médica-
menteux ; elle n’applique ni vésicatoires, ni sinapismes, ni sétons ou
cautères; jamais elle n’excite la salivation ; jamais elle ne brûle les
chairs jusqu’à l’os avec le moxa ou le fer rouge, etc. » ( 1 d . , Organon,
préface.)

Puisque ceux qui agissent ainsi ne sont pas homœopathes, puisque
Hahnemann leur défend de se vanter d'appliquer sa méthode ou d’oser
se donner pour ses disciples, que viendraient-ils donc faire au procès?
De quel droit se plaindraient-ils de la façon dont nous les apprécions,
quand leur conduite est jugée par les vrais homœopathes eux-mêmes
plus sévèrement encore qu’elle ne l’a jamais été par nous? — Nous
reconnaissons bien avec eux que « la nouvelle doctrine, telle qu’elle a
été présentée dans sa totalité par Hahnemann et admise comme un
code sacré par ses disciples, ne peut soutenir l’examen d’une critique
juste et impartiale (2). » Et c’est ce que nous nous sommes efforcé de

(1) Nous savons maintenant ce que cela veut dire dans la bouche de Hahnemann,
voy. p. 30 et 31 .

(2) Rau, Nouvel Organon.



56



MÉMOIRE



démontrer dans le cours de ce travail. — Mais nous ajouterons que cette
doctrine étant aussi contraire à toutes les données scientifiques, tant dans
Ses détails que dans son ensemble, il n’y a rien de bon à y prendre. Si
elle n’est pas entièrement vraie, elle doit être entièrement fausse, et nous
nous associons pleinement au blâme adressé par l’auteur de la doctrine
à ceux qui croient pouvoir, dans la pratique, l’associer à la médecine
traditionnelle. — Quel est donc le mobile de leur conduite? Nous avons
dù nous borner à le faire pressentir; mais le professeur Requin l’a clai-
rement divulgué dans une vigoureuse apostrophe que nous prendrons la
liberté de reproduire, et qui nous servira de conclusion :

« Arrière donc, s’écrie le savant académicien! arrière, tiers parti jus-
tement repoussé de droite et de gauche, entre le camp des vrais homœo-
patlies et le nôtre! Arrière, vous praticiens amphibies! vous, Janus à
double langage! vous, chauves-souris de V homœopathie, qui dites comme il
vous plaît, tantôt je suis souris, et tantôt je suis oiseau! Vous ne prenez
LE NOM d’HOMOEOPATHE QUE COMME UNE ENSEIGNE ET POUR ALLÉCHER CER-

taines gens. » (Requin, Homœopathie ; suppl. au Dict. desdict. deméd.)

D r T. Gallard,

Ancien iutcruc-luuréal (médaille d’or) des hûpit iux, etc.



RÉPONSE A LA NOTE SCIENTIFIQUE

SUR LA DOCTRINE HOMOEOPATHIQUE ,

A L’OCCASION DU PROCÈS INTENTÉ AU JOURNAL

L’UNION MÉDICALE,

Dans la personne de MM. Richelot, gérant ;

A. Latour, rédacteur en chef ;

T. Gallard, auteur de l’article incriminé.

• PAU

MM. les docteurs en médecine Pétroz, Gastier, Léon Simon, Chargé, L. Molin,
Crétin, Escallier, Lebouclier, Love, Gueyrard, Audouit et Desterne.

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE.

Dans la note présentée au tribunal par MM. G. Richelot, A. Latour
et T. Gallard, défendeurs, au su jet de l’action intentée contre eux par les
soussignés (i), l’objet de la poursuite est absolument méconnu et détourné
du motif qui a dirigé les demandeurs.

De quoi s’agit-il ?

D’un feuilleton inséré dans le numéro du 1l \ 1 octobre 1857 du journal

(1) Les docteurs indiqués fout tous partie de la commission centrale homœopathique
instituée par une délibération du Congrès homœopathique de Paris, dans la session de



57



DES MÉDECINS HOMOEOPATI1ES.

l’Union médicale. Pris dans son ensemble, ce feuilleton constitue une
atteinte grave portée à l’honneur et à la considération de tous les méde-
cins homœopathes. Si l’injure dont nous parlons n’avait frappé (pie les
soussignés, peut-être auraient-ils hésité entre l'oubli et la demande d’une
juste réparation. Si Y Union médicale avait fait droit à la réclamation qui
lui fut adressée par ministère d’huissier, en date du 21 novembre sui-
vant, il n’y aurait pas eu de procès. Mais, la lettre adressée au gérant du
journal et à l’auteur de l’article déféré au tribunal n’ayant pas été insé-
rée, l’injure adressée à tous les médecins homœpatlies franchissant les
limites de la controverse la plus excessive, l’oubli, le silence ou même
le dédain devenaient impossibles. C’est pourquoi l’action fut introduite.

Dans le feuilleton, sujet de la poursuite, on lit les phrases suivantes :

« On ne peut, en effet, opposer que le silence et le dédain à ceux qui,
battus sur les hauteurs où s’agitent les discussions scientifiques, essayent
maintenant d’engager une misérable lutte sur le terrain fangeux de la
pratique industrielle et de l’exploitation.

» L’homœopathie n’est plus une doctrine, encore bien moins une
science; c’est un commerce exercé par quelques-uns au détriment de la
science et de l’humanité; et, s’il est une époque à laquelle on a pu ap-
pliquer la méthode de Hahnemann sans être un ignorant abject, un
pauvre illuminé ou un misérable charlatan, ce n’est certainement pas à
l’époque actuelle (1). »

Cinq jours après la publication du feuilleton de M. Gallard, il lui fut
adressé, ainsi qu’àM. Richelot, la lettre suivante :

(Voyez cette lettre, p. 13.)

A cette lettre modérée dans la pensée qui l’avait dictée et dans ses ex-
pressions, Y Union médicale répondit par un refus d’insertion.

Que demandions- nous cependant aux défendeurs : 1° De rétracter

1835. Celle commission n’ayant pas d’existence légale, les membres qui la composent
ont introduit leur action en leur nom personnel, lis ont indiqué leur qualité de mem-
bres de la commission centrale, pour que le tribunal sache pourquoi leurs confrères
ne se sont pas joints à eux en plus grand nombre.

(1). Voy. la Note scientifique, signée T. Gallard, p. 47, et p. 7. La suite de notre ré-
ponse fera justice des assertions outrageantes contenues dans cette citation. Nous nous
bornerons en ce moment à deux courtes remarques :

1° Où l’auteur a-t-il vu que les homœopathes essayent d’engager une lutte sur ce
qu’il nomme le terrain fangeux de la pratique industrielle et de l’exploitation? Une
lutte pratique existe forcément entre tous les médecins appartenant il des écoles diffé-
rentes. Toute doctrine n’aspire-t-elle pas à l’application et n’a-t-elle pas la prétention
de faire mieux que ses rivales ou ses devancières? n’y avait-il pas lutte ouverte entre
les partisans de Pinel et les disciples de Broussais; et cette lutte ne se perpétue-t-elle
pas de nos jours entre les différentes nuances de l’école allopathique? Ceux-là seule-
ment vivent en paix qui, n'ayant rien à défendre, n’out aucun motif de préférer leur
pratique à celle des autres. Il n’y a là ni industrie, ni exploitation, ni terrain fangeux,
mais conûance en sa force, conûance aux principes qu'on défend.

2° L auteur dit que 1 homoœpathie n’est plus une doctrine, encore moins une. science.
Il y eut donc un temps où elle était l'une et l’autre? Nous serions curieux de savoir à
quelle époque, s’abdiquant elle-même, elle a ce<sé d’être ce qu'elle était.



58



MÉMOIRE



publiquement les expressions injurieuses dont ils s’étaient publiquement
servis; 2° de reconnaître qu’ils avaient avancé un fait erroné en affirmant
que la brochure de M. Manec (de Montpezat) n’avait reçu aucune réfu-
tation ; 3" qu’ils étaient tombés dans une erreur inqualifiable, en disant
que, plusieurs fois provoqués à une discussion sérieuse, nous avions fui
le combat au lieu de l’accepter (1).

1° La rétractation des injures adressées aux médecins homœopathes
étant le fond du procès, nous n’insistons pas, à ce sujet, dans le moment
présent.

2° Sur le second point, qu’il nous suffise de renvoyer M. Gallard à la
brochure de M. le docteur Jousset intitulée : Réponse aux lettres de
M. Manec sur V homœopatliie (Paris).

3° Loin de fuir la discussion lorsqu’ils y furent provoqués, les ho-
mœopathes l'ont toujours acceptée. S’agit-il de la décision prise par
l’Académie de médecine de Paris, il y fut répondu par la brochure inti-
tulée : Lettre à M. le ministre de l’ instruction publique, par le docteur
Léon Simon (Paris, 1835). M. Trousseau vint-il à attaquer l’homœopa-
thie devant la Faculté de médecine de Paris dans un discours solennel
de rentrée , il y fut encore répondu par une autre brochure du même
auteur, intitulée : Lettre à messieurs de la Faculté de médecine de Paris,
en réponse aux attaques dirigées contre la doctrine homœopathique (Paris,
1843). L'Union médicale elle-même a-t-elle dirigé ses attaques contre
l’homœopatiiie ou accepté celles d’un de ses correspondants , la réponse
fut toujours faite, mais ne fut jamais acceptée. Nous en citerons une
preuve irrécusable.

Dans les numéros des 9 et 12 juillet 1855 de Y Union médicale , M. le
professeur Bonnet (de Bordeaux) publia une critique de l’homœopathie.
Le 15 du même mois, l’un de nous, M. le docteur Crétin, adressa une
réponse aux attaques de M. Bonnet. M. Amédée Latour lui retourna son
manuscrit accompagné de la lettre suivante :

A M. le docteur Crétin, à Paris. *



« Paris, le 16 juillet 1853.

» Monsieur,

» J’ai l’honneur de vous adresser te manuscrit que vous m’avez confié
et dont notre comité de rédaction n’a pas agréé l’insertion. Tout en ren-
dant hommage à la politesse et à la convenance de votre discussion, le
comité a pensé qu’il ne pouvait, sans inconvénient pour notre publica-
tion, ouvrir la porte à une polémique de ce genre. Veuillez considérer,
monsieur, que les opinions médicales représentées par notre journal ne
font que se défendre, quelles se défendent chez elles et sur leur terrain,
et qu’elles ne demandent pas l’hospitalité aux publications périodiques
consacrées aux doctrines qui ont vos convictions. L’homœopathie a aussi



(1) Yoy. la Note scientifique, p. 47 et passim.



DES MÉDECINS HOMEOPATHES.



59



ses journaux, qui popularisent et défendent sa doctrine : il est tout na-
turel que ce soit à eux qu’aboutissent les travaux du genre de celui que
vous avez eu la bonté de me remettre.

» Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de ma considération dis-
tinguée.

» Latour (Amédée). «

Quelles que soient la bienveillance et la courtoisie de la réponse de
M. A. Latour, nous observerons qu’elle passe à côté de la question.
M. Bonnet attaque l’homœopathie ; on répond à ses critiques ; n’était-ce
pas sur le terrain où la lutte s’était engagée que la défense devait faire
entendre sa voix? S’il se fût agi de contredire les opinions que l 'Union
médicale prétend défendre, il eût été peu convenable, sans doute, de
réclamer l’hospitalité du journal attaqué. Mais du moment où c’est lui
qui engage lajlutte, l’intérêt de la vérité exigeait quela réponse fût connue
des témoins de l’attaque. M. Gallard, qui nous a condamnés si sévère-
ment, devrait mieux connaître la position de l’homoeopalhie ; nous n’au-
rions pas à relever chez lui des assertions aussi erronées que celles qui
précèdent.

Cependant, averti par nos réclamations de l’irréflexion de sa polé-
mique, M. Gallard persiste dans la voie malheureuse où il s’est engagé.
11 a fait distribuer au tribunal une note scientifique dans laquelle il pré-
tend justifier la forme et le fond de l’article sujet du débat. 11 emprunte
ses moyens de justification à ce qu’il nomme une exposition de la doc-
trine homœopatliique, de son origine, de ses conséquences pratiques et
des dangers qui peuvent résulter de son application (1). A l’appui de sa
thèse, il rappelle les expériences tentées en divers lieux , les opinions
émises par plusieurs corps savants sur l’homceopathie, et trace à sa ma-
nière un tableau vraiment fantastique de la situation morale et scienti-
fique de cette doctrine.

JNous dirons bientôt ce qu’est l'homœopathie, quelle fut son origine,
à quelles conséquences pratiques elle conduit. Nous apprécierons les ex-
périences qui ont été tentées. Nous dirons ce que valent les opinions
émises par les corps savants dont parle M. Gallard, et raconterons en
toute vérité la situation morale et scientifique de l’homœopathie.

Mais nous sommes assurés qu’au moment de prendre une décision, le
tribunal ne se laissera surprendre ni par le faux semblant d’exposé
scientifique qui lui a été présenté, ni par les conséquences qu’on a pré-
tendu en tirer. Admettons pour un moment que l’homoeopathie ne soit
qu’un tissu d’erreurs, que les expériences rapportées aient la valeur
qu’elles n’ont pas, que les décisions académiques puissent être considé-
rées commodes arrêts sans appel, ce que nos adversaires eux-mêmes
n’oseraientsoutenir, toutes ces conditions réunies ne pourraient autoriser
à juger de l’intention de ceux qui exercent l’homœopathie, encore moins
à les présenter comme étant descendus du rang où les élèvent leur titre



(1) Voy. la Note scientifique de M, Gallard, p. 19.



60 MÉMOIRE

et leur caractère, cl comme exerçant un commerce au détriment de la science
et de U humanité.

Un jugement d’une malveillance aussi sévère, prononcé en termes
tellement absolus qu’il ne comporte ni réserve ni exception, qu’il s’a-
dresse à tous sans désigner personne en particulier, qu’il incrimine à la
fois les opinions, les actes et les intentions de ceux auxquels il s’adresse,
et cela sous forme d’assertions qui attendent leur preuve, dans l’unique
intention de nuire à un nombre considérable de confrères, constitue
une grave atteinte portée à leur honneur et à leur considération. Ce n’est
plus un débat scientifique, mais un acte de rivalité confraternelle poussée
jusqu’à la passion, jusqu’à la liai ne .

Plaise à Dieu que la controverse soulevée par notre adversaire et ac-
cueillie par WM. Richelot et Latour eût le caractère scientifique dont on
essaye do la revêtir! Nous ne viendrions pas fatiguer l’attention du tri-
bunal et réclamer une décision de sa justice. Nous suivrions la polémi-
que partout où il plairait à notre adversaire de nous conduire. Mais en-
core une fois, la science, l’intérêt de l’humanité n’étaient pas la préoc-
cupation de M. Gallard lorsqu’il a écrit le feuilleton qui nous occupe;
sa plume était conduite par un sentiment d’une tout autre nature, ainsi
que nous allons le prouver en examinant, article par article, les raisons
alléguées par lui-même en justification de sa conduite.

Nous abandonnons en toute confiance à M e Émile Olivier, notre avo-
cat, assisté de M e Lesage, avoué, le soin de démontrer la justice de notre
demande. Son talent bien connu et justement apprécié, l’ardeur avec
laquelle il sait embrasser les intérêts qui lui sont confiés, son amour de
la vérité, nous sont de sûrs garants qu’il saura mettre en lumière la jus-
tice de notre cause et obtenir du tribunal qu’il accueille les conclusions
prises eu notre nom.

DIVISION DU SUJET.

Comme il ne peut entrer dans notre pensée de transformer le tribunal
en académie, nous ne nous préoccuperons pas de l’idée d’examiner si
la marche suivie par notre adversaire dans son exposition est la meil-
leure et surtout la plus logique.

Nous le suivrons pied à pied dans la discussion qu’il a établie, et
nous nous demanderons :

1° Si M. Gallard a donné une idée exacte du principe fondamental de
rhomœopathie ?

2° Si les conséquences tirées du principe exposé, à la manière dont il
a été exposé, en découlent d’une manière nécessaire et forcée?

3° Pouvons-nous accepter ce que dit le défendeur des vertus attri-
buées par les homœopathes aux médicaments préparés selon la méthode
de Hahnernann ?

h° Les expériences citées par M. Gallard ont-elles le caractère d’au-
thenticité dont il lui plaît de les revêtir, et démontrent-elles l’ineffica-
cité absolue de la méthode homœopathique?



DES MÉDECINS HOMOEOPATHES.



G1



5° Ces expériences ayant servi de base aux opinions émises par les
corps constitués et savants sur riiomœopathie, quelle est l’autorité de
leurs décisions?

6° La situation morale et scientifique de l’homœopathie est-elle vrai-
ment ce que l’auteur la dit être?

7° Que faut-il penser de l’ insuffle ientisme?

8° M. Gallard est-il aussi convaincu qu’il le dit d’avoir justifié en au-
cune façon le feuilleton déféré à la justice, au moyen des faits et des
arguments contenus dans sa note prétendue scientifique?

I.

M. G Vl.LARD ATTRIBUE A LHOMOEOI’ATÏIIE UNE FAUSSE ORIGINE.

S’il fallait croire le défendeur sur parole, en 1790, Halinemann se
serait posé la question de savoir pourquoi les médicaments guérissent,
pourquoi l’opium fait dormir. Il aurait trouvé que les médicaments ne
guérissent pas parce qu’ils ont en eux une vertu curative; que l’opium
n’endort pas parce qu’il a une vertu dormitive, mais parce qu’il y a en
eux un principe morbifique capable de donner justement les maladies
qu’ils sont appelés à guérir. Si l’opium fait dormir, c’est qu’il y a en lui
une vertu excitatrice capable de chasser le sommeil (1).

Ce faisant, Halinemann, selon M. Gallard, se serait engagé dans la
recherche des causes premières; et c’est à ce premier égarement qu’il
faudrait rapporter l’origine de la doctrine à laquelle il a donné son nom.

C’est le contraire de ce qu’avance M. Gallard qu’il faut dire et qu’il
faut croire, si on veut avoir une idée exacte de l’homœopatbie et de son
origine.

Loin de se mettre à la poursuite des causes premières, Halinemann
les repousse sans merci ni pitié. A ses yeux, la médecine est une science
exclusivement expérimentale ; et la méthode qu’il enseigne repose sur
deux bases indestructibles : l’observation, d’une part; l’expérience de
l’autre.

Veut- on la preuve de ce que nous avançons?

«.... L’unique vocation du médecin, a dit Hahnemann, est de rendre
la santé aux personnes malades... Sa mission n’est pas, comme l’ont cru
tant de médecins qui ont perdu leur temps et leurs forces à courir après
la célébrité, de forger des systèmes en combinant ensemble des idées
creuses et des hypothèses sur l’essence intime de la vie et la production
des maladies dans l'intérieur invisible du corps, ou de chercher inces-
samment à expliquer les phénomènes morbides et leur cause prochaine,
qui nous restera toujours cachée, en noyant le tout dans un fatras d’ab-
stractions inintelligibles dont la pompe dogmatique en impose aux igno-
rants, tandis que les malades soupirent en vain après des secours (2). »

fl) Voy. la Note scientifique, p. 20, 21 et 22.

(2) Voy. Organon, § 1, p. 105 de l’édition française de IS5G.
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.         Im Angesicht von Gewalt ist Höflichkeit gegenstandslos.
.         At face with violence politeness is pointless.

.         (User TNT in the former CDU forum)
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