MÉMOIRE
3b
(comme cela est arrivé, dit-on, à Marseille) (1), les flacons aient été bou-
leversés de telle sorte que les étiquettes ne répondissent plus aux sub-
stances contenues dans chaque flacon, puis les médicaments admi-
nistrés les uns à la place des autres, sans que ni malades ni médecins
s’en soient aperçus; ou qu’un élève en pharmacie (comme cela a eu lieu
d’abord en Allemagne (2), puis cà Paris) se soit amusé, à titre d’expé-
rience ou de simple espièglerie , à donner de l’eau pure, parfaitement
filtrée, à la place de tous les médicaments homœopathiques prescrits sur
les nombreuses ordonnances qu’on lui présentait, et cela sans que per-
sonne, ni un malade, ni un médecin ait songé à s’en plaindre.
On nous dira peut-être : Ces médicaments, auxquels vous n’accordez
aucune valeur, aucune action, mais il se rencontre des personnes qui,
après les avoir pris, éprouvent des symptômes bizarres, extraordinaires.
Il en est même qui, souffrant depuis longtemps, ayant épuisé toutes les
ressources de la médecine, se sont trouvées presque immédiatement
soulagées après avoir eu recours à l’homœopathie.et il est certain qu’elles
ont pris, non pas des médicaments à dose ordinaire déguisés sous le nom
de l’homoeopathie, mais de véritables globu les homœopathiques. Eh bien !
nous l’accordons; non pas que ce soit pour nous une chose patente, avé-
rée, démontrée, mais nous pouvons bien faire cette concession aux ho-
mœopathes. Cependant, en admettant la réalité de ces effets extraordi-
naires, de ces soulagements inespérés, nous affirmons qu’ils n’ont jamais
pu être produits que sur des personnes à imagination facilement impres-
sionnable, ayant une foi vive dans la doctrine, et attendant des résultats
mystérieux de cette médecine étrange, Et de plus, nous soutenons qu’on
n’a jamais pu soulager ainsi que des maladies essentiellement nerveuses,
et pas d’autres; encore n’y a-t-il qu’une amélioration passagère lorsqu’on
a affaire, non pas à une de ces migraines que l’on guérit si radicalement
avec un bijou ou un cachemire, mais bien à une maladie réelle. Ces
effets extraordinaires , surprenants, des médicaments homœopathiques,
sont bien le l'ait de l’imagination, et non pas de l’action réelle du médi-
cament, car on ne les rencontre que si les malades ont été instruits du
genre d’expérience tentée sur eux, et on les produit tout aussi bien avec
de la mie de pain ou toute autre substance notoirement inactive qu’avec
les globules homœopathiques. « 1! est incontestable que non-seulement
» l’aggravation homœopathique, mais encore de véritables guérisons ont
» été déterminées par le sucre de lait, par l’eau pure. » (Griesselich,
Manuel de méd. homœopathique. )
« M. le docteur Seidlitz et plusieurs autres médecins de Saint-Péters-
» bourg ont fait une série d’expériences avec la poudre de charbon de
» bois [carbo vegetabilis des homœopathes) et d’autres corps inertes ad-
» ministres homœopathiquement. Ils ont toujours produit des accidents
» fort extraordinaires, mais qui disparaissaient d’eux- mêmes au bout de
(1) Comme il résulte d’une pièce jointe au dossier.
(2) Voyez la relation de ce fait dans le Bulletin général de thérapeutique, t. IX
p. 400.
du Docteur gallard.
35
» quelques heures. Ils en concluent que l’efficacité de la médecine
» homœopathique gît tout entière dans l’imagination du malade, et que,
» comme en conviennent quelques liomœopathes, pour être guéri, il faut
» avoir la foi : — Crede , et salvus eris. La vogue de la théorie hahne-
» manienne doit être rangée, selon M. Seidlitz, parmi les épidémies d’a-
» liénation mentale. » ( Journal des connaissances médico-chirurgicales ,
t. II, p. 29, septembre 183ô.)
M. Trousseau, qui, lui aussi, avait vu des malades se plaindre d’éprou-
ver des symptômes étranges après avoir pris des globules homœopathi-
ques,‘ lesquels ne produisaient rien sur des médecins, bien que ces
derniers en eussent pris d’abord un seul par jour, puis deux, puis dix,
puis enfin quatre-vingts sans résultat aucun, eut l’idée de faire la contre-
épreuve. Voici comment il s’y prit. Il fit préparer des pilules composées
uniquement de farine de froment parfaitement pure et de gomme ara-
bique; puis il leur donna un nom qui pût frapper l’imagination de ses
malades, et ne les leur administra qu’en prenant des précautions exa-
gérées pour augmenter encore à leurs yeux l’importance du remède.
Cet essai réussit parfaitement bien, et les malades attribuèrent à ces pi-
lules, soit des accidents, soit des améliorations passagères, également
manifestes, mais dont elles étaient bien certainement innocentes. Ce-
pendant elles eurent autant d’action que les plus héroïques d'entre les
médicaments liomœopathiques avec lesquels elles peuvent marcher de
pair. C’est dans le service de Récamier, à l’Hôtel-Dieu, que furent faites
ces curieuses expériences, dont la relation fut publiée par M. Pigeaux
sous ce titre : Etonnantes vertus homceopathiques de la mie de pain [Bull,
de thérap., t. VI, p. 128.)
Si donc les médicaments homceopathiques ont une action, cette action
ne s’exerce que sur l’imagination du malade absolument au même titre
et de la même manière que la mie de pain, décorée d’un nom scienti-
fique et prise de confiance par le malade pour un remède énergique.
Qu’y a-t-il d’étonnant dès lors que l’homœopathie ait pour spécialité
de guérir les migraines des femmes nerveuses et les enrouements de
certains chanteurs, qui ont tant de points de contact avec les vapeurs
d’une femme dont les nerfs sont agacés? Peut-on dire pourquoi tel
chanteur, suivant qu’il se trouvera plus ou moins bien disposé, suivant
que son public lui agréera plus ou moins, suivant telle ou telle circon-
stance qui lui échappe à lui-même, chante mieux, est plus en voix un
jour que l’autre. Est-ce que sa voix n’est pas plus flexible en même
temps que plus ferme et. plus étendue s’il se sent bien disposé et s’il a
confiance en son public que s’il a des craintes, s’il tremble, s’il est in-
quiet? Est-ce qu’alors sa voix peut être raffermie par des remèdes?
un encouragement flatteur ou des applaudissements, en le rassurant sur
les dispositions de son auditoire ne rendront-ils pas tout de suite à sa
voix son éclat habituel? — Et un ami bienveillant n’est-il pas, en sem-
blable occurrence, plus utile qu’un médecin? L’essentiel pour l’artiste est
donc d’être assuré qu’il chantera bien ; persuadez-lui cela par des paroles
affectueuses ou en lui administrant une potion homœopathique, le ré-
38
MÉMOIRE
sultat sera le même, et alors l’homœopathie pourra s’applaudir de l’effet
obtenu. Mais que la voix de ce chanteur soit réellement altérée par suite
d’une maladie quelconque, par suite d’une inflammation même légère
du larynx. Oh ! alors, l’homœopathe pourra administrer tousses globules
en pure perle, il ne fera rien, absolument rien. Demandez-le plutôt à
l’un des plus spirituels sociétaires de la Comédie-Française, M. R...,
qui, se trouvant fort enroué depuis plusieurs jours, se fia aux promesses
de l’homoeopatliie et prit religieusement une potion qui devait faire dis-
paraître son enrouement dans la journée. Le soir sa voix n'était pas plus
rauque que les jours précédents, mais elle l’était tout autant. Demandez-
le encore à l’une de nos plus charmantes cantatrices, M" ,e C... Elle avait
un léger rhume; espérant être plus promptement débarrassée, elle re-
courut aux soins d’un homœopathe. Au bout de trois semaines elle n’a-
vait pas encore reparu sur la scène, mais elle congédiait l’homœopalhe
en question pour rappeler son médecin ordinaire, médecin des hôpitaux,
agrégé de la Faculté de médecine, qui, au bout de quelques jours d’un
traitement fort simple, la rendit enfin aux applaudissements des specta-
teurs. Informez-vous aussi auprès de madame ..., du théâtre Italien,
qui, après s’être laissé persuader par les brillantes promesses de l’ho-
mœopathie, a bien juré qu’on ne l’y prendrait plus.
Mais les homœopathes ne sont pas hommes à se laisser si facilement
abattre ou réduire au silence, et malgré bien des déconvenues, ils con-
tinuent à vanter les merveilles de l’homœopalhie. Ils ne se contentent
plus de guérir les maladies les plus terribles, les plus incurables ou les
plus foudroyantes, celles qui, jusqu’à présent, sont toujours restées au-
dessus des ressources de l’art. La guérison est chose trop vulgaire pour
eux. Grâce à cette merveilleuse méthode de Halmemaun, « la pratique
» médicale, au lieu d’être un tâtonnement irrationnel, devient un pro-
» cédé mathématique nettement déterminé... de telle sorte que la ter-
» minaison fatale, arrivée par un faux traitement, pourrait appeler la
» vindicte de la loi aussi bien que tout homicide! » (Neumann, Beitràye
zur Natur und Heilkunde.) Remarquez bien que c’est un homœopathe qui
parle de cette façon ; aussi M. Manec lui riposte-t-il fort spirituellement:
« Si jamais les homœopathes s’avisent de réviser le Code pénal, tout mé-
» decin qui ne saura pas dégager l’inconnue de cette donnée, c’est-à-dire
» trouver la guérison, sera passible des cours d’assises et puni comme
» assassin. » ( Lettres sur ïhomœopathie).
Puisque la guérison des maladies est chose si simple, si facile, les
homœopathes ne devaient pas se contenter de faire si peu ; ils entrepri-
rent de les prévenir et inventèrent les préservatifs. — C’était la plus riche,
la plus admirable, la plus magnifique idée qui se pùt découvrir...
comme spéculation. — Imaginer de traiter les individus bien portants
sous le prétexte de leur faire éviter une maladie, qui peut les atteindre
sans doute, mais qui certainement épargnera le plus grand nombre
d’entre eux; et, s’ils ont la chance d’être épargnés, leur persuader ensuite
que c’est grâce aux préservatifs dont ils auront fait usage !... N’est-ce
pas une invention sublime? — Figurez-vous, lorsque le choléra vient
DU DOCTEUR CALUARD.
61
fondre sur Paris comme en 1832 ou en 1849, un de ces messieurs ayant
assez d’autorité pour imposer ses préservatifs à toute la population ; il y
aura bien, comme en 1832 ou en 1849, un total de vingt mille décès
environ ; mais sur le million d’habitants qui se trouvent à Paris, il en
restera neuf cent quatre-vingt mille de survivants; et comme ces neuf
cent quatre-vingt mille auront fait usage du préservatif conseillé, c’est
grâce à lui qu’ils auront été sauvés. — Comment ne le croiraient-ils pas?
Les bonnes sœurs d’un couvent important de Marseille se sont bien per-
suadées, en 1854, que les préservatifs à l’usage desquels les soumettait
leur médecin homoeopathe ont eu seuls la puissance de les mettre a l’abri
du lléau qui ravageait la ville! Et cela, quand d’autres établissements
du même genre étaient également épargnés, quoique confiés aux soins de
médecins qui n’avaient prescrit aucun préservatif et s’étaient bornés a
recommander l’observation des règles d’une bonne hygiène.
Envisagée seulement au point de vue de la question des préservatifs,
rhbmœopathie serait bien forte, et c’est par là surtout quelle brille aux
yeux des gens du monde ; car le nombre des individus atteints par une
maladie épidémique et même contagieuse est toujours de beaucoup in-
férieur au nombre des individus épargnés. Mais pour le médecin qui ne
se laisse pas éblouir et veut y voir de plus près avant de se former une
conviction, de semblables faits perdent beaucoup de leur merveilleux
s’il voit les individus soumis aux préservatifs fournir proportionnelle-
ment un nombre de malades aussi grand (pie ceux qui n’y ont pas re-
cours, et s’il voit surtout l’épidémie frapper autour des médecins
homœopathes sur leurs plus fervents adeptes, sur leurs amis les pius
intimes, et souvent même sur leurs parents les plus proches, sur celles
des personnes de leur famille qui, vivant le plus habituellement en con-
tact avec eux, peuvent être surveillées de plus près dans l’administration
des remèdes préservateurs.
Et puis, vous vous vantez non-seulement de guérir promptement et
infailliblement tous les malades affectés de choléra, mais encore de
mettre sûrement à l’abri des atteintes de ce terrible fléau ceux qui en
sont menacés ; et vous croyez que l'on ne vous mettra pas à l’épreuve !
Vous espérez que les médecins les plus honorables et les plus instruits,
découragés par l’inutilité de leurs efforts dans cette lutte contre un mal
inconnu qui moissonne autour d’eux des victimes dans une proportion
effrayante, ne viendront pas remettre entre vos mains le sort de tous
ces moribonds, quand vous prétendez être sûrs de les rappeler à la vie!
Mais le médecin véritablement digne de ce nom, celui qui sent battre
dans sa poitrine un cœur d’homme véritablement accessible à la com-
passion et à la pitié, s’empressera toujours de recourir à tous les traite-
ments possibles, même aux plus invraisemblables (1), quand il aura bien
réellement constaté l’impuissance de son art et de sa science !
(1) «J’aurais, je crois, adopté quclquechose d’aussi absurde même que i.'homœopa-
tlüc, si on me l’eût proposé pour sauver ces malheureuses » (TnoussEAu, Dis-
cours à l’Académie de médecine, séance du 23 mars 1838.)
33
MÉMOIRE
IV.
EXPÉRIENCES AUTHENTIQUES DÉMONTRANT L’iNEFFICACITÉ ABSOLUE DE LA
MÉTHODE HOMOEOPATHIQUE.
Des expériences furent donc instituées, et sans parler de celles que tout
praticien, jaloux de s’éclairer sur cette question, dut faire à huis clos
dans le cercle de sa pratique personnelle, d’autres, en grand nombre,
furent entreprises publiquement et dirigées avec le plus grand soin, la
plus scrupuleuse impartialité, par les hommes les plus éminents, les
plus célèbres et les plus justement estimés, qui honorent notre profes-
sion autant par l’étendue de leur savoir que par l’élévation de leur
caractère.
En France » à Paris, c’est M. Andral, professeur de pathologie géné-
rale il la Faculté de médecine, membre de l’Institut (Académie des
sciences) et de l’Académie de médecine, médecin de l’hôpital de la Cha-
rité, médecin de l’Empereur, etc., qui les institue à l’hôpital de la Pitié,
dans un service public ouvert à tous les étudiants et à tous les médecins.
Il divise en deux séries les cent trente ou cent quarante individus qu’il
soumet à l’emploi des médicaments homœopathiques. Les expériences
de la première série ont pour but de savoir si les médicaments ont la
propriété de produire sur l’homme sain des maladies semblables à celles
que ces médicaments peuvent guérir. Tous les résultats ont été négatifs.
Dans la deuxième série, il cherche à constater si les médicaments gué-
rissent réellement. Constamment la médication homœopathique a été nulle
dans ses effets, et il a fallu le plus souvent se hâter de recourir à la médi-
cation ordinaire pour éviter les accidents.
La relation de ces expériences, après avoir été présentée sommaire-
ment par M. Andral à l’Académie de médecine, qui a vivement applaudi
à ses paroles (séance du 17 mars 1835), a été publiée, avec tous les
détails nécessaires, dans le Bulletin général de thérapeutique (t. VI, p. 318)
par M. le docteur Vernois , qui était alors son interne et qui est aujour-
d’hui médecin de l’hôpital Necker, et médecin consultant de l’Em-
pereur.
Broussais, que certains homœopathes ont voulu représenter comme
un des partisans de leurs doctrines, fit aussi des expériences au Val-de-
Grâce en 1833. « Il fut bientôt forcé de suspendre le traitement homœo-
» pathique, ne voulant pas laisser courir d’aussi grands dangers à ses
» malades, dont l’état ne faisait qu’empirer. » (Manec, Lettres sur l'ho-
mœopathie , p. 22 â.)
Le vénérable M. Ballv, qui est peut-être aujourd’hui le doyen d’âge
des académiciens et des médecins des hôpitaux, désira aussi être édifié
sur Thomœopathie, et voulut l’expérimenter dans son service de l’Hôtel-
Dieu. Afin que ses expériences pussentêtre plus concluantes, il en confia
la haute direction à deux homœopathes, MM. Currie et Léon Simon.
DU DOCTEUR G ALLARD.
39
« M. Currie traita des malades homœopathiquement pendant quatre ou
» cinq mois, avec des médicaments qu’il avait fait venir d’Allemagne, de
» la même pharmacie où Hahnemann faisait préparer les siens. Un
» registre fut tenu par M. Currie et par M. Gross, interne de M. Baily.
» Au bout de quatre à cinq mois, M. Currie se retira en avertissant qu’il
» remettait la suite des expériences à l’année prochaine. On ne le revit
» plus. Je dois déclarer, ajoute M. Ballv, que de tous les malades ainsi
» traités, pas un seuu n’a guéri. Deux faits font exception ; les voici. Le
» premier concerne une femme affectée de cancer de la matrice; elle est
« sortie après trois ou quatre mois de traitement, se disant soulagée.
» Quinze jours après, elle est rentrée à l’hôpital pour la même affection,
« et elle y a succombé. L’autre observation a trait a une de ces affections
» qu’on appelle aujourd’hui fièvres typhoïdes : deux hommes entrèrent
» presque en même temps dans mon service , affectés tous les deux de sym-
» ptômes presque absolument semblables. M. Currie en prit un, qu'il
» traita homœopathiquement ; je traitai l’autre par la méthode ordinaire.
» Mon malade guérit en dix-huit jours ; celui deM. Currie ne sortit qu’a-
» près trois ou quatre mois. » ( Loc . cit.)
Comme M. Bally à Paris, M. Pointe, dans son service de l’Hôtel-
Dieu de Lyon, voulut mettre ses expériences sous la direction d’un ho-
mœopathe, M. Gueyrard. M. Pointe donne lui-même en ces termes le
résultat de l’expérimentation :
« M. le docteur Jaenger se plaint de ce que les médecins ne veulent
» point se donner la peine de vérifier les faits de la doctrine de Hahne-
» mann par l’expérience clinique. Ce reproche que nous adressent cha-
» que jour les médecins homœopathes est d’une inexactitude qui
» mérite d’être relevée Comme praticien, je crois que l’on peut être
» appelé à éclairer un public qui se laisse d’autant plus facilement sé-
» duire et tromper, qu’on lui prêche une doctrine plus merveilleuse et
» plus absurde. C’est à ce titre et en conséquence des devoirs que je crois
» avoir à remplir envers le public, que j’ai cru devoir l’éclairer par des
» expériences faites avec quelque publicité. — Je pourrais vous faire
» part des essais infructueux faits par moi ou par mes collègues; mais
« je me contenterai de vous donner connaissance des expériences faites
» plus en grand dans nos salles de clinique, en présence de nombreux
» témoins et par un homme désireux de réussir et placé par moi dans
» une position telle qu’il lui a été impossible de s’abuser lui-même sur
» les résultats des moyens qu’il mettait en pratique.
» Dans le courant du mois d’avril 1832, je mis à la disposition de
» M. le docteur Gueyrard, médecin homœopathe, une salle de trente lits.
» Il fut libre d’y choisir le nombre de malades qui lui conviendrait et de
» faire toutes les prescriptions qu’il croyait utiles pour le plus grand
» succès de la doctrine de Hahnemann ; je n’y mis qu’une condition :
» c’est que ses visites seraient faites tous les jours à des heures indiquées
» d’avance, afin que toutes les personnes qui voudraient y assister le
» pussent librement... quinze malades ont été traités... Ces expériences
» ont duré dix-sept jours et n’ont cessé que parce que le docteur ^xpéri-
MÉMOIRE
h o
» mentateur s’est volontairement retiré. Pendant eelaps de temps, aucun
» résultat avantageux, aucun amendement notable et qu'on pût attribuer à
» la méthode homœopathique n'a été observé. M. Gueyrard, interpellé plu-
» sieurs fois à ce sujet, en est lui-même convenu. Trois fois pendant le
» cours de ces expériences et de concert avec ce docteur, qui en reconnut
» la nécessité, nous nous sommes écartés de la doctrine de Halme-
» manu (1). »
A Naples, on s’était entouré de plus de précautions encore, car le gou-
vernement voulait être renseigné sur la valeur de l’homœopathie, et les
expériences eurent lieu d’après ses ordres. « En 1829, le docteur de Hora-
» tiisfut autorisé à traiter pendant quarante jours un certain nombre de
» malades dans une salle d’un hôpital de Naples, sous la direction d’une
» commission composée des médecins les plus instruits de cette ville.
» — Toutes les précautions nécessaires pour éviter les sujets d’erreurs
» furent prises avec un soin minutieux. C’est ainsi que les médicaments,
» préparés par le médecin homœopathe sous les yeux de la commission
» furent renfermés dans une boîte à double clef, dont une resta à la
» garde des commissaires, et l’autre à celle du docteur deHoratiis. Un fac-
» tionnaire fut placé à la porte de la salle avec ordre de ne laisser entrer
» le docteur de Horatiis qu’avec les commissaires, et réciproquement.
» M. de Horatiis administra les médicaments en présence des commis-
)> saires. Le résultat des expériences fut complètement nul: ou les maladies
» s’aggravaient, ou elles restaient stationnaires. Jamais elles ne furent
» avantageusement modifiées parle traitement. » (Manec, loc. cit.)
Si l’on rapproche de ces expériences toutes concluantes, toutes déci-
sives, toutes conduites avec la plus grande impartialité, les défis souvent
portés aux homœopathes, et toujours éludés par eux (2), de démontrer
l’action de leurs médicaments sur des personnes saines, en reconnais-
sant d’après leur action ceux qu’ils auront pris eux-mêmes ou en pro-
duisant sur d’autres personnes des effets prédits d’avance, on sera bien
et dûment convaincu que l’homœopathie a été assez essayée, expéri-
mentée, étudiée, et qu’elle est assez connue de tous les médecins sérieux,
pour pouvoir être jugée en dernier ressort.
Cependant une nouvelle occasion se présenta d’expérimenter la mé-
thode homœopathique dans des circonstances dans lesquelles elle n’avait
pu être encore appliquée. — • Ce fut à propos du choléra, qui fit tant de
(1) Gazette médicale, 1833, n° 69, p. 70S.
(2) On se rappelle tes fragments cités plus haut de la lettre de M. Jeannel au doc-
teur comte de Bonncval. — Et M. Léon Simon qui a écrit : g C'est un fait; on ne
)> discute pas avec les faits. Que les ennemis de rhoinœopathic expérimentent sur
i< eux-mômes, et ils seront convaincus... » n’a-t-il pas reculé devant l'épreuve que lui
proposait M. le docteur Marmoral? — Il s'agissait de reconnaître, d’après leurs elfets,
les médicaments homoeopathiques qui lui seraient administrés sans qu’il en connût la
nature. — Il accepta d’abord, mais le lendemain il ne voulut plus expérimenter que
sur des substances dont on lui aurait dit le nom à l’avance. — Et, ce qu’il n’a pas
voulu faire, npl homœopathe n’osera le tenter, nous les en défions tous à nouveau.
DU DOCTEUR GALLADD. ài
ravages en France en 18Zi9 et en 1854. — Cette fois encore les homœo-
palhes furent mis en demeure de reproduire publiquement, dans de
grands hôpitaux, les succès brillants qu’ils prétendaient avoir dans leur
clientèle privée, et comme toujours ils échouèrent complètement (1).
Des tentatives furent faites à Paris, en 1849, à la Salpêtrière, dans le
service de M. Natalis Guil lot, professeur à la Faculté de médecine. On
en trouve la relation dans la lettre suivante, adressée par ce savant pro-
fesseur à M. le docteur Manec, de Monlpezat ;
Paris, i mai 1856.
« Monsieur et très honoré confrère,
» J’ai reçu le livre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser; je
» vous en remercie surtout après l’avoir lu; puisse celte œuvre, utile et
» intéressante à connaître, servira la destruction d’un (2).
» Vous me demandez ce qui s’est passé en 1 849 à la Salpêtrière; ma
» mémoire me rappelle assez les détails que je vais vous rapporter
» pour en certifier l’exactitude, — Le contrôle n’a d’ailleurs pas manqué
» à ces détails déjà loin de moi; mes collègues en ont été les témoins.
» En 18A9, on publiait merveille des succès obtenus a l’hôpital
» Sainte -Marguerite sur des cholériques à l’aide des médicaments
» homœopathiques. J’étais médecin de la Salpêtrière et tort embarrassé
» au milieu d’une cruelle épidémie. Mes confrères et moi étions loin de
» réussir.
» Lorsque j’appris les succès annoncés si hautement dans les leuilles
«publiques, je priai M. Davenne, directeur général de l’assistance
» publique, de m’autoriser à confier mes malades à M. Tessier. — Je lus
» trouver celui-ci, et, sur l’assurance verbale qu’il me donna de ses réus-
» sites, je le conduisis dans mes salles.
» M. Tessier prit immédiatement tels malades qu'il lui convint de
» déterminer , après mon opinion émise, et il les traita à. sa guise.
» Je vis les malades avec lui, fort surpris de ne reconnaître aucune
» méthode déterminée dans de semblables traitements. Tantôt c’était la
» noix vomique , tantôt le charbon , tantôt la craie; que sais-je? Tous les
« médicaments ou les substances qu’on désignait comme tels furent mul-
» tipliés sur les mêmes individus et changés dans les trois visites que
» nous faisions chaque jour aux malades.
» En dernier résultat, sans aller plus loin dans tous ces détails de
» traitement, qui ne m’ont pas paru le moins du monde sérieux, tous les
(1) C’est probablement ce qui a fait dire au docteur MunE daus un petit livre intr
tulé le Médecin du peuple : « Le jour où elle (l’hommopathie) obtiendra les faveurs du
» pouvoir, elle ne sera plus elle-même, elle perdra toute son efficacité, elle cessera de
» guérir El qui vous a dit, pêtilionneurs infatigables, qu’il fût dans les destinées de
» V homéopathie de briller dans les expériences publiques ?» Le fait est que cela est
peu dans scs destinées, car elle n’y a guère brillé jusqu’il présent.
(2) Nous supprimons les trop vertes expressions employées par le savant professeur.
hî MÉMOIRE
» malades que M. Tessier avait choisis sont morts, et très rapidement;
» ils étaient au nombre de huit.
J’en eus assez de ces tentatives, et je crois que M. Tessier partagea
» mon opinion. —Je ne sache pas que depuis cette époque il ait été tenté
» de parler de ses succès en pareille matière.
» Certes, je ne pense en aucune manière qu’il ait été, par un traite-
» ment homœopathique , nuisible aux malades que je lui confiais; la
» cruauté de l’épidémie était grande, et nos ressources faibles. —
» Mais l’homœopathie s’était vantée outre mesure, elle exagérait; elle
» échoua.
» Veuillez, etc. » éù'ÿwéMatalis Gusllot. »
[Le Papillon, journal d'Agen, numéro du 18 mai 1856.)
Des expériences semblables eurent lieu à Marseille; elles furent pro-
voquées par l’administration municipale elle-même. M. le maire de cette
ville en rend compte de la manière suivante, dans une lettre officielle
adressée par lui à la Société impériale de médecine de Marseille, et
publiée dans le Bulletin des travaux de cette Société :
« Marseille, le 30 octobre 18 53.
» Monsieur le Président,
» J’ai l’honneur de vous communiquer le résultat des expérimen-
» tâtions faites à l’Hôtei-Dieu au sujet du traitement des malades cliolé-
» riques par le système homœopathique.
» Le 31 août, j écrivis à ce sujet à M. Chargé
» Le 1 er septembre, dans la matinée, M. Chargé me fit connaître qu’il
» se mettait à ma disposition, et je l’accompagnai à l’Hôtel-Dieu, où je
» le mis en rapport avec la commission administrative.
» Cette commission lui confia le service de deux salles pour le traite—
» ment des cholériques par la méthode homœopathique.
» Ces salles furent acceptées par M. Chargé.
» Il fut ensuite question du mode d’admission des malades.
» Je proposai d’envoyer alternativement un malade dans le service des
» médecins homœopathes, et un dans celui des médecins ordinaires de
» l’établissement.
« M. Chargé ayant exprimé le désir qu'il y eût un jour d’ admission
» pour les uns et un jour pour les autres , le service fut établi dans ces
» conditions, de telle sorte qu’à partir du jour même, 1 er septembre à six
» heures du soir, les malades qui entraient dans le service des médecins
» allopathes furent distingués de ceux qui y étaient entrés antérieure-
» ment, afin de servir à lacomparaison desrésultats obtenus parchaque
» système de traitement.
» M. Chargé désigna lui-même l'élève de V Hôtel-Dieu qui serait spécia-
» lement attaché ù son service.
» Il demanda que les membres du corps médical de l’Hôtel-Dieu ne
» pussent être admis dans les deux salles en dehors des heures de ses
DU DOCTEUR GALLARD. 43
» visites... Cela lui fut accordé. Il ne fut fait d’exception à cette mesure
» qu’en faveur du premier chef interne de l’hôpital, M. Rampai...
■ » Les choses ainsi établies, M. Chargé commença ses visites à l’Hôtel-
» Dieu le 3 septembre, à six heures du matin. — Le lendemain, le nom-
» bre des malades admis dans ses salles devenant assez considérable, il
» jugea nécessaire d’organiser son service de telle manière que des soins
» fussent donnés le plus promptement possible aux malades qui lui
» seraient confiés.
» Trois de ses collègues , docteurs en médecine , MM. Jollier, Rampai et
)) Gillet , se mirent à sa disposition, ainsi que M. Couillier , son élève par-
» ticulier , et divers jeunes gens pris parmi ses plus fervents adeptes.
» Mais dès le 7 septembre, après avoir reçu 26 malades, M. Chargé
» éleva de nombreuses plaintes...
« Le samedi 8 septembre, il me fit connaître sa détermination, et dès
» ce moment les salles de i’homœopathie ne reçurent plus de malades.
» Pendant ces huit jours d’expérimentation, 26 malades y avaient été
)) introduits, il en est mort 21.
» Pendant ce même temps les salles des médecins allopathes ont reçu
» 25 malades cholériques, sur lesquels 14 ont succombé. ..
» Lemaire de Marseille.
» Signé Honnorat. »
M. Chargé a bien voulu essayer d’argumenter contre les résultats
déplorables de cette expérimentation, mais il a eu si peu de succès, qu’il
a dû depuis cette catastrophe abandonner Marseille. Les journaux
homœopathiques eux-mêmes ont dû constater sa défaite et repousser ses
excuses (1).
Est-ii possible, en effet, de désirer quelque chose de plus concluant?
N’avons-’iious pas en même temps l’épreuve et la contre-épreuve? Un
nombre égal de malades traités en même temps dans le même hôpital
par l’homœopathie et par la méthode ordinaire.
Sur 26 confiés aux homœopathes, 21 sont morts; sur 25 traités par les
médecins, 14 seulement sont enlevés. — Et cependant l’homœopathie
vante ses succès et les fait proclamer par les cent bouches de la renom-
mée, tandis que les médecins consciencieux reconnaissent que c’est là
une de ces maladies contre lesquelles leurs efforts sont bien insuffisants,
car elle est le plus souvent au-dessus des ressources de l’art.
Qu’est-ce donc que l’homœopathie ? 11 ne nous appartient pas de
le dire ici ; mais nous ne doutons pas que la véritable qualification , la
seule qui convienne, ne soit sur les lèvres de toutes les personnes qui
ont bien voulu prendre la peine de lire les faits que nous venons
d’exposer.
Et cependant nous n’avons exposé jusqu’ici qu’une partie de la doc-
trine , le traitement envisagé d’une manière générale. Que serait-ce si
(1) Voyez V Art médical (octobre et novembre 1857).
hlx MÉMOIRE
nous la montrions allant chercher l’origine de toutes les maladies, prin-
cipalement de toutes les affections chroniques, dans un miasme qui
n’existe pas , celui de la gale ? — 11 est en effet démontré que la gale est
produite exclusivement par la présence d’un insecte microscopique qui
vit et se développe dans l’épaisseur de la peau. Cette maladie ne peut
donc être répercutée sur les organes internes pour produire le cancer,
la phthisie, etc., comme le croit Hahnemarm (1). Nous pourrions, comme
tant d autres l’ont lait, nous donner le facile plaisir de le tourner en
ridicule à l’occasion de toutes les idées fausses qu’il a émises à ce sujet ,
mais nous nous en abstenons par respect pour les magistrats auxquels
nous avons l’honneur de nous adresser.
V
OPINION DES CORPS CONSTITUÉS ET DES SAVANTS DE TOUS LES PAYS
SUR l’homoeopathie.
Il nous resterait à faire connaître l’appréciation de toutes les auto-
rités scientifiques, de tous les hommes les plus recommandables dans la
médecine, de ceux qui sont le plus haut placés dans l’opinion publique.
— Nous verrions que tous ceux qui ont eu occasion de s’occuper de ce
sujet flagellent en termes énergiques la pratique de l’homœopathie. —
Comment en serait-il autrement , quand les démonstrations de la lo-
gique et celles de l’expérience s’accordent pour rendre évidentes toutes
les faussetés de ce système. — Ces citations seraient instructives et
feraient ressortir la modération extrême de notre article ; mais nous ne
nous les permettrons pas. Nous nous contenterons d’indiquer les sources
aux personnes curieuses d’approfondir la question et de savoir dans
quels termes est jugée l’homœopathie par tous les hommes les plus
éminents (2). Quant à notre procès et à nos juges, nous réservons pour
la défense des droits que nous ne voulons pas revendiquer ici pour la
publicité.
Ici nous nous contenterons d’enregistrer l’arrêt émané du corps scien-
tifique le plus considérable et le plus célèbre, non-seulement de Paris,
mais de toute la France, de l’Europe et du monde entier, — de l'Acadé-
mie impériale de médecine, cet aréopage de savants, le premier corps
(1) Voy. Organon, p. 183, 204, 242, 267, etc., et Traité des maladies chroniques,
passim.
(2) Voy. le compte rendu de la discussion académique au dossier , et dans les
Archives générales de médecine (année 4 835).
CiiAïutiER, rapporteur : L'homœopathie devant la critique et le sens commun, ou
Réfutation delà doctrine de Hahncmann, par Don Thomas de ConsAi, yOna, professeur à
la Faculté de médecine de Madrid ( Bulletin de la Société médico-pratique de Paris,
années 1S4S-51, n"‘ 44-47, p. 59 et suiv.).
Requin, professeur de pathologie interne à la Faculté de l’aris, membre de l’Aca-
DU DOCTEUR GALLARD.
45
officiel de notre profession, celui que le gouvernement a institué pour
le consulter et s’éclairer de ses lumières sur toutes les questions qui se
rattachent à la science ou à la pratique de l’art en médecine.
C’est en 1885 qu’elle eut, pour la première fois, l’occasion de se pro-
noncer sur l’homœopathie, et depuis, loin de se démentir, elle n’a fait,
dans plusieurs circonstances, que confirmer les termes de son premier
jugement. — Une société homœopathique désirait être autorisée à fon-
der des dispensaires et un hôpital spéciaux ; l’Académie de médecine fut
consultée par le ministre à ce sujet.
Elle répondit :
« Chez nous comme ailleurs, l’iiomœopatliie a été soumise en premier
» lieu aux rigoureuses méthodes de la logique, et tout d’abord, la logi-
» que a signalé dans ce système une foule de ces oppositions formelles avec
» les vérités les mieux établies , un grand nombre de ces contradictions cho-
» quantes , beaucoup de ces absurdités palpables qui ruinent inévitable-
i> ment tous les faux sijstèmes aux yeux des hommes éclairés, mais qui
» ne sont pas toujours un obstacle suffisant à la crédulité de la multi-
» tude.
» Chez nous comme ailleurs, i homœopathie a subi aussi l’épreuve des
» faits ; elle a passé au creuset de l’expérience , et chez nous comme ail-
» leurs, l’observation fidèlement interrogée a fourni les réponses les
» plus catégoriques, les plus sévères; car si l’on préconise quelques
» exemples de guérison pendant les traitements homœopalhiques, on
» sait de reste que les préoccupations d’une imagination facile, d’une
» part, et d’autre part les forces médicatrices de l’organisme en reven-
» cliquent à juste titre le succès. Par contre, l’observation a constaté les
demie de médecine, médecin de l’Hôtel-Dieu, etc., art. IIomqeopathie, dans le Dic-
tionnaire des Dictionnaires de médecine.
Trousseau et Pidoux, Traité de thérapeutique et de matière médicale ( Intro-
duction).
Jeannei., professeur à l’École de médecine de Bordeaux ( Réponse à M. le comte de
Bunncval, médecin homœopathe).
Pioiïey , ancien interne des hôpitaux de Paris {Du charlatanisme médical).
Cruciiet, de Marseille (L' homœopathie et le choléra de 1854, à Marseille ).
Manec, de Montpezat, Lettres sur V homœopathie.
Golfin, professeur de thérapeutique à la Faculté de Montpellier ( Eludes thérapeuti-
ques sur la pharmacodynamie).
Orfila, l’habile loxicologiste, qui fut doyen de la Faculté de Paris ( Bulletin général
de thérapeutique, t. XV, p. 392).
Soubeiran, professeur de pharmacie à la Faculté de médecine de Paris ( Traité de
pharmacie, 4 e édit.; préface, p. 7).
Voyez aussi presque tous les .journaux de médecine, notamment :
Le Bulletin général de thérapeutique, t. V, p. 293; t. VI, p. 5, 14, 101, 128;
t. VIII, p. 64, 329; t. XI, p. 392; t. XIV, p. 125; t. XV, p. 392; t. XII, p. 135,
326; t. XLV11I.
La Gazette médicale, 1833, etc., les Archives de médecine, la Gazette des hôpi-
taux, le Journal des connaissances médico-chirurgicales, passim.
La Gazette hebdomadaire, t. III, année 1856, etc., etc., etc.
46
MÉMOIRE
» dangers, mortels de pareils procédés , dans les cas fréquents et graves de
» notre art où le médecin peut faire autant de mal et causer non moins
» de dommage en n’agissant point du tout qu’en agissant à contre-
» temps. La raison et l'expérience sont donc réunies pour repousser de toutes
» les forces de l'intelligence un pareil système. »
Cette réponse a été adoptée à l’unanimité, quant au sens, et à l’una-
nimité moins deux voix quant au texte, par l’Académie, à la suite d’une
discussion qui a duré plusieurs séances et que nous n’osons reproduire,
mais dont le tribunal trouvera dans le dossier le procès-verbal officiel.
Plus récemment, le rédacteur en chef d’une revue liomœopathique
crut devoir offrir à l’Académie de médecine un exemplaire de son jour-
nal. Par un vote sans précédent, l’hommage fut refusé.
Peu de temps après l’apparition de notre feuilleton, et quand on com-
mençait déjà à s’occuper un peu, dans le public, du procès et des ennuis
d’un autre genre qu’il nous avait attirés, les jeunes étudiants en mé-
decine, auxquels s’étaient mêlés un grand nombre de praticiens, se pres-
saient sur les bancs du grand amphithéâtre de la Faculté pour applaudir
aux paroles d’un jeune professeur agrégé, qui dans un cours officiel, leur
disait :
« Puisque vous le désirez, je vais consacrer une leçon à vous parler
» de Hahnemann. et de sa doctrine; je vous en parlerai sans passion;
» mais ne vous attendez pas à ce que je vous en parle avec respect, car
» il ne le mérite pas.
» Hahnemann prétend guérir radicalement; malheureusement, il
» n’est pas ie seul à avoir de semblables prétentions; d’autres en disent
» autant d’une façon blâmable. Vous le voyez par ces petits écrits que
» disséminent certaines gens d’une honnêteté douteuse. Ils procèdent de
» la même façon; ils disent aussi : « Ma méthode nediminue pas seu-
» lement les maladies, elle guérit radicalement. » Voilà ce que disent ces
» médecins de bas étage.
» L’école de Hahnemann s’adresse plutôt aux gens du monde qu’aux
» médecins, et c’est là ce qui a contribué à son succès auprès des pre-
» miers.. ..
» Ce système thérapeutique renferme de telles énormités, qu’il est im-
» possible de le lire de sang-froid.
» Quand on a parcouru ce formulaire, cette longue nomenclature, en
» vérité le courage vous manque, et l’on se demande s’il n’y a pas eu
» aberration d’esprit de la part de l’homme qui l’a inventé.
» Hahnemann a différé de Mesmer et de Cagliostro, en ce que ces der-
» niers avaient eux-mêmes foi dans les erreurs qu’ils accréditaient, tan-
» dis que Hahnemann a cherché à tromper tout le monde, sans avoir
» l’excuse de s’être trompé lui-même. » ( Leçon de M. Lasègue, sténo-
graphiée.)
DU DOCTEUR GALLARD.
I\1
VI.
NOTRE ARTICLE.
Voilà ce que pensent de l’homœopathie les organes éminents et officiels
de la science, la Faculté et l’Académie. Qu’il nous soit permis de placer
notre article du 2 A octobre 1857 en regard et comme sous la protection
de ces arrêts.
(Voyez cet article p. 6.)
Si l’on compare les termes de notre feuilleton aux jugements qu’ont
portés sur l’homœopathie tous les médecins qui en ont parlé avant
nous , on verra que personne n’a été plus modéré que nous ; personne
peut-être ne l’a été autant.
On remarquera aussi que les expressions qui ont le plus vivement
choqué MRI. les homœopathes sont empruntées à l’un d’eux; elles sont
textuellement extraites du livre de M. RIagnan, que nous analysions.
Cet auteur avait dit : « A l’horreur qu’inspirait le nom seul de
» l’homœopathie a succédé en général un certain esprit de tolérance.
» On peut aujourd'hui appliquer la méthode de Bahnemann sans être un
» ignorant abject , un pauvre illuminé, ou un misérable charlatan; on peut
» se faire traiter par cette méthode sans tomber dans le ridicule, et sans
» passer pour avoir perdu le sens commun Les journaux de méde-
» cine commencent à ouvrir leurs colonnes à des discussions scienti-
» fiques qui semblent être le présage de l’esprit d’examen succédant à
» l’esprit de négation ou de dénigrement. A des accusations précipitées,
» acrimonieuses et aveugles , va succéder bientôt un débat calme , sé-
» rieux et digne de la science ». ( Préface , page v.)
Ayant à rendre compte d’un livre dans lequel je rencontrais toutes
ces assertions non justifiées, j’ai répondu: «RI. RIagnan se trompe
» lorsque, dans sa préface, il entrevoit « le commencement d’un débat
» calme, sérieux et digne de la science » . Ce débat a eu lieu ; il est clos,
» et il n’appartient à personne, pas même à des hommes jeunes, hon-
» nêtes et ardemment convaincus, comme il paraît l'être, de le ranimer
» jamais. On ne peut , en effet , opposer que le silence et le dédain à
» ceux qui, battus sur les hauteurs où s’agitent les discussions scienti-
» lîques, essayent maintenant d’engager une misérable lutte sur le ler-
» rain fangeux de la pratique industrielle et de l’exploitation. L’homœo-
» patliie n’est plus une doctrine , encore bien moins une science : c’est
» un commerce exercé par quelques-uns au détriment de la science et
» de l’humanité ; et, s’il est une époque où l’on a pu « appliquer la mé-
» tliode de Halmemann sans être un ignorant abject , un pauvre illu-
» miné, ou un misérable charlatan », ce n’est certainement pas à
» l’époque actuelle. »
J’ai eu soin de placer entre guillemets la phrase que j’empruntais à
RI. RIagnan , et qui est aujourd’hui plus spécialement incriminée. En
prenant ainsi une phrase dans le livre dont je rendais compte, et en la
Zi8
MÉMOIRE
retournant sans en changer un mot, et tout en indiquant son origine,
sommes-nous sorti des droits de la critique et des usages quotidiens de
la presse? N’est-ce pas comme si nous avions dit : — Vous avouez que
l’on a pu, à tort ou à raison, donner autrefois les qualifications en ques-
tion aux disciples de Hahnemann ; et après un tel aveu vous cherchez
à démontrer que de semblables qualifications ne leur sont plus appli-
cables aujourd’hui. Eh bien, moi, je pense tout différemment, j’admets
qu’à la rigueur on ait pu, dans le temps, appliquer cette méthode sans
être tout ce que vous dites, mais aujourd’hui il n’en est plus de même ;
pour appliquer la méthode de Hahnemann , il faut ignorer les résultats
qu’elle a donnés dans les nombreuses expériences instituées pour la ju-
ger, ou ne les ignorant pas, passer outre. — Quelle épithète mérite-t-on
dans le premier cas comme dans le second? Nous le demandons aux
homœopathes eux-mêmes ; et nous empruntons à M. Magnan celles
d'ignorant abject , de pauvre illuminé, de misérable charlatan.
Nous avons écrit déjà de nombreux articles de science ou de polé-
mique, et jamais de semblables expressions ne se sont rencontrées sous
notre plume (1). Comment cette fois avons-nous été amené à nous en
servir? Le tribunal le sait maintenant.
Notre conduite a mérité l’approbation de nos confrères, et grand
nombre d’entre eux ont bien voulu nous faire l’honneur de nous dire
que nous avions , dans cette affaire , su défendre en même temps les
saines doctrines et la dignité de la profession médicale. — Ce ne
sont pas seulement des confrères isolés , mais un grand nombre de
sociétés savantes qui sont venues nous entourer de leur sympathie et
(1) Un passage significatif, car il peut être considéré comme notre profession de foi
en fait de critique, puisqu’il se trouve au commencement du premier article de ce
genre que nous ayons publié dans VUnion médicale, dira mieux que nous ne pouvons
le faire ici quellerègle de conduite nous nous sommes tracée à cet égard : « Si, disions-
» nous, nous trouvons les éléments nécessaires pour une semblable discussion, nous
» tâcherons de les mettre à profit, car notre intention n’est pas de nous bornera une
>, sèche analyse de ces travaux. Nous voulons, au contraire, chercher à nous former
» une opinion personnelle que nous essayerons ensuite de faire prévaloir en prenant
» parti dans la discussion. Cela nous mettra naturellement dans la nécessité de com-
» battre les partisans de l’opinion opposée, mais nous espérons ne le faire qu’à armes
» courtoises, et tout en rendant justice tant au mérite personnel des auteurs qu'à la
» valeur intrinsèque de leurs œuvres. Nous n’oublions pas, en effet, qu’il s’agit d’une
a question fort controversée au sujet de laquelle les doctrines les plus divergentes
» comptent des partisans parmi les célébrités de notre époque, et, si près que nous
» pensions être de la vérité, nous devrons toujours conserver une certaine hésitation
» en face d’un semblable désaccord. J’aime, du reste, à croire que mes anciens collè-
» gués d’internat ne verront dans cette discussion autre chose que le désir d’élucider,
» avec l’aide de leurs lumières, un point encore obscur de pathologie ; et j’ai une
» trop grande confiance dans la noblesse des sentiments dont ils sont animés pour
» penser qu’un seul d’entre eux puisse se froisser de mes objections ou même de mes
» critiques, lesquelles ne devront altérer en rien les bonnes relations que j’ai toujours
« entretenues avec chacun d’eux, et la cordiale amitié qui me lie à plusieurs. » (T. Gal-
x laud , Qu’est-ce que la fièvre puerpérale? p. C, etl 'Union médicale, 4 juillet 1857.)
pu DOCTEUR G ALLA RD. 49
applaudira notre conduite, en acceptant en quelque sorte la solidarité
de notre article par des ordres du jour motivés, qui sont par nous joints
au dossier.
Après ces témoignages, après l’arrêt prononcé avec une si éminente
autorité par l’Académie; après les jugements émis par nos maîtres les
plus illustres (1), nous croyons avoir le droit de dire qu’en écrivant ce
que nous avons écrit; nous avons été le modeste mais véridique inter-
prète du corps médical tout entier.
Vil.
LANGAGE DES ÏI0M0E0PATUES.
A titre de comparaison, nous sera-t-il permis de citer les provocations
dont les médecins ont été l’objet de la part des bomœopalhes, et les
termes dont ils se sont souvent servis vis-à-vis de nous sans que nous
ayons cru, ni notre considération atteinte , ni notre clientèle menacée ?
Voici comment s’exprime Halinemann ( Organon ) :
« Je laisse de côté ce scandale que donne au monde la lie du peuple
médical , et je m’occupe seulement de la médecine ré quant e dans les écoles,
qui, fière de son antiquité, s'imagine avoir réellement le caractère d'une
science. » (P. 2.)
« Il est temps que tous ceux qui se disent médecins cessent de tromper
les pauvres humains par des paroles vides de sens et qu’ils commencent à
agir, c’est-à-dire à soulager et guérir réellement les malades. » (P. 111.)
« N'y a-t-il pas, d’après cela, delà démence à se proposer comme objet
de guérison l’état intérieur » (P. 113.)
« C’est la méthode au moyen de laquelle les médecins ont, jusqu’à pré-
sent, réussi le mieux à se donner l'air de soulager les malades, et sur la-
quelle ils ont le plus compté pour gagner leur confiance en les leurrant
d’un soulagement instantané. » (P. 157.)
« Cette chose est précisément celle qu’on devrait éviter si Loti voulait
ne pas tromper les malades et ne point se moquer d'eux. » (P. 158.)
« Cette pernicieuse méthode , si généralement employée aujourd’hui, est
la principale source des innombrables maladies chroniques, portant des
noms ou innommées, sous le poids desquelles gémit l’humanité tout
entière. — C’est une des actions les plus criminelles dont lu médecine ait pu
se rendre coupable, et cependant c’est celle qu’on a généralement exercée
jusqu’à ce jour. » (P. 2ü5.)
«Peu importe que l’atténuation aille jusqu’au point de paraître impos-
sible aux médecins vulgaires dont l’esprit ne se nourrit que d’idées maté-
rielles et grossières. » (P. 318.)
« Les assertions de la matière médicale ordinaire sont arbitraires et peu
(1) Yoy. ocs jugements aux sources indiquées en note, p. H.
4
50
MÉMOIRE
raisonnées ; elles se rapprochent du pur mensonge. Et quel crime que de fon-
der le traitement des maladeS'Sur des mensonges ! » (P. 351.)
«Voilà comment la santé et la vie des hommes ont été livrées au
caprice de quelques brouillons dont l’imagination faisait tous les frais de
ce qu’on appelait la matière médicale. » (P. 352.)
« N’est-ce pas imprimer à la matière médicale le cachet d’une ignorance
présomptueuse et sons conscience ? » (P. 353.)
« Sans m’arrêter à discuter avec des hommes que les préjugés de
l’école aveuglent , et à qui leur conscience se charge de faire les justes
reproches qu’ils méritent. <> (P. 395.)
Et, dans son Traité des maladies chroniques , le Grand Prêtre de l’ho-
mœopathie ne nous ménage pas davantage:
« Il est incroyable jusqu’à quel point les médecins modernes de l’école
ordinaire se rendent coupables du crime de lèse- humanité , lorsque, sans
excepter presque aucun professeur, aucun des praticiens les plus en
réputation et des écrivains les plus considérables, ils érigent en
règle » (T. I, p. 2k.)
« De tous les méfaits que l’on peut reprocher aux médecins modernes
de l’ancienne école, c’est là réellement le plus nuisible , le plus impardon-
nable
» Celui qui, d’après ces exemples et une innombrable quantité d’au-
tres semblables, n’aperçoit pas le contraire précisément des assertions
qu’ils mettent en avant, s'aveugle à plaisir et agit avec intention au détri-
ment de l' humanité . » (P. 54.)
« Quand bien même il y aurait quelque motif spécieux d’excuser cette
triste négligence et cette ignorance rien ne justifie l’aveuglement
général qui, pendant une si longue suite de siècles, leur a tait mécon-
naître la maladie interne préexistant à l’éruption psorique Afin de
prolonger l'erreur et de laisser le monde dans la pernicieuse croyance »
(P. 72.)
« Le médecin vulgaire nuit ou malade , bien loin de le servir »
(P. 138.)
« La nature inintelligente , livrée à elle-même, ne peut rien taire de
mieux, dans les maladies chroniques et dans les affections aiguës, qui en
procèdent de temps en temps, que de recourir à des palliatifs pour sauver
temporairement le sujet du danger subit qui menace ses jours L’al-
lopathie napu qu imiter la nature inintelligente dans ses efforts palliatifs,
sans même produire ce faible résultat, mais aussi sans manquer d’épuiser
beaucoup les forces. E lie n d donc jamais fait, comme la nature , que hâter
la ruine générale. « (P. 217.)
« Lorsqu’on s'est rendu sourd à la voix de la conscience alors on est
médecin allopathe. »
« Cet art funeste , qui, depuis une longue suite de siècles, est en pos.
session de statuer arbitrairement sur la vie et la mort des malades, qui
fait périr deux fois plus d'hommes que les guerres les plus meurtrières , et
qui en rend des milliers d’autres infiniment plus souffrants qu’ils ne
l’étaient dans l’origine. »
DU DOCTEUR GALLÀRD.
51
« Leur persistance (des médecins) à suivre la méthode, homicide des
anciens , les rend un objet de mépris et d'horreur. L’impartiale histoire
llétrira leurs noms pour avoir dédaigné les secours qu’ils auraient pu
donner à des malades dignes de compassion, s’ils n’avaient pas fermé
méchamment leurs yeux et leurs oreilles à la yrande et salutaire vérité. »
(Hahnemann, l’Allopathie. )
Après Hahnemann, l’inventeur de l’homœopathie , nous pourrions
citer presque tous ses adeptes, car bien peu d’entre eux se sont fait faute
de le suivre dans cette voie; mais nous choisirons de préférence dans les
ouvrages de ceux qui figurent au procès à titre de demandeurs. — Ainsi
JL Escallier , dans un opuscule sur le traitement du rhumatisme, se
propose « de montrer à quels tristes résultats, nous devrions dire à
quels actes coupables, peuvent conduire et l’absence de véritable méthode
thérapeutique chez nos adversaires, et le déplorable esprit de système
qui les entraîne. » (P. 22.)
Plus loin il dit :
« Administrer une substance médicamenteuse à une dose capable
de mettre un être humain dans un état pareil à celui qui vient d’être
décrit, ri est-ce pas en réalité l' empoisonner ? » (P. 29.)
« Nous affirmons que chez tous ces malades il y a eu EMPOISONNEMENT par
le sulfate de quinine. » (P. A5.)
a Si la science et l’art ont le droit de se trouver insultés par la confusion
et le doute qui dominent la thérapeutique officielle du rhumatisme aigu,
l’humanité à son tour a le droit de repousser des médications incen-
diaires aussi bien que les sectaires imprudents ou aveugles qui veulent les
lui imposer. » (P. 50.)
« On peut se demander si la médication n’a pas été plus pernicieuse
que la maladie. » (P. 55.)
Et il termine par un aveu que nous nous plaisons à enregistrer.
« L’HOMŒorATHiE n’ayant pu faire, parmi les médecins, de propagande
bien active... elle s'est insinuée dans l’intérieur de tous les ménages. »
(P. 115.)
Dans une brochure de M. Audouit, nous lisons (1) :
« L’excellence de la méthode homceopatliique me permet d%offrir
à mes collègues un travail un peu plus sérieux peut-être, et à coup sûr
beaucoup plus complet que les données recueillies après vingt mois
d’expériences par MM. Cazenave et Devergie. — Je me hâte d’ajouter
que ce n’est point l’habileté si connue de ces messieurs que j’entends ici
mettre en cause, mais bien le pitoyable système d’expérimentation qu’ils
continuent de suivre en dépit de son incertitude si manifeste, et ce qui
est plus grave, malgré les dangers qu’il fait si souvent courir aux ma-
lades. » (P. 8.)
« La lice est ouverte , continue-t-il ; les plus illustres médecins sanc-
tionnent par leur conduite et par leurs conseils le bill d’indemnité que
vous avez déjà. Courage! Expérimentez sans reiâche , expérimentez
(1) Éludes sur /’hydrocolyle asiatica.
52
MÉMOIRE
encore, expérimentez toujours. Les malades, ceux des hôpitaux surtout,
sont un peu faits pour cela. Ne ménagez personne : expérimentez quand
même, vous navez rien à craindre , et vous pouvez espérer que , sur la terre
qui cachera vos bévues, V Académie reconnaissante fera croître quelques
lauriers. » (P. 42-43.)
« 11 faudrait être bien aveugle ou bien prévenu pour ne pas apercevoir
l’immense supériorité de la méthode expérimentale que j’ai suivie dans
cette étude sur les essais routiniers, empiriques et inhumains que l’on met
en œuvre dans l'école officielle. » (P. 108.)
Enfin, M. Chargé (dans V Homœopathie et ses détracteurs ) s’écrie :
« On trouve dans le livre du docteur Fabre tous les procédés barbares
inventés et perfectionnés par l'allopathie pour torturer et martyriser les
pauvres malades. » (P. 28.)
« Si leurs auteurs (des livres classiques) passent trop souvent sous
silence le nom de Halmemann, c’est une lacune plus ou moins involon-
taire que l'ignorance seule peut se refuser à combler. » (P. 33.)
«Je me trouve à la discrétion de confrères passionnés et qui dans
maintes occasions déjà ont publiquement donné la preuve d’une partialité
injuste et outrageante. » (P. 82.)
« Ce n’est plus de la lactique, c'est du larcin. » (P. 104.)
« Fidèles à leurs habitudes de dénigrement, nos adversaires trouvent
toujours plus facile de nous calomnier que de discuter avec le désir bien
sincère de chercher et de trouver la vérité. » (P. 112.)
VIII.
SITUATION MORALE ET SCIENTIFIQUE DE L’UOMOEOPATHIE.
L’homœopathie prétend être le progrès en médecine, et elle s’écrie :
Le progrès ne peut se faire jour sans lutte et sans difficultés; il trouve
constamment, surtout au sein des écoles, une opposition systématique
qui crée pour lui une résistance souvent difficile à vaincre.
Mais est-elle donc dans ce cas? Est-ce une lutte plus ou moins achar-
née contre quelques hommes isolés ou contre des corps savants obstinés
qu’elle a seulement à soutenir? N’est-elle pas, au contraire, entourée
d’une réprobation générale, universelle?
Une vérité a beau être combattue, proscrite, elle n’est jamais aussi
universellement repoussée que cette doctrine. Si elle était à l’état de
vérité opprimée, on lui verrait faire incessamment de nouveaux prosé-
lytes parmi la jeunesse, dont toutes les aspirations tendent si irrésisti-
blement vers le progrès; elle aurait déjà envahi, peu à peu, les académies,
les facultés, les écoles; elle se serait installée de vive force au sein des
corps savants ou enseignants ; à défaut de l'enseignement officiel, elle
ouvrirait des cours libres qui seraient suivis par les jeunes gens; elle
aurait des noms célèbres à nous citer. Et, au lieu de cela, nous voyons
53
Dü DOCTEUR GAULA RD.
ses adeptes partout honnis et repoussés. Dans tous les États de l’Europe,
à Saint-Péterbourg comme à Paris, à Naples et à Vienne comme à Edim-
bourg ou à Londres, les médecins les plus instruits en même temps que les
plus honorables, viennent, après avoir consciencieusement expérimenté
cette doctrine, la déclarer absurde et inefficace.
Se recrutant surtout parmi les officiers de santé, l’homœopathie ne
brille nulle part en Europe; les écoles et les hôpitaux lui sont fermés, on
expulse ses adeptes des sociétés dont ils faisaient partie, on ne les admet
dans aucune; on se refuse à les rencontrer en consultation (1). Ce ne
sont pas là les caractères de la prévention contre le progrès; ce n’est
même plus pour les médecins une question de science, c’est une question
d’honnêteté et de dignité professionnelles.
Il est vrai, nous le reconnaissons parfaitement, que le progrès ne peut
se faire sans luttes, sans discussion, car il lui faut ces luttes, ces discus-
sions pour le sanctionner, pour lui donner droit de cité dans la science.
La controverse seule permet à la vérité de se faire jour, de se distinguer
de 1 erreur, et il est du devoir de tous les savants de ne jamais admettre
une vérité nouvelle sans l’avoir soumise à un sévère et rigoureux con-
trôle; sans cela, que d’erreurs pénétreraient dans la science sous ce faux
titre de vérité nouvelle !
Ce contrôle indispensable, si rigoureux qu’il soit, n’a jamais été une
barrière infranchissable que pour l’erreur, et constamment la vérité a pu
parvenir à se faire jour en fort peu de temps. Il a fallu, dites-vous sans
cesse, trente ans pour faire accepter la théorie de la circulation du sang ;
mais voilà plus de soixante années que l’homœopathie combat en vain.
Elle est née en 1790. Quels immenses progrès a-t-elle faits, surtout si
nous la comparons à la vaccine, découverte en 1797 seulement; à la
vapeur, à l’électricité, dont certaines propriétés importantes n’ont été
révélées que depuis le commencement de ce siècle, aux vertus anesthé-
siques de l'éther et du chloroforme, dont la connaissance date d’hier, et
qui cependant sont acceptées et utilisées par tous les chirurgiens du
monde.
Vous le voyez donc bien, l’homoeopalhie est un faux système, sans
cela elle n’aurait pas été si universellement combattue, et elle serait ac-
ceptée au même titre que toutes les inventions plus modernes qu’elle,
dont nous venons de faire la rapide énumération.
Et, si tous les corps savants sont unanimes pour la repousser, c’est
qu’au lieu d’être un progrès, comme le prétendent ses partisans, elle
n’est autre chose qu’une immense mystification. Elle est au progrès, ce
qu’est l’Ica rie ou le phalanstère aux grands principes de la civilisation
moderne.
(I) Bulletin général de thérapeutique, t. XXXIX, p. 96 et t. XLl. — Gazelle hebdo-
madaire, 1856. — Journal des connaissances médicales et pharmaceutiques, juin 1 858.
— Archives generales de médecine, juillet 1858, p. Il", etc.
MÉMOIRE
5'j
APPENDICE.
QUE PENSER DES MÉDECINS QUI SE DISANT HOMOEOPATHES FONT
DÈS PRESCRIPTIONS NON HOMQEOPATH1QUES ?
( Les insufficientisles) .
Jusqu’à présent nous n’avons parlé de l’homœopathie qu’en la pre-
nant au sérieux et en considérant les hommes qui la pratiquent comme
profondément convaincus de son efficacité. Mais il ne faut pas croire
qu’il en soit toujours ainsi. Nous voulons bien admettre que, parmi les
homœopathes, il se trouve un petit nombre de médecins consciencieux
qui, abusés par cette chose nouvelle et mystérieuse importée d’Alle-
magne, font abnégation de tout ce qu’ils savent pour adopter les théo-
ries de Halmemann et se laisser guider par ses enseignements ; credo
quia absurdum, disent-ils. Mais ceux-là comprennent parfaitement tout
ce qu’une telle doctrine a d’opposé avec la science réelle, avec la méde-
cine classique, et, les plaçant l’une et l’autre dans un antagonisme con-
stant, iis n’ont jamais pu s’arrêter à l'idée de les associer dans leur
pratique.
Pour eux, « il est absolument interdit de mélanger le traitement ho-
mœopalhique avec les remèdes préconisés par l’ancienne médecine,
une telle association serait monstrueuse (1), » car « l’homœopathie
est une doctrine nouvelle qui prétend être complète, qui n’admet rien
en partage, qui veut être victorieuse ou terrassée (2). » Ce sont, nous
le croyons fermement, de très honnêtes gens, incapables de nuire à leur
prochain sciemment du moins; mais qui à nos yeux ont un seul
tort, et celui-là est immense, c’est de ne pas vouloir nous permettre de
les appeler des ignorants ou des illuminés. Ils ont foi dans ce qu’ils prê-
chent, d’accord, mais croire n’a jamais été le synonyme de savoir, et la
médecine n’est pas une religion, c’est une science.
Cependant, qu’on le sache bien, ceux qui croient réellement en l’ho-
mœopalhie sont les moins nombreux; d’autres, plus habiles sans doute,
mais certainement moins honorables, profitent de l’engouement du pu-
blic pour l’homœopathie qui est, il faut bien le dire, autant à la mode
de nos jours que le baquet de Mesmer a pu l’être dans le siècle dernier.
Une fois appelés auprès des malades désireux d’être soumis au traitement
homœopathique, ces médecins peu consciencieux n’hésitent pas à faire
des prescriptions toutes différentes de celles enseignées par l’auteur de
la méthode qu’ils prétendent pratiquer.
Ils prescrivent donc des médicaments à haute dose, et c’est si peu faire
de l’homœopathie que Hahnemann a lui-méme répudié toute solidarité
avec eux en les reniant pour ses disciples d’une façon assez catégorique
(1) Andiuiîd : Traitement homœopathique du choléra, p. 30.
(•2) Magnan : L'Iinmœopathie, p. 7.
DU DOCTEUR GALLARD.
55
pour ne pas laisser place à l’équivoque. « Une dose plus forte que la
nécessité ne l’exige (1), même du remède le plus homœopathique, agit
avec trop de violence et porte un trouble trop grand, trop prolongé
dans les facultés morales et intellectuelles, pour qu’on puisse de bonne
heure reconnaître l’amélioration dans l’état de ces dernières. Je ferai
remarquer ici que cette règle si importante est une de celles contre les-
quelles pèchent le plus les médecins qui passent de l’ancienne école à
celle de l’homœopathie. Aveuglés par le préjugé, ils s’abstiennent des
plus petites doses des solutions les plus étendues des médicaments, et
se privent ainsi des plus grands avantages que l’expérience en a mille
et mille fois retirés; ils ne peuvent faire ce qu’accomplit le véritable
homœopathe, et se donnent à tort pour ses disciples. » (Hahnemann,
Organon, p. 301.)
Et ailleurs il les accuse de « n’agir ainsi que pour s’épargner la peine
de chercher le remède homœopathique, ou plutôt pour ne pas se donner
celle de devenir médecin homœopathisle tout en ayant l’air de l’être. »
[Organon, p. 153.)
Car « il faut avoir bien peu approfondi l’étude de l’homœopathie,
n’avoir jamais vu aucun traitement homœopathique bien motivé, n’avoir
point su juger jusqu’à quel point ies méthodes allopathiques sont dénuées
de fondement et ignorer quelles suites, les unes mauvaises, les autres
effrayantes, elles entraînent, pour vouloir faire marcher ces détestables
méthodes de pair avec la véritable médecine, et les représenter comme
des sœurs dont elle ne saurait se passer. L ’ homœopathie pure , qui ne
manque presque jamais son but, qui réussit presque toujours, repousse
toute association de ce genre. » (Idem, p. 138.)
« L’homœopathie ne verse pas une seule goutte de sang; elle ne purge
pas et ne fait jamais vomir ni suer; elle ne répercute aucun mal externe
par des topiques, et ne prescrit ni bains chauds ni lavements médica-
menteux ; elle n’applique ni vésicatoires, ni sinapismes, ni sétons ou
cautères; jamais elle n’excite la salivation ; jamais elle ne brûle les
chairs jusqu’à l’os avec le moxa ou le fer rouge, etc. » ( 1 d . , Organon,
préface.)
Puisque ceux qui agissent ainsi ne sont pas homœopathes, puisque
Hahnemann leur défend de se vanter d'appliquer sa méthode ou d’oser
se donner pour ses disciples, que viendraient-ils donc faire au procès?
De quel droit se plaindraient-ils de la façon dont nous les apprécions,
quand leur conduite est jugée par les vrais homœopathes eux-mêmes
plus sévèrement encore qu’elle ne l’a jamais été par nous? — Nous
reconnaissons bien avec eux que « la nouvelle doctrine, telle qu’elle a
été présentée dans sa totalité par Hahnemann et admise comme un
code sacré par ses disciples, ne peut soutenir l’examen d’une critique
juste et impartiale (2). » Et c’est ce que nous nous sommes efforcé de
(1) Nous savons maintenant ce que cela veut dire dans la bouche de Hahnemann,
voy. p. 30 et 31 .
(2) Rau, Nouvel Organon.
56
MÉMOIRE
démontrer dans le cours de ce travail. — Mais nous ajouterons que cette
doctrine étant aussi contraire à toutes les données scientifiques, tant dans
Ses détails que dans son ensemble, il n’y a rien de bon à y prendre. Si
elle n’est pas entièrement vraie, elle doit être entièrement fausse, et nous
nous associons pleinement au blâme adressé par l’auteur de la doctrine
à ceux qui croient pouvoir, dans la pratique, l’associer à la médecine
traditionnelle. — Quel est donc le mobile de leur conduite? Nous avons
dù nous borner à le faire pressentir; mais le professeur Requin l’a clai-
rement divulgué dans une vigoureuse apostrophe que nous prendrons la
liberté de reproduire, et qui nous servira de conclusion :
« Arrière donc, s’écrie le savant académicien! arrière, tiers parti jus-
tement repoussé de droite et de gauche, entre le camp des vrais homœo-
patlies et le nôtre! Arrière, vous praticiens amphibies! vous, Janus à
double langage! vous, chauves-souris de V homœopathie, qui dites comme il
vous plaît, tantôt je suis souris, et tantôt je suis oiseau! Vous ne prenez
LE NOM d’HOMOEOPATHE QUE COMME UNE ENSEIGNE ET POUR ALLÉCHER CER-
taines gens. » (Requin, Homœopathie ; suppl. au Dict. desdict. deméd.)
D r T. Gallard,
Ancien iutcruc-luuréal (médaille d’or) des hûpit iux, etc.
RÉPONSE A LA NOTE SCIENTIFIQUE
SUR LA DOCTRINE HOMOEOPATHIQUE ,
A L’OCCASION DU PROCÈS INTENTÉ AU JOURNAL
L’UNION MÉDICALE,
Dans la personne de MM. Richelot, gérant ;
A. Latour, rédacteur en chef ;
T. Gallard, auteur de l’article incriminé.
• PAU
MM. les docteurs en médecine Pétroz, Gastier, Léon Simon, Chargé, L. Molin,
Crétin, Escallier, Lebouclier, Love, Gueyrard, Audouit et Desterne.
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE.
Dans la note présentée au tribunal par MM. G. Richelot, A. Latour
et T. Gallard, défendeurs, au su jet de l’action intentée contre eux par les
soussignés (i), l’objet de la poursuite est absolument méconnu et détourné
du motif qui a dirigé les demandeurs.
De quoi s’agit-il ?
D’un feuilleton inséré dans le numéro du 1l \ 1 octobre 1857 du journal
(1) Les docteurs indiqués fout tous partie de la commission centrale homœopathique
instituée par une délibération du Congrès homœopathique de Paris, dans la session de
57
DES MÉDECINS HOMOEOPATI1ES.
l’Union médicale. Pris dans son ensemble, ce feuilleton constitue une
atteinte grave portée à l’honneur et à la considération de tous les méde-
cins homœopathes. Si l’injure dont nous parlons n’avait frappé (pie les
soussignés, peut-être auraient-ils hésité entre l'oubli et la demande d’une
juste réparation. Si Y Union médicale avait fait droit à la réclamation qui
lui fut adressée par ministère d’huissier, en date du 21 novembre sui-
vant, il n’y aurait pas eu de procès. Mais, la lettre adressée au gérant du
journal et à l’auteur de l’article déféré au tribunal n’ayant pas été insé-
rée, l’injure adressée à tous les médecins homœpatlies franchissant les
limites de la controverse la plus excessive, l’oubli, le silence ou même
le dédain devenaient impossibles. C’est pourquoi l’action fut introduite.
Dans le feuilleton, sujet de la poursuite, on lit les phrases suivantes :
« On ne peut, en effet, opposer que le silence et le dédain à ceux qui,
battus sur les hauteurs où s’agitent les discussions scientifiques, essayent
maintenant d’engager une misérable lutte sur le terrain fangeux de la
pratique industrielle et de l’exploitation.
» L’homœopathie n’est plus une doctrine, encore bien moins une
science; c’est un commerce exercé par quelques-uns au détriment de la
science et de l’humanité; et, s’il est une époque à laquelle on a pu ap-
pliquer la méthode de Hahnemann sans être un ignorant abject, un
pauvre illuminé ou un misérable charlatan, ce n’est certainement pas à
l’époque actuelle (1). »
Cinq jours après la publication du feuilleton de M. Gallard, il lui fut
adressé, ainsi qu’àM. Richelot, la lettre suivante :
(Voyez cette lettre, p. 13.)
A cette lettre modérée dans la pensée qui l’avait dictée et dans ses ex-
pressions, Y Union médicale répondit par un refus d’insertion.
Que demandions- nous cependant aux défendeurs : 1° De rétracter
1835. Celle commission n’ayant pas d’existence légale, les membres qui la composent
ont introduit leur action en leur nom personnel, lis ont indiqué leur qualité de mem-
bres de la commission centrale, pour que le tribunal sache pourquoi leurs confrères
ne se sont pas joints à eux en plus grand nombre.
(1). Voy. la Note scientifique, signée T. Gallard, p. 47, et p. 7. La suite de notre ré-
ponse fera justice des assertions outrageantes contenues dans cette citation. Nous nous
bornerons en ce moment à deux courtes remarques :
1° Où l’auteur a-t-il vu que les homœopathes essayent d’engager une lutte sur ce
qu’il nomme le terrain fangeux de la pratique industrielle et de l’exploitation? Une
lutte pratique existe forcément entre tous les médecins appartenant il des écoles diffé-
rentes. Toute doctrine n’aspire-t-elle pas à l’application et n’a-t-elle pas la prétention
de faire mieux que ses rivales ou ses devancières? n’y avait-il pas lutte ouverte entre
les partisans de Pinel et les disciples de Broussais; et cette lutte ne se perpétue-t-elle
pas de nos jours entre les différentes nuances de l’école allopathique? Ceux-là seule-
ment vivent en paix qui, n'ayant rien à défendre, n’out aucun motif de préférer leur
pratique à celle des autres. Il n’y a là ni industrie, ni exploitation, ni terrain fangeux,
mais conûance en sa force, conûance aux principes qu'on défend.
2° L auteur dit que 1 homoœpathie n’est plus une doctrine, encore moins une. science.
Il y eut donc un temps où elle était l'une et l’autre? Nous serions curieux de savoir à
quelle époque, s’abdiquant elle-même, elle a ce<sé d’être ce qu'elle était.
58
MÉMOIRE
publiquement les expressions injurieuses dont ils s’étaient publiquement
servis; 2° de reconnaître qu’ils avaient avancé un fait erroné en affirmant
que la brochure de M. Manec (de Montpezat) n’avait reçu aucune réfu-
tation ; 3" qu’ils étaient tombés dans une erreur inqualifiable, en disant
que, plusieurs fois provoqués à une discussion sérieuse, nous avions fui
le combat au lieu de l’accepter (1).
1° La rétractation des injures adressées aux médecins homœopathes
étant le fond du procès, nous n’insistons pas, à ce sujet, dans le moment
présent.
2° Sur le second point, qu’il nous suffise de renvoyer M. Gallard à la
brochure de M. le docteur Jousset intitulée : Réponse aux lettres de
M. Manec sur V homœopatliie (Paris).
3° Loin de fuir la discussion lorsqu’ils y furent provoqués, les ho-
mœopathes l'ont toujours acceptée. S’agit-il de la décision prise par
l’Académie de médecine de Paris, il y fut répondu par la brochure inti-
tulée : Lettre à M. le ministre de l’ instruction publique, par le docteur
Léon Simon (Paris, 1835). M. Trousseau vint-il à attaquer l’homœopa-
thie devant la Faculté de médecine de Paris dans un discours solennel
de rentrée , il y fut encore répondu par une autre brochure du même
auteur, intitulée : Lettre à messieurs de la Faculté de médecine de Paris,
en réponse aux attaques dirigées contre la doctrine homœopathique (Paris,
1843). L'Union médicale elle-même a-t-elle dirigé ses attaques contre
l’homœopatiiie ou accepté celles d’un de ses correspondants , la réponse
fut toujours faite, mais ne fut jamais acceptée. Nous en citerons une
preuve irrécusable.
Dans les numéros des 9 et 12 juillet 1855 de Y Union médicale , M. le
professeur Bonnet (de Bordeaux) publia une critique de l’homœopathie.
Le 15 du même mois, l’un de nous, M. le docteur Crétin, adressa une
réponse aux attaques de M. Bonnet. M. Amédée Latour lui retourna son
manuscrit accompagné de la lettre suivante :
A M. le docteur Crétin, à Paris. *
« Paris, le 16 juillet 1853.
» Monsieur,
» J’ai l’honneur de vous adresser te manuscrit que vous m’avez confié
et dont notre comité de rédaction n’a pas agréé l’insertion. Tout en ren-
dant hommage à la politesse et à la convenance de votre discussion, le
comité a pensé qu’il ne pouvait, sans inconvénient pour notre publica-
tion, ouvrir la porte à une polémique de ce genre. Veuillez considérer,
monsieur, que les opinions médicales représentées par notre journal ne
font que se défendre, quelles se défendent chez elles et sur leur terrain,
et qu’elles ne demandent pas l’hospitalité aux publications périodiques
consacrées aux doctrines qui ont vos convictions. L’homœopathie a aussi
(1) Yoy. la Note scientifique, p. 47 et passim.
DES MÉDECINS HOMEOPATHES.
59
ses journaux, qui popularisent et défendent sa doctrine : il est tout na-
turel que ce soit à eux qu’aboutissent les travaux du genre de celui que
vous avez eu la bonté de me remettre.
» Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de ma considération dis-
tinguée.
» Latour (Amédée). «
Quelles que soient la bienveillance et la courtoisie de la réponse de
M. A. Latour, nous observerons qu’elle passe à côté de la question.
M. Bonnet attaque l’homœopathie ; on répond à ses critiques ; n’était-ce
pas sur le terrain où la lutte s’était engagée que la défense devait faire
entendre sa voix? S’il se fût agi de contredire les opinions que l 'Union
médicale prétend défendre, il eût été peu convenable, sans doute, de
réclamer l’hospitalité du journal attaqué. Mais du moment où c’est lui
qui engage lajlutte, l’intérêt de la vérité exigeait quela réponse fût connue
des témoins de l’attaque. M. Gallard, qui nous a condamnés si sévère-
ment, devrait mieux connaître la position de l’homoeopalhie ; nous n’au-
rions pas à relever chez lui des assertions aussi erronées que celles qui
précèdent.
Cependant, averti par nos réclamations de l’irréflexion de sa polé-
mique, M. Gallard persiste dans la voie malheureuse où il s’est engagé.
11 a fait distribuer au tribunal une note scientifique dans laquelle il pré-
tend justifier la forme et le fond de l’article sujet du débat. 11 emprunte
ses moyens de justification à ce qu’il nomme une exposition de la doc-
trine homœopatliique, de son origine, de ses conséquences pratiques et
des dangers qui peuvent résulter de son application (1). A l’appui de sa
thèse, il rappelle les expériences tentées en divers lieux , les opinions
émises par plusieurs corps savants sur l’homceopathie, et trace à sa ma-
nière un tableau vraiment fantastique de la situation morale et scienti-
fique de cette doctrine.
JNous dirons bientôt ce qu’est l'homœopathie, quelle fut son origine,
à quelles conséquences pratiques elle conduit. Nous apprécierons les ex-
périences qui ont été tentées. Nous dirons ce que valent les opinions
émises par les corps savants dont parle M. Gallard, et raconterons en
toute vérité la situation morale et scientifique de l’homœopathie.
Mais nous sommes assurés qu’au moment de prendre une décision, le
tribunal ne se laissera surprendre ni par le faux semblant d’exposé
scientifique qui lui a été présenté, ni par les conséquences qu’on a pré-
tendu en tirer. Admettons pour un moment que l’homoeopathie ne soit
qu’un tissu d’erreurs, que les expériences rapportées aient la valeur
qu’elles n’ont pas, que les décisions académiques puissent être considé-
rées commodes arrêts sans appel, ce que nos adversaires eux-mêmes
n’oseraientsoutenir, toutes ces conditions réunies ne pourraient autoriser
à juger de l’intention de ceux qui exercent l’homœopathie, encore moins
à les présenter comme étant descendus du rang où les élèvent leur titre
(1) Voy. la Note scientifique de M, Gallard, p. 19.
60 MÉMOIRE
et leur caractère, cl comme exerçant un commerce au détriment de la science
et de U humanité.
Un jugement d’une malveillance aussi sévère, prononcé en termes
tellement absolus qu’il ne comporte ni réserve ni exception, qu’il s’a-
dresse à tous sans désigner personne en particulier, qu’il incrimine à la
fois les opinions, les actes et les intentions de ceux auxquels il s’adresse,
et cela sous forme d’assertions qui attendent leur preuve, dans l’unique
intention de nuire à un nombre considérable de confrères, constitue
une grave atteinte portée à leur honneur et à leur considération. Ce n’est
plus un débat scientifique, mais un acte de rivalité confraternelle poussée
jusqu’à la passion, jusqu’à la liai ne .
Plaise à Dieu que la controverse soulevée par notre adversaire et ac-
cueillie par WM. Richelot et Latour eût le caractère scientifique dont on
essaye do la revêtir! Nous ne viendrions pas fatiguer l’attention du tri-
bunal et réclamer une décision de sa justice. Nous suivrions la polémi-
que partout où il plairait à notre adversaire de nous conduire. Mais en-
core une fois, la science, l’intérêt de l’humanité n’étaient pas la préoc-
cupation de M. Gallard lorsqu’il a écrit le feuilleton qui nous occupe;
sa plume était conduite par un sentiment d’une tout autre nature, ainsi
que nous allons le prouver en examinant, article par article, les raisons
alléguées par lui-même en justification de sa conduite.
Nous abandonnons en toute confiance à M e Émile Olivier, notre avo-
cat, assisté de M e Lesage, avoué, le soin de démontrer la justice de notre
demande. Son talent bien connu et justement apprécié, l’ardeur avec
laquelle il sait embrasser les intérêts qui lui sont confiés, son amour de
la vérité, nous sont de sûrs garants qu’il saura mettre en lumière la jus-
tice de notre cause et obtenir du tribunal qu’il accueille les conclusions
prises eu notre nom.
DIVISION DU SUJET.
Comme il ne peut entrer dans notre pensée de transformer le tribunal
en académie, nous ne nous préoccuperons pas de l’idée d’examiner si
la marche suivie par notre adversaire dans son exposition est la meil-
leure et surtout la plus logique.
Nous le suivrons pied à pied dans la discussion qu’il a établie, et
nous nous demanderons :
1° Si M. Gallard a donné une idée exacte du principe fondamental de
rhomœopathie ?
2° Si les conséquences tirées du principe exposé, à la manière dont il
a été exposé, en découlent d’une manière nécessaire et forcée?
3° Pouvons-nous accepter ce que dit le défendeur des vertus attri-
buées par les homœopathes aux médicaments préparés selon la méthode
de Hahnernann ?
h° Les expériences citées par M. Gallard ont-elles le caractère d’au-
thenticité dont il lui plaît de les revêtir, et démontrent-elles l’ineffica-
cité absolue de la méthode homœopathique?
DES MÉDECINS HOMOEOPATHES.
G1
5° Ces expériences ayant servi de base aux opinions émises par les
corps constitués et savants sur riiomœopathie, quelle est l’autorité de
leurs décisions?
6° La situation morale et scientifique de l’homœopathie est-elle vrai-
ment ce que l’auteur la dit être?
7° Que faut-il penser de l’ insuffle ientisme?
8° M. Gallard est-il aussi convaincu qu’il le dit d’avoir justifié en au-
cune façon le feuilleton déféré à la justice, au moyen des faits et des
arguments contenus dans sa note prétendue scientifique?
I.
M. G Vl.LARD ATTRIBUE A LHOMOEOI’ATÏIIE UNE FAUSSE ORIGINE.
S’il fallait croire le défendeur sur parole, en 1790, Halinemann se
serait posé la question de savoir pourquoi les médicaments guérissent,
pourquoi l’opium fait dormir. Il aurait trouvé que les médicaments ne
guérissent pas parce qu’ils ont en eux une vertu curative; que l’opium
n’endort pas parce qu’il a une vertu dormitive, mais parce qu’il y a en
eux un principe morbifique capable de donner justement les maladies
qu’ils sont appelés à guérir. Si l’opium fait dormir, c’est qu’il y a en lui
une vertu excitatrice capable de chasser le sommeil (1).
Ce faisant, Halinemann, selon M. Gallard, se serait engagé dans la
recherche des causes premières; et c’est à ce premier égarement qu’il
faudrait rapporter l’origine de la doctrine à laquelle il a donné son nom.
C’est le contraire de ce qu’avance M. Gallard qu’il faut dire et qu’il
faut croire, si on veut avoir une idée exacte de l’homœopatbie et de son
origine.
Loin de se mettre à la poursuite des causes premières, Halinemann
les repousse sans merci ni pitié. A ses yeux, la médecine est une science
exclusivement expérimentale ; et la méthode qu’il enseigne repose sur
deux bases indestructibles : l’observation, d’une part; l’expérience de
l’autre.
Veut- on la preuve de ce que nous avançons?
«.... L’unique vocation du médecin, a dit Hahnemann, est de rendre
la santé aux personnes malades... Sa mission n’est pas, comme l’ont cru
tant de médecins qui ont perdu leur temps et leurs forces à courir après
la célébrité, de forger des systèmes en combinant ensemble des idées
creuses et des hypothèses sur l’essence intime de la vie et la production
des maladies dans l'intérieur invisible du corps, ou de chercher inces-
samment à expliquer les phénomènes morbides et leur cause prochaine,
qui nous restera toujours cachée, en noyant le tout dans un fatras d’ab-
stractions inintelligibles dont la pompe dogmatique en impose aux igno-
rants, tandis que les malades soupirent en vain après des secours (2). »
fl) Voy. la Note scientifique, p. 20, 21 et 22.
(2) Voy. Organon, § 1, p. 105 de l’édition française de IS5G.
[*/quote']