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Author Topic: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE, Paris 1832  (Read 209 times)

Pangwall

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ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE, Paris 1832
« on: September 27, 2022, 07:10:05 PM »

Dieses Buch ist von 1832. Wunschgemäß für ein Quellenstudium aus den Tiefen des Netzes geholt.

Google is a parasite. Google must be exterminated.


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[*quote*]
ARCHIVES GÉNÉRALES
DE MEDECINE.

DE
MÉDECINE;

CHEZ
JOURNAL
PUBLIÉ

PAR UNE SOCIÉTÉ DE MÉDECINS,

COMPOSÉE DE MEMBRES DE L'ACADÉMIE ROYALe de médecine,
   DE PROFESSEURS, DE MÉDECINS ET DE
   HÔPITAUX CIVILS ET MILITAIRES, etc.

CHIRURGIENS

TOME XXX.

A PARIS,

BÉCHET jeune, Libraire de la Faculté de Médecine, place
de l'École de Médecine, no 4;

MIGNERET, Imprimeur-Libraire, rue du Dragon, no 20.

DES
ET
OBSERVATIONS.

SEPTEMBRE 1832.

Quelques réflexions sur l'histoire de la médecine; parJ. E. DezeimeriS, D. M. P., bibliothécaire-adjoint

à la Faculté de Médecine (1).

« Facilior ad prudentiam medicam via est per historiam,

» quam per usum ipsum, utpotè cum hic seris demùm ab >> annis veniat, historia erudiat etiam juvenem. » CONRING, Præf. ad Salmuthi obs.

Si l'on voulait tirer une définition de l'histoire de la médecine, du rapprochement de tous les ouvrages historiques publiés jusqu'à ce jour, on ne serait pas peu en peine de trouver, au milieu des formes disparates qu'ils présentent, quelques caractères généraux qui leur fussent

(1) Ayant eu, dans une circonstance pressante, à faire un travail sur un sujet laissé à mon choix, j'ai écrit précipitamment les réflexions qu'on va lire sur celle des parties des sciences médicales dont j'ai toujours fait mon étude de prédilection. Je demande grace pour la forme, dont il ne m'était pas permis de m'occuper quand je n'avais que le temps d'écrire les premières pensées qui se représentaient à mon esprit, long-temps occupé, il est vrai, de ces matières. Si l'on rencontre, dans ce mince opuscule, quelques réflexions justes sur les avantages qu'on peut retirer de l'étude de l'histoire de la médecine, quelque vue utile sur la manière dont cette histoire doit être traitée, on y aura trouvé tout ce que je pou vais avoir la prétention dy mettrer

BAYERISCHE

   STAATS -
BIBLIOTHEK
MUENCHEN,

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« Last Edit: September 27, 2022, 09:00:09 PM by Pangwall »
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Stoppt die deutschen Massenmörder!
Stoppt die österreichischen Massenmörder!
Stoppt die schweizer Massenmörder!

Revolution jetzt. Sonst ist es zu spät.

Pangwall

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 6-30
« Reply #1 on: September 27, 2022, 07:17:52 PM »

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commons. Si, mettant de côté tous ceux dont les auteurs ne se sont pas fait une idée bien nette de l'objet qu'ils avaient à remplir, on cherche à tracer le domaine de l'histoire de la médecine, à fixer les règles de sa composition, ou, si l'on veut, sa poétique sur le modèle des meilleurs livres que nous possédions en ce genre, on pourra éviter les fausses notions, mais à coup sûr on ne s'élèvera qu'à des conceptions étroites et incomplètes.

Il faut donc chercher dans l'histoire de quelque autre science, ou mieux encore dans la nature des choses, ce modèle encore idéal dont on voudrait voir l'histoire de la médecine se rapprocher. Il le faut, si l'on veut bien comprendre tout ce que doit renfermer cette histoire; il le faut surtout si l'on veut sentir de quelle utilité peut être cette étude; car le point de vue d'utilité est celui qui se laisse le moins apercevoir dans la plupart de nos histoires les plus curieuses, et pourtant c'est celui auquel tous les autres doivent être subordonnés, puisque après tout la médecine figure au rang des arts utiles, et non pas parmi les beaux-arts.

L'histoire dont nous nous occupons est la connaissance du passé, et tout ce qui se rapporte aux sciences médicales ou à l'art de guérir, et celle des instructions qui en résultent pour les travaux du présent et les recherches de

l'avenir.

L'idée énoncée dans ce peu de mots est peut-être trop abstraite et, en même temps trop complexe pour qu'on puisse en saisir la portée au premier coup-d'œil; elle va s'éclaircir en se décomposant en chacun des élémens divers qu'elle résume.

Cette idée renferme d'abord celle d'une exposition des résultats positifs obtenus par la culture de la science dans tous les temps et dans tous les pays. C'est là la matière première de l'histoire, la base fondamentale sur laquelle tout le reste doit être appuyé.

A côté se placé l'étude des vicissitudes qu'a éprouvées la science, le tableau de ses progrès aux siècles brillans de la Grèce et de Rome, de ses revers au temps de la fausse philosophie des premiers siècles chrétiens et durant la barbarie du moyen âge, de sa renaissance, liée à celle des lettres et avec l'origine de la liberté, de l'essor rapide et sûr qu'elle a pris vers la perfection depuis la réforme philosophique de Bacon et de Locke et l'établissement des sociétés vouées à l'observation de la nature. Parmi les élémens nombreux dont se compose cette étude et que nous ferons connaître par des développemens ultérieurs, nous n'indiquerons, pour le moment, que l'examen des rapports qui lient, dans tous les temps, le sort de la médecine à celui de la civilisation et de la culture de l'esprit en général, la considération plus particulière de l'influence des systèmes qui se sont succédé en philosophie sur les doctrines de notre science, l'appréciation des encouragemens ou des obstacles qu'elle reçut des institutions politiques générales, de celles qui lui sont particulières, et de la position qu'occupèrent dans la société, selon les temps et les circonstances, les hommes qui la cultivèrent.

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Enfin, il faut considérer comme rentrant dans l'idée générale qu'on doit se former de l'histoire de la médecine, la détermination des lois que l'esprit humain (essentiellement perfectible de sa nature) suit dans la série des progrès qu'il réalise. Ce résultat, le plus élevé qu'on puisse se promettre de l'histoire étudiée dans un esprit philosophique, et dont la connaissance importe si hautement à l'établissement définitif des bonnes méthodes, ou autrement dit de la logique médicale, a été formulé récemment par deux écoles philosophiques qui se croient appelées à donner désormais des lois à l'esprit humain, et il l'a été de manière à prouver que ni l'une ni l'autre de ces écoles n'a

puisé les principes qu'elle établit dans l'étude historique, qui est ici l'étude des faits, mais qu'elle les a hasardés à priori, ou qu'elle s'est contentée d'un coup-d'œil rapide et superficiel sur le passé.

L'histoire de la médecine, prise dans toute l'étendue qu'elle doit avoir pour être complète, se compose d'une série d'études, dont chacune exige de celui qui veut la cultiver, certaines qualités de l'esprit qu'on trouve rarement unies dans le même homme à toutes celles que réclament les autres; d'où la rareté des bons historiens, et l'absence d'un ouvrage qui réponde à toutes les exigeances du genre. Ces études diverses se rapportent naturellement à trois classes, que je désigne par les noms d'histoire générale ou politique, histoire littéraire, et histoire technologique.

L'histoire générale, ou extérieure, comme la nomment les Allemands, est l'exposition des circonstances politiques ou autres, qui ont eu quelque influence sur les progrès de la médecine ou sur sa décadence. L'état de la civilisation, à l'époque qu'on veut connaître, la tendance du siècle au perfectionnement social, ou son déclin, la pente qui l'entraîne vers la décadence, les encouragemens donnés aux études, ou les obstacles qu'on leur oppose, les institutions scolaires ou les établissemens académiques, la condition civile des médecins, l'état des lettres et des sciences, et plus particulièrement des sciences d'observation, celui de chaque branche de la médecine elle-même et son influence sur les autres, l'exposition des systèmes philosophiques dominans, des méthodes logiques accréditées, tels sont les élémens principaux de l'histoire extérieure de la médecine. Leur diversité suffit pour faire sentir, au premier coup-d'œil, combien cette partie de l'histoire doit présenter de difficultés; mais il faut creuser l'intimité du sujet pour comprendre toute leur étendue.

Car elles ne consistent point seulement dans la multitude des sources qu'il faut consulter, dans l'insuffisance des documens qu'il est possible de se procurer, dans l'absence, relativement à beaucoup de points, de tout renseignement spécial préparé pour servir à cet usage; outre ces difficultés matérielles, qui ne demandent après tout, pour être vaincues, qu'une ardeur et une patience infatigables à recueillir des matériaux, et une certaine industrie à les mettre en œuvre, il en est d'autres qu'il n'est donné qu'à un petit nombre d'esprits supérieurs de surmonter complètement.

L'histoire politique de la médecine ne se borne point, en effet, à une simple exposition de toutes les circonstances que nous venons d'énumérer. Cette exposition en forme la base, en fournit les matériaux, mais ne la constitue point; elle consiste essentiellement dans l'appréciation juste et rigoureuse de l'influence exercée par toutes ces conditions sur la marche ultérieure de la science et de l'art. L'historien n'a point assez fait quand il a établi sur des preuves incontestables qu'Hippocrate sépara la médecine de la philosophie, ni quand il a déterminé d'une manière plus précise qu'on ne l'a fait généralement en quoi consista cette séparation; une tâche plus délicate lui est imposée, c'est celle d'apprécier pour quelle part doit être compté cet événement entre les causes de la révolution qu'Hippocrate opéra dans la science dont il a été nommé le père. Tout n'est poiut dit sur l'influence que dûrent éprouver les sciences médicales de la découverte de la circulation, quand on a raconté les vues de Servet sur le trajet du sang des cavités droites aux cavités gauches du cœur, en passant à travers les poumons; les idées de Cesalpin sur le même point, ses remarques et ses expériences sur la direction du sang dans les artères et dans les veines; la description de ces divers phénomènes, don

née par Colombo et Aranzi, d'une manière encore phis rapprochée de la vérité; la découverte des valvules des veines, par Cannani, Casserio et Fabrizio d'Aquapendente; enfin la théorie, si complète et si solidement établie, de Harvey: la tâche n'est point encore accomplie, quand on a fait connaître l'orage que souleva la publication du livre du célèbre anatomiste anglais; vainement croirait-on enfin. avoir touché le but, après qu'on est entré dans tout le détail des disputes que suscita la nouvelle découverte, après avoir marqué chaque progrès que fit la discussion vers l'établissement et l'admission générale de la vérité; on désire encore quelque chose, et quelque chose de plus important que tous ces détails : c'est de savoir pour quelle part la découverte de Harvey contribua à amener les modifications profondes qui s'opérèrent, vers cette époque, dans les sciences physiologiques, et même dans la pratique de l'art de guérir.

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y a

II dans ces problèmes autre chose qu'une question de faits et de dates, autre chose qu'une question de bibliographie, quoiqu'on ait cru les avoir complètement résolus avec des faits, des dates et de la bibliographie. On pourrait dire, en langage médical, qu'il y a de plus une question d'étiologie; et l'on sait de quelle perspicacité a besoin le médecin pour reconnaître la part d'influence qu'a eue uue cause dans la production d'une maladie, quand beaucoup d'autres y ont concouru.

1

Il faut donc être pourvu de cet esprit philosophique et scrutateur qui sait démêler l'origine d'une série de résultats à travers la complication des causes, et poursuivre les conséquences d'un principe au milieu des résultats d'autres principes différens ou opposés.

Parmi les influences qu'on est obligé de connaître, sous peine de ne rien comprendre aux vicissitudes de la science, et même de ne trouver que des énigmes dans la plupart des

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théories médicales, la plus importante, şans comparaison, est celle des systèmes philosophiques. Les écoles de médecine, en effet, ne furent trop souvent que l'écho de celles des philosophes; influence presque toujours fatale, et qu'on doit considérer, sans nul doute, comme le plus puissant obstacle qui se soit jamais opposé aux progrès de l'art de guérir. Jusqu'au siècle qui a précédé le nôtre, et plus près de nous encore, la philosophie fut presque loujours considérée comme une science qui rend raison des choses, qui pénètre leur essence, et qui explique leur existence et leur nature (1). Or, cet esprit d'explication fut de tout temps le plus mortel ennemi de l'esprit que demandent les sciences d'observation. Je suis bien loin de refuser mon hommage à la véritable philosophie. La médecine doit toute sa reconnaissance, et, plus qu'on ne croit, elle est redevable de la splendeur dont elle brille aujourd'hui à la philosophie de Bâcon, de Gassendi, de Locke, de Newton, de Voltaire, de Condillac, de Diderot, du baron d'Holbach, de Cabanis et de Tracy. Mais Bâcon, Gassendi, Locke, Newton, Voltaire, Condillac, Diderot, d'Holbach, Cabanis et de Tracy ne se firent jamais chefs de systèmes; ils apprirent à étudier la nature pour connaître ses phénomènes, pour les prévoir et les calculer, mais non pour en pénétrer l'essence et pour en expliquer les causes. Les services rendus par ces grands hommes aux sciences d'observation ne sauraient faire oublier le tort irréparable que leur firent pendant tant de siècles les

(1) Dans un cours de philosophie encore classique à la fin du dernier siècle, on lit ce qui suit : « Philosophia est judicinm de enti« bus, ut in se sunt, evidens per causas. Judicia de entibus, ut sunt «< in ordine ad nos nempè quæ feruntur de existentiâ nostrarum «< impressionum et quibus dicitur quid nobis de entibus videatur, « vera sunt', certa, et evidentia; sed philcsophica non sunt quia non « sunt per causas..... Quia non feruntur de entium natura. »

rêveries, sublimes si l'on veut, mais pourtant chimériques de Pythagore, de Xénophane et de Mélissus, de Platon et de son école, des stoïciens, des éclectiques et des néoplatoniciens, des mystiques, des théosophes, des cabalistes, des réalistes, des panthéistes, des cartésiens, tous spiritualistes sous différens noms. Heureusement, il y eut presqu'en tout temps un petit nombre d'hommes d'une tournure d'esprit fort différente, qui ne pensèrent pas qu'on dût faire consister la science des être organisés dans l'histoire d'un être imaginaire gratuitement surajouté à ce que l'observation permet de découvrir en eux.

Pour résumer: l'histoire de la médecine est entraînée à chaque à instant à s'occuper des luttes du spiritualisme contre le matérialisme, de la philosophie qui explique et qui bâtit des systèmes à priori, contre celle qui observe et conclut, qui fait des expériences, rapproche les observations et induit des principes, et qui, quand les faits refusent d'entrer dans les catégories reçues, ne se fait pas scrupule de les laisser provisoirement isolés, et d'avouer son ignorance.

On a de si beaux modèles de la manière dont doit être étudiée l'influence de l'état de la civilisation et des institutions politiques sur les lettres et sur les sciences, qu'il est inutile de s'y arrêter. Que pourrais-je dire qui ne fût bien au-dessous de l'idée qu'en ont tous ceux qui ont lu les ouvrages de Winkelmann, Meiners, Tiedemann, Tiraboschi, Bouterweck, Ginguené, et de plusieurs autres.

L'histoire littéraire est la connaissance de toutes les productions écrites de l'esprit appliqué à la culture de la médecine, et de tous les monumens de l'art. L'étendue de cette histoire demande qu'elle soit partagée en plusieurs sections. Elle comprend 1.° le recensement complet de tout ce qui a été écrit depuis l'origine de la science jusqu'à nous; 2.° l'examen philologique et critique de

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́ces ouvrages; 3.o la description des antiquités médicales; 4. la biographie des médecins, en tant que les circonstances de leur vie ont eu quelque influence sur le caractère de leurs travaux; 5.° la bibliographie choisie des ouvrages importans et originaux, disposés selon l'ordre des époques et des doctrines, et marquant la série des grandes découvertes ou des grandes erreurs ; 6.° la bibliographie par ordre de matières; 7.° enfin la méthodologie, qui, mettant à profit toutes les données fournies par les études qui précèdent, trace la voie la plus courte et la plus sûre pour arriver à la connaissance de tout ce qui mérite d'être appris.

Toutes ces parties ont leur importance, et il en est plusieurs sans lesquelles on ne saurait faire un pas hors du cercle des études scolastiques les plus vulgaires. Je sais bien qu'on est tenté de dire que rien n'est plus fastidieux et plus inutile que cette énumération complète des ouvrages de tous les temps, dont l'immense majorité ne mérite que le mépris ou l'oubli; mais reconnaître qu'il en est dans le nombre qui méritent d'être distingués, n'estce pas déclarer, sans y prendre garde, qu'ils ont dû être préalablement comparés avec tous les autres ? Sans doute il serait absurde d'imposer à quiconque veut se procurer une connaissance approfondie des travaux remarquables de tous les temps, l'obligation de fouiller sans choix dans le chaos des grandes bibliothèques. Ici, comme dans l'étude d'une maladie, comme dans la recherche des moyens de la guérir, chacun doit fournir un appui à sa faiblesse, en s'aidant des secours que peuvent lui procurer les travaux de ses prédécesseurs. Avec l'immense extension qu'a prise et que prend tous les jours la littérature médicale, il ne faut pas plus prétendre à en examiner par soi-même toutes les parties, qu'on ne prétend à recréer l'art de guérir, à le refaire de toutes pièces, en n'employant d'au



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tres matériaux que ceux qu'on trouve dans sa propre expérience. Il faut bien reconnaître la faiblesse de notre nature et les bornes de nos facultés: Ars longa, vita brevis ! Et c'est en présence de cette nécessité bien sentie, qu'on ne peut s'empêcher de laisser éclater l'expression de sa reconnaissance et de son admiration pour ces hommes laborieux dont les recherches critiques nous ont épargné la peine d'entreprendre après eux ce triage des bons livres et des productions insignifiantes; de ces hommes désintéressés qui, comme l'immortel auteur des Bibliothèques de médecine, le grand Haller, ont usé leur vie à la lecture d'ouvrages sans valeur, pour nous éviter de perdre un jour notre temps à les examiner. Quoi de plus propre à montrer la nécessité de l'histoire que ce privilège qu'elle a de nous transmettre en un instant tous les résultats instructifs de recherches qui ont absorbé la vie de vingt savans, et de nous épargner les dégoûts qu'on éprouve à fouiller dans la vieille littérature quand on n'est pas éclairé d'avance l'indication des bonnes sources.

par

J'omets ce qu'il y aurait à dire sur la bibliographie par ordre de matières, qu'on a généralement assez mal conçue et mal exécutée, pour passer à une autre partie de l'histoire de la médecine, ou plutôt à une histoire toute nouvelle, dont il n'existe encore que quelques fragmens : c'est celle que j'ai nommé histoire technologique.

Les doctrines médicales, les systèmes généraux, cons tituent-ils à eux seuls la médecine tout entière ? Non, sans doute; et loin de là, les plus complets laissent en dehors de leur domaine plus de faits et de notions, sans rapports avec leurs principes ou en opposition avec eux, qu'ils ne peuvent en embrasser. La médecine d'un siècle, et les théories ou systèmes de la même époque, sont choses fort différentes et d'étendue bien inégale. Un système peut dominer la science, enceindre dans son réseau tout ce

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qu'elle offre de plus saillant, mais il n'absorbe point pour cela son existence pour y substituer la sienne, mais il n'est point identique avec elle, mais il n'anéantit point tout ce qui échappe à ses chaînes et n'a pu être englobé dans sa sphère. Dans la bouche de Galien, ce grand dominateur de la médecine, dont l'empire absolu dura quatorze siècles, cette sentence: la médecine, c'est mon système, n'eût pas été moins ridiculement fausse, que dans celle de Louis XIV ces paroles fameuses : l'état, c'est moi. On fut pendant bien des siècles dans l'opinion qu'on avait fait l'histoire d'une nation quand on avait écrit la vie des princes qui la gouvernèrent, des grands dont elle subit les caprices, et des guerriers qui la ravagèrent. La philosophie du siècle dernier rappela enfin que l'homme n'emprunte point sa principale dignité de la place qu'il occupe dans la société ou de la caste à laquelle il appartient, et que, dans une nation, le peuple doit être compté pour quelque chose. Depuis Voltaire, Hume, Robertson, on n'oserait plus écrire l'histoire civile et politique à la façon des anciens annalistes.

L'influence de cette révolution s'est fait sentir sur l'histoire de plusieurs sciences. En écrivant celle de l'art dans l'antiquité, Winkelmann comprit parfaitement que sa tâche ne se bornait pas à donner des notices sur les grands artistes, ni à exposer le génie et les vues particulières des plus célèbres d'entre eux; il sentit qu'il devait tracer un tableau de l'art, pris dans toutes ses parties, aux diverses époques de l'antiquité; qu'il fallait que son ouvrage pût représenter l'art tout entier à celui qui voudrait l'étudier tel qu'il fut chez les Egyptiens, les Etrusques, les Grecs et les Romains, et aux diverses périodes marquées par quelque révolution chez ces derniers peuples. L'histoire des mathématiques, celles de l'astronomie, de la jurisprudence, des belles-lettres, furent traitées dans le

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même esprit. La médecine, presque seule, en est encore à faire celle de ses rois et de ses héros. Le dernier ouvrage historique un peu considérable qui ait été publié n'est qu'une histoire des doctrines, et la rigueur du principe y est même appliquée avec tant de sévérité, que Baillou, Sydenham, Torti, Bonet, Morgagni, Sandifort, etc., sont obligés d'y comparaître à titre de doctrinaires et comme écrivains systématiques. On devine sans peine quels personnages doivent y jouer ces grands hommes, à qui les doctrines et les systèmes dûrent si peu, mais qui ont rendu de si grands services á la médecine.

Celui qui aurait exposé les principes de la doctrine physiologique, de la doctrine médicale italienne, de la doctrine de la polarité et de celle de Hahnemann, seules véritables doctrines qui existent de notre temps, pourrait-il se flatter d'avoir fait l'histoire de la médecine du dix-neuvième siècle? Non certes. Et s'il fallait choisir entre le sacrifice de ces doctrines et celui de toute cette partie des connaissances que notre historien aurait laissée en dehors de son tableau du siècle, il est un grand nombre de médecins dont le choix ne serait pas long-temps incertain. Eh bien ! la plupart des histoires que nous possédons se renferment dans le point de vue retréci que je viens d'indiquer. Si elles prennent quelquefois plus d'extension, si elles empiètent hors du domaine des doctrines et des systèmes, hors des généralités, c'est par exception, et en s'écartant du plan général qui a présidé à leur composition.

Et cependant l'histoire doit être la représentation exacte et complète de la médecine, telle qu'elle exista aux diffé. rentes époques du passé. Quand elle vous a conduit depuis l'origine des choses jusqu'au temps de Celse, elle a dú vous apprendre, autant que le permettent les monumens subsistans, tout ce que Celse savait en médecine, et dans l'ordre suivant lequel se produisit chaque décou

verte. Si vous en poursuivez la lecture jusqu'à Galien, le tableau des sciences médicales et de l'art de guérir tracé du temps de Celse devra se trouver enrichi de tout ce qu'y avaient ajouté les anatomistes, les physiologistes, ceux qui cultivèrent l'hygiène, la pathologie et toutes ses branches, la thérapeutique, la matière médicale, la chirurgie, les accouchemens, etc., etc.; il devra aussi porter la trace des souillures que lui imprimèrent les systématiques de cette époque, les pneumatistes, les éclectiques, les empiriques superstitieux adonnés à la magie et à l'astrologie, etc. En un mot, une époque étant donnée, il faut, après en avoir fait l'histoire générale, après y avoir ajouté de l'histoire littéraire de qui peut entrer dans un ouvrage régulier et qui n'exige pas de sa nature d'être traité séparément, tracer un tableau de tout ce qui constitua la médecine d'alors. Et ce tableau doit être présenté dans un cadre scientifique, dans un ordre systématique des matières, et non pas dans une série de notices sur les médecins, ce qui serait rassembler des matériaux histori ques, mais non écrire une histoire de la science. Il s'entend de soi-même que quand l'histoire d'une époque a été convenablement faite, celle de la suivante ne doit comprendre que le tableau des additions et des modifications qui lui sont dues.

Je ne sais si j'ai bien fait comprendre toute l'étendue de ma pensée. Je la soumets aux réflexions du lecteur, et je la recommande à son attention. Je ne ferai pas difficulté d'avouer que j'y attache quelque importance, parce que l'expérience m'a appris les avantages qu'on peut retirer de l'histoire de la médecine ainsi travaillée, et parce que je ne doute pas qu'on ne doive attribuer à l'absence d'un ouvrage fait tout entier dans cet esprit, le peu térêt qu'a inspiré jusqu'à ce jour l'histoire de la médecine aux hommes qui cherchent dans un livre non les délices

d'in

de l'antiquaire, les plaisirs du roman, ou les agrémens d'une histoire curieuse, mais une instruction médicale solide et profitable (1).

Mais est-il vrai qu'on puisse attendre et qu'on soit en droit d'exiger de l'histoire de la médecine tous les avantages d'une parcille instruction?

Qu'une semblable question soit encore un sujet de controverse, c'est là la preuve la plus forte de l'état peu avancé de l'art historique chez les médecins. Ecartons les préventions que firent naître l'ignorance et la paresse, et qu'ont entretenues les mauvais livres, et cherchons-en la solution avec franchise et ingénuité.

Je commence par déclarer que dans l'état présent des sciences médicales, vu l'immense développement qu'elles ont pris et la difficulté d'en embrasser toute l'étendue, toute étude qui ne serait qu'agréable ou curicuse, mais qui n'aurait pas une utilité directe et positive, ne mériterait pas qu'on s'en occupât, et devrait être rejetée. C'est sur ce principe que nous allons juger l'histoire de la médecine.

La science n'atteignit point dans les siècles qui précédèrent le nôtre, elle n'a point atteint de nos jours le plus haut degré de splendeur qui lui soit réservé. L'esprit humain est perfectible, et nul ne peut prétendre à fixer la limite qu'il ne dépassera jamais. Mais il n'est perfectible que sous.certaines conditions, et dans des directions qu'il est facile de déterminer. Ce n'est point l'esprit en lui-même qui se perfectionne. L'homme n'est aujourd'hui que ce qu'il était il y a trente siècles. Le génie de Byron ne fut

(1) C'est pour remplir la lacune qui vient d'être signalée, que fut entrepris le Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, dont l'impression, long-temps suspendue par des circonstances indépendantes de notre volonté, va être reprise pour n'être plus désormais interrompue.

point supérieur à celui d'Homère, et celui d'Hippocrate n'a point été éclipsé par le génie de M. Broussais.

Aussi les productions de l'esprit qu'il tire de lui-même et qui sont l'œuvre spontanée de sa puissance, ne reçoivent-elles de l'écoulement des siècles que quelques ornemens secondaires qui ne les rapprochent pas sensiblement de la perfection; mais, dans tout le reste, les facultés de l'entendement restant les mêmes le domaine de l'esprit s'agrandit incessamment, à moins que de grandes catástrophes ne viennent un jour disperser ou anéantir les trésors qu'il a ramassés. On aperçoit dès-lors la condition fondamentale de ses progrès; il avancera vers la perfection s'il réunit aux connaissances qu'il posséda la veille les découvertes du lendemain. S'il consentait à oublier toujours les premières pour se livrer au culte de celles-ci, il se condamnerait à rouler perpétuellement dans un cercle d'idées toujours nouvelles, mais toujours également étroites; il n'avancerait plus d'un seul pas au-delà du passé. Il faut donc qu'il exerce ses facultés d'observation et d'induction, mais qu'il se garde de renoncer aux priviléges merveilleux de la mémoire. Tout cela est d'une évidence que personne n'oserait contester; or, la connaissance du passé n'est autre chose que l'histoire ; la nécessité de l'histoire dans les sciences d'observation est donc invinciblement démontrée. Ceux qui ont l'air de la dédaigner, parce qu'ils l'ignorent, n'ont donc au fond d'autre opinion que celle-ci : c'est que tout ce qu'elle renferme d'utile se trouve dans des ouvrages qui n'en portent pas le nom, dans les livres dogmatiques. Ils tombent, je le leur déclare, dans l'erreur la plus complète; mais que dis-je, il n'est pas un d'entre eux qui ne perde lui-même sa conviction au premier besoin qu'il éprouve de constater sur un point quelconque le véritable état de la science; pas un qui ayant à traiter le sujet le plus restreint, d'une manière complète

et pour le soumettre au jugement du public, ose le faire uniquement d'après ses propres recherches et en ne s'aidant que du dernier ouvrage publié sur la matière, il voudra s'assurer que deux, trois, quatre ouvrages antérieurs ne contiennent rien de plus. «Mais, lui dirai-je, pourquoi ces quatre et non beaucoup d'autres ? C'est qu'ils sont les plus récens et les meilleurs. Vous convenez donc qu'on a dû prendre la peine de les comparer avec ceux auxquels vous les préférez; et pourquoi ne pas remonter plus haut? Un ouvrage moderne peut être mais n'est pas nécessairement supérieur en tout à ceux qui l'ont précédé. Les anciens ne contiennent rien de bon qui n'ait passé dans les derniers. Vous avez donc étudié l'histoire ? Non; mais c'est ce que tout le monde sait, c'est une opinion qui depuis long-temps n'est plus contestée. Il suffit, je vois ce que vaut la vôtre, et je comprends que la meilleure histoire ait peu d'attraits pour vous. »

Je laisse donc les objections, dans l'embarras où je suis d'en trouver qui aient été faites par des hommes compétens pour juger l'histoire; et je vais indiquer les principaux avantages que je lui trouve, desquels plusieurs lui appartiennent en propre et ne sauraient être puisés ailleurs. Je ne parlerai que de ceux qui se montrent dépendans de l'étude historique en général, mais non de tous ceux qui résultent de chaque branche de l'histoire en particulier, car ce serait m'engager dans des détails qui m'entraîneraient beaucoup trop loin.

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Il convient, avant tout, de faire une distinction entre les parties des sciences médicales à l'étude desquelles l'histoire peut être appliquée comme instrument de recherche. Les unes se composent de faits de détails, et de notions tellement positives, indubitables, que leur ensemble forme un tout approchant de la perfection. Telles sont certaines parties de l'anatomie, dans lesquelles on

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peut voir et reconnaître ce qui a été vu et décrit une fois, sans qu'il soit nécessaire d'apprendre quel fut l'habile prosecteur qui découvrit le premier ce qu'on avait ignoré jusqu'à lui. Ici l'histoire a bien son intérêt, mais elie n'importe que médiocrement aux progrès ultérieurs de la science. Son domaine se compose essentiellement des par ties dans lesquelles il reste encore quelque découverte à faire, quelque obscurité à éclaicir, quelque incertitude à lever, quelque erreur à détruire; de celles, en un mot, qui n'ont pas encore atteint la perfection. Et quelle n'est point, hélas! l'immensité de ce domaine !!! S'il ne s'agit que d'en prendre connaissance, de constater l'état de la médecine et de reconnaître ses desiderata, comme on l'a vu précédemment, l'histoire seule peut nous l'apprendre avec exactitude; mais si l'on a la prétention d'aller plus loin, si l'on veut partir de là pour faire faire un pas de plus à la science, c'est encore de l'histoire qu'il faudra emprunter les premiers secours; elle a plus d'un titre à être invoquée par celui qu'anime une si noble ambition.

Je ne m'arrêterai pas à chercher des argumens pour établir que nulle autre étude n'est plus capable de donner de l'étendue à toutes les facultés de l'entendement. La variété des objets dont elle s'occupe et le point de vue élevé d'où elle doit les considérer le fait assez comprendre.

Un des plus grands obstacles à la recherche libre, impartiale et profitable de la vérité, c'est l'enthousiasme avec lequel on embrasse les idées qui nous sont présentées comme neuves, et dans lesquelles l'inventeur a cru trouver, comme c'est l'ordinaire, le dernier mot de l'esprit humain sur l'objet auquel elles se rapportent. L'histoire nous montre tant d'espérances déçues, tant de pré-tentions gigantesques qui n'aboutirent qu'à des résultats microscopiques, que quicenque la connaît peut se porter à l'examen des nouveautés qu'il découvre ou que d'autres

proclament, avec un esprit de réserve et de scépticisme qui lui laisse toute l'indépendance de son jugement. I n'aura garde de se hâter, dans son empressement, à s'asseoir au rang des législateurs de la science, d'élever une théorie sur un petit nombre de faits qu'un heureux hasard ou son industrie lui auront révélés, instruit qu'il est qu'une telle précipitation fut la cause de la plupart des erreurs qui déshonorèrent tant de fois une science dans laquelle la plus prudente réserve n'est pas moins un devoir d'honnête homme qu'une règle de logique. Et d'ailleurs, pour réprimer la fougue de son imagination, l'histoire pourra lui présenter en opposition avec le petit nombre de faits sur lesquels elle bâtit ses systèmes, une masse imposante de faits contradictoires qui en brisent tout l'échafaudage.

L'histoire enseignera enfin, et ce principe, moi qui n'ai garde de prétendre au titre de philosophe, je le proclame hardiment en face d'une école philosophique qui enseigne quelques grandes vérités parmi beaucoup d'erreurs, l'école saint-simonienne, et en opposition avec une autre qui, depuis dix ans, remplit le monde du bruit de ses hautes prétentions, sans avoir rien enseigné de positif, l'école éclectique, l'histoire enseignera que la médecine n'a qu'une base, l'observation, qu'une voie rationnelle d'être érigée au rang de science, l'induction, qu'une seule méthode, en un mot, par laquelle elle a été constituée ce qu'elle est, et qui suffit et suffira toujours à ses progrès, la méthode expérimentale; elle dira, que jamais une hypothèse ne procura la moindre découverte à la médecine, ne lui fit faire un progrès quelconque ; que cette science ne trouva jamais que dommagé et que ruine dans les systèmes à priori, et que, bien loin qu'il y ait dan's chacun de ces systèmes une parcelle de vérité qu'on doive s'attacher à recueillir pour la combiner éclectique-ment avec les parcelles fournies par tous les autres, on

ne saurait, au contraire, les répudier avec trop de force; on ne saurait secouer avec trop de soin la rouille qu'ils out déposée sur la médecine, et dont elle portera long-temps

les traces.

Se peut-il qu'on soit obligé de rappeler ces grandes vérités? de les soutenir, en France, après le dix-huitième siècle, après les immenses progrès qu'ont faits les sciences physiques et naturelles, et qui sont dus uniquement (il y aurait folie à ne pas le reconnaître) à l'emploi de la méthode expérimentale! Eh bien, oui ; ce qu'il eût été impossible d'imaginer il y a quelques années, s'est réalisé sous nos yeux. La méthode expérimentale a été mise en cause, et l'on s'est vanté de l'avoir convaincue d'incapacité, l'étroitesse de vues, de mesquinerie en tout genre, et même de grossières erreurs.

Les philosophes éclectiques n'ont pas caché leur prédilection pour la méthode à priori; ce n'est que pour ne pas mentir à leur titre qu'ils ont semblé admettre que la méthode qui observe et qui conclut, qui part des faits, et qui induit des principes, puisse être utile à quelque chose. Concession plus apparente que réelle, puisqu'ils n'ont pas fait dif£culté de lui préférer la leur dans une étude où quiconque ne serait pas philosophe, et conserverait sen bon sens d'homme comme tout le monde, dirait qu'il y a de l'extravagance à prétendre en appliquer une autre.

Non-sculement, en effet, ils pensent que l'on peut, par une vue spontanée et comme prophétique de l'esprit, constituer systématiquement une science, sans se donner la peine de recueillir les faits qui composent son domaine, de les rapprocher et d'en déduire des principes, ce qui serait une méthode trop rude et trop laborieuse, mais même ils pensent que ce procédé est le meilleur et presque le seul qu'on puisse appliquer à l'étude de l'histoire (1).

(1) Demandez à un homme ordinaire quelle est la condition né

Faire de l'histoire à priori! Voilà ce qui avait dépassé jusqu'ici et ce qui dépassera long-temps encore la portée d'esprit du commun des homines. Du reste, cette nou

cessaire par dessus toute autre, la condition indispensable pour connaître les systèmes de philosophie, il vous dira que c'est de les étudier. Demandez-lui quel est le moyen sans lequel on ne pourrait savoir qu'en tel pays et en tel siècle, il a existé un, deux ou trois de ces systèmes, il vous dira que ce moyen est de prendre connaissance des monumens de ce pays et de ce siècle, ou des monumens des pays et des siècles les plus rapprochés, qui ont pu les faire connaître. Demandez-lui quelle méthode pourrait conduire à saisir les rapports qui existent entre ces systèmes, il vous dira qu'après les avoir étudiés un à un et en avoir pris une exacte connaissance, il faut les rapprocher les uns des autres, et voir ce qu'ils ont de commun et ce en quoi ils diffèrent. Adressez-lui vingt autres questions du même genre, les hommes comme tout le monde savent à l'avance en quel sens il y répondra. Si vous le taxez d'homme à vue courte et à méthode impraticable, si vous lui déclarez qu'il y a une méthode plus simple et plus sûre de savoir tout cela, que c'est de le deviner au lieu de l'apprendre, l'homme à la méthode expérimentale ne manquera pas son tour de vous déclarer fou; et si vous n'êtes pas philosophe, vous aurez quelque peine à vous en défendre au jugement des auditeurs. Mais si vous êtes un philosophe éclectique, vous ajouterez: « La raison ne consent point à ne savoir ce qui fut que comme ayant été, et ce qui est que comme étant. Elle veut savoir pourquoi ce qui a précédé a précédé, pourquoi ce qui a suivi a suivi. Elle veut savoir tout ce qu'elle sait d'une manière raisonnable, dans un ordre qui soit celui de la raison. Elle veut se rendre compte des faits, les comprendre dans leurs causes, et les rappeller à leurs lois dernières, c'est-à-dire à quelque chose de nécessaire. La méthode expérimentale ne peut vous l'apprendre ; elle est d'ailleurs trop rude et trop laborieuse. Cela étant, n'y a-t-il pas, vous demanderez-vous, pour apprendre l'histoire, une méthode meilleure que celle de l'étudier? Voyons.

>> Qui est en jeu dans l'histoire? Quelle est l'étoffe avec laquelle se fait l'histoire? Quel est le personnage historique? Evidemment c'est l'homme, c'est la nature humaine. Il y a beaucoup d'élémens divers dans l'histoire. Quels peuvent être ces élémens? Evidemment cncore, les élémens de la nature humaine. L'histoire est donc le développement de l'humanité, et de l'humanité scule; car il n'y a que l'humanité qui se développe, parce qu'il n'y a que l'humanité qui

veauté que proclament les éclectiques, c'est dans leur conscience qu'ils l'ont trouvée, et dans la connaissance qu'ils ont des lois ou de la nature nécessaire de toutes choses. Il ne faut point s'étonner qu'elle ait jusqu'ici échappé aux historiens; ils ne s'étaient pas avisé de fouiller

soit libre. Maintenant, quelle est la première difficulté sous laquelle succomberait la méthode expérimentale ? C'est le nombre infini des élémens possibles de l'histoire dans lesquels cette méthode devrait s'engager et se confondre nécessairement. Mais s'il ne peut y avoir dans l'histoire d'autres élémens que ceux de l'humanité, et si nous pouvions d'avance, avant d'entrer dans l'histoire, être en possession de tous les élémens de l'humanité, nous saurions qu'il ne peut y avoir ni plus ni moins que tels élémens. Certes, nous serions déjà fort avancés, car nous aurions entre les mains toutes les pièces de la machine dont nous voulons étudier le jeu. Il y a plus : quand on a tous les élémens, j'entends les élémens essentiels, les rapports de ces élémens se découvrent comme d'eux-mêmes. C'est de la nature des élémens divers que se tirent, sinon tous les rapports possibles, du moins leurs rapports généraux et fondamentaux. Or, qu'est-ce que les rapports généraux et fondamentaux des choses? Ce sont les lois des choses. Ces lois une fois établies, il ne reste plus qu'à les transporter dans l'histoire. Et en effet, à moins que la nature des choses ne s'abdiquât elle-même, en se développant, il faut bien, bon gré malgré, que ces élémens se retrouvent dans l'histoire avec leurs rapports fondamentaux, c'est-à-dire avec leurs lois. » (Cousin, Cours de philosophie, 4. leçon.) Voilà donc l'histoire faite sans aucune étude historique, et il n'y a pas d'autre méthode possible et raisonnable. Par surabondance de précaution, on peut, quand l'histoire de la philosophie est ainsi achevée, se donner la satisfaction de voir qu'on a rencontré juste et qu'on n'a pas imaginé un faux système, en la soumettant à l'épreuve rude et laborieuse de la méthode expérimentale, c'est-à-dire, en l'étudiant comme tout le monde avait jusqu'ici étudié l'histoire. Or, cette épreuve de la méthode vulgaire ne peut manquer de confirmer le résultat de la méthode philosophique. En effet, il implique trop que la raison humaine ait un développement déraisonnable, d'est-à-dire qui ne soit pas régu, lier et soumis à des lois. Bien qu'en réalité, pourrez-vous dire encore, la seule méthode active, la seule méthode dont nous nous servions pour chercher la vérité historique, soit la méthode à priori, pour pouvoir nous dire éclectiques, nous déclarons que nous avons réuni les deux méthodes, hypothétique et expérimentale, et que l'éclec

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26-30

dans cette mine, et d'aller chercher là les monumens des siècles écoulés et des doctrines fondées ou détruites.

Les saint-simoniens, au contraire (j'entends parler des philosophes et non de ceux qui ont travesti en un système religieux la philosophie de leur maître) les saints-simoniens prétendent avoir appris dans l'histoire, et par conséquent fondé sur les faits, les principes de la logique qu'ils professent, principes qui peuvent seuls, suivant eux, donner le secret des progrès de l'esprit humain dans toute espèce de science, el tracer pour l'époque actuelle, de même que pour une époque quelconque de l'avenir, la marche qu'il conviendra de suivre selon les temps et les circonstances, pour s'élever à de nouveaux progrès.

Au fond, la logique saint-simonienne se rapproche de l'éclectique par l'importance qu'ils attachent à la méthode à priori : elle ne s'en distingue que par l'usage particulier qu'ils veulent en faire, et qui consiste à faire alterner, selon les siècles, l'usage de la méthode expérimentale et celui de la méthode des hypothèses.

C'est avec un sentiment profond de regret que je sens

tisme nous a donné un système réalisé, l'alliance de l'idéal et du réel, quelque chose enfin de raisonnable.

Si vous proclamez cela d'un ton d'oracle, si votre discours brille à la fois des talens du poète et de l'orateur, l'auditoire, étourdi de toutes ces merveilles, pourra bien vous donner gain de cause ; et si la discussion provoque des éclats de rire, vous pourrez bien avoir, pour quelque temps, les rieurs de votre côté. Mais croyez-moi, dans une lutte entre le bon sens et l'imagination, celle-ci ne saurait avoir long-temps le dessus; et l'on ne peut pas rester long-temps persuadé que, pour connaître la philosophie de Thalès et celle de Pythagore, et leur co-existence la même époque, l'une dans l'AsieMineure, et l'autre dans la Grande-Grèce, la philosophie des sophistes d'Athènes, celles de Socrate, Platon, Aristote, Epicure, Zénon, Chrysippe, Pyrrhon, etc., les caractères propres de chacune d'elles, et leurs rapports de patrie, d'époque, d'analogie, de filiation, etc., que pour avoir sur tout cela des notions claires et positives, la seule bibliothèque dans laquelle on ait à fouiller, soit.... la conscience!!!

la nécessité à laquelle on est réduit de combattre d'aussi étranges systèmes, dans un temps où il y avait lieu d'espérer qu'on n'aurait plus à s'en occuper que pour rappeler l'influence funeste qu'ils exercèrent pendant tant de siècles sur la marche de toutes les sciences. Mais si l'on veut se donner la peine d'examiner le petit nombre d'ouvrages qui ont été publiés, depuis quelques années, sur la partie générale ou philosophique de la médecine, sur la science proprement dite, on n'apercevra que trop l'impression déplorable qu'ont faite sur certains esprits. ces deux écoles philosophiques, et le caractère hypothétique et dangereux qu'elles ont imprimé aux productions dont nous parlons. Ce n'est donc point un soin superflu, c'est une nécessité de les combattre. Je vais le faire aussi brièvement qu'il me sera possible. On verra qu'un coupd'œil rapide sur l'histoire de la médecine suffit pour ruiner les fondemens de leurs doctrines, et qu'il n'est pas une scule époque dans le passé dont l'exemple ne crie à l'avenir: «Gardez-vous des systèmes à priori! par quelques « correctifs que les éclectiques prétendent mitiger les dangers de cette méthode, dans quelques combinaisons que veuillent la faire entrer les saints-simoniens, « elle débutera, comme elle fit toujours, par des hypothèses plus ou moins séduisantes, et elle conduira, « comme elle conduisit, à des résultats purement gratuits « et sans valeur, quand ils ne seront pas extravagans. »

«<

"(

"

Est-il vrai que depuis son origine jusqu'à nous, la médecine se soit toujours avancée d'un pas régulier et néces saire vers la perfection? Est-il vrai qu'elle n'ait jamais fait un pas rétrograde, sous l'influence de quelque condition intérieure, ou des circonstances du dehors? Est-il vrai que ce progrès fatal et régulier ait été dû à l'emploi alternatif de la méthode expérimentale et de la méthode à priori, prises chacune exclusivement dans l'époque qui

lui fut propre (1)? Est-il vrai que tous les systèmes qui ont existé reposaient sur quelques principes d'une vérité incontestable, et qui ne devinrent faux que par l'extension exagérée qu'on leur donna (2)? Est-il vrai qu'on puisse extraire de chacun d'eux cette quintessence précieuse, la combiner avec celle des autres, et établir dans ce mélange ce que les éclectiques appellent l'harmonie des contraires? (3) Est-il vrai que chaque système, ayant succédé à un système que la critique avait renversé parce qu'il n'était plus en rapport avec les faits qu'il devait embrasser,

(1) On a disputé sur la préférence à accorder à la méthode à priori ou à la méthode expérimentale, «< idée aussi extravagante, dit Saint-Simon, que celle d'examiner ce qui vaut le mieux pour l'action d'une pompe de hausser ou de baisser le piston, question à laquelle on répond: quand le piston se trouve dans la partie supérieure du corps de pompe, il faut le baisser; quand il est dans la partie inférieure il faut l'élever; c'est son mouvement alternatif de haut en bas et de bas en haut qui entretient l'action de la pompe : l'école (expérimentale) ne s'est pas aperçue qu'elle devait généraliser et particulariser alternativement, qu'elle devait s'attacher alternativement aux considérations à priori et à celles à posteriori; mais elle a décrété que les savans devaient suivre la route que Locke et Newton avaient prise; elle a posé un principe de circonstance en croyant poser un principe général. » (Saint-Simon.)

(2) On n'a dans l'histoire à proscrire aucun des grands systèmes qui la partagent, et qui, quelque exclusifs et défectueux qu'ils soient, sont nécessairement empruntés à quelque élément réel, car il n'y a pas de système absolument chimérique. (Cousin.)

(3) Tout est vrai pris en soi; mais ce qui pris en soi-même est vrai peut devenir faux si on le prend exclusivement. (Cousin.)

L'éclectisme est une philosophie essentiellement optimiste, dont le seul but est de tout comprendre, et qui par conséquent accepte tout et concilie tout. Elle ne cherche sa force que dans l'étendue; son unité n'est qu'une harmonie, l'harmonie de tous les contraires. Ainsi, pour la méthode, elle retient sans doute le goût des recherches à posteriori, l'observation et l'induction, enfin l'analyse ; mais elle donne à l'analyse pour support une synthèse primitive, qui, devenant la base de l'analyse, lui fournit une matière sur laquelle elle peut s'exercer. (Cousin.)

parce qu'il était trop étroit, dût être nécessairement plus large et par conséquent meilleur ? Est-il vrai enfin que, si un système général, admis de tout le monde, et en qui 'tout le monde ait foi, n'imprime une direction déterminée, n'impose des procédés formels aux recherches de tous les médecins, les travaux isolés soient en pure perte, et sans profit pour la science? Si l'histoire de la médecine, si les faits répondent négativement à toutes ces questions, les doctrines éclectique et saint-simonienne seront renversées de fond en comble, au moins en médecine, et nul méde cin n'en pourra plus désormais accepter les principes, à moins d'abjurer l'usage de sa raison, pour croire les philosophes sur parole. Voyons donc ce que dit l'histoire de tous les siècles, examinons et discutons les faits.

(C'est ce que nous ferons dans un second article).

Du choléra enté sur la gastrite et la gastro-entérite; observations recueillies par A. DUPLAY, à l'hôpital de la Charité, dans le service de M. RAYER.

Lorsque le choléra survient pendant le cours d'une autre maladie, il intervertit ordinairement la marche de l'affection première, tantôt il en précipite la terminaison d'une manière fatale, tantôt, au contraire, il semble en favoriser la guérison par la perturbation violente qu'il détermine dans toute l'économic. C'est ainsi que nous l'avons vu agir de différentes manières chez des individus affectés de tubercules pulmonaires, de pneumonies, de scarlatine et de fièvres intermittentes. Dans ces derniers temps, des malades affectés de gastrites chroniques et de gastro-entérite ont été pris de choléra dans nos salles, pendant qu'ils étaient soumis au traitement de ces premières affections; il n'est pas sans intérêt d'examiner d'une

part l'influence qui a été exercée par le choléra sur la marche de ces maladies, et de l'autre l'influence qu'a pu avoir sur elles le traitement mis en usage pour opérer la réaction.

Lorsque dans une maladie inflammatoire il survient un surcroît d'acuité sous l'influence d'une causé quelconque, on voit les symptômes propres à cette inflammation s'exagérer, revêtir une forme plus grave, mais sous laquelle on peut encore reconnaître la maladie primitive. Qu'une gastrite aiguë, qu'une gastro-entérite viennent tout-à-coup à prendre plus d'acuité; un appareil fébrile plus intense avec accélération du pouls, une rougeur, une sécheresse plus considérables de la langue, une exaspération des symptômes locaux annoncent le surcroît d'intensité de la maladie. Or, l'on devrait retrouver cette augmentation des symptômes inflammatoires dans les cas où le choléra survient pendant le cours de la gastrite ou de la gastro-entérite, si le choléra n'était, comme on l'a dit, qu'une gastro-entérite très-intense. Les faits suivans prouvent qu'il n'en a pas été ainsi.

Obs. I.re Gastro-entérite aiguë. Application de sangsues. Cholera. Changement subit dans la maladie. Traitement par les toniques. Guérison. La nommée Manseau, tailleuse, âgée de 19 ans, demeurant rue Mazarine, n° 56, éprouvait depuis trois semaines des douleurs dans l'abdomen, une diarrhée très-abondante, des vomissemens, et une fièvre qui revenait chaque jour. La malade prend pendant tout ce temps des lavemens émolliens et des boissons gommées; mais son état ne s'améliorant pas, elle entre à l'hôpital de la Charité le 28 juin, et elle est placée au no 9 de la salle Sainte-Marthe. Elle présente alors les symptômes suivans :

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Facies un peu coloré; voix naturelle; langue humide et légèrement rouge à sa pointe; nausées; un vomisse
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Stoppt die deutschen Massenmörder!
Stoppt die österreichischen Massenmörder!
Stoppt die schweizer Massenmörder!

Revolution jetzt. Sonst ist es zu spät.

Pangwall

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 31-65
« Reply #2 on: September 27, 2022, 07:27:00 PM »

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ment depuis la veille; épigastre douloureux à la pression; abdomen sensible; plusieurs selles en diarrhée jaunâtre ; pouls fréquent; chaleur vive à la peau; la sécrétion de l'urine s'opère très-bien. (40 sangsues sur l'abdomen, gomme édulcorée, quart de lavement avec laudanum gouttes xviij, cataplasme émollient).

Le 29, la face est froide et violacée; les yeux sont cernés et caves; la voix est fortement enrouée; la langue est bleuâtre, un peu au-dessous de la température ordinaire; nausées continuelles, vomissemens. Le pouls est très-petit, on le sent très-difficilement aux radiales; selles abondantes, séreuses, contenant en suspension une grande quantité de flocons blanchâtres; urines presque nulles ; erampes passagères, refroidissement, teinte violacée des mains et des pieds, avec conservation du pli cholérique à la peau quand on la pince entre les doigts. (Malaga, onces viij, eau vineuse glacée, sinapismes aux pieds et aux mains, quart de lavement de ratanhia avec laudanum gouttes xviij).

Le 30, froid général, avec teinte violacée de la face et des extrémités; langue au-dessous de la température ordinaire; vomissemens. Les selles ont été moins abondantes pendant la nuit; suppression complète des urines; voix encere faible et enrouée; plaintes, agitation, grand malaise; le pouls semble plus fort que la veille, c'est là le seul symptôme de réaction qui existe. (Malaga onces viij; eau vineuse; sinapismes aux pieds et aux mains; quart de lavement de ratanhia).

1er juillet, il y a un peu de réaction; la langue a repris sa température ordinaire; la face n'est plus froide, elle n'est plus violacée; les mains, encore au-dessous de la température du reste du corps, ont perdu aussi leur teinte violette; le pouls est plus fort que la veille; il y a encore plusieurs vomissemens et des nausées; les selles se sont

supprimées complètement, et la sécrétion de l'urine ne s'est pas encore rétablie ; il y a toujours beaucoup de malaise; la malade paraît très-abattue. (Même prescription la veille).

que

Le 2 juillet, la réaction est plus franche. Le 3 juillet, elle semble s'arrêter; les mains sont fraîches; la face est un peu au-dessous de la température naturelle. Le 4, les yeux sont un peu injectés ; il y a un peu d'assoupissement, des nausées, quelques vomissemens; la langue est un peu collante; le pouls est fort; la sécrétion de l'urine s'est rétablie depuis la veille. On cesse l'emploi du vin de Ma-laga et on continue l'eau vineuse glacée.

Les jours suivans, l'injection des yeux disparaît, l'état de la malade s'améliore de plus en plus; enfin elle sort guérie le 2 août.

Avant de nous livrer aux réflexions qui découlent de ce fait, et afin que l'on ne prenne pas pour le début du choléra l'état dans lequel se trouvait cette malade lors de son entrée à l'hôpital, il est bon de rappeler les symptômes commémoratifs et la date de l'invasion de la maladie. Il y avait trois semaines qu'elle avait commencé ; depuis trois semaines notre malade avait des vomissemens et une diarrhée bilieuse assez abondante avec un état fébrile continu. Lors de son arrivée à l'hôpital, la force, la fréquence du pouls, l'augmentation de la température annonçaient un état inflammatoire, que la rougeur et la sécheresse de la langue, les nausées, les vomissemens, les selles bilicuses et la sensibilité de l'abdomen faisaient rapporter au canal intestinal. Pourrait-on voir dans cet état, qui durait depuis trois semaines, le début du choléra? Mais pour celui qui le verrait ainsi, il n'y aurait plus de motif de s'arrêter; autant vaudrait alors, dans les cas où le choléra est survenu chez des individus affectés depuis plusieurs années de gastrites chroniques, faire remonter à plusieurs années

l'invasion du choléra. Cette femme, pour nous, ne présentait, à son arrivée dans nos salles, aucun symptôme cholérique; elle portait une gastro-entérite aiguë dont les antiphlogistiques auraient certainement triomphé, si une maladie toute différente n'était venue se jeler pour ainsi dire à la traverse.

1

Mais par quel groupe de symptômes l'apparition du choléra s'est-elle annoncée chez notre malade? Certes, ce n'est pas par une augmentation des symptômes inflammatoires; l'appareil fébrile a disparu presque subitement; un refroidissement général a remplacé la chaleur que l'on observait la veille; à la force et à la fréquence que le pouls présentait ont succédé sa petitese et son absence presque complète. Cette rougeur de la langue qui se remarquait la veille a disparu et se trouve remplacée par une teinte. violette accompagnée d'abaissement dans sa température. Les vomissemens seuls et les selles ont augmenté, mais pour changer de nature et pour prendre un caractère propre au choléra. Dira-t-on que la gastro-entérite de cette malade a été exagérée ? qu'elle a été remplacée par une gastro-entérite plus intense? Mais que l'on irrite, par les excitans les plus actifs, le canal intestinal d'un individu affecté d'une gastro-entérite, que l'on porte l'excitation jusqu'à rendre cette maladie mortelle, on parviendra à produire graduellement des symptômes d'agonie que l'on pourra rapprocher de ceux du choléra en forçant l'analogie; tandis que jamais l'ou ne produira l'appareil des symptômes cholériques si formidables en quelques heures, et que jamais, surtout, l'on ne donnera lieu à la production de la matière cholérique.

Mais, admettons pour un moment que le choléra soit une gastro-entérite parvenue à son apogée; ne voyons dans son apparition chez notre malade qu'une seconde phlegmasie qui s'est entée sur la première, ou bien une

exacerbation, une extension de la même maladie comment se fait-il que cette seconde irruption inflammatoire soit survenue justement à l'époque où l'on avait fait ce qu'il fallait pour arrêter et combattre la phlegmasie? Depuis trois semaines qu'elle était en butte à une inflammation des voies digestives, la malade n'avait usé que de la diète et des boissons adoucissantes. L'on pratique une évacuation sanguine par une application de quarante sangsues, et sous l'influence de ce traitement antiphlogistique, la phlegmasie redouble d'intensité. Certes, une telle recrudescence eut été moins surprenante lorsque l'inflammation n'était traitée que par les boissons et la diète, et elle s'explique mal quand on la voit survenir après une évacuation sanguine. Aussi l'observation de ce fait et de plusieurs autres du même genre est-elle venue corroborer en nous une incrédulité déjà fort grande sur la nature phlegmasique du choléra-morbus.

Si, d'un autre côté, l'on rapproche de cette impuissance des antiphlogistiques pour arrêter le choléra ou cette prétendue inflammation du tube digestif, le mode de traitement que nous avons employé pour le combattre, peut-être trouvera-t-on dans ce dernier rapprochement un nouveau sujet de doute sur la nature phlegmasique du choléra. Comment admettre que le canal intestinal étant enflammé dans toute son étendue au point de produire l'altération profonde des traits, le refroidissement des extrémités, l'absence presque complète du pouls avec vomissemens et selles presque continuels, on puisse employer impunément à l'intérieur les excitans les plus actifs ? Comment un traitement aussi énergique n'a-t-il pas hâté la mort de cette femme en augmentant la violence de la phlegmasie? Pourquoi ces accidens de refroidissement, d'anxiété, d'arrêt de la circulation donnés par les nosologistes comme des symptômes d'agonie dans les phlegmasies abdomina

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les, n'ont-ils pas été exagérés par l'administration intérieure des excitans? Pourquoi, au contraire, sous l'in'fluence de ces moyens, le facies s'est-il amélioré, la peau a-t-elle recouvré sa chaleur normale et le pouls sa force? Pourquoi les accidens de l'estomac ont-ils fini par disparaître complètement ? Nous le demandons, est-ce là ce que l'on voit ordinairement dans les phlegmasies intestinales, et n'est-on pas en droit de penser qu'une maladie d'une nature différente est venue se substituer à l'inflammation des voies digestives; modifier la sensibilité de la muqueuse au point de rendre innocent le contact des excitans les plus énergiques?

Dans le fait suivant, on voit se reproduire d'une manière peut-être encore plus remarquable ce changement qui s'opère dans la sensibilité de la muqueuse gastrique, lorsque le choléra se manifeste chez des individus affectés de phlegmasies des voies digestives.

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Obs. II. Gastrite chronique. Saignées locales. Choléra. Traitement par les toniques. Disparition du choléra. — La nommée Couvelard, couturière âgée de 20 ans, entre à l'hôpital de la Charité le 9 juillet 1832; elle est couchée au n.o 8 de la salle Sainte-Marthe. Cette femme était malade depuis un an à peu près; elle avait fait un traitement anti-syphilitique quelques mois avant pour des ulcérations qu'elle portait dans les fosses nasales et le pharynx. Depuis trois mois, elle avait perdu l'appétit, elle avait maigri considérablement, elle vomissait tout ce qu'elle prenait ; à peine pouvait - elle supporter quelques cuillerées de bouillon. Lorsqu'elle entra à l'hôpital elle était dans l'état suivant :

9 juillet extrême amaigrissement; langue rouge, sè che, luisante comme vernissée; haleine fétide; nausées, vomissemens très-fréquens; épigastre sensible à la pression; pas de diarrhée dans le moment, quoique la malade

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36-40

y soit très-sujette : la poitrine résonne bieu; la malade dit n'avoir jamais rien éprouvé de ce côté; pouls petit, fréquent; chaleur à la peau; redoublement fébrile chaque soir.

On donne de l'eau gommée, on fait une application de quinze sangsues à l'épigastre, que l'on couvre de cata plasmes, et l'on donne des lavemens émolliens.

L'état de la malade reste le même et ne présente aucun changement jusqu'au 15 juillet.

A cette époque les vomissemens augmentent tout-àcoup; il survient une diarrhée abondante de matières floconneuses blanchâtres; le pouls est excessivement petit; la langue devient violacée et froide; la face, les extrémités se refroidissent aussi, et des crampes se manifestent dans lės jambes; les urines se suppriment complètement; la voix s'affaiblit; on n'hésite pas à changer complètement le

traitement.

On applique des sinapismès aux extrémités inférieures et supérieures; on donne pour boisson de l'eau vineuse glacée, et d'heure en heure une cuillerée de vin de Malaga; on prescrit deux lavemens de ratanhia avec laudanum, gouttes xviij.

Le 16 juillet, la face est froide, les yeux sont caves; langue au-dessous de sa température ordinaire; voix faible; vomissemens; quelques selles en diarrrhée; extrémités froides; pouls presque imperceptible; pas d'urine depuis la veille. (Synapismes; Malaga 3vi; eau vineuse; 2 quarts de lavemens).

Le 17, la malade est dans le même état. Le 18, il y a un peu d'augmentation du pouls; la face n'est pas aussi froide; les extrémités sont également moins froides que la veille; moins de vomissemens; diarrhée encore abondante; pas d'urine. (Malaga 3 iv; eau vineuse; 2 quarts de lavement).

Le 18, face un peu colorée, chaude; chaleur à la peau,

excepté aux mains; pouls assez fort; vomissemens bilieux; encore quelques selles en diarrhée; urines peu abondantes. (Eau vineuse glacée, 2 quarts de lavement).

A dater de ce moment, les accidens cholériques se dissipent, la malade vomit pendant deux jours des matières bilieuses. Au bout de ce temps, les vomissemens cessent; ils ne reparaissent que huit jours après, et à des intervalles éloignés; enfin la malade rentre dans les mêmes conditions que lorsqu'elle a été saisie par le choléra.

Pendant plus d'un mois elle reste dans cet état, vomissant de temps à autre, mais pouvant supporter cependant des potages soir et matin. Enfin dans les derniers jours de septembre, sans cause connue, il survient de la fièvre, la malade tousse un peu, et en quelques jours elle succombe à une pneumonie sans crachats caractéristiques. Son autopsie nous révèle les altérations sui

vantes :

Le cerveau, les meninges n'offrent rien de remarquable. La cavité droite de la poitrine renferme environ deux verres de sérosité trouble; le poumon correspondant est couvert d'une couche de fausses membranes trèsminces. La partie supérieure du poumon est saine; son tissu est perméable à l'air, mais vers sa partie moyenne il existe çà et là quelques petites masses tuberculeuses du volume d'une noisette, encore à l'état de crudité. Vers la partie postérieure du lobe moyen il existe plusieurs points d'hépatisation, et vers sa partie moyenne se trouve une cavité capable de loger une noix ordinaire, remplie d'un liquide sanieux et d'une odeur fétide, dont les parois molles et filamenteuses semblent fermées par le détritus du tissu pulmonaire. Cette cavité ressemble beaucoup plus à celles qui sont produites par une gangrène du poumon qu'à celles que l'on voit succéder au ramollisse

ment d'une masse tuberculeuse; du reste, le tissa pulmonaire environnant, le tissu de tout le lobe inférieur, sont hépatisés en rouge dans certains points, et en gris dans certains autres. Le côté gauche de la poitrine ne présente pas d'épanchement; le sommet du poumon du même côté présente aussi quelques masses tuberculeuses isolées et non ramollies. Le cœur est sain. L'estomac est d'un volume ordinaire; la face interne est pâle dans toute son étendue; la muqueuse a subi un léger épaississement, mais elle conserve toute sa consistance; elle est remarquable par l'aspect mamelonné qu'elle présente. Le duodénum est sain; l'intestin grêle, pâle dans toute son étendue, présente vers sa partie inférieure et près de la valvule ileo-cœcale, quelques follicules isolés plus développés qu'ils ne le sont ordinairement. Les plaques de Peyer sont pâles et dans leur état naturel. Il existe une seule ulcération d'une ligne et demie de largeur près de la terminaison de l'intestin grêle. Le gros intestin, renfermant une grande quantité de matières moulées, est remarquable aussi par un développement assez considérable de ses folli cules. Le foie présente vers sa partie supérieure deux dépressions linéaires auxquelles le péritoine, comme plissé, adhère très-intimement. Ces espèces de sillons, formés par une substance ferme et comme fibreuse, se continuent dans la substance de l'organe avec une masse d'un tissu jaunâtre, friable, analogue au tissu tuberculeux, et environnée d'une espèce de kyste à parois lisses. La même altération existe dans un autre point du tissu du foie. La vésicule, la bile ne présentent rien de remarquable. Les autres organes de l'abdomen sont à l'état normal.-Nous n'avons pas besoin d'observer que la mort de la malade est entièrement étrangère aux accidens cholériques, et que, par conséquent, les particularités qui ont accompagné l'apparition du choléra et son traitement n'en restent pas moins remarquables.

En effet, dans cette seconde observation nous voyons encore l'emploi des excitans produire la cessation des accidens cholériques sans augmenter la gastrite chronique dont la malade était primitivement affectée. Une chose singulière, c'est la facilité avec laquelle la malade, qui ne supportait pas les boissons ordinaires avant l'invasion d' choléra, put supporter pendant quelque temps, sans vomir, l'usage du vin de Malaga et de l'eau vineuse. La susceptibilité de l'estomac semblait avoir été suspendue pendant un certain temps à la suite du choléra.

Le fait suivant présente une rapidité excessive dans la marche de la maladie. Les antiphlogistiques employés pour combattre l'affection gastro-intestinale que la malade portait lors de son entrée à l'hôpital, furent encore inutiles pour prévenir le développement du choléra. Les toniques échouèrent et furent insuffisans pour exciter la réaction.

Obs. III-Gastro-entérite. Application de sangsues. Invasion du choléra. Traitement par les toniques. Mort

Françoise-Marie Norat, journalière, âgée de 57 ans,. demeurant rue Taranne n° 8, entre à l'hôpital de la Charité le 18 juin, et est placée au no 6 (bis) de la salle SaintMarthe. Cette femme, d'une bonne santé habituellement, était malade depuis quatre jours. Elle avait des nausées fréquentes, des coliques, une diarrhée assez abondante, ét une fièvre très-forte : elle s'était pendant tout ce temps, contentée de prendre des boissons adoucissantes.

Le 18, la face était colorée, la voix naturelle, la langue était rouge et tendait à se sécher; la soif était vive; il y avait des nausées mais pas de vomissemens. L'épigastre était sensible à la pression ainsi que l'abdomen; il y avait eu dans la journée quatre selles en diarrhée; les matières rendues étaient d'un jaune verdâtre, et la sécrétion de l'urine se faisait comme à l'ordinaire; le pouls était fort

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et fréquent; il y avait beaucoup de chaleur à la peau. (Gomme citronnée; 2 cataplasmes sur l'épigastre; un quart de lavement d'amidon et pavot; diète).

Le 19, l'état est le même; la voix naturelle; la langue est toujours rouge et collante. Nausées, chaleur à la peau, fièvre intense; diarrhée de même nature que la veille. (25 sangsues à l'épigastre, cataplasme sur l'abdomen, bain de siége, un quart de lavement d'amidon et de pavot).

Le 20, la maladie a complètement changé de face: immobilité complète des traits, yeux injectés et dans la rotatiou en haut ; assoupissement; réponses très-difficiles, tardives; voix essentiellement cholérique; langue froide; crampes passagères; il y a eu plusieurs vomissemens pendant la nuit et plusieurs selles excessivement liquides; les pommettes sont froides et violacées ainsi que les extrémités; la peau conserve le pli cholérique; quant au pouls il est nul aux radiales et à peine sensible aux autres artères. (Malaga viij; eau vineuse glacée; sinapismes; compresses d'ammoniaque sur le sternum; un quart de lavement de ratanhia avec éther gouttes xviij).

La maladie s'aggrave de plus en plus et la mort survient pendant la journée.

Autopsie 30 heures après la mort. L'extérieur du corps ne présente rien de remarquable. Les sinus de la dure mère contiennent une grande quantité de sang; l'arachnoïde présente sur les côtés et à la base des hémisphères cérébraux des ecchymoses très-étendues; la substance blanche et la substance grise conservent leur coloration et leur consistance naturelles.

Les poumons de chaque côté sont bien crépitans en devant; en arrière ils présentent un engouement léger; les veines pulmonaires versent un sang noirâtre très-abondant quand on incise le tissu du poumon; la portion de plèvre qui revêt le poumon, celle qui revêt les côtes, sont

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41-45

parsemées d'une foule de petites ecchymoses; le cœur, rempli de sang et conservant toute sa fermeté, est parsemé, à son extérieur, d'une multitude de petites pétéchies; la trachée artère, les bronches sont violacées.

L'estomac, sain dans presque toute son étendue, présente une injection rouge assez forte au niveau de son grand cul-de-sac; la muqueuse n'a du reste rien perdu de sa consistance. Le duodénum et l'intestin grêle dans sa première portion offrent çà et là quelques petites plaques d'un rouge brun très-foncé entièrement analogue à celles que l'on remarquait sur la plèvre et sur l'arachnoïde; dans sa dernière portion, il existait une teinte d'un rouge foncé uniformément répandue dans l'étendue de trois pieds environ; des follicules saillans et de la même teinte que la muqueuse, existaient aussi dans la même étendue; les plaques de Peyer n'étaient pas plus saillantes qu'à l'ordi

naire.

Le gros intestin jusqu'au rectum présentait aussi de vastes ecchymoses d'une teinte brune très-foncé; le foie, la rate et les autres organes de l'abdomen ne présentent rien qui mérite d'être mentionné.

Il existe beaucoup d'analogie entre cette observation et la première. Cette dernière malade portait comme la première une inflammation gastro-intestinale, lorsqu'elle entra à l'hôpital de la Charité. Les symptômes qu'elle présentait le prouvent d'une manière incontestable, et certes ce n'était pas le début du choléra, quoique l'affection remontât beaucoup moins loin que dans la première observation. Il est à remarquer que c'est encore après l'application des sangsues à l'épigastre, que les symptômes du choléra se sont montrés; dans l'espace de quelques heures, l'affection a complètement changé de face comme nous l'avons déjà fait remarquer pour la première observation.

Quant à l'insuffisance des moyens excitans mis en usage

pour opérer la réaction, nous ferons observer que la malade était âgée de 57 ans, et qu'à cet âge, quelle que soit la méthode que l'on emploie, il est bien rare d'arracher les malades aux dangers de la période algide.

Quelles conclusions peut-on tirer de ces faits et de faits analogues observés dans nos salles? C'est que, lorsque le choléra vient s'enter sur des inflammations du tube digestif, les symptômes d'inflammation, loin d'être accrus, cessent tout à coup; à l'état inflammatoire général que l'on observait, succède un état complet d'apyrexic. De plus l'irruption du choléra semble modifier l'état de l'estomac, à tel point que des individus qui ne pourraient pas supporter les boissons ordinaires, supportent les excitans les plus forts. Chez quelques-uns d'entre eux, cette sensibilité de l'estomac qui semblait avoir été détruite pendant l'invasion du choléra, reparaît lorsque les symptômes cholériques sont passés, mais sans avoir été exaltés par l'emploi des toniques et des excitans. Nous ajouterons enfin que ces faits nous semblent bien propre à faire réfléchir sur la nature du choléra-morbus; et à faire rejeter l'idée d'une gastro-entérite.

Mémoire sur l'emploi du sous-carbonate de fer dans le traitement des douleurs d'estomac chez les femmes; par MM. BONNET, interne à l'Hôtel-Dieu; et TROUSSEAU, agrégé de la Faculté de Médecine, médecin du Bureau central, etc., etc. (II. article.)

me

De l'emploi thérapeutique du sous-carbonate de fer.Toutes les fois que l'on est conduit par l'expérience ou par les inductions analogiques à tenter l'emploi d'une médication dans une maladie difficile à guérir, les résultats sont toujours mélangés d'un certain nombre d'insuccès,

et parmi les malades qui guérissent, les uns reviennent à la santé rapidement et sans douleur; les autres ne recouvrent l'exercice régulier de leurs fonctions qu'après beau coup de peines et de souffrances. Que doit faire le médecin au milieu de résultats si divers? Rechercher d'abord les conditions de tempérament, de maladie, qui disposent aux guérisons et celles qui doivent faire craindre des insuccès. Mais se bornera-t-il à cette contemplation stérile, et sera-t-il satisfait lorsqu'il pourra prévoir les effets avantageux ou nuisibles de sa première médication? Non sans doute; il cherchera dans le rapprochement des faits, des idées qui le conduisent à des résultats plus heureux ; il grouppera les cas de réussite, et de leur comparaison il se forinera un type de l'ensemble des conditions qui prédisposent aux succès. Ce type une fois admis, il appréciera en quoi s'en éloignent les malades qu'il n'a pu guérir, et dès-lors il saura quelles préparations il doit leur faire subir; car toutes ces préparations devant avoir pour but de ramener les malades au type idéal que l'observation lui a fait connaître, s'il a reconnu que la constitution qui prédispose au succès est celle où l'on ne trouve prédominance d'aucun tempérament, il pratiquera des saignées si le sujet est sanguin; il emploiera les calmans s'il est nerveux, etc., etc.; et lorsqu'il aura, s'il est possible, uniformisé ses malades par des moyens aussi divers que le sont les modes suivant lesquels ils s'éloignent du type, il commencera sa médication générale, et peut-être la poursuivra-t-il avec autant de succès que s'il avait rencontré de prime- abord les conditions les plus favorables.

La marche que nous venons de décrire, nous l'avons suivie dans notre travail; aussi commencerons-nous par l'histoire des gastralgies que le sous-carbonate de fer a guéries promptement et sans augmentation de douleur ; ces histoires nous serviront à trouver l'ensemble des

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conditions qui prédisposent aux succès; et lorsque nous aurons trouvé la réunion des caractères qui peuvent faire prévoir ce résultat, nous rechercherons en quoi différaient de nos premiers malades ceux qui n'ont pu guérir qu'après avoir éprouvé de vives douleurs dans les premiers jours du traitement, et ceux dont l'état ne fut nullement amélioré sous l'influence des préparations ferrugineuses; en traitant de ces derniers nous indiquerons les essais que nous avons tentés pour les guérir par des médications diverses.

Des gastralgies guéries sans coliques au début du traitement. — A ce premier ordre de gastralgies se rapporte le plus grand nombre de nos observations; il serait long et fastidieux de les rapporter toutes avec détail : nous ne ferons qu'indiquer celles qui paraissent offrir le plus d'intérêt et qui peuvent le mieux servir à faire connaître les

autres.

I. Obs. La plus jeune des femmes (1) dont nous ayons à rapporter l'histoire était âgée de 21 ans. Jusqu'à l'âge de 16 ans elle avait joui d'une santé parfaite. A cette époque apparut la première éruption menstruelle, les règles s'établirent difficilement, sans entraîner pourtant aucun accident grave. A 18 ans elle était assez bien réglée. A 20 ans, elle vint à Paris, où elle vécut désormais. Depuis son arrivée dans la capitale, elle a vu le flux menstruel s'arrêter plusieurs fois et sans cause appréciable pendant deux, trois et jusqu'à huit mois. Elle éprouvait alors des maux de tête assez fréquens, et à cela près, elle se portait bien. Jamais elle n'éprouvait de douleurs utérines; elle n'avait pas de flueurs blanches, et son teint était resté invariablement bon. La poitrine ne décelait aucune lésion,

(1) Exceptez toutefois deux demoiselles de 18 ans, dont l'histoire a été égarée.

jamais d'hémoptysie, non plus d'hématémèse, d'hémorrhoïdes, etc.

Au commencement de l'année 1829, elle commença à ressentir des douleurs qu'elle rapportait à l'estomac. Ces douleurs, qu'elle comparait à des pesanteurs ou à des pincemens, se montraient principalement une heure ou deux après le repas, et surtout si elle avait mangé de la viande. Ce n'était dans le principe qu'une indisposition légère, qui ne se reproduisait qu'à des intervalles assez éloignés; mais bientôt le mal s'aggrava, et il se passa peu de jours sans qu'elle en ressentit quelques atteintes. La souffrance allait aussi en croissant, et elle arriva enfin à un tel degré de violence que la malade pria ses maîtres de demander pour elle les conseils du médecin de la maison. Celui-ci crut devoir interdire le vin, le café, dont la malade faisait d'ailleurs un usage fort modéré; il insista aussi sur un régime, et prescrivit les viandes, les fruits et les légumes; il avait fait aussi appliquer avant tout des sangsues en petit nombre au creux de l'estomac; elle dut boire de la tisane d'orge, du lait, de l'eau de gomme.

Ce régime la soulagea pendant quelque temps; les douleurs devinrent évidemment beaucoup moindres : mais un mois s'était à peine écoulé que les douleurs revinrent avec autant de violence qu'auparavant, bien que la malade eût suivi scrupuleusement la ligne que le médecin lui avait tracée. D'elle-même elle diminua encore la quantité d'alimens, et de jour en jour elle s'imposait une diète plus sévère, s'apercevant qu'elle souffrait toujours d'autant plus qu'elle mangeait davantage : enfin elle en arriva au point de ne prendre que juste ce qu'il fallait pour ne pas mourir de faim, et par une fatalité cruelle, elle ressentait, pour digérer une seule cuillerée de riz au lait, autant de douleurs que naguère après un repas copieux.

On la jugea atteinte d'une gastrite chronique; et déjà

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le médecin, plus épouvanté, avait prononcé devant les maîtres de la malade le mot de cancer du pylore.

La malade avait singulièrement maigri; toutefois elle conservait encore de la vivacité, de la gaîté, et continuait à servir ses maîtres avec un zèle et une affection bien rares.

C'est à cette période de la maladie que nous fûmes appelés à lui donner des soins, et nous la trouvâmes dans l'état que nous venons de décrire. Afin de mieux diriger son régime, nous lui demandâmes quels étaient les alimens qu'elle digérait le plus facilement; elle nous répondit qu'elle souffrait beaucoup moins lorsqu'elle mangeait des fruits cuits ou des pruneaux, mais qu'elle y avait renoncé d'après les ordres formels et réitérés de son médecin. Nous l'engageâmes alors à renoncer au lait qu'elle ne pouvait digérer, et à se nourrir jusqu'à nouvel ordre de compotes de pruneaux et de poires; en même temps nous prescrivîmes les pilules suivantes : 2 sous carbonate de fer, extrait de chicorée, parties égales. Faites des pilules de six grains.

La malade en dut prendre d'abord une matin et soir; puis, après quelques jours, deux, puis trois, quatre, cinq, et jusqu'à dix; Celles du matin se prenaient à jeun, celles du soir au moment de se mettre au lit. Elle devait régler la dose d'après les données suivantes.

Si le médicament causait des douleurs plus vives, un sentiment de pesanteur plus considérable, ou de la diarrhée, on en diminuerait la dose jusqu'à ce que ces accidens nouveaux disparussent; et on l'augmentait au contraire à mesure que les douleurs d'estomac devenaient moins vives, et dans le cas même où elles n'avaient été modifiées en rien.



Vers le huitième jour du traitement, la malade prenait quatre pilules malin et soir, et déjà elle souffrait beaucoup

·

moins, l'appétit devenait plus vif, et elle mangeait du pain avec ses fruits cuits. Peu de jours après, le mieux augmentant, elle nous demanda si elle pouvait manger de la viande; nous le lui permîmes volontiers en lui recommandant très particulièrement de ne pas choisir les viandes réputées de facile digestion; mais bien celles qu'elle digérait jadis avec le plus de facilité, fut-ce du jambon ou tout autre aliment que beaucoup d'estomacs ne peuvent supporter. Elle choisit du mouton rôti, en prit peu d'abord, puis davantage, et enfin, vers le vingtième jour, elle mangeait presque autant qu'avant de tomber malade, et les maux d'estomac qu'elle éprouvait encore lui semblaient si légers en comparaison de de ceux qu'elle endurait naguère, qu'elle se disait tout à fait guérie. Or, elle prenait huit pilules matin et soir.

Sur ces entrefaites, elle suivit ses maîtres dans une terre voisine de Paris, et chargée d'accompagner les meubles que l'on transportait dans une voiture peu converte, et par un temps humide, elle se sentit prise de froid, et, le lendemain, les coliques d'estomac revinrent avec autant d'intensité que par le passé; elle diminua d'elle-même la dose de ses pilules et la quantité d'alimens qu'elle prenait; et après quatre jours, elle était parfaitement remise de l'accident qui avait entravé la marché de sa convales

cence.

Nous la revimes deux mois après. Elle était dans l'état de santé le plus satisfaisant; elle nous raconta qu'elle avail suivi moins rigoureusement notre ordonnance; qu'au lieu de dix pilules matin et soir, elle n'en prenait la plupart du temps que quatre ou six; qu'elle mettait souvent deux ou trois jours d'intervalle, et même que depuis trois semaines elle y avait entièrement renoncé.

L'embonpoint ordinaire était revenu, les forces étaient rétablies; mais les règles n'avaient pas reparu, l'estomac supportait avec facilité toute espèce d'alimens.

II y a maintenant trois ans que cette femme est guérie. Elle n'a pas éprouvé de nouvelles atteintes de la maladie pour laquelle elle avait réclamé nos soins. Les règles se sont montrées deux ou trois fois chaque année, sans que le retour et l'irrégularité de la menstruation aient paru influer en rien sur la santé.

Obs. II - La malade qui fait le sujet de cette observation est petite, sèche et faible; elle a des flueurs blanches depuis l'âge de 15 ans; ses menstrues, qui parurent vingt mois plus tard, ont toujours été régulières, mais pâles et peu abondantes; vers sa dix-neuvième année, elle commença à ressentir des douleurs d'estomac, qui furent accompagnées de vomissemens chaque jour renouvellés, et une circonstance assez remarquable qui se présenta dans le cours de sa maladie, fut une extinction de voix qui parut et disparut à plusieurs reprises à et des intervalles d'un ou deux mois. Parmi les nombreux médecins qu'elle consulta, un seul parvint à la soulager; il fui ordonna des frictions avec l'huile de camomille, et des applications sur l'épigastre avec du gros vin dans lequel on avait fait macérer des roses de Provins.

La gastralgie durait depuis six ans, lorsqu'elle acquit une nouvelle intensité, et que les flueurs blanches devinrent plus abondantes. Trois mois après cette augmentation des douleurs, la malade entra à l'hôpital; elle était alors âgée de 25 ans.

L'écoulement était jaune-verdâtre et d'une abondance extrême; les maux d'estomac étaient très-douloureux, quoique les vomissemens qui diminuaient depuis trois années eussent cessé depuis quelques mois; les selles étaient régulières, les maux de tête fréquens.

On donne le premier jour trois pilules de sous-carbonate, la malade n'éprouve aucune modification.

Le lendemain elle en prit quatre, ses douleurs d'esto

mac disparurent et n'ont pas eu de retour. Les doses furent augmentées les jours suivans. Les flueurs blanches diminuèrent, ainsi que la céphalalgie.

Le huitième jour la malade prenait douze pilules; l'écoulement fut un peu plus abondant que les jours précé dens, mais beaucoup moins qu'à son entrée ; elle était à l'approche de ses règles.

Le dixième jour elle sortit parfaitement guérie de sa céphalalgie et de ses maux d'estomac ; ses flueurs blanches coulaient toujours quoiqu'en moindre quantité; depuis cinq ans elle aussi bien trouvée. On lui cons'était ne pas seilla de continuer le sous-carbonate de fer à la dose d'une cuillerée à café matin et soir; nous ne l'avons depuis

pas revue

Obs. III-Une femme âgée de 28 ans, vient à l'HôtelDieu, pour être traitée d'une gastralgie accompagnée de maux de tête et de flueurs blanches; la santé générale n'est point altérée, elle a conservé sa fraîcheur et son embonpoint.

Ses douleurs d'estomac durent depuis sept ans, elles sont accompagnées d'un besoin presque continuel de manger. Au retour du printemps et de l'automne, elle a des vomissemens qui durent un mois ou deux, et se reproduisent trois ou quatre heures après les repas.

Un an après l'invasion des douleurs d'estomac la céphalalgie se fit sentir de temps à autre et se reproduisit pendant les années qui suivirent. La troisième année de la maladie parurent les flueurs blanches qui, après quelque temps de durée, se prolongèrent dans tout l'intervalle qui séparait les règles. Celles -ci étaient pâles, peu abon. dantes, et duraient seulement trois ou quatre jours. Nous n'avons pas noté l'époque à laquelle avaient commencé ce dérangement dans les règles, ainsi que des palpitations de cœur qui revenaient tous les trois ou quatre jours.

Pendant les sept années qui s'écoulèrent entre l'invasion de sa maladie et son entrée à l'Hôtel Dieu, la malade fut soumise à différentes reprises au traitement antiphlogistique, elle prit de temps à autre des potions calmantes ; ces moyens lui procurèrent toujours un soulagement momentané, mais n'eurent jamais un effet durable.

A son entrée à l'hôpital, on commença par douze grains de sous carbonate de fer. Le premier jour elle eut des étourdissemens, sentit une faiblesse générale et fut près de tomber lorsqu'elle voulut se lever et se promener dans la salle; le lendemain on doubla la dose : les phénomènes nerveux ne se reproduisirent point.

Après un traitement de six jours, les douleurs d'estomac et tous les phénomènes qui les accompagnaient furent guéris, la céphalalgie était moins forte; les flueurs blanches n'avaient pas diminué, la malade sortit de l'hôpital très-satisfaite; on lui conseilla la continuation des moyens jusquues là mis en nsage; nous ne l'avons pas revue depuis sa sortie.

Obs. IV.

Une femme lymphatique âgée 28 de ans, pâle et sans fièvre, fait le sujet de cette observation. Elle a depuis quatre ans des flueurs blanches très-abondantes, les maux d'estomac ne sont venus qu'un an plus tard; ils sont continus et accompagnée de boulimie, la viande seule les augmente, les autres alimens procurent un soulagement momentané. Les règles sont irrégulières et en retard.

Neuf jours suffirent pour guérir les douleurs d'estomac. La malade prit jusqu'à dix pilules par jour; lorsque lę onzième jour elle sortit de l'hôpital, ses flueurs blanches avaient beaucoup diminué, et la coloration de la face était devenue plus vive.

Ve Obs. La malade la plus âgée que nous ayons traitée avec succès complet était âgée de 47 ans, assez bien constituée; mais elle avait des flueurs blanches depuis 26 ans.

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51-55

1

A l'âge de 42 ans elle commença à sentir des douleurs d'estomac; celles-ci étaient accompagnées des symptômes que nous avons signalés; les alimens n'en augmentaient point l'intensité, et depuis cinq ans elles duraient conjointement avec les flueurs blanches, lorsque des douleurs de tête vinrent s'y joindre. Les règles étaient pâles et en retard depuis un temps qui n'a point été noté; elles n'étaient point supprimées à l'époque où la malade vint à l'HôtelDieu. Le sous-carbonate de fer fut associé au cyanure de potassium. Après trois jours de traitement, les douleurs de tête et celles de l'estomac furent guéries. Le traitement continué pendant plusieurs jours, suivant les règles indiquées plus haut, ne parut exercer aucune influence sur les flueurs blanches. La malade sortit parfaitement guérie de ses maux de tête et de sa gastralgie.

Nous pourrions ajouter un assez grand nombre d'observations à celles que nous venons de citer; mais comme leur multiplication ne ferait que présenter des exemples semblables à ceux qui ont été décrits avec détails, nous bornerons là le nombre des observations dans lesquelles la guérison de la gastralgie par le sous carbonate de fer a été prompte et sans augmentation des douleurs.

Toutes ces observations ont été faites chez des femmes de 18 à 47 ans. Sans doute, ces époques de la vie ne sont point les limites extrêmes en deçà et au-delà desquelles la guérison est impossible; la rapidité avec laquelle les symptômes se sont amendés chez les plus jeunes comme les plus âgées, ne permet pas de le penser.

Mais si l'on considère que toutes les femmes dont nous parlons dans ce chapitre avaient encore leurs règles, `et qu'il est impossible d'indiquer quels changemens doit apporter dans l'organisme l'absence complète du flux menstruel, on comprendra que l'analogie, comme l'expérience, ne nous permettent point de dire avec précision ce qui

doit arriver si les règles n'ont point encore paru, ou si elles ont cessé par les progrès de l'âge.

Nous avons eu soin d'indiquer dans toutes nos observa tions, le tempérament et la constitution des malades; on a pu remarquer qu'il n'en est pas une seule qui fût ou sanguine ou nerveuse; toutes se rapprochaient plus ou moins de cette constitution ordinaire que l'on ne peut rapporter à aucun type, et que nous pouvons dès à présent considérer comme une prédisposition favorable. Cette conséquence, tirée des faits que nous avons fait connaître, acquerra un nouveau degré de certitude, lorsque nous aurons montré que la guérison est toujours difficile, impossible même chez les femmes d'un tempérament ou sanguin ou nerveux. En comparant entre elles les malades affectées de gastralgie qui ont guéri sans douleurs par l'emploi du sous-carbonate de fer, nous n'avons observé que des cas où le dérangement dans les fonctions de l'utérus ou dans celles de l'estomac a précédé tous les autres symptômes. Cet ordre de succession est-il le seul qui soit compatible avec une guérison rapide et sans douleurs ? Nous ne le pensons pas; et si nous n'avons pas observé de semblables guérisons chez des femmes qui, avant tous les autres symptômes, avaient éprouvé des céphalalgies ou des palpitations, cela tient, sans doute, à l'extrême rareté des cas dans lesquels les céphalalgies ou les palpitations sont les premiers symptômes : nous ne les avons vu précéder les douleurs d'estomac que chez deux malades : l'une d'elles, affectée de chlorose, guérit avec une extrême rapidité; l'autre n'eut des coliques que pendant les deux premiers jours du traitement : sa guérison n'en fut pas moins prompte et durable.

Des cas dans lesquels le sous-carbonate de fer a guéri les gastralgies après les avoir augmentées momentanément.-Nous nous proposons de rechercher dans ce cha

pitre 1.° quelles sont les circonstances dans lesquelles le sous-carbonate de fer augmente momentanément les gastralgies; 2.° quel est le prognostic qu'on doit porter sur cette augmentation momentanée des douleurs; 3.° quels sont les moyens par lesquels on peut la prévenir. Nous commencerons par les observations.

VI. Obs. Une jeune fille de 17 ans, pâle, et d'un aspect chlorotique, vint à l'Hôtel-Dieu pour y être traitée d'une fièvre typhoïde bénigne. Une fois guérie de sa fièvre, elle se plaignit de douleurs d'estomac qui duraient depuis dix mois; ces douleurs avaient toujours été accompagnées d'un besoin fréquent de manger que la convalescence rendait plus vif; les alimens soulageaient toujours pendant la première heure qui suivait leur ingestion. Quatre mois après leur début, ces gastralgies avaient été suivies de flueurs blanches, et quatre mois plus tard, de céphalalgies, d'étourdissemens et de tintemens d'orcilles. Les règles, quoique régulières, étaient, depuis l'invasion de la matadie, pâles et peu abondantes. Cinq jours après la guérison des symptômes fébriles, on commença le sous-carbonate de fer à la dose de 12 grains le premier jour et de 24 le second. La malade ressentit de très-fortes coliques, du dévoiement, et son ventre devint sensible à la pression. Ges accidens n'empêchèrent pas de continuer le sous-carbonate à la dose de 24 grains pendant le troisième et le quatrième jour; il ne se manifesta plus aucun accident. Dès le cinquième jour toutes les douleurs étaient dissipées ; on augmenta graduellement la dose des pilules jusqu'à dix par jour; la malade sortit de l'hôpital le 8. jour du trailement, avec recommandation de le continuer.

VII. Obs. M.me Herpedan, d'une taille élevéc, d'une forte constitution, d'un tempérament sanguin, accouche pour la première fois à l'âge de 27 ans. Depuis cet accouchement, qui est très-laborieux, elle éprouve à

l'épigastre de vives douleurs qui se font sentir avant et quelque temps après les repas, qui souvent produisent un soulagement momentané; la toux, la pression en augmentent l'intensité.

Les règles durent quinze jours, le sang coule par caillots volumineux, dans leurs intervalles, la malade est sujette à des flueurs blanches très abondantes. A ces symptômes se joignent de la céphalalgie, de la faiblesse, de la tuméfaction passagère du ventre.

Treize mois après l'accouchement, ces douleurs avaient augmenté; la malade avait été obligée de se tenir habituellement couchée; elle souffrait dans les membres. Cette augmentation d'accidens durait depuis deux mois, lorsqu'elle entra à l'Hôtel-Dieu le 3 septembre 1831.

A cette époque, elle éprouvait les symptômes que je viens d'indiquer; elle était assez colorée, sans fièvre, et le toucher ne faisait reconnaître aucune altération de la matrice; elle ne pouvait cependant se lever. On prescrivit des pilules de sous-carbonate de fer, de six grains chaque. On en donna d'abord deux, puis quatre, six, en augmentant de deux chaque jour jusqu'au quatrième jour. Les douleurs d'estomac, au lieu de diminuer, allèrent toujours en augmentant et furent accompagnées de fièvre. La malade voulut se lever; la gastralgie fut si vive qu'elle fut obligée de se recoucher; les flueurs blanches avaient cependant un peu diminué. Les selles étaient très-rares. L'on donna une once d'huile de ricin, et l'on continua les pilules à la dose de 48 grains.

Le 6. jour, les flueurs blanches étaient arrêtées. Les douleurs d'estomac, jusque-là augmentées, étaient beaucoup moins fortes; l'appétit revenait.

Pendant les jours suivans, on augmenta successivement d'une pilule, et l'amélioration fut progressive. Le 9. jour, les douleurs d'estomac avaient complètement disparu

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l'appétit était très-vif; les maux de tête, qui avaient suivi la même augmentation et la même diminution que ceux d'estomac, étaient dissipés. L'écoulement des flueurs blanches n'avait pas reparu. Les selles seulement étaient très-rares, et lorsqu'elles avaient lieu, d'un noir aussi foncé que celui du cirage.

Depuis ce temps, la mala de est restée cinq jours dans l'hôpital, prenant dix pilules par jour. Elle est sortie fort bien portante, et n'éprouvant aucun symptôme qui pût faire craindre une récidive. M. me ✰✰✰

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VIII. Obs. âgée de 32 ans, est d'un tempérament sanguin; sa face est colorée et sa vivacité trèsgrande. Elle éprouve depuis trois ans des douleurs d'estomac qui se font sentir la nuit lorsqu'elle se réveille, et lui donnent une sensation analogue à celle que produit le besoin de manger. Aussitôt après son lever, qu'elle hâte quelquefois à cet effet, elle prend quelques alimens.

Ces douleurs ont paru à la suite d'un accouchement; elles sont presque continuelles, et rarement elles cessent pendant un ou deux jours. Quelque temps après le manger, elles s'accompagnent d'aigreurs, d'envies de vomir, de pesanteur à la région de l'estomac ; des flueurs blanches ont paru un mois avant les douleurs d'estomac; elles sont continuelles, plus fortes avant et après les règles. Celles-ci sont toujours un peu en retard. Des céphalalgies très-fréquentes fatiguent la malade depuis près de dix ans. Lorsque l'on commença l'emploi du sous-carbonate de fer, les deux premiers jours on donna deux pilules matin et soir; il y a eu des coliques, de la diarrhée; on continua à la même dose, puis allant jusqu'à six et huit pilules. La malade prenait cette dose le septième jour du traitement, lorsque les flueurs blanches et les maux d'estomac, qui avaient graduellement diminué, disparurent en même temps. Les maux de tête n'avaient

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éprouvé qu'une légère amélioration. La malade sortit le douzième jour, avec la recommandation de continuer le sous-carbonate de fer.

IX. Obs. La femme qui fait le sujet de cette observation est âgée de 47 ans, fortement constituée; elle a des flueurs blanches depuis l'âge de 26 ans; des douleurs d'estomac ne sont venues que seize ans plus tard; les céphalalgies ne datent que de sept mois; ses règles sont pâles et toujours en retard.

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On commença par deux pilules de sous-carbonate de fer; pendant les deux premiers jours, il y eut augmentation dans les douleurs, mais sans diarrhée et sans coliques. Le lendemain, on continua les pilules à la même dose ; les douleurs ne furent pas exaspérées, et dès le troisième jour, les douleurs d'estomac étaient guéries; les céphalalgies et les flueurs blanches restèrent les mêmes, malgré la continuation du sous-carbonate de fer; il est à remarquer qu'elles avaient de long-semps précédé les maux

d'estomac.

Nous n'insisterons pas sur la sixième observation; la cause des coliques est ici trop évidente: la malade était dans la convalescence d'une maladie aiguë des in testins, qui avait placé ses organes dans des conditions défavorables à l'administration d'un tonique tel que le sous-carbonate de fer. Quelques jours de retard, l'administration d'une dose moins considérable, eussent suffi probablement pour prévenir les coliques et la diarrhée qui se produisirent dans ce cas.

Les observations septième et huitième nous présentent deux femmes d'une constitution vigoureuse, pléthorique, dont l'une a tous les quinze jours des règles abondantes qui durent plus d'une semaine, et dont l'autre a un flux menstruel régulier et abondant. Chez l'une et l'autre, des coliques, de la diarrhée, sont la suite de l'adminis

tration du sous-carbonate de fer, et l'on voit que dans un cas les coliques se prolongent pendant neuf jours, que dans l'autre elles durent pendant deux jours, et qu'il est impossible de dépasser la dose de dix-huit grains sans reproduire tous ces accidens. Des deux dernières, l'une est âgée de 47 ans et d'une forte constitution; l'autre, quoique faible, a des règles très-abondantes et très-rapprochées.

Si l'on rapproche ces observations de celles que nous avons indiquées dans le chapitre consacré aux guérisons complètes et sans accidens, si l'on se rappelle qu'aucune des femmes dont l'histoire a été mentionnée, n'avait des règles abondantes; qu'aucune n'avait le tempérament sanguin, et que dans les deux cas où ces conditions se trouvaient réunies, des coliques accompagnées quelquefois de diarrhée, ont entravé le traitement, on sera porté à conclure, que l'existence du tempérament sanguin, d'une forte constitution, ou des règles abondantes, prédispose aux douleurs, suites de l'emploi du sous-carbonate de fer. Remarquez à l'appui de cette proposition, que la femme qui fait le sujet de la septième observation, eut des coliques pendant cinq jours, et que cette femme était d'une forte constitution, avait des règles très-rapprochées et très-abondantes. Chez les femmes qui présentaient, à un moins haut degré, les attributs d'un tempérament sanguin, les douleurs furent moins vives et moins prolongées. Le rapport entre la cause modificatrice et l'effet qu'elle devait produire, est donc ici prononcé. Dans la huitième observation, nous avons indiqué les aigreurs, les envies de vomir; et comme ces accidens ne sont pas notés chez les malades dont les observations sont consignées dans le premier chapitre, nous sommes portés à croire qu'ils peuvent faire présumer l'existence des coliques, sans qu'ils paraissent toutefois influer sur la guérison.

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Nous venons d'indiquer, autant que l'observation a pw nous le permettre, les cas dans lesquelles les coliquessont la suite de l'administration du fer; ce symptôme est-il de mauvais augure? C'est ce que l'on doit penser d'après les idées générales qu'on se fait sur l'action des médicamens; plusieurs rapprochemens fortifient cette manière de voir.

Si l'on extrait de chacune des observations consignées dans le premier chapitre, le temps qui s'est écoulé entre le commencement de la médication et la disparition des douleurs d'estomac, on trouvera les nombres 8, 2, 6, 3, 9, dont la somme est 28, et la moyenne 5 et demi. Si l'on fait le même relevé pour les observations du second chapitre, on trouvera 4, 7, 11, 15, dont la moyenne est 9. La durée des douleurs d'estomac a donc été, dans ce cas, d'un tiers plus considérable que dans le premier. Il est une considération non moins importante, qui montre que l'existence des coliques indique un traitement plus long. C'est que toutes les femmes qui n'ont pas guéri ont eu des coliques, et que les conditions qui prédisposent à l'insuccès complet sont les mêmes, à la différence d'intensité près, que celles qu'on retrouve chez les femmes dont les douleurs augmentent.

Si les coliques sont toujours de mauvais augure, il importe de placer les malades dans des conditions propres à les prévenir; les méthodes que l'on doit suivre pour arriver à ce but n'ont point été examinées expérimentalement; mais le raisonnement semble nous y conduire d'une manière rigoureuse. Nous avons indiqué les conditions les plus favorables à la réussite du traitement par le carbonate de fer, l'ensemble de ces conditions est pour nous un type auquel il faut, autant qu'il est possible, ramener ceux chez lesquels le sous-carbonate de fer détermine préalablement des coliques. Or, comme nous avons

C

remarqué que le tempérament sanguin est la cause presque constante de ces insuccès, il est convenable dans les cas où on l'observe l'existence de ce tempérament, de commencer par le traitement antiphlogistique. Ainsi l'on pourrait préalablement pratiquer une saignée, faire appliquer des sangsues sur la région de l'estomac. Ce dernier moyen produit constamment, ainsi que nous l'ont appris les rapports des malades, un soulagement qui dure plusieurs jours. On pourrait profiter de ce relâche pour commencer l'administration de sous-carbonate de fer; Il serait aussi prudent de se contenter de six grains pendant un ou deux jours; probablement les doses un peu élevées dont on a fait usage dès le début ont contribué à produire des coliques; l'observation où l'on a pu dépasser dix-huit grains en est la preuve.

Dans un article subséquent, nous examinerons les cas dans lesquels le sous-carbonate de fer ne suffit point pour guérir les gastralgies.

Essai sur l'inflammation, l'ulcération et la gangrène des os; par J. F. MALGAIGNE, de Charmes, D. M. P., ex-médecin de division en Pologne, etc.

Avant qu'on eût ramené les maladies à quelques types primitifs, identiques de leur nature, mais variant d'aspect selon la diversité des tissus eux-mêmes, la nomenclature pathologique était aussi bizarre et confuse que les théories étaient elle-mêmes peu exactes. Delà ces nombreuses variétés des fièvres, avant que l'anatomie pathologique les eût si heureusement rayées des cadres nosologiques; delà cette confusion aussi grande peut-être dans la synonymie des affections cutanées. On peut encore de nos jours appliquer ces réflexions aux maladies du système osseux. C'est en vain que l'on chercherait dans les auteurs, la signification précise de ces mots de carie, de

nécrose, de corruption, vermoulure, spina-ventosa, ostéo-sarcome, ostéo-steatome, rachitis, ostéo malaxie, non que les définitions manquent; mais parce que ne s'appuyant point sur l'anatomie pathologique, elles sont à la fois en désaccord entre elles et avec les objets qu'elles devraient désigner. Déjà sir A. Cooper a commencé la réforme en ralliant sous le nom générique d'exostoses plusieurs de ces vieilles et obscures dénominations. Nous essaierons dans ce mémoire de démontrer par la dissec tion les caractères de l'inflammation, de l'ulcération et de la gangrène des os, désignées le plus souvent indistinctement, de nos jours, sous les noms d'arthrocace, de carie et de nécrose.

Obs. Ire. Une amputation de jambe fut faite au Valde-Grâce, salle 20, no 6, dans les premiers jours de mai 1829, sur le nommé Louveau. Voici ce que présenta le membre amputé :

Un ulcère superficiel sur le métatarse, plusieurs ouvertures fistuleuses sur le tarse. Les parties molles etaient très-gonflées et donnaient une sensation non équivoque de fluctuation. Les fistules communiquaient avec la gaîne du grand péronier latéral. Le tendon de ce muscle, depuis un pouce environ au-dessus de l'astragale jusqu'au cuboïde, était ramolli, cómme macéré, facile à déchirer, réduit en fibrilles qui avaient perdu presque toute adhérence entre elles. La bourse synoviale dans la même étendue était épaisse d'environ une ligne, grisâtre, fongueuse et ramollie. Plusieurs ramifications des fistules se rendaient : 1° dans la graisse qui entoure le tendon d'achille: ce tendon était sain; 2° dans les gaines synoviales des trois muscles postérieurs de la jambe, lesquelles ainsi que les tendons offraient dans une très-courte étendue la même dégénérescence que celle du grand péronier; 3° sous le muscle pédieux jusqu'au périoste des os du tarse. Le périoste était grisâtre, épaissi, mollasse; il n'existait plus

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61-65

aucune adhérence entre lui et la face externe du calcanéum; néanmoins cet os était blanc et sain selon toute apparence. Une grande quantité de graisse environnait l'articulation tibio-tarsienne; la tuméfaction de la peau venait d'une infiltration séreuse; nulle part on ne découvrit de foyer purulent, et la fluctuation dut être attribuée au ramollissement des tissus fibreux et séreux déjà indiqués. Quant aux os, le péroné et le tibia étaient rouges à leur extrémité tarsienne et faciles à entamer. L'articulation tibio-tarsienne, au lieu de synovie, ne contenait qu'une fausse membrane, blanche, adhérente aux cartilages, lesquels étaient blancs et sains. Aux articulations astragalo - calcanéennes, la petite facette était aussi recouverte d'une fausse membrane, mais rougeâtre et dure comme du cartilage. A la grande facette, les cartilages, blancs et sains au centre, étaient réduits à la circonférence en une pulpe rougeâtre qui laissait les os à nu. Toutes les autres articulations saines, mais les os rougeâtres et faciles à couper. La moelle des os longs était blanche.

"

Voilà dans son premier degré l'irritation inflammatoire du tissu osseux, caractérisée par la rougeur et le ramollissement. Mais cette dissection détaillée nous révèle quelques circonstances remarquables; cet amas de graisse autour des articulations immobilisées, qui n'avait encore été, que je sache, signalé par personne, et avait échappé même à Brodie; cette espèce de gangrène des tendons; ce décollement du périoste sans affection de l'os sous-jacent, l'érosion des cartilages, les fausses membranes synoviales dont l'une a la dureté du cartilage, etc. Nous reviendrons sur ces phénomènes.

Obs. II. Ce même Louveau nous fournit un an après une seconde pièce pathologique. L'amputation avait été faite presqu'en désespoir de cause; car on avait

cru voir de la matière tuberculeuse dans ses crachats. Le succès en fut d'abord très-heureux; la plaie marchait assez vite à la cicatrisation et les crachats étaient devenus muqueux, opaques, et plus rares. Mais lorsque la plaie fut réduite à l'étendue d'une pièce de dix sous, il fut impossible de la fermer; bientôt le pied gauche se tuméfia; un abcès lentement formé s'ouvrit et donna issue à un pus séreux, mêlé de matière caséeuse; l'affection de poitrine revint, les crachats se teignirent de sang et Louveau périt environ un an après l'amputation. L'autopsie du moignon montra le tibia et le péroné arrondis à leur extrémité. L'ulcère répondait au canal médullaire du tibia. Ce canal était occupé dans l'étendue d'un pouce au-dessus de l'ulcère par une substance lardacée, hoinogène, d'une teinte rouge tirant sur le brun; c'était elle qui, exposée à l'air, s'était toujours refusée à la cicatrisation.

Le pied gauche disséqué donna lieu aux observations suivantes L'articulation tibio-tarsienne était remplie de pus blanc et homogène, qui avait même percé les ligamens sans toutefois communiquer au dehors; la synoviale avait absolument le même aspect que dans l'état naturel. Dans les articulations du scaphoïde avec les cunéiformes et des cunéiformes entre eux, les synoviales sont séparées par une pseudo-membrane rougeâtre, assez adhérente aux ligamens, beaucoup moins aux surfaces articulaires. Les extrémités tarsiennes du tibia et du péroné sont d'un rouge obscur, mais dures et résistant au scalpel. Même état du calcanéum et de l'astragale dans leurs trois-quarts postérieurs. La section était sèche et ne laissait aucun liquide sur la lame du scalpel. Mais dans leur partie antérieure, la rougeur prenait une teinte lie de vin; le scalpel pénétrait avec une facilité étonnante, et la lame se couvrait d'une sanie couleur lie de vin; les

cellules osseuses paraissaient agrandies, gorgées de ce liquide sanieux; et l'os était si tendre que la pression de l'ongle suffisait pour le réduire en bouillie. Tous les autres os du tarse offraient le même aspect et le même ramollissement, à l'exception du grand cunéiforme, dont la moitié antérieure était sèche, jaune, dure, résistant au scalpel. Séparée en deux avec la scie, cette portion offrit des cellules petites et presque sèches. Entre cet os et le premier métatarsien, il n'y avait plus ni ligamens ni cartilages; les extrémités articulaires étaient rugueuses, érodées, sèches et très dures. Le premier métatarsien presque tout entier offrait le même aspect à l'extérieur, jusques vers sa tête; scié longitudinalement, son canal parut rempli de pus ; mais la tête était rougeâtre et molle. Partout où l'os était ainsi pâle et sec, le périoste rouge, fongueux, imbibé de pus, en était détaché. Au côté externe de l'os, il était intimement uni à une plaque osseuse rougeâtre et facile à couper, qui recouvrait une partie de l'os gangrené et semblait le rudiment d'un os nouveau. Le périoste du second métatarsien était peu adhérent, et vers l'extrémité postérieure de l'os avait une teinte noirâtre. Vers ce point aussi, l'os était rouge et ramolli. Enfin, dans l'articulation du premier métatarsien avec le gros orteil, le cartilage qui recouvre la tête de cet os était absorbé au centre et remplacé par une pseudomembrane rougeâtre. Une autre fausse membrane également rouge recouvrait le cartilage de la phalange qui était en partie disparu à la circonférence.

Ici l'irritation inflammatoire est plus avancée dans les os du tarse que nous ne l'avions vu dans le cas précédent. Non-seulement les os sont ramollis de manière à se laisser entamer au scalpel; mais la pression de l'ongle suffit pour les écraser; les cellules dilatées sont remplies d'une sanie rouge lie de vin; c'est la seconde période de l'in

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flammation franche de l'os, que je comparerais volontier à cette période de l'inflammation pulmonaire qu'on a nommée ramollissement rouge. Ce ramollissement de l'os peut exister, comme la dissection le prouve, sans altération apparente du périoste.

Nous reviendrons d'ailleurs sur les autres particularités de cette autopsie. Il suffit pour le présent de remarquer que le pus tirait son origine première de cette articulation cunéo-metatarsienne que nous avons vu érodée, gangrénée même, sans ramollissement préalable. La théorie des ankyloses peut recevoir un nouveau jour de quelques circonstances que nous avons relatées. Dans une articulation, c'était une fausse membrane unique, adhérant aux ligamens et sans altération des cartilages ; dans une autre, deux fausses membranes coïncidant avec la disparition progressive des cartilages. Si l'on disséque des articulations où le travail soit un peu plus avancé, on trouve les cartilages plus effacés, les pseudo-membranes plus adhérentes. Enfin, quand le travail est complet, les cartilages ont disparu; les membranes adhérant aux os se sont transformées en tissu cellulaire ou fibreux, et peuvent même passer à l'état osseux quand l'irritation continue ou que l'inaction est extrêmement prolongée. Cette succession de phénomènes a-t-elle lieu dans tous les cas? Je suis fondé à le croire, n'ayant jamais vu de tissu fibreux formé immédiatement dans les ankyloses récentes. Ainsi il serait peu exact de dire avec M. Cruveilhier (1), que toutes les fausses ankyloses dépendent de la conversion des synoviales et des cartilages en tissu cellulaire. Ces adhérences anormales proviennent, et cela paraît faire loi pour tout l'organisme, d'une sécrétion anormale qui passe successivement par divers degrés d'or

(1) Essai sur l'anat. pathol., tome 1.er, pages 178 et 371.

ganisation; de plus il paraît y avoir ici absorption de la synoviale et des cartilages articulaires.

Après cette courte digression, qui n'est pas sans quelque intérêt peut-être, je reviens à mon sujet.

Obs. III.— Une amputation de jambe fut faite salle 20, lit 19, pour affection des os du tarse, dans le courant d'avril 1829.

A l'autopsie du membre amputé, je trouvai dans l'articulation astragalo - scaphoïdienne, les cartilages blancs, amincis, détachés des os dont ils étaient séparés par une couche mince de substance pulpeuse jaunâtre. Dans l'articulation scaphoïdo-cunéenne, ucun vestige des cartilages; les surfaces osseuses à nu, jaunâtres et ramollies. Ce ramollissement jaunâtre occupait le tiers postérieur des trois cunéïformes; les deux tiers antérieurs étaient à l'état de ramollissement rouge. Le scaphoïde était totalement jaunâtre, facile à entamer et même à écraser avec l'ongle, les cellules agrandies et remplies de sanie de même couleur. L'astragale offrait le même aspect en avant dans une épaisseur de deux lignes environ; plus loin il était rouge. Tous les autres os du tarse étaient rouges et plus ou moins aisés à couper.

Ce ramollissement jaunâtre me paraît être la troisième période de l'inflammation osseuse; et ce résultat de la phlegmasie n'est pas sans quelque analogie avec le ramollissement gris du poumon. On le rencontre fréquemment dans les ostéïtes articulaires, surtout dans celles qui attaquent le pied, la main ou le genou. A peine a-t-il attirě l'attention des auteurs modernes ; il paraît cependant avoir déjà frappé les anciens, quoiqu'ils fussent privés des lumières de l'autopsie. « Lorsqu'un os commence à se vicier, dit Celse, il devient d'abord gras, puis noir, ou enfin il se carie» (1). En effet, dans le ramollissement jan

(1) Trad. de MM. Fouquier et Ratier, p. 484.

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Pangwall

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 66-100
« Reply #3 on: September 27, 2022, 07:27:32 PM »

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nâtre, la sanie contenu dans les cellules semble gra isser le scalpel.

Une question s'élève ici : un os dans un tel état jouit-il encore de la vie, ou est-il déjà gangréné? D'un côté, il semble qu'à une certaine période de l'inflammation, le sang abandonne la partie de l'os qui se teint en jaune, et simule, pour ainsi dire, devant elle le cercle inflammatoire. C'est ce qui existait dans les os cunéiformes et dans l'astragale. D'une autre part, le scaphoïde tout entier passé à l'état gras n'était point détaché de son périoste. A la vérité ce n'est point tout-à-coup que le périoste abandonne un os nécrosé, comme ce n'est que par degrés que l'escarre gangréneuse se détache des parties vivantes. D'après l'aspect des os, j'inclinerais donc à penser qu'ils sont dèslors irrévocablement privés de vie.

On a pu noter dans cette observation le décollement des cartilages articulaires réduits à la sécheresse et à la minceur d'une feuille de parchemin. Brodie, qui a fait un long chapitre sur l'érosion des cartilages par leur face synoviale, a glissé légèrement sur ce décollement par la face qui répond aux os. Examen fait de ses observations comparées avec les miennes, il me paraît en résulter ceci : que l'absorption des cartilages commence toujours par leur face osseuse dans l'irritation inflammatoire des os; tandis qu'elle attaque d'abord leur face synoviale dans une autre affection des os que nous étudierons tout-à-l'heure, et que je nommerais volontiers irritation ulcérative.

Après cette troisième période, arrive enfin la noirceur de l'os, à laquelle on ne refusera plus le nom de gangrène.

Obs. IV. - Le nommé Lemord, sapeur-pompier, entra au Val-de-Grâce, salle 16, lit 69, en septembre 1826, pour une coxalgie qui datait déjà de bien loin, et languit jusqu'au 7 septembre 1829. A cette époque il mourut, consumé par la suppuration et la diarrhée. L'article communiquait à l'extérieur.

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Le membre était émacié et la jambe très-infiltrée; l'articulation malade entourée de glandes tuberculeuses qui se continuaient dans le bassin et l'abdomen. Aucun vestige des cartilages; la cavité cotyloïde était largement ulcérée, percée à jour, et son fond n'était plus constitué que par le périoste pelvien épaissi et lardacé. La tête du fémur offrait une érosion analogue. La surface de ces ulcérations était noire, et cette noirceur se prolongeait à plus d'un demi-pouce dans l'épaisseur de la tête du fémur. Au-delà tout le tissu spongieux était rouge et ramolli; le périoste était légèrement tuméfié et très-peu adhérent à toute cette extrémité de l'os.

Ici la gangrène noire succédait évidemment au ramollissement rouge. Le ramollissement jaune avait-il précédé? Je ne voudrais point l'affirmer, n'en ayant pas trouvé de traces; d'ailleurs il est très-probable que la gangrène noire peut arriver après le ramollissement rouge, puisqu'elle apparaît quelquefois sans inflammation préalable, comme nous le verrons tout-à l'heure. Nous renvoyons au même lieu l'examen de ces deux questions: Si la couleur noire est essentielle à la gangrène osseuse, ou si elle est toujours due au contact de l'air.

Jusqu'ici nous n'avons suivi l'irritation inflammatoire que dans le tissu spongieux des os ; c'est que dans le tissu compact elle est infiniment plus rare. La vie y est moindre; à peine s'il reçoit du sang; si bien qu'on a pu soutenir et qu'une masse de faits semblait appuyer cette opinion, que l'os était pour ainsi dire inorganique, ne s'accroissant que par juxtà-position de nouvelles couches sécrétées le périoste extérieur. Toutefois, la pathologie surtout a démontré que le tissu compact a une vie propre, et se répare ou se détruit dans son intérieur comme le tissu aréolaire.

par

L'irritation inflammatoire n'affecte guères que de deux

façons le tissu compact; ou la gangrène s'en empare presque à l'instant, ou bien l'afflux du sang coïncide avec l'absorption du tissu osseux qui se creuse de cellules et prend l'apparence spongieuse. «Il est bien rare, dit M. Boyer, que la carie survienne immédiatement dans le corps des os longs; elle est presque toujours précédée de l'exostose. » Cette seconde proposition est vraie; la première me paraît inexacte; et je n'ai vu ni sur le cadavre ni dans les auteurs aucun fait qui prouvât que la carie, comme l'entend M. Boyer, se fût développée immédiatement dans le tissu compact. Toujours la manifestation de la carie a été précédée de symptômes antérieurs; et toujours, à l'autopsie, entre la carie et le tissu compact on trouve un tissu spongieux intermédiaire; quelquefois même, surtout dans la gangrène partielle du tissu compact, l'escarre osseuse, sans être ramollie et sans céder au scalpel, est cependant creusée de cellules comme l'épiphyse d'un os sain.

Obs. V. Chez le sujet de l'observation précédente, une des premières phalanges des doigts était le siége d'un ulcère qui laissait l'os à découvert. Une dissection attentive démontra que la portion d'os exposée à l'air, quoique continue au tissu compact et lui appartenant par sa position, était creusée de cellules; d'ailleurs elle était de couleur grise et résistait au scalpel; sa base était entourée d'un cercle de chair bourgeonnante née du tissu compact, et qui semblait être le premier pas de la nature pour l'exfoliation de la portion gangrénée.

Enfin il est encore deux autres terminaisons de l'irritation inflammatoire des os : l'une aiguë, très-rare; c'est la suppuration. Brodie en a vu quelques cas. Il raconte qu'on trouve alors « que l'os possède sa texture et sa dureté ordinaires, mais il est d'une couleur foncée et d'une odeur fétide. » (1) Selon toute apparence, dans ces cas l'irrita

(1) Brodie, traduct. de Marchant, p. 222.

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tion avait été jusqu'au ramollissement rouge et avait passé à la suppuration seulement dans l'étendue du foyer, tandis qu'alentour ses progrès avaient été enrayés par la gangrène. Mais Brodie lui-même nous fournit la preuve que les choses ne se passent pas toujours ainsi.

« Une fille était atteinte d'une affection de l'articulation illio-fémorale. La fesse était dans un état d'appauvrissement; le membre s'était racourci, et un abcès s'était ouvert sur la face externe de la cuisse; mais on observa qu'elle avait comparativement moins souffert et qu'elle se plaignait beaucoup moins qu'il n'est ordinaire dans la combinaison de ces symptômes. Elle mourut, et lorsque je fus sur le point de l'examiner, je dis aux personnes. présentes que la source de la maladie devait se trouver, non dans la surface cartilagineuse, mais dans la substance celluleuse de l'os. Les résultats de l'autopsie vérifièrent cette remarque. Les cartilages étaient ulcérés, et les os eux-mêmes détruits dans une certaine étendue; ceux-ci étaient mous; le scalpel les divisait facilement, et en coupant longitudinalement l'extrémité articulaire du fémur on vit une collection considérable de pus épais dans le col de cet os et au-dessous de la tête, qui ne s'était pas toutà-fait écoulé, ou qui s'était écoulé en transsudant à travers les cellules interposées entre la tête fémorale et la cavité articulaire. » (1)

>

L'autre terminaison, plus fréquente, a besoin d'un long temps pour s'effectuer; c'est le passage, soit des exostoses primitives, soit du tissu spongieux naturel à l'état de tissu compact et même éburné. Les crânes d'aliénés en offrent souvent des exemples; ils sont d'ailleurs si communs dans les auteurs et dans les musées anatomiques qu'il serait superflu d'en rapporter.

(1) Ibid., p. 182. Le diagnostic, dans ce cas, peut passer au moins pour téméraire.

Je passe maintenant à l'examen d'un autre état pathologique, mal décrit jusqu'à présent par les auteurs, hormis peut-être par Brodie, qui en traite d'ailleurs sous la dénomination très-inexacte d'ulcération des cartilages.

Obs. VI.-Le nommé Mauvais, congédié de l'infanterie de marine, âgé de 26 ans, brun et d'un tempérament sanguin, entra le 6 février 1828 au Val-de-Grâce, où M. Broussais le traita tout l'hiver pour une inflammation chronique de l'articulation coxo-fémorale gauche. Plusieurs moxas furent appliqués et produisirent un soulagement marqué de la douleur; mais le membre resta atrophié et incapable de soutenir le poids du corps. Un an se passa ainsi, et il mangeait les trois quarts quand une violente congestion pulmonaire l'enleva en trois jours, vers le milieu d'avril 1829.

Je passe les détails relatifs à l'autopsie des viscères.-Le membre était dans l'adduction et dans la rotation en dedans, en outre raccourci de quelques lignes, en sorte que la pointe du gros orteil touchait l'articulation métatarsophalangienne du gros orteil de l'autre pied. On faisait exécuter à la cuisse les mouvemens de flexion dans une assez grande étendue; l'adduction et l'abduction étaient moindres; la rotation extrêmement bornée; infiltration de la jambe et du pied; les muscles de la fesse pâles et infiltrés; les glandes de l'aîne, converties en matière tuberculeuse, formaient une masse énorme qui se continuait avec celles du bassin et du mésentère jusqu'au pancréas qui paraissait sain. Plusieurs de ces glandes, formant une couronne complète autour de l'article, étaient en suppuration et contenaient une matière séreuse, caséïforme, comme du petit lait non éclairci. Il y avait aussi une grande quantité de graisse autour de l'article. Le sujet était d'ailleurs très-émacié.

La capsule articulaire était épaisse et contenait une ma

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tière tout à fait semblable. Le ligament rond ramolli, facile à déchirer. Plus de synoviale ni de cartilages; érosion de le tête du fémur qui est très-petite, et de la cavité cotyloïde qui est très-agrandie; les os érodés sont blancs, durs, absolument de même aspect et de même consistance que dans l'état normal. Le nerf sciatique dans l'étendue de deux pouces était gonflé, ramolli, et avait une teinte brunâtre.

Voilà un cas bien tranché d'ulcération pure et simple de l'os; nous trouvons les signes de la luxation expliqués par les pertes de substance des surfaces articulaires. Ce fait, qui arrive très-fréquemment, a porté plusieurs auteurs à nier la luxation dans les cas de coxalgie. Il est vrai que la luxation est fort rare; point assez cependant pour la révoquer en doute. Alors elle a lieu par les mêmes causes que les vraies luxations, seulement avec beaucoup plus de facilité, et se rencontre dans les mêmes points; ainsi la luxation sur l'iléum est la plus fréquente; quant aux autres, on peut lire dans Sue, (1) l'histoire d'une luxation spontanée dans la fosse ovalaire, et dans Cocchi, d'une luxation suspubienne (2).

Nous retrouvons l'amas de graisse déjà noté dans une observation précédente. La désorganisation du nerf sciati que, observée aussi dans plusieurs cas par Brodie, rendrait peut être compte des douleurs causées par la coxalgie et qui ne paraissent pas essentielles à l'ulcération osseuse. Enfin comme circonstances notables, je rappellerai les caractères du pus qui ressemble à s'y méprendre au pus des tubercules; et enfin l'état des glandes que j'ai rencontrées aussi gorgées et même fluctuantes, et qui à une certaine époque est pour moi un des symptômes les plus significatifs de la coxalgie. Les cautères ont paru avoir eu

(1) Recherches sur quelques maladies des os; à la suite de la Clinique de Desault, par Cassius.

(2) Collection de Nicétas, notes.

des effets favorables; remarque sur laquelle nous revien drons plus tard.

Comment avait eu lieu cette altération? D'après les observations de Brodie, il paraît que le cartilage s'ulcère par sa face synoviale. Je ne puis appuyer ni combattre cette opinion, n'ayant pas eu occasion de disséquer une articulation dans le commencement de la maladie; quoi qu'il en soit, on ne trouve pas la moindre trace du cartilage qui se convertit tout en pus ou est tout absorbé, comme l'épiderme dans les ulcérations cutanées. Au contraire il n'est pas rare de trouver dans le pus de très-petits fragmens osseux pareils à du gravier. L'ulcération continuant d'ailleurs après cette absorption des cartilages, la maladie attaque bien évidemment les os, malgré la dénomination qui lui avait été imposée par Brodie. L'observation suivante mettra cette assertion hors de doute.

Obs. VII- Le nommé Brocard, sous-officier sédentaire âgé de 25 ans, mourut au Val-de-Gráce au mois d'août 1829. Voici les renseiguemens que l'on put avoir sur son compte. Extrêmement adonné aux femmes et se vantant de pousser le coït jusqu'à 10 et 14 fois, fréquemment il s'était fait mettre aux arrêts pour ses absences nocturnes. Alors il accusait de violens points de côté, pour lesquels on l'envoyait à l'hôpital; et après y avoir réparé ses forces, il en sortait pour recommencer le même train de vie. C'est ainsi que depuis trois ans et demi il était venu plus de dix fois au Val-de-Grâce, et qu'il avait successivement traîné dans tous les services. On l'envoya deux fois aux eaux de Bourbonne. La seconde fois, deux ans avant sa mort, il était affecté d'ascite à la suite d'une péritonite; et il commençait déjà à se plaindre des lombes et à se courber en avant; quatre mois de séjour à Bourbonne dissipèrent l'ascite; mais la douleur lombaire persista; et enfin, entré pour la dernière fois à l'hôpital, on l'évacua des fièvreux à la salle 20 des blessés, où je pus l'examiner plusieurs mois à loisir.

Voici quel était son état en juillet 1829. Vers le tiers inférieur du dos, saillie d'une apophyse épineuse, douleur vive et persistante à quatre travers de doigt au-dessous de cette tumeur; courbure du tronc en avant; des douleurs très-variées et qui lui arrachaient des cris, parcouraient les membres inférieurs, l'abdomen et la poitrine; la respiration était anhélante; la douleur le tourmentait nuit et jour, et lui ravissait le sommeil ; tantôt couché sur le dos, tantôt sur le côté gauche, plus souvent sur le droit, quand il avait pris une position, il refusait d'en changer, même pour être pansé. Les jambes étaient faibles, mais libres et sensibles; mais les mouvemens accroissaient ses douleurs. Appétit presque nul; la vessie et le rectum faisaient bien leurs fonctions; et dans ce déplorable état nous eûmes la preuve qu'il avait encore consommé le coït avec sa femine.

On avait employé successivement moxas, vésicatoires, ventouses scarifiées; le tout sans succès. Afin de tempérer ses douleurs, on prescrivit l'opium à l'intérieur, le liniment volatil en frictions; puis on revint à un vésicatoire sur le siége même de la douleur; néanmoins elle continuait. Une incision d'un pouce de longueur fut faite avec le bistouri et entama toute la peau; il en fut soulagé deux jours entiers; puis la douleur revenant, mais avec des intermittences, il désira aller respirer l'air natal. Sa convalescence était accordée, lorsque le 20 août à une heure du matin il cessa de se plaindre pour s'endormir et à trois heures il expira.

Autopsie. Maigreur générale sans infiltration; la tête couverte de cheveux noirs et très-épais. Je glisserai légèrement sur l'examen des viscères. Le cerveau, le cervelet, le bulbe rachidien très-fermes; la pie-mère rouge et décollée en quelques points, partout ailleurs infiltrée d'albumine grisâtre et coagulée; sérosité rougeâtre dans les ventricules. L'estomac tapissé de mucosités, contracté vers le pylore;

sa muqueuse, qui parut un peu épaissie, était panachée de taches rouges et grises. Le reste du tube intestinal sain ; les ganglions mésentériques tuméfiés en divers endroits; deux petits tubercules crus et un troisième ramolli dans le rein gauche; la capsule surrénale du même côté renflée à une de ses extrémités en trois lobes blancs d'aspect et de consistance cartilagineuse.

Dans la poitrine, adhérences pleurales générales à gauche, mais faciles à détruire; et les deux tiers supérieurs du poumon occupés par des cavernes et des granulations miliaires. A droite, la cavité thoracique affaissée, aplatic, déformée; les côtes ont une forme prismatique triangulaire, surtout en arrière où le périoste n'y adhère plus. Toutefois leur aspect et leur consistance sont normales. Le poumon droit refoulé par les côtes est vide de sang et d'air à sa partie inférieure comme dans le cas d'hydrothorax; en \ haut, il contient des tubercules et des cavernes. Partout il est intimement uni à la plèvre, et celle-ci confondue avec le périoste des côtes forme une masse fibro-cartilagineuse qui a de quatre à six lignes d'épaisseur et même davantage, surtout en haut et en arrière.

Rachis. De la 6a à la 12° vertèbre dorsale inclusivement, le périoste antérieur des vertèbres est épaissi, lardacé à gauche, fibro-cartilagineux à droite; et séparé du corps de ces os par une masse de matière blanche, caséïforme, tout à fait semblable à la matière des tubercules et ramollie en quelques points. La 8 et la 10° vertèbre offrent un aspect noirâtre qui occupe une profondeur d'une ligne environ d'ailleurs la consistance est toute normale; les autres sont saines pour la couleur aussi bien que pour la consistance. Mais la 9o est rongée dans toute son épaisseur et réduite à deux fragmens, l'un supérieur ayant une ligne d'épaisseur; l'autre inférieur, un peu plus épais; leur surface érodée est dure, blanche, mêlée de stries rosées, et mouillée par la matière caséeuse qui communique

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ainsi avec le canal vertébral. Le périoste postérieur est décollé du corps de la 8° vertèbre et en partie du corps de la 10°; celle-ci présente en arrière une ulcération de quelques lignes de profondeur. Tous les fibro-cartilages intervertébraux étaient entiers et sains.

Dans ce dégât, la moelle épinière était restée entière, nullement comprimée, très consistante en haut et en bas, un peu plus molle aux environs de l'ulcération; d'ailleurs d'aspect sain. La pie-mère, depuis le milieu de la région cervicale jusqu'à la région lombaire, rouge et en partie décollée. Les nerfs sains à leur origine : plus loin entourés de substance lardacée. La neuvième paire dorsale offrait du côté droit, à sa sortie du trou de conjugaison, un renflement assez remarquable.

Les ganglions lymphatiques de la poitrine en partie mélanosés et en partie tuberculeux.

On notera dans cette observation la consistance du pus dont la partie séreuse semblait avoir été absorbée; l'état sain des fibro-cartilages et l'ulcération des os absolument primitive; la teinte noire de deux vertèbres sans accès de l'air; l'absence de toute trace d'inflammation osseuse. Le soulèvement du périoste était-il primitif ou consécutif? On peut soutenir l'un et l'autre, car le pus secrété par la face osseuse du périoste ressemble au pus osseux lui-même. Remarquez aussi, parmi les symptômes, le siége de la douleur en un autre endroit que la lésion osseuse, l'inutilité des dérivatifs cutanés, le succès quoique temporaire de l'incision de la peau tout entière.

Cette ulcération se montre aussi bien sur les cartilages que sur les os eux-mêmes; et ce n'est pas là l'unique ressemblance entre les maladies de ces deux tissus. On sait que les fractures des cartilages ont un cal osseux comme celles des os eux-mêmes.

Obs. VIII-Il mourut à la salle 6, no 5, un vieux soldat,

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homme grand, robuste, à cheveux bruns, au teint brun, tempérament bilieux. Il était maître d'armes dans un régiment, et souvent tirant à nu, le fleuret moucheté en bourre ou même sans bourre de ses élèves venait lui heurter la poitrine. Vers la fin d'août 1828, il s'aperçut d'une tumeur au côté gauche du sternum, et vint à l'hôpital. La tumeur se fit jour peu à peu par plusieurs petites ouvertures; bientôt une ancienne cicatrice provenant d'un coup d'épée à la poitrine, se rouvrit et donna lieu à une nouvelle fistule. Enfin, vers le commencement de juin 1829, il fut forcé de s'aliter, ce qu'il n'avait point fait jusqu'alors.

A cette époque, il avait la respiration gênée, toussait et crachait du pus. A chaque effort de toux, le pus sortait de la fistule la plus inférieure. Ce pus était blanc, bien lié, mais exhalant une odeur aigre insupportable. Vers la mi-juin, une tumeur parut inopinément sur une des côtes gauches; en quelques jours la fluctuation s'y fit sentir; un coup de trocart en fit sortir un pus séreux mêlé de légers flocons caséeux; l'os était à nu. Quelque temps après se formèrent sur la 2o et la 3° côtes du même côté, des tumeurs diffuses, solides, qu'on aurait dit formées par l'accroissement de ces os; elles étaient au toucher très douloureuses. Peu à peu elles devinrent fluctuantes ; l'une perça d'elle-même ; le bistouri ouvrit l'autre, il sortit un pus séro-caséeux comme de la première et sans aucune odeur. Mais bientôt il acquit l'odeur aigre des fistules primitives. Il se fit encore de nouvelles ouvertures ailleurs; la puanteur était telle qu'il fallut le panser deux fois par jour et imbiber d'eau chlorurée tout le bandage; la quantité de pus était énorme. Il mourut dans le courant du mois de novembre.

Autopsie. Sur le sternum, dix fistules réunies en trois ulcères, et de la troisième à la sixième côte, huit fistules isolées ou réunies. La peau qui, durant la vie était lisse et

rouge luisante autour de ces ouvertures, avait complète ment pâli après la mort.-La peau étant enlevée avec précaution, l'origine du grand pectoral gauche parut réduite · eu sanie d'un gris noirâtre; le premier et le deuxième muscle intercostal droit lardacés près du sternum; le troisième plus que les deux autres ; et vis-à-vis, un petit foyer avec dénudation du sternum. Les 2%, 3o, 4° et 5° côtes gauches présentent en avant des ulcérations entamant le quart et même la moitié de leur épaisseur, avec quelques points noirâtres. Mais le foyer principal était vers l'union des cinq dernières vraies côtes gauches au sternum; toutes ces articulations étaient détruites, les os à nu et ulcérés; le sternum en particulier, érodé sur ses deux faces, avait subi inférieurement une perte de substance qui l'avait divisé en deux fragmens; partout l'ulcération était d'un brun noirâtre. A la face antérieure on retrouvait le périoste sternal à compter de la quatrième côte à droite et de la troisième à gauche jusques en haut; ce périoste était adhérent à l'ordinaire, à peine altéré, et comme lardacé en quelques points. A la face interne, le sternum en était recouvert à peu près dans la même étendue; le périoste était noirâtre, mais peu altéré dans sa consistance et adhérent à l'os comme à l'ordinaire. Au-dessous de lui, l'os était blanc, d'aspect normal, semé néanmoins de légères taches noirâtres. Du reste, le pus s'était creusé un foyer à parois lardacées dans le médiastin sous le sternum revêtu de son périoste; c'est de là que venait cette énorme quantité de pus qui émergeait par les dix ouvertures indiquées. Les cartilages des cinq dernières vraies côtes gauches étaient fortement érodés et ulcérés; d'ailleurs ils avaient la blancheur et la consistance normales; on n'y voyait pas un vaisseau.

Le poumon droit était sain, seulement un peu lardacé au voisinage du sternum; le gauche tout entier était induré,

comme lar.lacé, criblé de pus, totalement adhérent aux côtes, et communiquant par plusieurs fistules avec le foyer sous-sternal.

Les altérations des autres viscères importent peu à notre sujet.

Voilà l'ulcération des cartilages passée sous silence par la plupart des auteurs. Je l'ai retrouvée encore avec des circonstances semblables sur les deux arythénoïdes dans un cas de phthisie laryngée. Dusault en a cité aussi un cas dans son Journal de Chirurgie.

le

Nous avons vu sur ce malade se former ces ulcérations; pus en sortir avec les caractères du pus osseux; et alors il était inodore. Par la suite, le pus était lié et fétide. Cela provenait sans doute de ce qu'il était sécrété pour la plus grande partie par les parties molles, et qu'il était soumis non pas seulement à l'air extérieur, mais au courant sans cesse renouvelé de l'inspiration pulmonaire.

Les os étaient noirs en plusieurs points, noirâtres et comme superficiellement colorés en d'autres. Est-ce bien là, après tout, un signe de gangrène ? Quand la partie noire est sèche, cassante ou ramollie, friable, mais privée de sucs, on peut affirmer qu'il n'y a plus vie; mais dans cette simple coloration, semée ça et là au milieu d'un os sain d'ailleurs, cela peut exciter le doute. Dans l'observation précédente, il était difficile déjà de prendre ces taches noirâtres pour la gangrène. Les tissus mous n'étaient-ils pas noirâtres, même assez profondément dans celle-ci, sans qu'on pût en aucune façon accuser la gangrène? En voici un cas plus remarquable encore.

Obs. IX.--Un individu à cheveux noirs, squelette robuste et bien constitué, nous vint de la salle 21 à l'amphithéâtre. Il portait deux ulcères fistuleux, noirâtres, l'un à l'aîne gauche, l'autre à la région lombaire droite. Le premier communiquait par un large canal creusé sous le mus

cle psoas avec la face antérieure dénudée du sacrum; la dernière vertèbre lombaire était aussi dénudée; le cartilage intermédiaire disparu; les deux symphyses sacro-iliaques aussi disjointes, rugueuses, et comme superficiellement ulcérées. Tous ces os étaient d'uu noir foncé dans une épaisseur de plusieurs lignes, secs et durs, sans aucune odeur. Mais le canal muqueux accidentel lui-même avait une teinte noire ardoisée très-foncée, quoique rien dans sa texture ou son aspect n'annonçât la gangrêne. Le muscle psoas était entièrement lardacé.

L'autre ulcère communiquait avec une affection toute pareille de la crête iliaque droite. Le canal des chairs était également noirâtre. Le psoas de ce côté rempli de foyers purulens petits, nombreux, indépendans. Les pieds étaient légèrement infiltrés; on en trouva la raison dans une phlébite des veines crarales, chose presque constante dans ces infiltrations. Depuis l'origine de l'hypogastrique jusqu'à mi-jambe, ces veines étaient remplies de caillots noirs, consistans, qui prenaient une teinte un peu blanchâtre vers l'artère crurale.

Du reste les chirurgiens ont eu assez souvent occasion de se convaincre, dans la hernie étranglée, qu'il ne faut point s'en laisser imposer par la couleur noire de l'intestin.

Ce même état d'ulcération noirâtre se remarque aussi bien dans les articulations que partout ailleurs : nouvelle preuve, s'il en était besoin, que l'affection est bien propre aux extrémités osseuses et non aux cartilages.

Obs. X.-Une amputation de jambe fut faite, salle 20, dans les derniers jours de 1828, pour affection de l'articulation tibio-tarsienne. A la dissection nous trouvâmes une douzaine de trajets fistuleux allant de l'extérieur à l'articulation tibio-tarsienne, et contournant tous les tendons sans les toucher; au contraire des foyers de pus dans le bas de la jambe avaient envahi le corps des muscles.

qui était rouge, endurci, lardacé. Autour de l'articulation une couche énorme de graisse qui à elle seule formait presque toute la tumeur. Les ligamens convertis en une substance rouge et fongueuse, molle, facile à rompre. Plus de cartilage ni de synoviales. Les surfaces osseuses nues, ulcérées, dures et absolument noires.

Nous noterons ici le respect des trajets fistuleux pour les tendons et cet amas de graisse autour de l'article. Dans une autre observation, nous avons vu les tendons affectés, mais l'affection avait alors très-probablement débuté par leurs bourses muqueuses.

Obs. XI.- Un individu fut apporté à l'amphithéâtre d'une salle de médeciue. L'autopsie démontra qu'il avait succombé à une phthisie complète. Tubercules crus et cuits, cavernes, rien n'y manquait. En arrachant le lobe supérieur du poumon droit, qui avait, avec la plèvre, des adhérences de longue date, je sentis des aspérités osseuses; et y portant toute l'attention convenable, je trouvai une ulcération avec couleur noire très-foncée et consistance normale de la tête de la première côte et de la face correspondante de la première vertèbre. Chose remarquable, il n'y avait aucun vestige de pus ni d'autre sécrétion morbide.

Brodie a rencontré plusieurs de ces cas où les cartilages et les os semblaient ulcérés sans matière. Etait-ce absorption pure et simple des parties dures ou plutôt absorption du pus produit? Cette dernière opinion me semble la plus probable, surtout si on la compare avec les observations de Brodie, qui a pu diminuer le volumé des abcès de ce genre par les cautères; et de M. Larrey, qui plusieurs fois dit les avoir fait complètement résorber.

La teinte noire était ici très prononcée, quoique Weidmann enseigne que la couleur noire ne vient que du contact de l'air. Il cite à l'appui une observation assez curieuse

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d'un séquestre qui devint noir dans la partie exposée à l'air, tandis que la partie encore cachée dans le pus et les chairs était demeurée blanche. Peut-être d'ailleurs objecterait-on qu'ici il aurait pu y avoir accès de l'air par une fistale pulmonaire, ce qui, quoique peu probable, ne serait point impossible. Nous rappellerons l'observation de Brocard, où nous trouvâmes un commencement de coloration noirâtre; mais celle qui suit sera plus concluante

encore.

Obs. XII.- Un soldat de 25 à 30 ans entra salle 20, lit 12, avec un gonflement énorme du genou et des douleurs atroces qui ne lui laissaient aucun instant de sommeil. Les sangsues, les opiacés à l'intérieur et à l'extérieur, rien n'y fit; deux incisions qui intéressaient toute la peau, pratiquées par M. Gama sur les côtés de l'article, parurent apporter quelque soulagement; mais il dura peu, et le malade se décida à l'amputation qui fut faite vers le milieu de novembre.

0

A l'autopsie, il apparut que cet énorme gonflement venait 1.o d'une grande quantité de graisse accumulée autour de l'article; 2°. du gonflement de la synoviale ; 3. d'un amas de sérosité purulente dans l'article. Une fistule ouverte au dehors communiquait avec un foyer dle pus situé entre le tibia et le péroné; divers autres foyers occupaient le corps des muscles de la jambe; aucun n'allait dans l'articulation même.

La synoviale était fongueuse, très-épaissie, excepté sur les surfaces esseuses; les cartilages articulaires étaient sains sur la rotule; à la partie antérieure du fémur ils étaient blancs, minces, secs, comme une feuille de parchemin; au-dessous une pulpe rougeâtre les séparait de l'os qui était blanc, dur, et ne différait pas de l'état sain; sur les condyles du fémur et du tibia, même aspect des cartilages; au dessous d'eux une pulpe rougeâtre, puis

les os ayant une teinte noirâtre assez marquée. En quelques points le cartilage avait totalement disparu; les os à nu paraissaient ramollis, offrant une teinte brune mêlée de quelques taches grisâtres et de quelques points rougeâtres. Le fémur et le tibia étant sciés selon leur longueur, je trouvai que la teinte noire avait deux à trois lignes de profondeur, et allait en s'affaiblissant, passant au gris et se confondant avec la couleur jaunâtre naturelle aux os. Le ramollissement ne s'étendait pas plus loin.

Nous retrouvons ici la graisse accumulée autour de l'article, l'érosion des cartilages par leur face osseuse; l'utilité des incisions à la peau pour calmer la douleur ; et le ramollissement rouge passé jusqu'au noir. Il n'y avait certainement aucune communication avec l'air.

D'un autre côté on se figurerait à tort que l'exposition à l'air noircit inévitablement une gangrène osseuse. Dans la V observation, l'escarre de l'os était grisâtre quoique mise à nu depuis long-temps. Le cas suivant, en nous montrant une nouvelle forme de la gangrène du tissu osseux, prouve que la couleur noire ne lui est point nécessairement inhérente (1).

Obs. XIII.- Un malheureux soldat fut placé dans la salle 16, lit 4, pour un ulcère cancéreux sous la mâchoire. L'ulcère saignait à chaque pansement et répandait une odeur tellement insupportable qu'enfin il fallut évacuer le malade dans une salle isolée. L'engorgement des glandes et la profondeur du mal défendaient de songer à aucune opération. Après avoir langui long-temps, il mourut.

L'ulcère qui avait débuté par la peau avait ensuite envahi la branche et tout le côté droit de l'os maxillaire.

(1) Nous venons d'en voir récemment à l'Hôtel-Dieu un exemple bien plus remarquable. Un séquestre fort étendu du tibia exposé à l'air depuis très-long-temps, était anssi blanc en ce point que dans la portion cachée dans les chairs.

Cet os était gris-jaunâtre, friable, sec, et s'en allait en fragmens dès qu'on le touchait. Les dents contiguës au tissu mortifié n'avaient nullement souffert.

On pourrait dire que c'était là une des faces du cancer de l'os, puisque le mal ne provenait que de l'empiètement d'un ulcère cancéreux. Mais ce mot de cancer est luimême si vague et s'applique à des affections si diverses qu'il ne saurait trouver place en anatomie pathologique.

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1

Quelle qu'en fût la cause, il y avait mort de l'os, gangrène; seulement avec des circonstances dépendant de la maladie primitive.

X

Jusqu'à présent nous n'avons guère parlé que de la gangrène survenue après l'inflammation ou l'érosion, et non de la gangrène isolée de toute maladie de l'os antérieure. C'est ce dernier point qui a été le mieux étudié: l'histoire des séquestres a été travaillée sous tous les aspects. Mais comme alors le plus souvent on n'a pu faire l'étude anatomique des séquestres qu'après un long temps durant lequel il avait subi de nombreuses influences, nous rapporterons un cas bien tranché de sphacèle osseux complet.

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Obs. XIV Une femme de 40 ans entra à l'hôtel-Die'i le 15 juillet 1832, pour une gangrène commençante de la jambe droite. M. Dupuytren reconnut une artérite de

la fémorale et même de l'iliaque de ce côté; cinq saignées répétées à courts intervalles n'arrêtèrent que faiblement les progrès du mal; et quand la malade succomba le 19 août suivant, toute la jambe était sphacélée, et la gan



grène montait déjà au tiers de la cuisse.

Ja

Je passe sous silence les détails de l'autopsie qui n'ont point trait à mon sujet. Le tibia et le péroné étaient d'un blanc pâle, grisâtre, la moelle de même couleur; le périoste aussi adhérent que dans l'état naturel.

Il semblerait dès lors que l'os est réduit à l'état cadavé

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rique pur; il faut toutefois admettre une différence, signaléc surtout par la faculté de l'os sphacélé de noircir au contact de l'air. Nous avons déjà rappelé le cas cité par Weidmann; et les observations analogues ne sont point rares dans la science.

Le sphacèle, ou la nécrose, comme on voudra, attaquait à la fois les épiphyses et la diaphyse des os. Mais hors des cas d'une gangrène générale, cette gangrène sèche, sans inflammation, là nécrose enfin, peut-elle atteindre isolément le tissu spongieux ? La chose est désormais hors de doute. J. L. Petit avait déjà vu la rotule entière ainsi frappée de mort (1); M. Blandin a cité un fait analogue pour l'olécrane (2); M. Cruveilhier a vu une nécrose du calcaneum (3); et il y a trois ans, M. Roux a été obligé de dégager par une opération un séquestre partiel de ce même os. J'ai vu à la Société anatomique une pièce présentée par M. Blandin où presque tous les os du tarse étaient tout à fait secs, noirs, durs; le périoste adhérant encore en plusieurs points, Enfin j'ai eu occasion de traiter dans les salles de chirurgie de l'hôpital Ordinacki à Varsovie, un de ces malheureux soldats de Grochow, qui avait eu les orteils gelés en bivouaquant dans la neige. Les orteils étaient tombés ; les têtes des cinq métatarsiens étaient dénudées, noires, dures et brillantes comme l'ébène ; la séparation s'en fit attendre plusieurs mois.

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Je ne veux point accumuler davantage les observations anatomiques. Il importe maintenant d'en tirer quelques conséquences pour l'histoire pathologique du tissu osseux, et d'abord de rechercher la cause de la confusion qui règne à ce sujet et dans les mots et dans les choses, et chez les chirurgiens des âges antérieurs et dans les écrits des modernes. Ce sera le sujet d'un autre article.

(2) Mal. des os, t. II, p. 481.

(2) Séance publique de la Société anatomique ; 1829, p. 17. (3) Ibid.

MEDECINE ÉTRANGÈRE.

Altérations des reins qui se manifestent pendant la vie par la présence d'un excès d'albumine dans l'urine; par J. CRAUFURD GREGORY, M. D., médecin de l'Infirmerie royale d'Edimbourg (1). ( III.° article. )

D. Cas dans lesquels les malades sont sortis de l'hôpital soulagés ou guéris en apparence.

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une

Obs. XLVI Elisabeth M Cabe, âgée de 18 ans, entra à l'infirmerie le avril 1831 9 pour douleur continuelle dans les reins, qui augmentait par la pression et par les mouvemens d'inspiration. Urine rare, œdème aux pieds et aux mains, nausées, mais pas de vomissemens; peau chande, pouls dur et donnant 1 20 pulsations par minute. Cette affection, que la malade attribuait à un refroidissement subit, s'était déclarée sept jours auparavant par une douleur dans le dos qui fut suivie d'une diminution de la quantité d'urine et d'un commencement d'œdème. Les douleurs lombaires continuèrent malgré l'application de nombreuses sangsues, mais elles diminuèrent, et disparurent même complètement, après une saignée du bras qui donna douze onces de sang couenneux; il en fut de même de l'œdème. Le 12 l'urine, qui était devenue plus copieuse, donnait un précipité floconeux très-abondant par la chaleur, et sa pesanteur spécifique était de 1019; le 13 elle était moins coagulable et sa pesanteur spécifique n'était plus que de 1015; enfin le 15, sa coagulabilité n'existait plus; sa pesanteur spécifique était de 1016, et sa quantité

(1) The Edinburgh Med. and Surg. Journal, janvier 1832. V. les deux premiers extraits, tome XXVIII, p. 184, et tome XXX, p. 374.

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était presque naturelle. La malade sortit le 19 ne souffrant plus, et ne conservant qu'un peu de fréquence du pouls. Deux jours après elle rentra à l'hôpital; elle s'était de nouveau exposée au froid, et les douleurs lombaires avaient reparu plus violentes que jamais et avec elles la coagulabilité de l'urine, dont cependant la quantité était presque naturelle et la pesanteur spécifique de 1022, 5. Des ventouses scarifiées sur les lombes firent cesser les douleurs. On administra à la malade de la crême de tartre, la scille et les laxatifs; et sous l'influence de ces moyens, l'urine dont la quantité ne dépassa guère la limite naturelle, devint d'une couleur très claire; sa coagulabilité diminua progressivement et sa pesanteur spécifique resta variable entre 1010, 5 et 1017. Elisabeth sortit une seconde fois en apparence guérie le 16 mai; mais le 27 du mois suivant elle revint pour la troisième fois, présentant les mêmes symptômes que précédemment; seulement l'urine n'était plus albumineuse, elle était peu foncée en couleur, assez abondante et d'une pesanteur spécifique variable entre 1008 et 1023. De nouvelles ventouses scarifiées, un vésicatoire et quelques autres moyens firent encore disparaître les accidens, et elle sortit le 20 juillet. M. Gregory n'a plus entendu parler de cette fille; mais il ne doute pas que tôt ou tard la maladie ne reparaisse plus grave et ne mette un terme à ses jours.

Obs. XLVII. - John Sinclair, âgé de 40 ans, pêcheur, fut admis à l'infirmerie le 14 mai 1830 avec un œdème considérable des jambes qui s'étendait jusqu'aux genoux, qui existait depuis six mois environ, et qu'il attribuait à un refroidissement qu'il avait éprouvé étant à la mer. Le malade ne se plaignait d'aucune douleur et n'offrait aucun symptôme fébrile, ni aucun signe d'affection du cœur ou du foie. La quantité d'urine avait considérablement diminué; mais elle devint en peu temps très abondante par l'em

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ploi de la crême de tartre. Le 15 ce liquide, examiné avec soin, était très - albumineux ;sa densité était de 1101. L'œdème diminua rapidement, et le 19 le malade sortit guéri.

Obs. XLVIII. - Mrs Laird, âgée de 63 ans, fut prise, après s'être exposée au froid et à l'humidité, d'une douleur à la partie antérieure de la poitrine, avec toux, expectoration, un peu de dyspnée et quelques palpitations. Une quinzaine de jours après l'apparition de ces symptômes il survint un gonflement œdémateux de la figure et des mains, accompagné de douleur continuelle dans la région lom+ baire, diminution de la sécrétion urinaire, nausées et vomissemens peu fréquens. Elle fut reçue à l'infirmerie le 19 mai 1830. A cette époque l'œdème de la face et des mains avait disparu, mais il avait envahi les jambes. La partie inférieure de l'abdomen était gonflée, mais sans fluctuation distincte. L'urine, d'une couleur foncée, était très-rare, d'une pesanteur spécifique de 1025, et par la chaleur, fournissait un précipité floconneux trèsabondant. La respiration était rapide, le pouls irrégulier sous le rapport de sa force et de sa fréquence. L'auscultation ne laissait aucun doute sur l'existence d'une affection catarrhale; mais il n'y avait aucun signe de maladie du cœur. On mit en usage la crême de tartre, la digitale et la scille, et sous l'influence de ce traitement, l'œdème disparut graduellement; la respiration devint facile et rẻgulière et la sécrétion de l'urine très-abondante. Le 25, la quantité de ce liquide était de 10 livres et il ne coagu. lait plus par la chaleur; le 27, l'œdème avait presque complètement disparu; le 12 juin, l'urine, qui avait repris sa couleur naturelle, était revenue à sa quantité ordinaire, et la malade sortit guérie.

Obs. XLIX. - Margaret Campbell, âgée de 40 ans, entra à l'infirmerie le 3 mars 1829. Elle présentait un

gonflement du ventre avec fluctuation obscure et un œdème des jambes, qui dataient d'une dixaine de jours. L'urine était rare, d'une couleur rougeâtre depuis l'invasion de la maladie qui avait commencé par des douleurs dans la région lombaire. En outre cette femme se plaignait de vomissemens, d'une toux fréquente avec expectoration abondante, et présentait plusieurs des signes de la phthisie pulmonaire. Au moment de son admission, son urine coagulait par la chaleur, et cette coagulabilité persista plus ou moins forte pendant le séjour de la malade dans les salles de M. Gregory. Sous l'influence de la crême de tartre, l'urine devint beaucoup plus abondante et tous les symptômes d'hydropisie diminuèrent graduellement ; le 12 ils avaient entièrement disparu, et le 28, la malade sortit dans un état très-satisfaisant, mais présentant encore plusieurs signes de phthisie.

Obs. L.-Mary Ewart, âgée de 32 ans, fut prise, deux mois avant son admission à l'infirmerie le 12 février 1830, de nausées et de vomissemens à la suite d'une constipation opiniâtre. Au moment de son entrée, le ventre était énormément tuméfié; mais ce gonflement paraissait tympanique et sans fluctation distincte. Il n'existait pas d'œdème; les évacuations alvines étaient nulles, et la malade se plaignait de flatuosités et d'autres symptômes dépendant d'un état dyspepsique et hystérique. L'urine était très-peu abondante, foncée en couleur et fortement coagulable par la chaleur; le 21 sa couleur était plus claire et l'application de la chaleur ne fit que la troubler un peu; sa pesanteur spécifique était de 1013, 5. Le 27 elle était devenu de nouveau très-coagulable. On employa alternativement la scille et les laxatifs, et le gonflement de l'abdomen diminua graduellement à mesure que l'urine devint plus abondante. Le 2 juin, Mary Ewart sortit dans un état très-satisfaisant.

Obs. LI -Thomas Forrest, âgé de 45 ans, ouvrier, entra le 18 décembre 1829 à l'infirmerie, présentant ungonflement de l'abdomen avec fluctuation manifeste, œdème des extrémités inférieures, un peu de toux et de gêne dans la respiration. L'urine était peu abondante, d'une conleur foncée, très-albumineuse et d'une pesanteur spécifique de 1025; le pouls fréquent et plein, mais sans indice de maladie de cœur. Une saignée de douze onces et l'emploi de la crême de tarire et de la scille, et plus tard de la digitale, augmentèrent la quantité d'urine qui cependant ne dépassa pas l'état naturel, et diminuèrent peu à peù l'œdème. Le malade sortit le 10 janvier 1820, ne conservant plus qu'un peu de dureté et de ballonnement de l'abdomen. LII Obs. Margaret Kay, veuve, âgée de 60 ans, éprouvait depuis deux mois de la douleur dans la région du sternum, de la dyspnée, de la toux avec expectorătion peu abondante, lorsqu'elle entra à l'infirmeric le 24 juillet 1831. La malade rapportait ces accidens à l'action du froid et à une fatigue excessive. Le ventre était gonflé, mais sans fluctuation, et il existait un peu d'œdème aux mains et aux pieds. L'examen de la poitrine ne laissa aucun doute sur l'existence d'une affection catarhale. Le pouls était fréquent, plein et dur. On pratiqua une saignée de seize onces et on administra une solution de tartre stibié, avec beaucoup d'avantage. L'urine était le lendemain assez abondante, d'une pesanteur spécifique de 1010, et se troublait par l'application de la chaleur. Le 20 l'œdème avait disparu, et quoique la toux persistât que le pouls conservât de la fréquence, la malade qui se disait guérie sortit d'après sa demande.

et

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L'auteur fait observer que c'est seulement la faible pesanteur spécifique de l'urine qui l'a porté à ranger çette observation avec les autres; car ce liquide était à peine albumineux et d'ailleurs les symptômes existans ne lais

saient aucun doute sur la présence d'une inflammation des organes thoraciques.

LIII Obs. Catherine Reid, mariée, âgée de 40 ans, fut admise à l'infirmerie le 9 août 1831, se plaignant d'une douleur très-forte dans la région lombaire et augmentant par la pression, d'un sentiment de constriction tout autour du ventre et d'élancemens passagers qui se propageaient dans le bassin et dans les cuisses. L'abdomen, vers l'ombilic et l'hypochondre droit, était d'une sensibilité extrême, un peu distends, mais sans fluctuation distincte. D'ailleurs constipation opiniâtre, langue sale, pouls presque naturel. Ces accidens dataient d'environ cinq mois, et la malade les attribuait à la fatigue qu'elle avait éprouvée en portant un lourd fardeau à une assez grande distance, fatigue qui fut suivie d'une métrorrhagie très-abondante, qui se renouvela plusieurs fois et s'accompagna d'un œdème des pieds et des mains. Au moment de son entrée, les symptômes d'hydropisie avaient presque complètement disparu. L'urine était rare, peu foncée en couleur, d'une pesanteur spécifique de 1016, et se troublait par la chaleur. Des ventouses scarifiées à la région lombaire, des sangsues sur l'abdomen, enlevèrent les douleurs qui ne reparurent plus; mais des nausées, des vomissemens et une diarrhée abondante qui persista pendant environ un mois malgré l'emploi de l'opium à des doses assez élevées, vinrent retarder la guérison. Pendant tout ce temps l'urine resta peu abondante, et examinée un jour avec attention on trouva qu'elle était d'une couleur jaune paille très-claire, d'une pesanteur spécifique de 1009, qu'elle n'était plus coagulable quoiqu'elle fournît encore un précipité floconneux par les additions du sublimé corrosif, et que sa quantité pour vingt-quatre heures n'était que d'une livre. On employa la crême de tartre à la dose

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d'une demi - once par jour, et l'on vit promptement augmenter la quantité d'urine jusqu'à quatre livres. Sa couleur devint très-claire et sa pesanteur spécifique variable entre 1006 et 1008. En même temps les vomissemens et la diarrhée cessèrent, et le 24 septembre la malade sortit très soulagée. Son urine ce jour-là était redevenue un peu coagulable.

Cette femme revint le 5 octobre, présentant tous les symptômes précédemment indiqués excepté l'œdème, et fut placée dans les salles du professeur Christison. Le 7, la quantité d'urine était de deux livres par jour, d'une couleur pâle, un peu coagulable par la chaleur et beaucoup plus par le sublimé. Elle sortit en bon état de santé le 28 du même mois.

Les observations précédentes ont été recueillies par M. Gregory dans son service à l'infirmerie d'Édimbourg. Les treize qui vont suivre lui ont été communiquées par le professeur Christison.

LIV Obs. Jane Sidney, agée de 21 ans, nɔn mạriée, éprouvait depuis près de cinq ans des douleurs dans la région lombaire, et depuis deux ans des douleurs dans le bas-ventre revenant par intervalles et s'accompagnant d'un sentiment douloureux après l'émission des urines. Elle entra à l'infirmerie vers la fin d'août 1829. L'urine variait en quantité de une à deux livres par jour; sa pesanteur spécifique était de 1017, 5; elle présentait un dépôt muqueux très abondant, et après l'avoir filtrée sa couleur était très-pâle et elle coagulait fortement par la chaleur.

La malade resta à l'hôpital jusqu'au milieu d'octobre et fut renvoyée guérie. Les douleurs de reins et la dysurie reparurent plusieurs fois pendant le traitement, qui consista en plusieurs évacuations sanguines par les sangsues et les ventouses scarifiées, et dans l'emploi de la

scille, de l'opium et de la crême de tartre. Ces moyens, et surtout les premiers, eurent un plein succès contre les douleurs lombaires, mais ne déterminèrent jamais une augmentation sensible de la sécrétion urinaire.

LVe Obs. Alison Murray, âgée de 38 ans, fut admise vers le milieu de décembre 1829, pour une affection catarrhale; mais un examen attentif fit reconnaître tous les symptômes d'une maladie organique des reins; c'est-à-dire, une douleur sourde dans la région lombaire, une sécrétion d'urine s'élevant à sept livres par jour, sans que la malade fit usage d'aucun diurétique; une couleur très-rouge de ce liquide qui était fortement coagulable, et dont la pesanteur spécifique n'était que de 1008; du reste, pas d'œdème ni de gonflement de l'abdomen. Cependant, en questionnant la malade on apprit que deux ans auparavant elle avait eu une hydropisie avec gonflement considérable des membres, du ventre et de la face, accompagnée d'une diminution très-grande de la sécrétion de l'urine, et qui persista pendant environ quinze jours. Des ventouses scarifiées firent cesser complètement les douleurs, les symptômes de l'affection catarrhale disparurent et, après un séjour d'une quinzaine de jours, elle quitta l'hôpital dans un état de santé très satisfaisant; seulement l'urine était encore un peu plus abondante que d'ordinaire et conservait un peu de coagulabilité et une pesanteur spécifique moindre que dans l'état sain.

•LVI. Obs. Catherine Murray, âgée de 28 ans veuve, était affectée depuis un an d'une maladie grave de l'appareil urinaire, lorsqu'elle entra à l'infirmerie vers la fin de janvier 1831. Toutes les deux minutes cette femme éprouvait une douleur violente vers la partie postérieure du bassin, qui la forçait à expulser l'urine contenue dans la vessie. Les menstrues avaient été longtemps irrégulières et avaient complètement cessé depuis

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sept mois environ. La malade était dans un état de maigreur et de faiblesse musculaire extrême; le pouls était fréquent et vif, cependant l'appétit était bon, et les digestions naturelles. La quantité d'urine variait de 64 à 96 onces par jour; elle était quelque fois teinte de sang, coagulait très-manifestement par la chaleur et avait une pesanteur spécifique de 1014. Le cathétérisme ne fit découvrir aucune pierre dans la vessie. Le traitement mis en usage consista dans l'application répétée de sangsues à la région lombaire, puis dans l'ouverture d'un cautère dans la même partic; en outre on employa chaque soir un suppositoire opiacé, et de temps en temps quelques légers purgatifs. Ces moyens produisirent un soulagement marqué; les douleurs en urinant devinrent supportables et la micturition beaucoup moins fréquente. Vers le milieu de février, les règles parurent, mais n'amenèrent pas de changement dans l'état de la malade; seulement l'urine devint un peu plus coagulable et sa pesanteur spécifique tomba à 1013. Quelques frissons suivis de sueur, mais sans accélération du pouls, se manifestèrent ensuite. Vers la fin de février, on résolut d'essayer l'emploi du mercure et on administra un grain et demi de calomel trois fois par jour. A peine cinq doses avaient-elles été prises, que la fétidité de l'haleine annonça la salivation qui se manifesta en effet avec une grande violence. On la combattit facilement par l'application des sangsues sous la mâchoire et par des garga rismes dans lesquels entrait à hautes doses l'acétate de plomb. Pendant la salivation la micturition diminua ; la quantité d'urine s'éleva de 4 à 6 livres par jour; vers la fin ce liquide, dont la pesanteur spécifique était de 1014, prit une couleur rouge de sang et se montra fortement coagulable par la chaleur. Le 6 mars, la salivation avait presque cessé ; l'urine s'élevait à 32 onces

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par jour, coagulait encore abondamment, mais était rendue toutes les deux heures seulement et sans douleurs. L'amélioration continua, et le 11 juin, la malade sortit dans un état de santé très-satisfaisant; seulement l'urinc était encore coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1012.

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Obs. LVII.-Catherine Keith, âgée d'environ 30 ans, mariée, avait été sujette, depuis deux ans, à des dérangemens des fonctions digestives, à de la dysurie, à des hémorrhoïdes, et à des gonflemens œdémateux des jambes. Elle fut admise à l'infirmerie, vers la fin de novembre 1829, dans l'état suivant : douleurs ordinairement sourdes, mais quelquefois aiguës, dans la région lombaire et dans le creux de l'estomac, augmentant après l'ingestion des alimens et que le vomissement dissipait; pas d'œdème, amaigrissement très-grand, pouls fréquent et faible. Après son entrée, la malade rendait à peine quatre onces d'urine dans les vingt quatre heures, et elle était quelquefois des journées entières sans uriner une seule fois. L'urine déposait un sédiment abondant d'un rouge brique; sa composition chimique ne fut pas examinée. Le 2 décembre, après de vives douleurs de reins et pendant l'écoulement des règles, la malade rendit par l'arètre une très-grande quantité de sang légèrement coagulé, et pendant deux jours le liquide évacué de la vessie ressemblà beaucoup plus à du sang qu'à de l'urine. Cet écoulement amena un soulagement très-marqué. Le 5, l'urine était d'une couleur brune-rougeâtre peu foncée, un peu boueuse, très-coagulable, d'une pesanteur spécifique de 1010, et en quantité moindre que dans l'état de santé. On appliqua des sangsues et des ventouses scarifiées aux lombes; on administra la scille et l'opium, la rhubarbe et la magnésie et plusieurs autres remèdes, et on obtint une amélioration progressive. L'urine revint

graduellement à sa quantité naturelle; sa coagulabilité di-minua, et le 14 elle avait une couleur presque naturelle, se troublait seulement un peu par la chaleur, avait une pesanteur spécifique de 1017, 5; et pour 24 heures s'élevait à 32 onces. Le 21, elle était de 22 onces, et sa pesanteur spécifique était montée à 1,025. Vers cette époque on observa, le soir, un peu d'œdème au bas des jambes; mais ce symptôme, qui paraissait et disparaissait suivant l'état des urines, fut toujours très-peu consirable. On joignit la digitale à la scille et on commença l'administration du calomel qu'on fut obligé de cesser au bout de cinq jours à cause d'un commencement de salivation. Malgré l'usage des diurétiques, la quantité d'urine diminua de nouveau peu à peu jusqu'à quelques onces dans la journée; les douleurs lombaires et tous les autres symptômes reparurent. Il s'y joignit une douleur vive dans la région iliaque droite, une micturition très-douloureuse et des nausées presque continuelles. Trois nouvelles applications de ventouses scarifiées et l'addition de la crême de tartre aux diurétiques déjà employés, rétablirent encore une fois le cours des urines; mais la quantité de ce liquide resta très-variable, de 8 ɔnces à 6 livres par jour, et sa pesanteur spécifique de 1010,5 à 1030. La dernière fois qu'on l'examina, le 22 mars, sa quantité était naturelle, sa couleur normale, ne coagulant plus du tout, et sa pesanteur spécifique de 1025. Quelques dérangemens des fonctions digestives retardèrent encore la guérison de la malade qui sortit enfin bien rétablie le 4 mai 1830. "

Obs. LVIII. Christian Gray, âgée de 40 ans, d'une constitution pléthorique et menant une vie très dissipée, entra, le 30 novembre 1830, à l'infirmerie, pour s'y faire soigner d'une hydropisie avec symptômes inflammatoires graves. Elle rapporta qu'après avoir éprouvé pendant trois

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semaines ou un mois une très-grande gêne dans la respiration, elle avait été prise, quelques jours avant son admission, de céphalalgie, de vertiges, d'étourdissemens, de tintemens d'oreilles, d'épistaxis, de gonflement emphysémateux de la région sous-maxillaire et des membres, et eufin d'un gonflement marqué de l'abdomen. Au moment de son entrée à l'hôpital, elle était dans l'état suivant pouls dur et donnant 96 pulsations par minute; peau chaude, face colorée, urine d'une couleur rouge cerise, d'une pesanteur spécifique de 1018, 5, un peu coagulable par la chaleur, et en quantité ordinaire. On pratiqua une saignée de vingt-six onces au bras, ce qui amena un soulagement immédiat, une diminution de l'enflure hydropique et un changement de couleur de l'urine qui, au bout de quelques heures, se montra d'une couleur jaune et laissant déposer un sédiment briqueté trèsabondant qui se dissolvait par la chaleur. Le lendemain la pesanteur spécifique de l'urine était de 1020, sa quantité de trois livres pour la journée; elle était devenue un peu coagulable. Au bout de deux jours, la dyspnée et le gonflement hydropique ayant augmenté, et la quantité d'u rine diminué, on revint à la saignée, qui, comme la première, fut suivie d'une amélioration très-manifeste et du rétablissement du cours des urines. Le 8 décembre, l'urine s'élevait à 48 onces par jour; elle était très-légèrement coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1013,5; trois jours après elle déposait un sédiment briqueté, ne coagulait pas du tout par la chaleur. Le 17, malgré l'emploi de la digitale et de la scille, le gonflement du ventre augmenta un peu; une troisième saignée fut pratiquée, qui procura un peu de soulagement. On ajouta aux autres diurétiques la crême de tartre à doses fractionnées. Jusqu'au 4 février l'état de la malade resta à peu près stationnaire; l'urine, d'une couleur naturelle et non

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coagulable, varia dans cet intervalle, de 1018, 5 à 1019 sous le rapport de sa pesanteur spécifique, et de 48 à 88 onces sous le rapport de la quantité. A cette époque l'ascite augmenta de nouveau, quoique la quantité d'urine s'élevât à 96 et 112 cnces par jour; le pouls devint fréquent, 100 pulsations par minute. On fit une quatrième saignée du bras suivie de soulagement très-manifeste. Pendant les cinq semaines suivantes, l'état de la malade continua à s'améliorer, et elle reprit des forces et un peu d'embonpoint. On observa dans cet espace de temps que le sulfate de magnésie, à la dose d'une once tous les deux jours, avait une action diurétique beaucoup plus grande que tous les autres moyens employés jusqu'alors. La quantité de l'urine était de six livres tous les jours où la malade prenait ce sel, et de trois livres seulement les autres jours. Vers le milieu de mars, une violente attaque de rhumatisme, qui nécessita l'emploi d'une cinquième saignée et l'administration de l'ipécacuanha et de l'opium, vint retarder la convalescence, qui marcha ensuite lentement, et la malade sortit de l'hôpital vers le milieu d'avril dans un état satisfaisant. L'auteur de cette observation (M. Christison) fait observer que le sang fourni par les cinq saignées faites à cette femme se montra couenneux à un degré qu'il n'avait jamais observé, excepté dans quelques cas analogues d'hydropisie dépendans d'une maladie des reins.

Obs. LIX.- Isabella Gaylor, âgée de 28 ans, fut admise à l'infirmerie au milieu de décembre 1830. Depuis cinq ans environ les règles étaient supprimées et remplacées par une leucorrhée très-abondante. Un an avant son admission, la malade avait eu une violente attaque de rhumatisme dans les membres, et six mois après elle commença à ressentir une vive douleur dans la région lombaire; quelque temps après, un œdème se manifesta

dans les jambes et s'étendit progressivement au ventre et aux parois de l'abdomen. Au moment de son entrée à l'hôpital, le gonflement œdématcux était peu considérable, mais il existait de la leucophlegmatie, de la sensibilité l'épigastre, une douleur déchirante dans les lombes, des nausées après les repas, un état d'indifférence, d'oppression et d'accablement général. L'urine, quoiqu'on n'eut fait usage d'aucun diurétique, s'élevait à environ dix livres par jour, et pendant tout le séjour de cette femme à l'infirmerie, sa quantité ne fut jamais moindre de sept livres. D'abord elle était modérément coagulable, très-peu colorée et d'une pesanteur spécifique de 1007. Une saignée, des sangsues sur le bas-ventre et quelques laxatifs amenèrent une grande amélioration dans les douleurs lombaires et épigastriques. Après la saignée, l'urine devint très-fortement coagulable, mais peu à peu cette coagulabilité diminua, et sa pesanteur spécifique s'éleva à 1009 et 1010. Vers le milieu de janvier, une fièvre continue qui se déclara, obligea à revenir à la saignée; mais la maladie se termina par une transpiration très-abondante. L'œdème et la tuméfaction du ventre, qui avaient entièrement disparu depuis trois semaines, se montrèrent de nouveau, quoique la quantité d'urine continuât à être de dix livres par jour. Cependant ces symptômes se dissipèrent de nouveau au bout de quelques jours et ne reparurent plus. La malade sortit soulagée, mais non guérie, vers le milieu de mars.

Obs. LX.-Jane Weir, âgée de 25 ans, entra à l'iofirmerie le 23 novembre 1830, avec un œdème des extrémités inférieures, un aspect leucophlegmatique, une douleur dans la région lombaire et beaucoup de fréquence du pouls. Sa santé générale, du reste, était bonne; seulement il y avait une suppression des règles depuis quinze mois. L'urine était pâle, très-abondante, modérément

coagulable, et d'une pesanteur spécifique de 1010,5. On employa la saignée, puis l'opium et la scille, et le 2 décembre la malade sortit guérie; seulement l'urine, dont la quantité était de 128 onces par jour, était encore coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1009,5.

Obs. LXI.-William Graham, âgé de 45 ans, était de retour depuis un an en Ecosse, après avoir servi 29 ans aux Indes Orientales, lorsqu'il fut pris, après s'être exposé au froid et à l'humidité, au mois de février 1831, d'un gonflement hydropique général accompagné de micturitions très-douloureuses avec urines rares et sanguinolentes. Au bout de seize jours, il vint se faire soigner à l'infirmerie. Outre les symptômes que nous venons de signaler, il se plaignait encore de toux et de maux de tête; son pouls était plein et un peu dur, mais non fréquent, et il offrait une leucophlegmatie, générale. La quantité d'urine était d'environ 36 onces par jour; elle était fortement coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1020,5. Le traitement consista en deux fortes saignées, et dans l'emploi de la digitale et de la crême de tartre. Ces moyens n'eurent aucune action sur la sécrétion urinaire, mais duisirent jusqu'à seize selles aqueuses très-abondantes par jour, sans que le malade en ressentit la moindre incommodité. Les symptômes de la maladie disparurent graduellement, et cet homme sortit guéri vers la fin d'avril. Le sang des deux saignées ne présenta presque pas de couenne inflammatoire, et la pesanteur spécifique du sérum ne fut que de 1024. Après chacune de ces saignées, là densité de l'urine augmenta de deux, mais sa coagulabilité resta la même.

pro

Obs. LXII. Daniel Dornan, âgé de 55 ans, était depuis trente ans sujet à des affections hydropiques, et depuis un an il s'était manifesté des signes d'une maladie des organes thoraciques. Au moment de son admission à

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l'infirmerie, vers la fin de février 1831, il avait un catarrhe pulmonaire très-violent avec emphysème, uue ascite peu considérable et beaucoup d'œdème aux jambes et aux bras; l'urine très-coagulable, d'une couleur à peu près naturelle, avait une pesanteur spécifique de 1020, et ne s'élevait qu'à 10 onces par jour. On pratiqua une petite saignée, et on administra tous les jours la crême de tartre qui produisit des évacuations alvines aqueuses très-abondantes et un peu d'augmentation dans la sécrétion de l'urine. Les symptômes de l'hydropisie ne tardèrent pas à disparaître, ainsi que ceux de l'affection pulmonaire. Onze jours après son entrée, la quantité d'urine était de 44 onces par jour; sa pesanteur spécifique était de 1018, et elle n'était plus du tout albumineuse. Cinq jours après l'urine s'éleva à 60 onces par jour, et sa pesauteur spécifique à 1020. Au bout d'une quinzaine de jours, cet homme sortit presque entièrement débarrassé de son catarrhe pulmonaire et guéri de son hydropisie.

Obs. LXIII.-James Macpherson, âgé de 49 ans, était atteint, depuis plusieurs années, de faiblesse et de douleur dans les reins, lorsqu'il se présenta, le 13 mars 1831, à l'infirmerie, dans l'état suivant: anasarque générale, mais peu considérable; distension tympanique de l'abdomen, sensibilité dans la région épigastrique; sensation de faiblesse dans les lombes; urine un peu plus abondante que dans l'état habituel, d'une pesanteur spécifique de 1015 et légèrement coagulable. On ent de suite recours à l'administration de la crême de tartre, et sous l'influence de ce moyen la quantité d'urine s'éleva bientôt à 160 et 180 onces par jour. Examiné le 22 mars, ce liquide fut trouvé à peine coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1012. Trois semaines après le malade sortit dans un état de santé très-satisfaisant.

Obs, LXIV. Robert Phin, âgé de 56 ans, entra à

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 101-135
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101-105

l'infirmerie le 17 mars 1831; il présentait des symptômes d'une hypertrophie du cœur, de catarrhe pulmonaire, d'engorgement du foie et d'hydropisie générale, qui dataient déjà de plusieurs années. L'urine, peu abondante, était haute en couleur, d'une pesanteur spécifique de 1023, et légèrement coagulable. Sous l'influence de la crême de tartre et de la digitale, la sécrétion urinaire augmenta en quelques jours jusqu'à 100 et 160 onces par jour, et les symptômes d'hydropisie disparurent trèspromptement. Après un séjour de six semaines, le malade sortit de l'hôpital dans un état très-satisfaisant.

Obs. LXV.-John How, âgé de 20 ans, fut admis à l'infirmerie le 12 mars 1831, pour s'y faire soigner d'une hypertrophie du cœur considérable, compliquée d'hydropisie. L'urine était d'une couleur naturelle, d'une pesanteur spécifique de 1016 et très-coagulable. On fit une saignée au bras, qui procura beaucoup de soulagement, puis on administra la digitale qui porta la quantité d'urine à 160 onces par jour. Il sortit notablement soulagé le 2 avril. Le sang de la saignée était très-couenneux; le sérum était opalin, manquait d'albumine, et sa pesanteur spécifique était de 1024 seulement.

L'espace nous manque pour donner ici, comme nous en avions l'intention, les remarques que les observations précédentes ont suggérées à M. Gregory. Ce résumé sera l'objet d'un quatrième et dernier article dans notre prochain numéro.

REVUE GÉNÉRALE.

MOIS

NOTICE SUR LA DYSENTERIE Qui a régné a Anvers pendanT LES DE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1831, JANVIER ET FÉVRIER 1832. Par le docteur Gouzée, médecin principal à Anvers, membre de la commission de surveillance médicale de la province, etc. Une dysenterie d'un caractère assez grave a régné l'hiver dernier dans plusieurs provinces de la Belgique. Le mémoire de M. Fallot, qui vient d'être publié en partie dans les Archives, fait connaître les circonstances au milieu desquelles cette maladie s'est développée à l'hôpital militaire de Namur, et les nuances qu'elle y a présentées. Il m'a paru que des détails sur celle qui s'est montrée à Anvers ne seraient pas sans intérêt, d'autant plus que j'ai essayé pour la combattre l'emploi d'un moyen particulier qui a produit d'heureux résultats.

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Il n'est pas hors de propos de dire un mot de la constitution atmosphérique avant et pendant cette épidémie. Je pense à la vérité que des qualités inappréciables de l'air, ócculta aeris diathesis, selon l'expression de Sydenham, donnent naissance aux maladies épidémiques ; mais ces maladies sont puissamment influencées par les vicissitudes de l'atmosphère, et il est utile d'en tenir compte.

De fortes chaleurs avaient régné pendant le mois d'août 1831. Tout le mois de septembre fut humide et froid. En octobre et au commencement de novembre, le temps redevint sec et beau; les malades étaient peu nombreux, les maladies ne présentaient rien de remarquable. A la fin de novembre les pluies froides revinrent, et avec elles parurent de nombreuses diarrhées. Tout le mois de décembre fut froid et humide; à cette époque, les inflammations de la muqueuse du gros intestin furent très-fréquentes, graves, rebelles souvent funestes. La maladie parut à son plus haut degré d'intensité à la fin du même mois et au commencement de janvier. Plus tard, quelques jours de froid sec semblèrent la faire diminuer; mais elle éprouva, à la fin de janvier, une récrudescence très-marquée, coïncidant avec le retour d'une température froide et humide. Les mois de février, mars et avril furent presque constamment secs et froids, et le flux dysentérique ne se montra plus que rarement. La maladie acquit alors une nuance plus légère, et se confondit bientôt avec des cas plus ou moins tranchés de cholérine, lesquels précédèrent l'apparition du choléra.

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C'est au commencement de décembre que je vis les premiers cas de dysenteric, et les circonstances qui en accompagnèrent le développement sont assez intéressantes pour les rapporter ici.

Le nommé Vannonkelen, soldat du 9. de ligne, étant sorti vers le milieu de novembre de l'hôpital militaire de Bruxelles, où se trouvaient beaucoup de malades affectés de colites, pour rejoindre son corps, retomba malade en route, et revint dans sa famille à Eeckeren, village à deux lieues nord d'Anvers. Il eut des selles abondantes, quelques vomissemens, et il mourut deux ou trois jours après son arrivée. Bientôt après, sa sœur aînée tomba malade, présenta les mêmes symptômes, et succomba au bout de huit jours de maladie. Dans l'intervalle, une autre sœur, âgée de quatorze ans, devint malade à son tour, et mourut de même en neuf jours de temps. Ces faits éveillèrent à juste titre l'attention de l'autorité; on redoutait l'apparition du choléra, et la commission médicale de la province fut chargée d'aller faire une enquête sur les lieux. Nous nous y rendîmes le 6 décembre. Cette famille habitait une maison petite, isolée, éloignée du village d'un quart de lieue environ. La dernière malade venait de succomber. Nous y trouvâmes encore sept personnes entassées dans une petite chambre basse, humide, n'ayant pour boisson que de l'eau bourbeuse; l'une d'elles, âgée de sept à huit ans, commençait à ressentir des coliques et de la diarrhée.

Les renseignemens que nous prîmes, l'examen du malade encore existant, l'autopsie du cadavre de la jeune fille que nous allámes faire le lendemain, me convainquirent que c'était une colite dysentérique, et non le choléra, comme on le craignait. En effet, plusieurs militaires entrèrent bientôt après dans mon hôpital, présentant les mêmes phénomènes, et mon opinion, qui avait été partagée par les autres membres de la commission, se changea ainsi en certitude.

Avant de dire un mot de ces phénomènes, il n'est pas inutile de faire remarquer la facilité avec laquelle cette maladie s'est communiquée et propagée dans cette famille. On voit également, dans le mémoire de M. Fallot, que la dysenterie s'est promptement répandue dans l'hôpital militaire de Namur peu après l'arrivée des dysentériques de Louvain. Sans toucher à la question de la contagion, qui est trop ardue, on doit, ce me semble, inférer de ces faits qu'il faut éviter soigneusement d'établir des communications entre des dysentériques et des hommes bien portans ou d'autres malades, surtout quand, dans ces deux derniers cas, les lois les plus importantes de l'hygiène ne peuvent être observées.

Cette famille fut isolée par mesure de prudence. Elle eut encore

deux malades qui se rétablirent. La dysenterie ne se montra pas dans le reste du village.

A Anvers et dans ses environs, la maladie n'exerça pas de grands ravages, si ce n'est dans des cas semblables à celui dont je viens de rapporter des détails, où les lois de l'hygiène ne pouvaient pas être rigoureusement suivies. Elle se montra assez fréquente et grave à l'hôpital militaire, et c'est là que je l'ai observée. Je crois inutile de grossir cette notice d'histoires particulières longues et détaillées, qui ne sont le plus souvent, dans ce cas, que des répétitions fastidieuses d'un petit nombre de faits ; je vais passer aussitôt aux traits les plus tranchés de l'histoire générale de la maladie, considérée dans sa plus grande simplicité. Je terminerai toutefois par deux observations pour faire connaître avec quelques détails un moyen thérapeutique que j'ai souvent employé avec succès.

La maladie s'est fréquemment déclarée à la suite d'un refroidissement, de l'exposition au froid humide, d'une indigestion ; elle attaquait particulièrement les personnes faibles; cependant les constitutions fortes n'en étaient pas à l'abri.

Des selles liquides accompagnées de tranchées sont bientôt suivies de déjections sanglantes, incessamment répétées, accompagnées de coliques vives, de pesanteur et de sentiment de brûlure à l'anus; le sang disparaît peu à peu, et au bout de quelques jours les selles, toujours liquides, deviennent brunes, jaunâtres, moins abondantes, mais extrêmement fatigantes par les coliques et le besoin qu'elles suscitent à chaque instant; l'impression du froid, les lavemens les plus doux, l'usage du lait, de boissons sucrées, de liquides trop abondans, paraissent les augmenter; jusqu'au dernier moment elles ont lieu avec conscience; les premiers jours la langue est blanchâtre, mais elle reprend bientôt sa couleur naturelle; il y a peu de soif, souvent au bout de quelques jours le désir de prendre des alimens se prononce; les dents, les gencives, les lèvres sont nettes, humides; point de douleur abdominale au tact. Le pouls est faible, fréquent dans les premiers temps; il devient petit, entièrement nul les derniers jours, lorsque la faiblesse est à son comble. La chaleur de la peau est d'abord normale, plus tard la peau est plutôt froide que chaude. La face n'offre d'abord rien de remarquable; mais quand la maladie se prolonge et tend à une terminaison funeste, elle devient pâle, terreuse, les yeux s'enfoncent dans les orbites; en même temps Ja maigreur fait des progrès et va jusqu'au dernier degré du marasme. Les facultés intellectuelles demeurent intactes jusqu'au dernier moment; durant les derniers jours, le malade, ressemblant à un squelette, se plaint d'un profond sentiment de faiblesse, sent sa fin prochaine et s'éteint comme une lampe que le combustible finit insensiblement d'alimenter.

La durée de la maladie a été constamment longue. Dans les cas graves elle a été de vingt à quarante jours et plus. Des selles moins fréquentes, plus consistantes, avec cessation des coliques, ralentissement du pouls, retour des forces, annonçaient le plus souvent la diminution de la maladie.

La langue, les gencives, les lèvres, qui conservent presque leur état normal, le peu de soif, le désir de prendre des alimens, l'absence de chaleur morbide à la peau, la conservation intacte des facultés intellectuelles annonçaient assez que la maladie n'existait pas dans l'estomac et les intestins grêles, et la présence des autres signes suffisait pour la faire regarder comme une irritation étendue à la men brane muqueuse du gros intestin. C'est d'après ces données que J'avais porté un jugement sur la nature de la maladie qui s'était déclarée près du village d'Eeckeren, et plusieurs nécroscopies l'ont

confirmé.

En effet les cadavres des personnes qui succombèrent à la maladie dans son état de simplicité, outre un état d'émaciation extrême, offrirent constamment les seules lésions suivantes : la bouche et l'œsophage étaient dans leur état naturel; l'estomac était sain et ne présenta que dans quelques cas des taches superficielles, rosées ou d'un brun clair, sans dégénérescence de la muqueuse; les intestins grêles offrirent parfois des arborisations légères, et souvent ils contenaient des vers lombrics: alors la muqueuse dans les points correspondans était d'un rouge brun, et les ganglions mésentériques voisins étaient tuméfiés. Le gros intestin était le siége de lésions profondes et d'autant plus graves qu'on l'examinait plus en descendant vers l'anus. La membrane muqueuse était épaissie, d'abord rouge, puis brune, puis noire, couverte d'ulcérations arrondies, superficielles, de plus en plus nombreuses et répandant une odeur gangreneuse infecte; souvent cet intestin dilaté dans un endroit, était considérablement rétréci et endurci dans d'autres. Les plaques de Peyer, à la fin de l'intestin grêle, ne présentèrent jamais de lésion

sensible.

Chacun sait qu'on a recours, dans ces maladies, aux applications de sangsues à l'anus ou sur le trajet du colon, aux adoucissans, aux cataplasmes, aux opiacés, etc., joints à une diète sévère. J'ai remarqué toutefois que lorsqu'on n'avait pu traiter la maladie dans son principe et qu'elle était déjà parvenue au degré hémorrhagique, les déplétions sanguines affaiblissaient le malade sans améliorer son état et n'empêchaient pas qu'elle ne parcourût ses périodes comme si l'on n'avait rien fait (1). J'ai cru voir encore que le sucre et les sirops, le lait et ses préparations lui étaient contraires.

(1) M. Dance, dont la science déplore si justement la perte ré

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106-110

Un moyen qui m'a très-souvent réussi, même dans des cas qui paraissaient désespérés ; c'est l'application endermique de l'acétate de morphine sur le trajet du gros intestin. Les observations suivantes feront connaître l'emploi et les effets de cette médication.

Obs. Ire. Duyé, fusilier au 5e de ligne, âgé de 21 ans, d'une bonne constitution, ayant la pean blanche et fine, est tourmenté depuis trois à quatre jours de coliques et de diarrhée. Ces accidens s'étant aggravés, il est forcé le 23 décembre 1831 d'entrer à l'hôpital.

Ses selles sont de sang pur, répétées à chaque instant, accompagnées de coliques vives, de pesanteur et de sensation de brûlure à l'anus, la langue est muqueuse, il a peu de soif; le pouls est petit et fréquent, la chaleur normale; il se plaint de froid et d'un sentiment pénible d'affaissement.

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Des applications de sangsues à l'anus, des boissons adoucissantes, des cataplasmes émolliens sur l'abdomen, des lavemens d'amidon laudanisés, des frictious ammoniacales sur le ventre ne produisirent pas d'amélioration. Les selies restèrent sanglantes jusqu'au 29, époque ou elles devinrent brunâtres et très-fétides.

Le 3 janvier, le malade est pâle, faible, amaigri; les selles sont toujours liquides et très-fréquentes, le ventre affaissé laisse apercevoir an toucher des tumeurs dures, mobile et indolentes. (1) Le sentiment de faiblesse est extrême. Deux longs vésicatoires sont appliqués aux deux côtés de l'abdomen, sur le trajet du colon. Toute -autre médication est suspendue.

Le 4, l'état du malade est entièrement le même. Un demi-grain d'acétate de morphine est étendu de chaque côté sur le derme denudé, puis recouvert d'un emplâtre de diachylum gommé.

Le 5, sommeil, calme, diminution du nombre des selles.

Cette application fut réitérée quatre fois, une fois tous les deux jours, et l'amélioration fut prompte, progressive, persistante. Le 8 jour après la première application, les selles étaient redevenues

cente et prématurée, avait fait, dans un mémoire plein d'intérêt, inséré dans les Archives, la même remarque pour les fièvres graves, typhoïdes, les gastro-entérites intenses, les dothinentérites, qui ne sont le plus souvent que l'inflammation de la muqueuse de la partie du tube digestif au-dessus du gros intestin, et j'ai eu un grand nombrc d'occasions de vérifier la justesse de son observation.

(1) Ces duretés ne sont autre chose que des tumeurs stercorales qui restent fixées dans le lieu qu'elles occupent malgré les désordres qui les entourent. Les médecins qui ont porté leur attention sur ce phénomène, qui n'est pas sans intérêt, ont dû commc moi en acquérir la preuve dans leurs recherches sur les cadavres.

naturelles, l'appétit était prononcé. On accorda peu à peu des alimens, la convalescence fut bientôt assurée et Duyé sortit le 6 février en état de reprendre son service.

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Obs. II. Simons, fusilier du 5e de ligne, âgé de 22 ans, d'une constitution faible, ayant la diarrhée depuis quatre jours, entra à l'hôpital le 3 janvier selles extrêmement frequentes, sanglantes, accompagnées de coliques `viyes, de ténesme; ventre souple, légèrement sensible à la pression; enduit blanchâtre à la langue, soif légère; pouls fréquent, chaleur normale, sentiment de faiblesse. On emploie les adoucissans, les cataplasmes émolliens, une diète absolue, et plus tard on a recours au laudanum, etc., mais sans succès.

Le 15, les selles sont devenues insensiblement jaunâtres, mais elles sont toujours liquides, copieuses, très-fréquentes et accompagnées de tranchées; le sentiment de faiblesse et l'amaigrissement augmentent, le ventre est affaissé. (Deux vésicatoires sont placés sur le trajet du colon comme dans l'observation précédente).

Le 16, l'état du malade n'a éprouvé aucun changement par l'action scule des vésicatoires. (Application endermique de l'acétate de morphine comme dans le cas précédent).

Le 17, le malade est calme, les selles et les coliques ont diminué. Le 18, il n'y a eu que six selles dans les vingt-quatre heures, mais il se plaint d'ischurie, dépendant probablement de l'absorption des cantharides. (Même application d'acétate de morphine avec addition de deux grains de camphre en poudre très-fine. Quant au régime on a accordé d'abord du jaune d'œuf mêlé à de l'eau tiède, aujourd'hui on le donne dans du bouillon).

Le lendemain l'ardeur d'urine avait disparu; le 20, il n'avait eu que deux selles dans les vingt-quatre héures. Les forces reviennent, les selles reprennent de la consistance, les coliques ont entièrement cessé. A la fin de janvier il était en pleine convalescence.

Pour m'assurer si l'amélioration obtenue ne provenait pas uniquement de la résolution produite par le vésicatoire, j'ai tardé plusieurs fois deux jours avant de saupoudrer le derme d'acétate de morphine, et l'état du malade restait le même. Ce n'était que sous l'influence de ce sel appliqué ensuite que l'amendement avait lieu.

Il faut observer que dans les cas qui viennent d'être rapportés, je n'ai jamais eu recours à ce moyen dans les premiers temps de la maladie, mais plus tard, lorsque loin de céder aux opiacés et à l'influence d'une médecine expectante hygiénique, elle restait stationnaire, ou montrait même quelque tendance à une terminaison.

Dans deux cas j'ai augmenté la dose d'acétate de morphine jusqu'à deux grains pour chaque application, mais c'était des cas désespérés, et la mort a bientôt eu lieu, soit parce que le narcotique absorbé a

enrayé les mouvemens vitaux déjà extrêmement faibles, soit plutôt à cause des progrès de la maladie.

Le régime exige les plus grandes précautions dans les maladies du tube digestif en général et dans les phlogoses du gros intestin en particulier. L'abstinence des alimens doit être complète les premiers jours; mais plus tard il arrive un temps où il est nécessaire de soutenir les forces du malade par un peu de nourriture, tout en évitant soigneusement d'augmenter l'irritation. Il faut alors, dans les cas qui nous occupent, permettre l'usage de substances nutritives qui sont promptement absorbées sans exiger un grand travail digestif et sans laisser de résidu. Il m'a paru que le jaune d'œuf, délayé dans l'eau, ou dans le bouillon, ou légèrement cuit, selon le cas, faisait très-bien atteindre ce but. J'ai déjà dit que le lait s'est montré uuisible; j'ai observé plusieurs fois que quelques cueillerées de riz-aulait, ou de lait coupé d'eau-de-riz produisirent une rechûte. Il est inutile d'ajouter que les mêmes soins ont dû être continués pendant la convalescence, et qu'on n'accordait des alimens plus solides qu'avec la plus grande prudence et pour ainsi dire en tâtonnant.

"

MALADIE CONVULSIVE, REMARQUABLE PAR SA FORME, REVENANT CHAQUE JOUR PAR ACCÈS PÉRIODIQUES DOUBLES, TRIPLES OU MÊME QUADRUPLES L'UN DE CES ACCÈS COINCIDANT AVEC LE LEVER DU MALADE, ET L'AUTRE AVEC LE COUCHER DU SOLEIL ; obs. par Dance.-Un jeune homme, âgé de 22 ans, habitant les environs de Liége appartenant à une honnête famille, se rendit à Paris, dans le mois de mai 1825, pour y prendre les conseils des hommes de l'art, au sujet d'une affection nerveuse convulsive qui le tourmentait depuis quelques années. Il s'adressa d'abord à M. Husson, médecin de l'Hôtel-Dieu, qui eut la bouté de me faire part de la singularité de cette affection et me fournit l'occasion de l'observer par moi-même. Le 16 mai je me rendis dans la soirée auprès de ce malade; il avait l'air de jouir de la meilleure santé et se livrait tranquillement à la conversation avec un de ses amis, lorsque tout-àcoup, à huit heures moins un quart précises, il semble se déplacer de la chaise sur laquelle il était assis et nous rend témoin des phénomènes suivans; mouvement subit du membre supérieur droit dont la main va frapper avec force sur la cuisse du même côté, et se relève incontinent pour se porter en croisant la poitrine au devant de l'épaule gauche; même mouvement du membre supérieur gauche qui va frapper pareillement avec la main sur la cuisse correspondante et se relève aussitôt en se portant vers l'épaule droite. De ces mouvemens résultent quatre chocs qui se succèdent pour ainsi dire en cadence avec une régularité admirable; le premier et le deuxième tiennent à la percussion de la main droite, puis de la gauche sur chaeune des cuisses correspondantes, le troisième et le quatrième dépendent

également de la percussion de la main droite sur l'épaule gauche ; puis de la main gauche sur l'épaule droite. Ces mouvemens ont quelque chose de convulsif et d'involontaire; ils sont d'abord tellement précipités qu'on a peine à les suivre des yeux; au bout de deux minutes et demie ils se ralentissent en conservant leur symétrie, ils cessent enfin pendant une seconde; alors le malade fait une profonde inspiration, et aussitôt les mouvemens recommencent d'abord très-rapides, bientôt ils se ralentissent de nouveau et se suspendent encore après une minute et demie; alors nouvelle inspiration profonde, et aussitôt nouvelle invasion dans les mouvemens qui suivent Ja même marche, mais dont la durée est de plus en plus courte, et qui terminent enfin l'accès après cinq minutes environ. Immédiatement après, le malade quitte sa chaise, se promène avec rapidité dans l'appartement, étend ses bras comme pour se déroidir et reprend son calme ordinaire. Cet accès se compose, comme on le voit, de trois temps distincts, séparés par une courte suspension dans les mouvemens, la durée de chacun d'eux va graduellement en diminuant de longueur, jusqu'au dernier qui est le plus court de tous. Pendant cet accès le malade éprouve un léger vertige, toutefois sans perdre connaissance; il entend les bruits extérieurs, mais ne peut répondre à aucune question et ne conserve qu'un souvenir confus de ce qui frappe alors ses sens; ses traits sont immobiles et non convulsés; il semble occupé à voir ses bras se mouvoir en cadence: aussi a-t-il dit que plus d'une fois surpris dans un lieu public par un accès, les passants se moquaient de lui et croyaient qu'il se livrait à ces mouvemens par une sorte de jeu.

Voici maintenant les renseignemens tout aussi extraordinaires que je tiens de ce malade et d'un jeune médecin (M. Delacharlerie), qui l'a observé plusieurs fois dans son pays: jusques en 1823 sa santé n'a éprouvé aucun dérangement; il n'a jamais eu aucune affection cutanée, dartreuse ou vénérienne, n'est point adonné aux femmes ni aux boissons spiritueuses, il est issu de parens sains. A l'âge de 17 ans il a été sujet à une épistaxis périodique qui s'est supprimée spontanément dans le mois de décembre 1823; peu de temps après il fut pris d'une insomnie prolongée, et plus tard d'une grande fièvre (dite ataxique) avec délire, qui se prolongea pendant neuf jours. C'est à la suite de cette fièvre que le malade tomba la première fois dans les accès convulsifs dont nous venons de parler. Mais ils avaient alors. un autre type et un autre caractère que ceux d'aujourd'hui ; ils étaient longs et irréguliers, s'accompagnaient de perte de connaissance, de prostration du corps et d'écume abondante à la bouche. Sous cette forme, ils ont duré quatre mois, après lesquels ils ont pris un caractère régulier et absolument semblable à celui que j'ai décrit. Ces

accès reviennent trois fois dans la journée; un le matin, au moment même où le malade se lève, un autre, juste à midi, et le troisième le soir au coucher du soleil; le premier et le dernier s'accommodent toujours au lever du malade ou au coucher du soleil et en suivent les variations. Depuis le 10 janvier 1825, le malade ayant éprouvé un vif chagrin de la mort d'un de ses frères, un accès nouveau s'était ajouté aux précédens, il revenait à dix heures précises du matin. Ces quatre accès ont ainsi duré deux mois et demi avec une constante régularité. Au bout de ce temps, l'accès de 10 beures du matin a cessé spontanément; enfin, il y a onze jours, celui de midi a pareillement cessé après une route de vingt lieues que le malade a fait à pied, d'après le conseil de son médecin; en sorte qu'il n'existe plus aujourd'hui que l'accès du matin et celui du soir. Un autre renseignement non moins singulier que les précédens et dont j'ai vérifié plusieurs fois l'exactitude, c'est que le nombre des chocs imprimés par chaque main aux cuisses et aux épaules est exactement le même pour chaque accès correspondant. Ainsi, l'accès du matin se compose toujours de 110 chocs successifs sans repos intermédiaire; celui du soir, qui est divisé en trois temps, comme il a été dit, fournit également 110 chocs dans le premier temps, 60 à 65 dans le second et 30 à 35 dans le dernier ; celui de 10 heures du matin n'était que d'un seul temps et donnait 70 chocs; celui de midi ressemblait exactement à celui du soir. En rapportant de pareilles choses, on peut être taxé de trop de crédulité, mais j'ai pour garant de ces faits plusieurs médecins recommandables, et entre autres M. Husson, qui ont visité le malade à diverses reprises. Une dernière circonstance, dont il est bon de faire mention, c'est que le mala le est averti de l'arrivée de ses accès non-seulement par leur périodicité constante, mais encore par une sorte d'aura qu'il désigne sous le nom de frémissement qui part du bout des pieds et se propage rapidement jusqu'aux épaules seule. ment; dès qu'il éprouve cette sensation il s'assied, sans quoi il tom. berait par terre, comme cela lui est arrivé plusieurs fois. On n'a jamais essayé de réprimer ses mouvemens pendant l'accès, il affirme que cette contrainte le jetterait dans un état pius pénible et lui ferait éprouver des convulsions plus grandes; on a eu recours aux saignées, aux bains, à l'usage de l'assa fœtida, de la valériane, de la belladone, de l'opium, tous ces moyens ont échoué. M. Husson a fait prendre, le 16 et le 17 mai, immédiatement avant l'accès, une potion antispasmodique fortement éthérée, et après ces mêmes accès 10 gr. de sulfate de kinine: même insuccès.

Le 18 mai, à huit heures moins un quart précises du soir, accès en tout semblable à celui dont j'ai parlé, le nombre des chocs est conforme à celui qui a été indiqué. Le 19, 5 heures du matin, j'ai

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111-115

trouvé le malade couché; à peine était-il levé, n'ayant eu le temps quede passer un caleçon, il a été pris d'un accès comme les précédens, mais ne se composant que de 110 chocs successifs. Les jours suivans j'ai fait les mêmes remarques tant pour l'accès du matin que pour celui du soir.

Au commencement de juin, le malade s'est rendu à l'Hôtel-Dieu à ma prière; plusieurs de nos anciens collègues internes dans cet établissement, entre autres MM. Menière, Leloutre, King, Johe ont été témoins de l'accès de huit heures du soir. Depuis cette époque je n'ai pas revu ce jeune homme qui, après l'essai infructueux de plusieurs moyens, est retourné dans son pays, emportant les avis de plusieurs médecins. Un conseil tout naturel qui lui a été donné, est celui de rester couché pendant plusieurs jours de suite.

MM. Esquirol et Villermé auxquels M. Husson a fait part de cette singulière affection, ont pensé qu'elle se rattachait à la chorée ; il semble toutefois, en se fondant sur les commémoratifs, et spécialement sur l'existence d'un aura, qu'elle a plus de rapport avec l'épilepsie qu'avec la chorée; ayant d'ailleurs succédé à des attaques réelles de cette première maladie. Quoi qu'il en soit, cette observation trouvera peut-être quelques incré lules (malgré les témoignages dont nous l'avons environnée) tant elle paraît extraordinaire! La forme particulière des mouvemens convulsifs qui étaient bornés aux membres supérieurs, le nombre exact de ces mouvemens, tant pour chaque accès correspondant que pour chaque temps du même accès; leur retour périodique à dix heures du matin, à midi, au lever du malade, au coucher du soleil : tout cela semble une histoire faite à plaisir, ou plutôt une jonglerie dont nous aurions été dupe. Comment concevoir en effet que le lever du malade, le coucher du soleil aient en quelque part dans le retour de ces accès? A cela je répondrai qu'un fait bien constaté ne doit point être révoqué en doute, par cela seul qu'on ne le conçoit pas, et que vouloir subordonner sa croyance à la connaissance intime d'un phénomène serait tomber à tous momens dans un scepticisme sans fin. Ce n'est pas d'ailleurs la première fois qu'on a observé l'influence des astres sur le retour périodique de certaines affections nerveuses; ainsi J. Frank cite (1), d'après Wodel, l'histoire d'une jeune fille épileptique qui éprouvait un accès à chaque nouveau quartier de la lune. Et quidem tam exacto calculo ut ipso momento quadræ lunaris et inscia sæpe penitùs hujus mutationis in cœlo, rhythmum lunarem in suis paroxysmis explicaret. Nasse rapporte (2) avoir gnéri un jeune homme épileptique

(1) J. Frank, Praxeos medico, tome IV, page 322.

· (2) Meckel, Archiv. de physiol., Hal. 1826, page 132.

qui n'éprouvait des accès que dans les ténèbres et jamais à la lueur du jour ou d'une lumière artificielle. Quandiù candela totas per noc tes arderet, nunquam dormiens morbo prehendebatur; quò primum vero lux nocte quádam extingueretur, constantissimus erat cpilepsiœ reditus. Ces faits sont assurément tout aussi extraordinaires que celui que j'ai rapporté et n'en méritent pas moins une pleine confiance; ils n'étonneront point au reste ceux qui ont réfléchi aux bizarreries sans nombre que présentent les maladies nerveuses. (Observ. tiréc des manuscrits de Dance.)

ENORME DILATATION AVEC HYPERTROPHIE DES DEUX VENTRICULES;

par le docteur Hope. - R. C.***, âgé de 36 ans, carrossier, d'une haute taille, mais amaigri et affecté de jaunisse, fut admis à l'hôpital Saint-George, le 19 août 1829. Son état était le suivant: ascite; œdème considérable des jambes; dyspnée exaspérée par tout mouvement; toux; battemens violens des carotides; développement variqueux et ondulations des veines jugulaires; impulsion du cœur plus forte et plus étendue qu'à l'état normal; pouls vibrant mais sans dureté et médiocrement plein; peau visqueuse; langue blanche; diarrhée, évacuations couleur d'argile; urines rares et foncées. Le foie est augmenté de volume. Cet homme est malade depuis deux ans; il attribue sa maladie au chagria. Celle-ci a commencé par une diminution de la respiration et la perte de l'appétit. L'hydropisie apparut pour la première fois, il y a six mois, et la peau est jaune depuis cinq ou six semaines. Il dit qu'il est sujet à des attaques. Toute la région précordiale rend un son mat. L'impulsion du cœur repousse le cylindre avec force, et se termine par une secousse; elle est perçue sous une plus grande étendue qu'à l'état normal; on la sent à l'épigastre. Les bruits du cœur sont plus forts, et le premier est plus court qu'à l'ordinaire. Au-dessus des clavicules, il y a une légère impulsion accompagnée d'un très-faible tremblement cataire (purring tremor) et d'un bourdonnement qui n'est ni fort, ni âpre.

A

- Pendant la première semaine, il eut trois attaques, qui consistèrent dans une stupeur, accompagnée de légères convulsions, respiration stertoreuse et suivie de sommeil; la dernière dura deux heures. L'hydropisie avait beaucoup diminué; mais il mourut d'épuisement (exhausted) le 18.o jour après son admission.

Autopsie. Le cœur avait le double de sa grandeur normale, et comme il appartenait à un homme très-grand, il était énorme. Le ventricule gauche aurait pu admettre un gros limon, et ses parois avaient trois quarts de pouce d'épaisseur. Le ventricule droit était parcillement affecté, mais à un moindre degré. Le tissu musculaire était pâle et un pcu ramolli. Les valvules et l'aorte étaient intactes. Le thorax contenait quatre pintes de liquide. Les poumons étaient

gorgés de sérosité. La muqueuse des bronches était injectée et d'une couleur rouge-foncée. Le foie avait deux fois sa grosseur ordinaire; il était d'un jaune d'ocre foncé. Le cerveau était sain, mais il y avait de la sérosité sous l'arachnoïde. Le degré remarquable d'hypertrophie avec dilatation, présenté par ce sujet, était indiqué manifestement par l'étendue de la matité du son à la région précordiale, sans sigues d'hydro-péricarde; par l'énergique répulsion du cœur, et par la force des deux sons. La prédominance de la dilatation sur l'hypertrophis, empêchait le pouls d'être aussi dur et aussi incompressible qu'il l'eût été dans le cas d'hypertrophie seule. Les battemens, la vibration et le bourdonnement particulier des grosses artères, qui avaient lieu chez ce sujet, sont des phénomènes qui ne sont pas rares quand une grande quantité de sang est poussée dans les vaisseaux avec une force morbide. On peut les distinguer des phénomènes semblables qui résultent d'une dilatation ou d'une autre maladie de l'aorte, par la dureté du son et la vigueur de l'impulsion qui sont plus grandes dans ces dernières maladies. (Treatise on the diseases of the heart.)

HYPERTROPHIE CONSIDÉRABLE DU CŒUR; MALADIE DES VALVULES Aor= TIQUES; ADHÉRENCE GÉNÉRALE DU PÉRICARDE; RHUMATISME AIGU. — Par le docteur Hope. - John Copas, âgé de 24 ans, jardinier, de taille moyenne, robuste, d'une pâleur cadavérique, fut admis à l'hôpital Saint-Georges, le 14 décembre 1829, se plaignant de douleurs rhumatismales générales, aggravées par la chaleur et la transpiration; œdème très-léger des jambes, visage un peu boufi; palpitations; réveils en sursaut; les battemens du cœur ne sont pas sculement sensibles à la main, mais visibles dans toute l'étendue de la surface antérieure de la poitrine, et particulièrement à l'épigastre. La région précordiale donne un son très-mat; pouls à 120, plein, fort et régulier, mais compressible. Le malade avait souffert d'un rhumatisme aigu, huit ans auparavant, et depuis ce temps n'avait jamais été exempt de palpitations. On ne l'ausculta pas; il mourut au bout de vingt-quatre heures, après une hémoptysie très-abondante. — Autopsie.—Adhérence générale du péricarde, au moyen d'une fausse membrane mince et dense. Le cœenr avait trois fois son volume normal; l'augmentation portait principalement sur le ventricule gauche, dont les parois avaient un pouce et demi d'épaisseur, et dont la cavité était plus étendue en capacité que la plus grosse orange. Le ventricule droit était pareillement malade, mais à un moindre degré. Les valvules aortiques étaient épaissies, rendues inégales, informes, par une sorte de dégénération en une matière opaque, jaunâtre, en partie cartilagineuse, en partie steatomateuse. Cette altération avait donné lieu à la séparation des extrémi

tés angulaires des valvules de leurs insertions; de telle sorte que n'étant plus adhérentes que par leur centre, elles gissaient dans l'intérieur de l'artère, privées de point d'appui, pour s'opposer au Comme la refoulement du sang de l'aorte dans le ventricule. dilatation était excessive, il est probable qu'elle provenait, au moins en partie, d'un ramollissement suite de péricardite : cette dernière datait de loin, comme l'attestait la nature de la fausse membrane. On diagnostiqua cette adhérence d'après l'état de dilatation, d'après la circonstance de rhumatisme et de péricardite antécédente, et d'après le mouvement remarquable de l'épigastre, probablement occasionné par la rétraction, comme le docteur Sanders le suppose. La compressibilité du pouls provenait-elle de la facilité avec laquelle le sang pouvait refluer dans le ventricule? L'hémoptysie s'explique très-bien par l'état du cœur ; car la pression de la colonne de sang qui refluait vers le ventricule gauche avait précisément le même effet qu'un obstacle au passage de ce sang du poumon dans la circulation artérielle; tandis que le ventricule droit hypertrophié poussait dans la circulation pulmonaire une trop grande quantité de ce fluide; delà, une transsudation forcée du sang des vaisseaux ténus du poumon dans les cavités aériennes. C'est ainsi que l'apoplexie pulmonaire et l'hémoptysie se lient plus souvent à un obstacle à la circulation dans le cœur gauche, accompagné de l'hypertrophie du ventricule droit, qu'à toute autre lésion de cet organe. (Treatise on the diseases of the Heart.)

SUIVIE

ANÉVRYSME DE L'ARTÈRE FÉMORALE; LIGATURE DE L'ILIAQUE, Hans Jacob, âgé DE LA GUÉRISON; par le docteur Br. Cooper. de 40 ans, avait passé la plus grande partie de sa vie dans la marine; en 1809, il fut traité pour une dysentérie à l'hôpital naval de Deal; en 1825, il fut retenu dans celui de Bombay par la fièvre; depuis ce temps, il s'était bien porté.

Le 2 avril dernier, étant employé à pomper, et faisant de grands efforts, il éprouva dans la cuisse gaúche: comme si le membre était enlevé en entier par un coup de feu. Aussitôt, il lui fut impossible de s'appuyer dessus, et une douleur cruelle se fit sentir dans les deux tiers inférieurs de cette cuisse, et le long du mollet jusqu'à la malléole. Quatre ou cinq jours après, une tumeur se développa à la partie interne et antérieure de la cuisse, environ à deux pouces au-dessous du ligament de Poupart; alors la douleur s'effaça, elle reparut aussitôt qu'il voulut s'appuyer sur le membre malade. A cette époque la tumeur alongée, étroite, offrant des pulsations, avait la grosseur de son pouce; elle demeura deux mois stationnaire; mais l'exercice renouvela la douleur et donna lieu à un gonflement cedémateux de sa jambe. Pendant les trois dernières se

mais

maines, la tumeur s'accrut rapidement, la douleur devint vive surtout autour du genou, et le malade fut admis à l'hôpital de Guy le 16 juillet 1831. - A la partie interne de la cuisse est une tumeur plus étendue en travers que de haut en bas, située au-dessous du ligament de Poupart; sa circonférence est ferme; sa partie centrale, plus proéminente, renferme un corps liquide; on peut la diminuer considérablement par la pression; ses pulsations sont manifestes ; la peau n'a rien perdu de sa couleur, mais elle est traversée par de grosses veines qui entourent le membre jusque vers la hanche. Tout le membre est considérablement gonflé; sa température augmentée, et la jambe œdémateuse. La santé générale est fort altérée; perte d'appétit, des forces et du sommeil; le pouls bat 66 fois, il est régulier; la face exprime la souffrance.



Le 17, on fit prendre un purgatif, et le 19, après une nuit tranquille; le pouls naturel, donnant 84 pulsations; la langue humide et nette; la peau fraîche, et l'intestin suffisamment évacué, on procéda à la ligature de l'artère iliaque externe. - Une incision sémi-lunaire fut faite depuis un pouce au-dessus et en dehors de l'anneau abdominal externe jusqu'à un pouce en dedans de l'épine antérieure et supérieure de l'os coxal; la concavité de cette incision était dirigée en haut vers l'abdomen. Le but de cette incision était de mettre à découvert le tendon du muscle oblique externe, mais il fallut plusieurs coups de bistouri pour y réussir à cause de l'épaisseur des parties qui le recouvraient. Ce tendon ayant été divisé dans le sens de la première incision, fut soulevé par un aide pour mettre à découvert l'anneau interne; mais les fibres de l'oblique externe, considérablement développées au point où elles naissent du ligament du Poupart, le cachaient entièrement; il fallut passer au-dessous d'elles une sonde cannelée, et les diviser avec un bistouri boutonné. Le cordon spermatique et l'anneau interne furent mis à nu, et tandis qu'un aide écartait le premier en haut et en dedans, le doigt indicateur de la main droite fut introduit dans le dernier pour séparer le péritoine des vaisseaux iliaques, en l'attirant en haut vers l'abdomen. Le fascia qui unit la veine iliaque à l'artère en dedans, fut séparé pour faire place à l'aiguille qui fut introduite sur ce dernier vaisseau de dedans en dehors, armée d'une ligature de soie plus large du double qu'à l'ordinaire, afin d'éviter une séparation trop prompte des deux bouts de l'artère. Avant de serrer la ligature le vaisseau fut examiné avec soin, et on écarta une petite branche du nerf spermatique qui rampait près de lui. Aussitôt les pulsations de la tumeur cessèrent, celle-ci diminua de près d'un tiers. On réunit les bords de la plaie à l'aide de la suture, d'un emplâtre agglutinatif et d'un appareil approprié. L'opération toute entière dura douze

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116-120

minutes. Dans la journée, de la douleur se fit sentir dans le lieu de l'opération, le membre perdit de sa chaleur, qui fut rappelée par l'application de flanelles chaudes et de bouteilles d'eau chaude. Un peu d'opium calma l'agitation, mais le soir la jambe était légèrement engourdie. Le lendemain, il n'y avait plus guère de douleur que dans la plaie, due au mouvement imprimé par la respiration aux parois abdominales, et à la pression sur le ventre; le pouls, de 78 s'éleva à 100 pulsations; la tumeur a diminué de moitié. Alternative de sommeil et d'agitation. La douleur a disparu; la langue est humide et uette. Après l'administration de quatre onces de vin blanc, la température de la peau s'est élevée, celle du membre malade est devenue plus forte qu'à l'état normal; la douleur s'étend de la plaie vers les lombes ; point de selles depuis l'opération. Quinze gouttes de teinture d'opium et trois gros d'huile de ricin sont administrés vers le soir. Le pouls est à 96, la langue humide, la température du membre naturelle, le malade est bien, il s'endort. Le 3. jour, l'œdème de la jambe se dissipa, la cuisse revint à son volume ordinaire ; nul battement ne se faisait sentir dans la tumeur; une légère douleur superficielle et circonscrite existait dans la région iliaque gauche; un écoulement séreux eut lieu par la plaie; le pouls s'éleva le soir à 102 pulsations. Le 4. jour, après une bonne nuit, tous les symptômes étant favorables, la plaie fut pansée; le même écoulement séreux peu abondant fut remarqué; le soir, plus de douleur, Le 5. jour, le malade avait passé une bonne nuit; les selles étaient naturelles ; le pouls à 76 pulsations, plein, mais compressible; la langue était humide, la température du membre naturelle; la douleur avait disparu. Le 6. jour, il se trouvait parfaitement bien. L'écoulement de la plaie, plus abondant, présentait des qualités normales; le pouls naturel était à 72 pulsations. Depuis ce moment, la plaie a continué à marcher vers la cicatrisation. Il a pourtant, dans sa convalescence, été atteint, sans cause apparente, d'une violente inflammation du testicule droit, qui n'a cédé qu'au bout de huit jours à un traitement antiphlogistique. Une semblable inflammation se développa ensuite dans le testicule gauche, mais elle fut moins opiniâtre. Il est maintenant dans un état parfait de convalescence. La ligature s'est détachée le 22. jour après l'opération. (London Med. and Phys. Journal, janvier 1832.)

OPHTHALMIE Sur-aigue épidémique traitée avec succès par l'alun. Il est une ophthalmie qui, dans l'Inde, se développe souvent sur un grand nombre d'individus à la fois, et dont l'invasion, la marche, les symptômes et la nature offrent de singuliers rapprochemens avec les accidens du choléra-morbus. Cette ophthalmie, nommée Dord-d'œil par les créoles, arrive, dit le D. Souty, dans l'espace de quelques heu

res, au plus haut degré d'intensité. La douleur est intolérable, c'est la sensation continue de la brûlure. La conjonctive est de la couleur du sang artériel; quelquefois elle devient violette; son tissu semble boursoufflé, pâteux, il y a souvent chémosis; toujours larmoiement considérable au début, exaltation de la sensibilité de la rétine, et de là, impossibilité de supporter les plus faibles rayons de lumière. Peu d'heures après l'invasion du mal, on voit s'établir une sécrétion d'un mucus blanchâtre, épais, visqueux, qui ulcère la conjonctive et la cornée s'il séjourne entre les paupières, qui excorie la peau autour de l'orbite, si on néglige les soins de propreté. Parfois la douleur est si forte qu'elle jette les malades dans de véritables aecès de phrénésie, surtout s'ils sont d'un tempérament nerveux ; les accidens sont plus modérés chez les enfans et les sujets d'une constitution lymphatique. A l'apparition de cette ophthalmie épidémique, je crus en triompher par les antiphlogistiques employés largement, hien que déjà je me fusse convaincu, tant aux Antilles que dans l'Inde, de la nécessité de n'appliquer qu'avec réserve, avec de grandes modifications, aux maladies de ces climats, les divers modes de traitement qui, en Europe, attestent chaque jour l'excellence de la doctrine physiologique. J'observai, dès les premiers jours, que les saignées, les sangsues, les collyres émolliens, ne parvenaient jamais seuls à produire de l'amélioration, et que l'amendement des symptômes n'était dû qu'aux purgatifs drastiques et aux révulsifs à la peau que j'employais après les évacuations sanguines. Diverses observations m'ayant fait reconnaître, en outre, le danger de laisser arriver la maladie à la période que je nommerai de suppuration, je voulus enrayer sa marche, et dès le début, je secondai l'action des révulsifs par l'usage de collyres avec l'acétate de plomb, le sulfate de zinc et le laudanum. Je réussis parfois, mais ces astringens ne sont pas assez actifs. Les Indiens, frappés du danger de l'expectation, emploient des moyens perturbateurs, mais qui souvent aggravent le mal. C'est ainsi que des mestris instillent, dans les yeux affectés, un mélange de poivre, de suc de feuilles de tamarin et de jus de citron, ajoutant ensuite de la noix de galle torréfiée pour former une sorte de pâte (vulgairement nommée patou), qu'ils appliquent autour des paupières.

L'épidémie continuait lorsque j'entendis parler des merveilleux ef- ‹ fets de l'alun de roche pour calmer instantanément les douleurs et arrêter le cours de la maladie. L'action de ce mélicament me paraissant rationnelle, j'en fis faire l'essai devant moi, de la manière dont les créoles ont l'habitude de l'employer, et j'affirme que ses bons effets sont si prompts, si assurés, qu'il ne m'est venu à l'idée ni de chercher un autre mode de traitement, ni d'apporter la moindra

 modification dans le procédé généralement adopté. En voici la des-
cription fidèle. On prend un morceau d'alun que l'on frotte pendant
8 à 10 minutes dans un vase un peu rugueux et contenant du blanc
d'œuf. On verse ensuite le mélange dans un morceau de mousseline
que l'on attache de manière à former un petit sachet. Le malade
 ayant la tête renversée en arrière, on écarte les paupières et l'on ins-
 tille dans les yeux, en pressant le sachet, quelques gouttes d'albu-
 mine et d'alun. Le malade a soin de tenir les yeux fermés et au bout
 de quelques instans il peut supporter le jour, tant le soulagement est
prompt! Il convient de réitérer souvent cette instillation, toutes les
 demi-heures ; moins souvent, si l'ophthalmie n'est pas intense. On ap-
 plique d'ailleurs le médicament dans toutes les périodes de la maladie.
La conjonctive pâlit, s'affaisse, et revient à con état normal; la sup-
 puration ne s'établit pas, ou si elle existe on la voit diminuer rapi-
dement, et en 24 ou 48 heures, plus ou moins, suivant la docilité
 du malade à éviter l'éclat de la lumière, cette cruelle ophthalmie a
 tout à fait disparu. Je pourrais détailler bien des observations dans
 lesquelles la guérison a suivi une marche aussi prompte, aussi ré-
 gulière que celle que je viens de décrire. Je me contenterai de citer.
 M. l'administrateur Ducler et ses enfans, actuellement en France,
 qui ont éprouvé les merveilleux effets de ce traitement. J'ajouterai
 à ces guérisons celles obtenues à bord, dans ma traversée de l'Inde
 à l'île Bourbon, sur la femme de M. l'ingénieur en chef de Pondi-
 chéry, sur un officier marchand passager, que des sangsues n'avaient
 point soulagé, et sur un enfant de M. Ducler qui deux jours avant
 notre débarquement à l'île Bourbon, se désolait d'être aveugle pour
 l'arrivée, et qui était débarrassé de son ophthalmie au moment où
 nous vîmes la terre. (Extrait du rapport de M. Souty à M. le mi-
 nistre de la marine, sur le choléra-morbus observé dans l'Inde. Paris,
1832,
      in-8°.

NÉCROSE DE LA MOITIÉ GAUCHE DE LA MACHOIRE LNFÉRIEURE.

Obs. par le docteur A. Pingeon, de Dijon. Sur la fin de 1829, on m'amena un enfant d'environ trois ans, qui, depuis à-peu-près dix-huit mois, souffrait de la moitié gauche de la mâchoire inférieure. Son habitude est charnue et scrofuleuse, la lèvre supérieure et les ailes du nez offrent un développement disharmonique; il existe des ganglions sous-maxillaires, le ventre est très-gros. L'examen de la mâchoire fait reconnaître une nécrose qui paraît atteindre toute l'étendue de la moitié gauche de cet os, et déjà, à plusieurs reprises, des dents de ce côté sont tombées, et des portions du séquestre sé sont détachées. J'engage les parens à confier cette expulsion à la nature et à se borner à soumettre l'enfant à un régime restaurant, et surtout anti-scorbutique.

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Au printemps de 1830, on ramène cet enfant. Le séquestre est devenu mobile, mais il est encore trop fortement fixé pour être détaché en entier; les pinces n'en séparent que les portions les plus antérieures. Il s'est formé à l'angle de la mâchoire une fistule par laquelle s'écoule un liquide sanieux très-fétide, et la mâchoire, ainsi que la joue de ce côté, se sont tuméfiées, au point de produire une difformité très-apparente. Du reste, même habitude extérieure. (Anti-scorbutiques, bains, frictions réitérées avec une pommade d'hydriodate de potasse ; application, au-dessous de la mâchoire, de quatre sangsues, répétée tous les huit ou dix jours; lotions dans l'intérieur de la bouche avec une éponge imbibée d'eau de mélilot miellée. )

Le 1. mai, l'os nécrosé est devenu plus mobile; son extrémité antérieure s'est soulevée et blesse la commissure des lèvres et la joue, où elle a déterminé, à la partie interne, des ulcérations, très douloureuses dans divers points; son extrémité, saisie avec de bonnes pinces, est à-peu-près ébranlée; et après des tentatives réitérées nous parvenons à détacher la moitié postérieure de cette portion de mâchoire, comprenant son condyle entier et l'angle de cet os dépourvu de l'apophyse coronoïde. Cette portion nécrosée, située ext térieurement à l'os nouveau, si elle comprenait entièrement la branche condyloïdienne de la mâchoire, ainsi que semble l'attester la pièce pathologique, n'a dû atteindre que la moitié la plus extérieure du corps de la mâchoire; puisque plus intérieurement, et après l'avoir enlevée, on voit des tubercules osseux qui ne sont réelment que les dents qui ont acquis un volume double de celui qu'elles ont dans l'état normal (Mêmes moyens.)

Depuis, j'ai revu cet enfant. La fistule s'est entièrement cicatrisée, la joue s'est affaissée, et la difformité, qui résultait de son gonflement, dissipée ; les dents ont également diminué de grosseur, et une nouvelle mâchoire gauche jouissant des mêmes mouvemens que la première, en attestant les ressources de la nature, ne permettra pas, à un âge un peu plus avancé, de reconnaître la perte éprouvée. (Mém. de l'Acad. des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, ann. 1831, 2.o, 3.o et 4.o livr., p. 35 (1).)

(1) Ce recueil estimable contient plusieurs mémoires et observations intéressantes, entr'autres un mémoire par M. le docteur Vallot, sur de prétendus vers intestinaux et sur d'autres animaux, rendus, dit-on, par des malades.

Académie royale de Médecine. (Septembre.)

Séance du 28 août.-M. Husson fait un rapport au nom d'une commission sur l'inauguration du buste de Portal daus la salle des séances. Il conclut que le réglement de la société s'y oppose formellement, et qu'une telle proposition ne peut être faite que cinq ans révolus après la mort d'un membre. A cette occasion le rapporteur rappelle que Corvisart, Percy et Hallé sont dans le cas de recevoir cet honneur.

Sur la demande de M. Renauldin si l'on s'occupe du remplacement de Portal comme président d'honneur, M. Marc prend la parole et dit qu'il accepterait cette haute distinction si elle lui était conférée par le vœu de l'Académie, mais qu'il la refuserait s'il y était nommé par ordonnance. Il propose, en conséquence, d'écrire au ministre pour demander l'abolition de l'ordonnance qui nomme président d'honneur le premier médecin du roi. Il pense que ce privilége pourrait avoir de graves inconvéniens en appelant au fauteuil un premier médecin qui ne serait pas même membre de l'Académie. La proposition est adoptée.

M. Itard fait, au nom d'une commission, un rapport d'après lequel l'Académie décide que le titulaire qu'elle doit nommer à la place de Coutanceau, Bagneris et Geoffroy appartiendra à la section de pathologie, et que le nombre des candidats à présenter sera le plus grand possible, c'est-à dire six.

-

ELECTRICITÉ MÉDICALE. — M. Thillaye fait un rapport favorable sur l'établissement de M. Lemolt pour l'application de l'électricité au traitement des maladies. Il décrit les différens appareils qui y sont réunis et les divers procédés qui y sont suivis ; il termine en demandant la création d'une commission pour suivre les expériences de M. Lemolt sur des malades qui lui seront confiés. L'Académie nomme membres de cette commission MM. Deneux, Husson, Guéneau de Mussy, Delens, Récamier, Marjolin, Bricheteau et Itard.

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EMPLOI DE L'ALUN DANS LES MALADIES CANCÉREUSES. – M. Guéneau de Mussy donne lecture d'une lettre de M. Jacquot, de Saint-Dié, relative à l'efficacité de l'alun contre les maladies cancéreuses. Ce médecin avait déjà adressé en 1831 deux mémoires sur ce sujet à l'Académie, sur lesquels M. Récamier avait été chargé de faire un rapport. Dans sa lettre, l'auteur rapporte de nouveaux faits à l'appui de son opinion, et il annonce avoir trouvé, dans une certaine douleur du pied, un signe caractéristique et distinctif des affections can

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céreuses de l'utérus. La lettre est terminée par une observation de guérison d'un engorgement de la prostate par l'administration de l'alun à l'intérieur, à la dose de 8 à 16 grains. M. Récamier, auquel est renvoyée cette communication, et qui se propose de faire incessamment sou rapport, dit qu'il a tenté plusieurs fois ce moyen dans des cas de cancer utérin dont la nature n'était pas douteuse. Il a obtenu quelques améliorations, mais pas de guérison. Il a aussi essayé l'emploi d'une solution d'alun animée d'un peu d'alcohol canphrée dans les cancers du sein et en a obtenu de très-bons effets: enfin employé dans quelques cas de gastralgie, ce moyen lui a parfaitement réussi.

TORSION DES ARTÈRES.-M. Fricke, chirurgien en chef de l'hôpital général de Hambourg, adresse la note suivante sur ce moyen d'arrêter les hémorrhagies. « Peu de temps après que M. Amussat eut publié ses essais sur la torsion, je m'empressai de les renouveler, et je suis charmé de pouvoir déclarer ici n'avoir pas eu depuis lors à regretter son emploi. Dans le grand hôpital de Hambourg, il se présente annuellement de 350 à 400 opérations, et depuis trois ans que, non seulement là, mais encore dans ma pratique privée, j'emploie la torsion des artères; je l'ai pratiquée plusieurs fois à toutes les artères, à peu d'exceptions près, même à la crurale, au point où elle dépasse le ligament de Poupart, et à l'axillaire, sans suites dangereuses, telles que hémorrhagies, suppuration, etc. Un trèsgrand nombre de médecins étrangers et du pays ont été témoins de l'application de la torsion, et un grand nombre de ceux de Hambourg l'emploient maintenant avec succès. L'opération de la torsion selon M. Amussat, comparée à la mienne, est un peu plus compliquée, mais aussi plus sûre. Avec ma pince à laquelle je n'ai fait subir que quelques changemens peu importans, on saisit l'extrémité de l'artère coupée en la tordant jusqu'à ce que, par le déchirement d'un petit morceau de la membrane, l'on ait acquis la certitude que la torsion a réussi. Je l'ai pratiquée de cette manière plus de mille fois. » L'auteur termine en faisant remarquer qu'on ne doit pas attribuer 'à la torsion quelques accidens secondaires qui se manifestent quelquefois, et il pense que M. Amussat a rendu un immense service à la chirurgie en faisant connaître ce procédé ingénieux qui, dans quelques cas, ne peut être remplacé par aucun autre.

Séance du 4 septembre. MOMIFICATION. MM. Capron et Albert, pharmaciens à Chaillot, annoncent que, par des procédés de leur invention, ils sont parvenus à faire une momie qu'ils demandent à exposer publiquement. Une commission, composée de MM. Larrey, Oudet, Caventou, Ribes et Pariset sont chargés d'examiner ce tràvail, qui intéresse vivement la salubrité publique.

VACCINE.-M. Bousquet donne lecture d'un mémoire intitulé: Dw degré d'importance des boutons de la vaccine, considérés dans leur rapport avec l'effet préservatif de la vaccine. D'après de nombreuses expériences, l'auteur pense que l'éruption du bouton, nécessaire peut-être au diagnostic, ne l'est nullement comme préservative de la variole. Il pense que l'effet préservatif est dû seulement au changement qui s'opère à l'intérieur de l'organisation, soit par la réaction fébrile, soit de toute autre manière; car d'une part il a vu des sujets vaccinés à dix, douze ou quinze reprises, n'avoir aucune éruption, offrir seulement quelques symptômes fébriles et être ensuite exempts de toute contagion variolique ; d'autre part, il a ouvert au quatrième jour des boutons dont la matière communiquait déjà la vaccine, les a cautérisés profondément et détruits avec le nitrate d'argent, et plus tard ces individus n'ont pas eu la variole en s'y exposant, et il n'a pu une seconde fois développer chez eux la vaccine. Il conclut de ces faits que, comme il y a des varioles sans éruptions, variolæ sine variolis, il y a aussi des vaccines bonnes et préservatives sans boutons.

Cette lecture donne lieu à une controverse animée. Le point de doctrine est vivement contesté par les uns et chaudement défendu par d'autres.

Séance du 11 septembre.-Influence des émanations putrIDES DANS LE CHOLÉRA.—M. Double, au nom de la commission du. choléra-morhus, fait un rapport sur cette importante question. Lorsque le choléra parut à Blois, un médecin de cette ville ne vit pas sans crainte que les ouvriers en dépavaient les rues pour les nettoyer; il craignait que ces terres remuées ne donnassent naissance à des émanations funestes aux cholériques, observation qu'il pensait avoir déjà été faite à Paris. Il écrivit en conséquence au préfet, et ce dernier transmit ces lettres au ministre qui les renvoya à l'Académie pour décider la question. Des recherches nombreuses étaient nécessaires pour arriver à cette solution M. Double s'y est livré avec un soin extrême; il décrit tous les travaux qui ont été faits en ce genre à Paris dès l'origine et pendant la durée du choléra; il les a suivis de rue en rue, dans les différens quartiers; il en donne toutes les dimensions, indique la nature des terres que l'on a creusées à différentes profondeurs pour y établir des canaux ; et d'après les relevés faits dans les arrondissemens, il fait voir que les habitans des rues où ces travaux ont été exécutés, ainsi que les ouvriers qu'on y a employés, ont été sans comparaison, plus ménagés que tous les autres. Il appuie cette remarque, et sur les expériences faites récemment par M. Parent-Duchâtelet et par l'observation faite à Montfaucon, où l'on s'occupe des travaux les plus insalubres, et où cependant

très-peu d'ouvriers ont été atteints. De ces faits M. Double conclut que les émanations que laissent échapper les matières animales ne sont pas à beaucoup près aussi dangereuses qu'on l'avait supposé jusqu'ici, et que, même en temps d'épidémie, les remuemens de terres qui auraient pour résultats de multiplier ces émanations peuvent être faits sans péril; ce qui, toutefois, ne saurait lier les mains de l'administration, lorsque des circonstances particulières la mettraient dans la nécessité de différer des entreprises de cette nature. Après une discussion assez vive, l'Académie décide que les conclusions de ce rapport seront exprimés en termes moins affirmatifs. Cependant la rédaction définitive en est confiée à M. Double, et le rapport et ses conclusions mis aux voix sont adoptés.

Séance du 18 septembre. CHOLERA MORBUS. M. Guéneau de Mussy lit une lettre de M. Mitivié, relative à la non-contagion du choléra-morbus. Une femme qui nourrissait a été gravement atteinte de cette maladie, et n'a pas cessé d'allaiter son enfant qui n'a pas été malade. M. Rullier à cette occasion, cite plusieurs cas semblables; deux de ces malades ont guéri, une troisième a succombé; toutes trois ont donné le sein à leurs enfans, les deux premières pendant toute la maladie et la troisième jusqu'à deux heures avant sa mort. Les enfans n'ont pas été malades.

EMPLOI DU HUACO. M. François communique à l'Académie l'extrait suivant d'une lettre de M. Chabert, médecin en chef de l'armée mexicaine. «< Au moment où j'ai appris que le choléra-morbus était arrivé jusqu'à Paris, je m'attachais à constater l'efficacité du huaco dans le traitement de la fièvre jaune. Si le choléra vient jusqu'à nous, j'essayerai contre lui le même moyen ; je vous invite à m'imiter. Je vous envoie un échantillon de quelques livres de cette plante. Le huaco est une liane aromatique, amère, sudorifique. Voilà sa propriété essentielle. On l'emploie en décoction, en teinture spiritueuse. Elle a une action prompte et presque miraculeuse contre la morsure des serpens venimeux. C'est à cause de cela que je l'administre dans la fièvre jaune. Dès la troisième ou quatrième tasse de la décoction de cette plante, la peau, loin de se réfroidir, s'échauffe, et la transpiration s'établit; je la donne à petites doses de demiheure en demi-heure. S'il y a défaillance et refroidissement, j'ajoute 25 à 30 gouttes et même une cuillerée à café de la teinture alcoholique .Je me sers aussi de la décoction en lavement, et de la teinture en frictions sur la colonne vertébrale et les extrémités. » A cette occasion M. François annonce qu'il a essayé le huaco sur un cholérique, et qu'il y a espérance de succès.

Séance du 25 septembre

SUBLIME CORROSIF DANS LA SYPHILIS. M. Emery fait au nom de la commission des remèdes secrets, un rap

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port sur la méthode syphilitique dulcifiée de M. Ollivier. Il résulte des nombreuses expériences faites par la commission, qui avaient pour objet de déterminer dans quel état se trouvait le mercure dans les diverses combinaisons que M. Ollivier lui fait subir, que dans chaque préparation, soit biscuits, sirop, pastilles, etc., on trouve que le deuto-chlorure de mercure est changé en proto-chlorure, mercure doux, tellement divisé qu'il devient soluble. (1) Le rapporteur annonce que, chez les nombreux malades auxquels les préparations de M. Ollivier ont été administrées, aucun n'a éprouvé les accidens qu'entraîne toujours l'emploi du sublimé; que ces préparations sont préférables à toutes les autres pour les constitutions débiles et délicates; que les combinaisons de M. Ollivier sont le résultat de dix années de travaux; qu'il a fourni gratuitement dix mille biscuits tant pour les expériences que pour divers malades auxquels on les a administrés. D'après ces motifs, il propose au nom de la commission d'appliquer à M. Ollivier le bénéfice des décrets de 1810 sur les remèdes secrets, et d'engager le gouvernement a acheter les formules de M. Ollivier pour qu'elles soient publiées, moyennant douze cents francs de rentes sur le grand livre Après une longue discussion, l'Académie décide que la commission fera un nouveau rapport sur ce point dans la prochaine séance.

Académie royale des Sciences.

Séance du 27 août. M. Thénard fait un rapport favorable su les observations adressées par M. Payen, relativement à la propriété qu'ont les solutions aqueuses alcalines de s'opposer à l'oxydation du fer et de l'acier. Il suffit, pour obtenir ce résultat (dont les avantages pourront être facilement appréciés par les chirurgiens) de tremper le métal dans de l'eau de chaux pure ou même étendue d'une fois son poids d'eau ordinaire, ou encore dans une solution aqueuse de potasse caustique contenant seulement un deux-millième de cet alcali. Les carbonates alcalins et le borax produisent le même effet, mais seulement à des doses plus fortes, de manière que si l'eau, chargée de potasse caustique, dans la proportion indiquée plus haut, avait le contact de l'air, à mesure que l'alcali se carbonaterait, le fer ou l'acier qui y serait plongé pourrait s'oxyder. Séance du 4 septembre. M. Flourens est élu candidat pour la

(1) Nous ne comprenons pas ce que le rapporteur entend par ces mots devient soluble. Nous ne savons pas sur quoi s'appuie cette assertion.

place de professeur d'anatomie humaine, vacante au muséum d'histoire naturelle par la mort de Portal.

L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre honoraire en remplacement de M. Henri de Cassini. M. Desgenettes est élu. Séance du 17 septembre. M. de Humboldt adresse, de Berlin, une lettre contenant la copie d'un passage d'une autre lettre que lui a écrite de Buenos-Ayres, le 7 mai dernier, M. Bonpland. Ce célèbre naturaliste annonce, entre autres faits intéressans pour la science, que ses collections renfermeront deux espèces nouvelles de convolvulus dont les racines jouissent de toutes les qualités bienfaisantes du salep, et trois écorces très-amères, provenant de trois espèces nouvelles d'un genre qui appartient à la famille des simaroubées. Ces écorces ont le goût du sulfate de quinine, et agissent de la manière la plus heureuse dans les dysenteries et autres dérangemens gastro intestinaux. Bonpland ajoute que, s'il pouvait encore obtenir à Buenos-Ayres des renseignemens sur l'efficacité des ces écorces, d'après les essais qu'on en pourrait faire à Paris, il tâcherait, avant son départ, de faire des dispositions pour en fournir nos hôpitaux.

MM. Capron et Boniface Albert annoncent qu'ils ont trouvé un moyen expéditif de conserver les corps humains sans préparation externe, sans altération des traits du visage et sans retrancher aucune partie. L'opération se fait dans huit jours. Ils demandent à mettre sous les yeux de l'Académie un squelette ainsi préparé.

M. Tanchon dépose un paquet cacheté. M. Couerbe en fait autant pour un manuscrit contenant des recherches chimiques.

On procède à l'élection d'un candidat pour la chaire d'histoire naturelle, vacante à l'école de pharmacie. M. Guibourt obtient la majorité des suffrages.

On passe ensuite à l'election pour la place laissée vacante au Collége de France par la mort de M. Cavier.-M. Elie de Beaumont ayant obtenu la majorité, est déclaré candidat de l'Académie pour la chaire vacante.

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Séance du 24 septembre. ACCOUCHEMENS LABORIEUX. - M. Baudelocque, neveu, soumet au jugement de l'Académie un nouvel instrument qu'il a inventé pour terminer quelques-uns des accouchemens les plus difficiles. Cet instrument est un double crochet mousse à lame cachée, et est propre à couper en un instant, par morceaux, le trone de l'enfant mort pendant le travail de l'accouchement laborieux. Un mémoire, joint à l'envoi de l'instrument, indique les cas dans lesquels il paraît devoir être employé. Ce travail, étant présenté comme le complément d'un premier travail du même auteur sur le broiement de la tête de l'enfant mort, est renvoyé aux commissaires qui ont jugé la première partie, MM. Boyer et Duméril.

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ÉLECTRICITÉ MÉDICALE.

M. Fabré Palaprat adresse un instrument qu'il propose de substituer pour les frictions électriques aux brosses en crin ou aux brosses en fils de laiton terminées par de petites boules de plomb employées jusqu'à présent pour ces frictions. Ces deux sortes de brosses offrent, dit l'auteur, le très-grand inconvénient de ne pouvoir être bien nettoyées et de porter sur la peau d'un second malade les matières souvent malfaisantes qu'elles ont détachées de la peau d'un premier. L'instrument qu'il propose n'apas ce désavantage; il se compose d'un vase métallique creux dont la forme et la grandeur varient selon la partie qui doit être soumise à son action, et dans lequel, d'après les indications qu'on a à remplir, on introduit un liquide plus ou moins chargé de calorique. Le vase est fermé par un bouchon de métal à vis, terminé par un manche de verre. Il est mis en communication avec le sol ou avec une machine électrique au moyen d'une chaîne de métal. On recouvre le vase d'une chemise d'étoffe plus ou moius épaisse, plus ou moins douce au toucher. et dont, si cela est jugé utile, une des surfaces extérieures peut être formée d'un tissu à pinceaux de crin, de blaireau, de laine, etc. D'après la nature du tissu et la forme de la chemise, et selon les indications, on détermine à volonté avec cet appareil, ou des simples courans ou des jets d'étincelles plus ou moins excitantes, qui, en stimulant la peau, y produisent une sorte d'urtication que l'on proportionne à l'état du malade, et en même temps une friction peu différente de celle qu'on pourrait obtenir des brosses ordinaires. Les chemises de l'instrument, qu'elles soient unies ou à pinceaux, doivent, après chaque opération, être soumises au lavage et à l'action du chlore; de cette manière, l'on est certain de ne transmettre à la peau aucune malpropreté ni aucune espèce de virus, lorsqu'on employe les enveloppes de l'appareil pour frictionner de nouveaux malades.

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L'électro-thermophore, c'est le nom que l'auteur donne à cet instrument, renfermant ou pouvant renfermer une substance d'un degré de température déterminée, l'on a, outre l'avantage du frottement mécanique, celui d'agir en même temps sur la partie affectée, et par le moyen de l'électricité et par le moyen du calorique, portés l'un et l'autre, selon l'indication, depuis le degré le plus faible jusqu'à un degré très-élevé.

M. Payen dépose les résultats de ses recherches sur la formation de l'acide sulfurique, et de plus un paquet cacheté contenant la description d'un procédé pour la conservation des viandes alimentaires. L'auteur s'est proposé de remplir les conditions suivantes, qu'il considère comme étant de rigueur pour une complète solution du problème: 1° le poids de la substance utile et des agens préser

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vateurs doit être peu considérable; 2° cette matière organique si altérable doit être pour longtemps garantie d'altérations, même sous l'influence de températures variées; 3o la saveur agréable ne doit pas être sensiblement modifiée; 4° l'arôme que produit la coction, comme l'ont démontré les expériences de M. Chevreul, ne doit pas être libre de se dégager avant le moment où l'on fait usage de la viande alimentaire; 5° les agens et les procédés de conservation doivent être peu coûteux et facilement applicables dans différentes localités; 6° l'emballage et l'arrimage des produits doivent être faciles et peu dispendieux.

ANATOMIE COMPARÉE. M. Geoffroy-Saint-Hilaire présente un mémoire, intitulé: Observations sur la concordance des parties de l'hyoïde dans les quatre classes d'animaux vertébrés, accompagnant, à titre de commentaire, le tableau synoptiqne où cette concordance est figurativement exprimée.

VARIÉTÉS.

Réclamation.

D'après un arrêté de la préfecture du département de la Seine, en date du 2 juin 1806, basé sur la loi du 19 ventosc an xi, les places de médecins vérificateurs des décès étaient données depuis cette époque aux plus anciens des médecins des bureaux de bienfaisance, en considération de leurs services gratuits.

Sur la foi de cet engagement de l'administration, les médecins des bureaux de bienfaisance s'attendaient, à une époque plus ou moins avancée de leur pénible carrière, à une espèce de retraite, que quelques uns seulement parvenaient à obtenir, la mort seule dépossédant ceux qui avaient les places dont il s'agit.

L'arrêté que nous citons, rendu sous M. Frochot, a tellement été respecté pendant la longue administration de M. de Chabrol que, dans le douzième arrondissement, un médecin déjà ancien dans le bureau de bienfaisance, s'étant fait nommer par intrigue à une place de médecin vérificateur des décès qui revenait à M. Devilliers, par son rang d'ancienneté, le préfet, par une délibération du 19 avril 1825, cassa au bout de quinze mois sa nomination, qui était contraire à cet arrêté, et nomma M. Devilliers.

M. de Bondy, qui ne se croit engagé ni par l'arrêté de M. Frochot, ni par la conduite équitable de M. de Chabrol, vient de nommer, dans le dixième arrondissement, à une place de vérificateur des décès

que le titulaire, démissionnaire par arrangement, n'avait obtenu que par son ancienneté; M. de Bondy, disons-nous, vient de nommer dans cet arrondissement un jeune homme à peine reçu docteur, qui n'appartient à aucun établissement de bienfaisance, mais qui appartient par alliance à un des chefs de bureaux de la préfecture de la Seine.

Vaines ont été les réclamations faites auprès du préfet, soit par les tiers lésés, soit par les maire et adjoints de l'arrondissement, etc. Vaines aussi ont été de pareilles réclamations adressées au ministre compétent!..

Il nous reste, à nous tiers intéressés, à en appeler, comme d'abus, au conseil-d'état, et dans tous les cas à l'opinion publique par la voie de pétitions adressées aux chambres.

Un des plus anciens des médecins du Bureau de
  Bienfaisance du X. arrondissement.

BIBLIOGRAPHIE.

Traité pratique, théorique et statistique du choléra-morbus de Paris, appuyé sur un grand nombre d'observations recueillies à l'hôpital de la Pitié; par J. BOUILLAUD, professeur de clinique médicale à la Faculté de Médecine de Paris, etc. Paris, 1832, in-8. pp. xv1-426. Prix, 6 fr. 50 cent. Chez J. B. Baillière.



Le traité que vient de publier sur le Choléra-Morbus de Paris M. le docteur Bouillaud, devait attirer l'attention des médecins. L'importance du sujet et la position de l'auteur imposent à la critique le devoir d'un examen sérieux.

Quoique ce traité soit matériellement divisé en trois parties, il n'en contient réellement que deux: des faits, c'est-à-dire toutes les observations particulières, quelle qu'ait été l'issue de la `maladie; des inductions tirées de ces faits, c'est-à-dire l'histoire générale de la maladie, résumée de toutes les observations.

Ce sont là aussi les deux points de vue généraux sous lesquels l'ouvrage doit être examiné.

Les observations particulières qui sont contenues dans la première et la troisième parties du traité, et qui constituent les faits sur lesquels s'appuie la description générale, sont au nombre de 97; car il faut retrancher du nombre 102, adopté par l'auteur, les cinq observations de maladies étrangères au choléra qui forment la troisième -section des observations de guérison.

Cette collection de faits est la plus considérable qui ait été jus'qu'alors publiée. Elle a d'autant plus de valeur qu'elle contient les procès-verbaux de 50 ouvertures de cadavres.

En général les symptômes ont été recueillis avec soin, et les altérations anatomiques étudiées avec intelligence. Toutefois ces observations laissent quelque chose à désirer.

Le défaut de renseignemens précis sur l'époque de l'invasion de la maladie et sur les circonstances antécédentes, était inévitable dans beaucoup de cas et ne peut être imputé à l'auteur; mais il n'en est pas moins fâcheux, car ces renseignemens ont une grande valeur quand il s'agit de généraliser les faits. D'autres imperfections relatives à la description des altérations anatomiques auraient pu être évitées. Les principales méritent d'être signalées.

Souvent l'altération dont la muqueuse était le siége a été seulement indiquée par le mot injection. Cette expression beaucoup trop vague peut induire en erreur sur la nature de la lésion; car elle est employée également par l'auteur pour représenter deux états fort différens, celui du tube digestif à l'extérieur et celui de la membrane muqueuse. Le plus grand inconvénient de son emploi, c'est que cette expression ôte aux faits qu'elle désigne toute valeur pour ceux qui contestent la nature inflammatoire des lésions du tube digestif dans la première époque du choléra. Une autre remarque plus importante est celle-ci : Il ne paraît pas que le cerveau ait été examiné avec toute l'attention nécessaire, ou au moins que son état ait été constaté avec toute l'exactitude désirable.

.

Dans le plus grand nombre de cas où les malades ont succombé avant la réaction, M. Bouillaud n'a rien trouvé à noter sur l'état de l'encephale. Sur un grand nombre de cas (1), dans les mêmes circonstances, j'ai constamment trouvé un engorgement très-considérable de l'encéphale. Les vaisseaux veineux et artériels étaient pleins de sang noir, la substance grise avait une teinte violacée, et la substance blanche divisée par le scalpel, se couvrait d'une multitude de gouttelettes de sang noir, dont on augmentait le nombre et le volume par la pression.

Cette lésion m'a paru tellement constante que je la considère comme caractéristique de la première époque du choléra avec affaiblissement de la circulation, et que je suis porté à croire à son existence dans les cas analogues qui font partie des observations de M. Bouillaud, quoique cet observateur n'en ait pas fait mention.

(1) Le résultat des observations et des recherches faites par M. le D. Foville et moi, sur 78 malades, a été publié quelques jours avant l'ouvrage de M. Bouillaud.

Enfin des observations du traité, il résulterait que le développement des plaques de Peyer serait beaucoup moins fréquent que celui des follicules de Brunner. J'ai observé le contraire, et j'ai eu occasion, en outre, de constater dans ces plaques divers degrés d'altération qui paraissent avoir échappé à M. Bouillaud.

La classification des faits n'est pas sans influence sur les inductions générales qu'on en peut déduire. Cette classification est loin d'être irréprochable dans l'ouvrage de M. Bouillaud.

Les observations ont été distribuées en plusieurs groupes.

Dans la section qui comprend les 50 observations de choléra suivi de mort, les cas de choléra simple forment trois catégories. La première comprend les cas dans lesquels la mort est survenue presque immédiatement après l'entrée ou après 24 heures de séjour au plus. Les observations de cette catégorie portent toutes le titre de choléra asphyxique foudroyant.

La seconde catégorie comprend les cas dans lesquels la mort n'est survenue que plus de 24 heures après l'entrée des malades, sans apparition des symptômes typhoïdes. Les observations de cette catégorie sont appelées simplement asphyxiques, excepté l'observation 26, dans laquelle le choléra est dit demi-asphyxique.

Ces deux catégories sont arbitraires et fondamentalement défectueuses. Prenant pour limite des classes la durée, ce n'était pas la durée du séjour à l'hôpital, qui est quelque chose d'accidentel et de fortuit, mais la durée réelle de la maladie qui devait servir à établir un rapport de coordination entre les faits.

Ce vice fondamental dans la classification des observations a conduit l'auteur à des rapprochemens forcés et à des inductions qui manquent de rigueur.

Dans la première catégorie se trouvent rapprochés des cas de choléra dont la durée a varié de 12 heures à 4 jours; dans la seconde, des cas dont la durée a varié de 36 heures à 5 jours. Et comme tous les cas de la première catégorie ont été appelés asphyxiques foudroyans, tandis que ceux de la seconde sont seulement asphyxiques, il en résulte cette bizarrerie qu'un cholera qui a duré 4 jours (observation 17) est considéré comme foudroyant, tandis que des choléra qui ont amené la mort en 36 ou 37 heures (obs. 24 et 25) sont simplement asphyxiques et non foudroyans.

Mais ce qui est plus grave, cette classification vicieuse a détourné l'auteur du véritable point de vue sous lequel il devait étudier les faits, la durée réelle de la maladie, et par suite elle lui a fait négliger une considération fort importante, le rapport des lésions organiques avec cette même durée. Ces conséquences fâcheuses se feront vivement sentir dans la description générale.

La troisième catégorie, comprenant les cas dans lesquels la mort est

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survenue pendant la réaction typhoïde, n'offre pas les mêmes inconvéniens, parce que l'époque à laquelle apparaissent les phénomènes morbides ainsi qualifiés est naturellement en rapport avec la durée de la maladie et le degré correspondant des altérations organiques., Une différence fondamentale, la complication avec une autre maladie, justifie la réunion des observations de choléra-morbus compliqué dans une même catégorie qui est la quatrième. Toutefois ce groupe aurait dû être rattaché aux autres par un rapport commun qui eût rendu tous les faits comparables Ce rapport naturel était la durée.

On trouve dans cette catégorie des complications du choléra, 4 cas d'affections chroniques des organes abdominaux, 8 cas d'affections des organes thoraciques, un cas d'affection des organes encéphaliques. Ces observations intéressantes prouvent qu'une maladie actuelle ne préserve pas du choléra. Mais les complications du choléra offraient une question d'un grand intérêt que M. Bouillaud n'a pas abordée, et dont la solution aurait pu être jusqu'à un certain point obtenue des faits que lui-même a observés : je veux parler de la complication du choléra avec des affections aiguës du tube digestif.

Plusieurs des altérations pathologiques constatées à la Pitié, dans la muqueuse digestive, après une durée du choléra de moins de 48 heures, sont de nature à faire croire que ces altérations doivent être rapportées à une durée plus longue et par conséquent à une inflammation aiguë préexistante; et cela avec d'autant plus de raison que dans ces cas l'invasion du choléra avait été précédée par un trouble des fonctions digestives ayant duré plusieurs jours (notamment Obs. 24 et 25). Si M. Bouillaud avait cherché à apprécier la succession des altérations pathologiques dans son rapport avec la durée de la maladie, il aurait été conduit à reconnaître que les traces d'inflammation par lui observées dans l'estomac et les intestins chez plusieurs cholériques doivent être attribuées à un travail inflammatoire préexistant à l'invasion du choléra. Je reviendrai sur cette question importante.

Les observations de choléra-morbus suivi de guérison, rejetées par l'auteur à la fin de l'ouvrage pour en constituer la troisième partie, sont intéressantes; elles sont au nombre de 47: 25 appartiennent au choléra grave, 22 au choléra léger.

Telles sont les remarques principales que m'a suggérées l'examen attentif des faits qui forment la partie fondamentale de l'ouvrage de M. Bouillaud. L'exposé didactique et théorique qui est résumé de ces faits doit reproduire les inexactitudes qu'ils contiennent, et surtout mettre en relief les conséquences de l'analyse défectueuse qui a présidé à leur classement. C'est ce qui va ressortir de l'examen de la deuxième partie du traité qui porte ce titre : Histoire ou description

générale du choléra-morbus de Paris. Elle se compose subdivisées en un grand nombre de chapitres ou d'articles.

de

7 sections

Dans la première section, l'auteur traite de la cause spécifique du choléra-morbus et de ses causes adjuvantes et occasionelles ; de la date de l'invasion de cette maladie; de son mode de développement et de propagation. Rien autre chose dans cette section que ce qui se retrouve partout. La cause spécifique est ignorée; les causes occasionnelles sont celles de toutes les maladies en général; la question du mode de propagation est tranchée par la non importation et la non contagion, sans que la discussion offre rien de remarquable pour les argumens ni pour les faits.

La deuxième section est consacrée à l'exposition et à l'appréciation des symptômes et au diagnostic.

L'auteur ne distingue avec raison que deux espèces de choléra, le grave et le léger. Pourquoi donc n'avoir pas sacrifié à cette vue fort juste tout le fatras de dénominations spécifiques employé pour désigner les cas particuliers? Choléra asphyxique foudroyant, asphyxique, semi-asphyxique, sub-asphyxique, algide, sub-algide, grave, intense, cyanique, cholérine, choléra de moyenne intensité, sub-intense, léger; et toutes les combinaisons possibles de ces qualifications avec le mot typhoïde!

L'auteur divise le choléra grave en deux périodes: celle des grandes évacuations gastro-intestinales ou de l'irritation sécrétoire de la membrane folliculeuse des voies digestives, et celle de la réaction avec ou sans développement de l'état typhoïde.

Les symptômes qui précèdent l'invasion du choléra, soit qu'ils en constituent les prodrômes, soit qu'ils appartiennent à une affection préexistante du tube digestif, n'ont pas trouvé place dans cette description. Ces symptômes ont pourtant de l'importance; seuls ils peuvent expliquer, par leur nature et leur durée, la gravité des lésions trouvées dans le tube digestif chez des malades qui avaient succombé peu de temps après l'invasion du choléra proprement dit.

Les symptômes de la maladie à dater de cette invasion, sont en général bien exposés. Cependant ceux qui, suivant l'expression de l'auteur, sont fournis par l'exploration des appareils de l'intelligence, des sensations et des mouvemens, dans la première période, me paraissent manquer d'exactitude.

L'intelligence est intacte, dit M. Bouillaud. Si par là il faut cntendre seulement qu'il n'y a pas de délire, l'observation est vraie. Mais il n'en faudrait pas conclure que les fonctions de l'encéphale ne sont pas notablement troublées. En effet d'après la description même de M. Bouillaud, il y a chez les cholériques dans la première période, découragement, sinistres pressentimens ou indifférence pour leur état, (différences qui, suivant l'auteur, tienpent aux particuliarités de

tempérament et d'organisation cérébrale), tendance marquée à l'assoupissement; vue émoussée, vertiges, étourdissemens, éblouissemens. Si à ces symptômes on ajoute la difficulté de fixer l'attention des malades, la lenteur et la briéveté de leurs réponses, que l'auteur a omis de constater, on est conduit à reconnaître un trouble profond dans les fonctions de l'encéphale. L'anatomie pathologique prouve que ce trouble coïncide avec l'engorgement remarquable du cerveau qui n'a pas attiré l'attention de M. Bouillaud.

L'exposition des symptômes laisse encore à désirer une appréciation exacte da rapport de succession qui les lie, rapport qui malgré son importance a été généralement négligé par l'ruteur.

Dans l'appréciation des symptômes, M. Bouiilaud a fait un usage judicieux de la connaissance des lois physiologiques.

Il rapporte les symptômes de l'appareil digestif à une congestion sanguine active, et les symptômes des autres appareils à un affaiblissement de la circulation et de l'action organique. Et il subordonne la lésion des fonctions de la circulation, de la respiration, la calorification et de certaines sécrétions, aux phénomènes abdomi naux représentés principalement par les grandes évacuations cholériques.

de

Ce sont là les idées fondamentales de la doctrine professée par M. Broussais, auxquelles les observations et les inductions de M. Bouillaud viennent prêter leur appui.

La 3me section est consacrée à l'exposition et à l'appréciation des lésions rencontrées chez les individus qui succombent au choléra-morbus ; lésions qui eonstituent les caractères anatomiques de cette maladie. M. Bouillaud a conservé la division en deux périodes adoptée par lui pour les symptômes..

Dans un premier article où sont exposées les lésions anatomiques rencontrées chez les choleriques qui succombent dans la période des grandes évacuations intestinales, ces lésions sont en général énumé`rées et caractérisées avec exactitude.

Mais dans ce résumé des observations particulières, se remarquent les conséquences de la classification vicieuse des faits.

On se tromperait singulièrement, dit l'auteur, si l'on pensait que chez tous les individus qui succombent rapidement, dans l'espace de 12, 24, ou 48 heures par exemple, on ne rencontre jamais qu'une rougeur à peine marquée, une injection très-médiocre.

Je pense qu'on se tromperait bien davantage, si l'on attribuait à une maladie qui a duré seulement 12, 24 on 48 heures des désordres tels que quelques-uns de ceux que M. Bouillaud a rangés dans une même catégorie, sans tenir compte de la durée réelle de la maladie et des affections préexistantes, et sous prétexte que les malades auraient succombé 12, 24 ou 48 heures après leur entrée à l'hôpital.

Ce qui est vrai et ce qui peut être conclu même des observations publiées par M. Bouillaud, c'est que les altérations organiques sont successives dans le choléra comme dans les autres maladies, et que leur intensité de développement est en raison de la durée de la maladie.

Dans les véritables cas de choléra foudroyant, c'est-à-dire, quand un individu qui n'était nullement malade et qui surtout n'avait pas de diarrhée, est enlevé en un petit nombre d'heures au milieu des symptômes les plus graves du choléra, le tube digestif dans toute sa longueur n'offre d'autres altérations que les suivantes : engorgement général du systême vasculaire, couleur rose, hortensia, lilas, violacée de la muqueuse de l'estomac et de l'intestin grêle, souvent pâleur blafarde de celle du gros intestin, développement des plaques de Peyer et des follicules de Brunner. Cette coloration uniforme, due à un engorgement général, n'est interrompue que par un petit nombre de plaques pointillées, disséminées et très-petites.

Dans les cas où il y avait avant l'invasion du choléra proprement dit, trouble des fonctions digestives et particulièrement diarrhée, suivant la durée de ces symptômes morbides, on trouve des traces d'inflammation plus ou moins considérables dans l'estomac, dans l'intestin grêle et notamment dans le gros intestin, altérations dont l'origine est plus ancienne que l'invasion du choléra.

A dater de cette invasion, les altérations du tube digestif qui appartiennent au choléra, et qui consistent d'abord dans la congestion générale et la coloration uniforme de la muqueuse, passent rapidement, il est vrai, mais successivement à des modifications d'intensité dans la couleur et de forme dans l'injection, et peuvent arriver au ramollissement et même à la gangrène, après avoir passé par l'injection pointillée, arborisée, ecchymosée, infiltrée, etc.

Cette succession des altérations en raison de la durée de la maladie a été méconnue par M. Bonillaud. Elle est indispensable à connaître, pour concevoir la marche de la maladie. Elle est importante par les conséquences qu'on en peut déduire pour les indications therapeutiques.

Enfin elle peut seule expliquer, comment des observateurs ont pu dire avec vérité que dans certains cas le tube digestif a été trouvé chez des cholériques, exempt de rougeur dans toute sa longueur.

Cette absence de rougeur est un fait qui a frappé beaucoup d'observateurs en France et à l'étranger; je l'ai moi-même observé plusieurs fois.

Ce n'est pas en niant ce fait incontestable qu'on peut combattre avec succès l'argumentation qui s'appuie sur lui pour contester la nature de la congestion dont le tube digestif est le siége dans la

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première époque du choléra. Mais en établissant ce qui est la vérité et ce qui a échappé à beaucoup d'observateurs, que dans cette première époque où il n'y a pas à proprement parler de rougeur inflammatoire, c'est-à-dire ni plaques, ni pointillé, ni arborisations, etc. toute la muqueuse est pourtant le siége d'une congestion qui a aug menté son épaisseur, et qui lui donne une teinte hortensia uniforme, qu'en même temps les follicules agminés et isolés ont pris un développement considérable, et que c'est à cet état de la muqueuse que corespond la super-sécrétion caractéristique.

Ces caractères anatomiques, qui sont réellement ceux de la première époque du choléra, sont les seuls dont on puisse tirer des inductions pour apprécier la nature de la congestion de la muqueuse, et ils sont suffisans pour qu'on soit en droit d'en conclure que cette congestion est active.

Une analyse exacte des faits observés par M. Bouillaud, aurait pu le conduire à ce résultat qui me paraît concilier les assertions contradictoires des observateurs, sur l'état du tube digestif dans la première époque du choléra.

On peut remarquer dans la description d'ailleurs exacte donnée par M. Bouillaud des liquides que renferme le tube digestif, la défaut d'analyse que j'ai signalé dans son appréciation des autres caractères anatomiques. Les rapports qui existent entre les qualités de ces liquides, la durée de la maladie et la lésion de la muqueuse avec laquelle ils sont en contact n'ont pas été exactement déterminés,

Ainsi le liquide caractéristique blanc appartient à la première époque du choléra et correspond à la congestion générale de la muqueuse avec développement des follicules.

Le liquide plus ou moins coloré par le sang appartient à une époque un peu éloignée, et correspond à cet état inflammatoire plus prononcé de la muqueuse. Cette coloration varie d'intensité à peu près comme les altérations de la membrane. Et si les faits ont prouvé à M. Bouillaud, ce qui est vrai, que ce liquide coloré peut exister dans la partie inférieure, cela tient à ce que l'inflammation marchant ordinairement avec plus de rapidité dans la partie inférieure et particulièrement dans les derniers pieds de l'iléum et le cœcum à une même époque ces dernières parties peuvent être plus profondément altérées que les autres.

Les liquides colorés par la bile appartiennent à une époque encore plus éloignée, celle où la super-sécrétion intestinale a cessé pour faire place à l'inflammation.

M. Bouillaud n'a pas saisi ce rapport de succession,
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Pangwall

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 136-
« Reply #5 on: September 27, 2022, 07:37:34 PM »


136-140

Et il cite les Obs. 6, 11, 13, 14, 16, 23, 24, 27, 28, 30, 31, 32, 46, 47, 48, 49, c'est-à-dire 16 sur 50, dans lesquelles le tube digestif contenait de la bile. Une proportion aussi considérable d'exceptions semblerait infirmer l'opinion généralement accréditée, que la sécrétion biliaire se supprime dans les premiers temps du choléra.

Mais la question n'est pas de savoir si l'on peut trouver de la bile dans les intestins des cholériques, même pendant la période algide dont la durée n'a rien d'absolument fixe, mais s'il est une époque et des circonstances constantes pendant lesquelles la bile cesse de couler dans l'intestin, ce que plusieurs médecins ont affirmé, el ce qui en effet est vrai. Or l'époque de la durée du choléra à laquelle la bile ne coule pas dans l'intestin est celle de le super-sécrétion intestinale.

Les observations de M. Bouillaud confirment ce point de doctrine. Car parmi elles, il n'y a que l'observation 2o qui paraisse faire exception. Toutes les autres, et notamment depuis le n° 23, appartiennent à une époque de durée du choléra, où la super-sécrétion intestinale avait cessé, et où la bile avait dû recommencer à être versée dans le tube digestif. C'est ce qui a échappé à M. Bouillaud.

Un défaut analogue de précision se remarque dans ce que l'auteur dit de la présence des mucosités dans l'estomac et les intestins.

Les mucosités visqueuses et adhérentes n'existent que quand la congestion a passé à l'état inflammatoire, et là seulement où cette transformation a eu lieu,

Entin la lésion de l'encéphale, qui consiste dans l'engorgement de sa substance, ayant échappé à M. Bouillaud dans les observations particulières, ne pouvait être indiquée dans son résumé.

La section quatrième où l'auteur traite du début, de la marche et de la terminaison du choléra-morbus, manque de développement. C'est d'après l'époque de l'entrée des malades à l'hôpital que M. Bouillaud évalue la durée comparative de la maladie. On conçoit dès lors que ses conclusions ne soient pas rigoureuses.

La cinquième section est intitulée de la nature du choléra.

M. Bouillaud conclut des symptômes et des lésions anatomiques que le cholera constitue une espèce d'irritation gastro-intestinale, caractérisée, en ce qui concerne les symptômes, par l'abondance des évacuations par haut et par bas, et les qualités particulières des matières rejetées ; en ce qui concerne les altérations anatomiques, par l'étendue immense de l'irritation gastro-intestinale, la présence de deux espèces de liquides (le blanc et le sanguinolent), l'éruption discrète ou confluente des follicules intestinaux, et assez souvent un état gangréneux de certaines portions de la membrane irritée. Ces conclusions, qui auraient pû être formulées avec plus de précision et de

netteté, sont justifiées par les faits que M. Bouilland a observés, et se rapportent parfaitement pour ce qu'elles ont de fondamental avec les opinions émises par M. Broussais.

Les considérations relatives au traitement remplissent la 6 section. Elles sont déduites de la doctrine adoptée par l'auteur sur la nature de la maladie, et l'on conçoit dès lors qu'elles aient pour base la méthode antiphlogistique.

La septième section contient quelques considérations de statistique.

Un article est consacré à la comparaison du chiffre relatif des guérisons et des morts dans plusieurs services des hôpitaux de Paris. Il en résulte que l'avantage a été pour la méthode antiphlogistique.

M. Bouillaud, eu établissant la proportion qui appartient à son service, compte 52 guérisons et 50 morts sur 102 malades, ct en conclut qu'il a guéri un pen plus de la moitié de ses malades. Il aurait dû pour être exact compter 50 morts et 47 guérisons sur 97 malades, et en conclure qu'il a guéri un peu moins de la moitié de ses malades.

Au reste quatorze pages consacrées à des considérations qui manquent de généralités et qui ne s'appuient que sur un petit nombre de documens, ne peuvent justifier le titre de Statistique donné à l'ouvrage. Il n'y a de vraiment curieux, comme document statistique, dans le traité de M. Bouillaud, qu'une note de M. Chaudé, plàcéc, je ne sais trop pourquoi, fort loin du chapitre où sa nature semblait devoir lui assigner une place.

Après avoir examiné les diverses parties du Traité théorique, pratique et statistique du choléra-morbus de Paris avec l'attention qu'il méritait, je résumerai ainsi mes remarques sur cet ouvrage.

La publication de 97 observations de choléra est un véritable service rendu à la science. Les 50 observations, avec description des lésions anatomiques sont, surtout précieuses.

La description des lésions anatomiques, en général bien faite, manque surtout quelquefois de précision.

L'état de l'encéphale, dans les cas où la maladie a été de courte durée, ne me paraît pas avoir été exactement apprécié.

La succession des altérations n'a pas été nettement aperçue, et

leur rapport avec la durée de la maladie a été méconnu.

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Les observations ont été classées d'après un principe faux.

Cette classification vicieuse a eu pour principal inconvénient d'éloigner la pensée de l'auteur des considérations relatives à la durée de la maladie, dans ses rapports avec les symptômes et les lésions d'organes. Par suite de cette classification et du défaut d'analyse, des altérations anatomiques qui avaient dû précéder l'invasion du cho

léra ont été attribuées à l'action unique de cette maladie, et les complications du choléra avec des affections aiguës du tube digestif ont été méconnues, en même temps que les symptômes antécédens et précurseurs étaient négligés.

Cette confusion d'altérations, d'époque et d'origine diverses, a empêché l'auteur d'exposer nettement et conformément à la vérité les caractères anatomiques de la première époque du choléra,

Les conséquences tirées des faits sont bien déduites en ce qui touche la nature de la maladie, et les bases du traitement sont bien posées.

En un mot, pour ce qu'il y a de plus général dans les faits et les doctrines, l'ouvrage de M. Bouillaud me paraît contenir la vérité, Mais des détails importans ont été négligés, et surtout l'analyse des faits n'a pas été telle que tout ce qu'ils contenaient en fût déduit, et qu'aucune induction fausse n'en fût tirée,

L'ouvrage de M. Bouillaud contient-il des vues reuves? Non, certes. Mais il est importanț et il sera utile en ce qui vient à l'appui de la doctrine professée par M. Broussais, et il peut être considéré comme une bonne réfutation de la plupart des objections adressées par les dissidens au chef de l'école physiologique,

Aussi est-il à regretter que M. Bouillaud, qui a dû apprécier mieux que personne ce que M. Broussais a fait pour la solution de la grande question du choléra, ne lui ait rendu qu'une justice incomplète. Il aurait pu dans bien des passages de son livre, où il dit: notre doctrine, reconnaître qu'il s'agissait réellement de la doctrine de M. Broussais. Mais surtout il n'aurait pas dû, dans sa préface à propos du choléra, mettre M. Broussais au second rang.

M. Dupuytren a des titres trop nombreux et trop réels à une gloire solide pour voir avec plaisir qu'on le place à côté de Newton, sa lettre sur le choléra à la main.

Je craindrais de rendre trop sévère une critique dans laquelle je n'ai voulu être que juste, si j'insistais sur les imperfections que peut offrir la forme sous laquelle l'auteur a présenté ses idées. Pour achever ma tâche, je me contenterai de dire que la clarté, la concision et la simplicité sont à mes yeux les qualités les plus recommandables du style dans un ouvrage scientifique, et que telles ne sont pas celles qui caractérisent la manière de M. Bouillaud. PARCHAPPE, D. M. P'.

Du Cholera-morbus en Russie, en Prusse et en Autriche, pendant les années 1831 et 1832; par MM. AUGUSTE GÉRARDIN et Paul GAIMARD, membres et commissaires de l'Académie roy. de Médecine, envoyés en Russie par le gouvernement français. Avec deux fig. grav. et color. Paris, 1832; in-8.o, pp. 171. Chez Levrault.

Rapport à M. le vice-amiral comte de Rigny, ministre de la ma»

rine et des colonies, sur le choléra-morbus observé dans l'Inde, en 1829 et 1830, et comparé à l'épidémie qui règne en Europe; par 3. J. A. Soury, chirurg. entretenu de 2. classe de la marine, Paris, 1832. in-8.o, pp. 52.

Du choléra-morbus asiatique ou spasmodique; rapport lu à l'inten→ dance sanitaire du département de la Gironde, dans sa séance du 24 avril 1832, par le docteur J. MABIT, médecin-consultant et membre de l'Intendance, professeur de l'Ecole secondaire de Médecine etc. Bordeaux, 1832, in-8.o, pp. 108.

Observations sur la véritable nature du choléra-morbus, et instructions sur la meilleure méthode de traitement de cette maladie i par MASUYER, professeur à la Fac. de Méd. de Strasbourg, etc. Strasbourg, 1832, in-8.o, pp. 64. Chez Février.

Du traitement homœopathique du cholera, avec notes et appendice; par F. F. QUIN, M. D., méd. ordin. de S. M. Léopold, roi des Belges. Paris, 1832, in-8.o pp. 64. Chez J. B. Baillière.

Répertoire complet et analytique des diverses méthodes de traitement appliquées au choléra-morbus en France et dans les pays étrangers, avec une description des symptómes, de la marche, des diverses formes de la maladie, et des lésions cadavériques qu'elle laisse après elle; par CH. FRAISSE et F. FRANÇOIS, attachés en permanence à l'un des bureaux de secours pendant l'épidémic de Paris. Paris, 1832, in-8.o, pp. 236. Chez Mansut fils.

Notre intention, en rapprochant ces divers titres, n'est certainement pas de comparer les uns aux autres ces ouvrages ou brochures sur le choléra, et d'en donner une analyse complète. Ils diffèrent trop et par leur nature, et par la valeur que le genre d'esprit ou la position des auteurs leur a données, pour que nous ayons une idée semblable. Nous avons voulu uniquement fournir, à ceux qui voudraient consulter tout ce qui a été publié sur le choléra, une simple indication. Nous y ajouterons seulement un court commentaire.

L'ouvrage de MM. Gérardin et Gaimard est sans contredit un des plus importans qui aient été publiés. Il fournira des documens précieux à celui qui voudra écrire l'histoire générale du choléra, et qui ne pourrait pas prendre connaissance de tout ce qui a paru dans les pays étrangers. Les auteurs rapportent des faits qui ne laissent guère de doute sur la non-contagion du choléra; ils montrent toute l'insignifiance de ce fait qu'on pourrait regarder comme propre à démontrer l'opinion opposée; c'est celle du non développement de la maladie à la résidence impériale près de Pétersbourg. Cette résidence était entourée d'un cordon de troupes, mais il y avait des communications fréquentes avec la ville infectée. On trouvera dans le même ouvrage d'ex

cellens documens sur l'épidémie de Breslaw, sur la marche de la maladie en Autriche, sur les mesures de l'autorité et leurs consé quences; enfin sur le traitement. MM. Gérardin et Gaimard ont rapporté aussi les recherches physiologiques et pathologiques de plusieurs médecins célèbres de Vienne. Ces recherches avaient un grand intérêt lorsqu'elles furent publiées chez nous pour la première fois. Depuis, elles ont été plus connues, et ont été poursuivies pendant l'épidémie de Paris. Des observations sont rapportées qui tendent à démontrer les mauvais effets du quinquina, de l'opium, des boissons chaudes, et les bons résultats que les médecins de Vienne ont retirés de l'emploi de l'ipécacuanha.

L'opuscule de M. Souty ne manque pas d'intérêt ; ce médecin, qui a observé le choléra à la Côte de Coromandel, nous donne des détails instructifs sur cette maladie. S'il est un reproche à faire à la brochure de M. Souty, c'est qu'elle est trop courte, et que plusieurs pages sont dépensées inutilement peut-être en considérations sur la nature de l'affection. L'auteur compare les accidens du choléra à ceux que produit la morsure des serpens venimeux: il regarde la nourriture lourde et fade des Indiens, comme une des causes les plus puissantes pour les déterminer; il signale les traits communs à la maladie de l'Inde et à celle de l'Europe, et quelques différences qui s'y font remarquer. M. Souty, qui était arrivé dans l'Inde avec la prévention que toutes les maladies devaient revêtir un caractère inflammatoire, et qui voulut appliquer cette idée au choléra, fut bientôt forcé par l'expérience d'abandonner la méthode antiphlogistique, à moins de complication dès le début ou de réaction forte après la crise de la première période, et d'adopter en partie la méthode stimulante suivie par les empiriques du pays. A ce sujet, M. Souty parle d'une ophthalmie épidémique, qui arrive dans l'espace de quelques heures au plus haut degré d'intensité, contre laquelle sont impuissans les moyens antiphlogistiques les plus énergiques, et qui cède merveilleusement à l'emploi topique de l'alun. (Voy. l'extrait que nous en avons fait de ce passage dans la section de Revue.) Avant de quitter M. Souty, nous ne pouvons passer sous silence l'opinion hypothétique qu'il émet sur la cause immédiate, prochaine, comme l'on disait, du choléra · l'auteur, rapprochant les observations faites sur la déclinaison de l'aiguille aimantée, remarque que, dans les années où son mouvement oriental se ralentissait ou tendait à rétrograder, de 1663 à 1680, on vit régner des épidémies meurtrières, et que nous sommes actuellement dans une époque correspondante pour la déclinaison occidentale. Il demande dès lors si le magnétisme terrestre, ne pourrait pas être pour quelque chose dans la production du choléra, qui se soustrait jusqu'à présent à toute explication étiologique.

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141-145

Que dirons-nous du traitement homoeopathique du choléra? Nous n'aurons pas l'impolitesse de nier les cures obtenues contre cette terrible maladie, à l'aide de millièmes ou de cent millionièmes de grains de cuivre ou autre substance; mais pour y croire, il nous faudrait mieux que des assertions et des certificats. Depuis qu'il nous a été exposé certains calculs assez extraordinaires, d'après lesquels on annonçait 39 cas de guérison sur 40 malades, nous avons quelques droits de nous défier des chiffres seuls, et le compte que nous fait M. Quin, de 998 guérisons sur 1073 malades, n'obtiendra guère créance chez nous. Il est fâcheux que ce médecin, qui se trouvait à Paris lors de l'épidémie, ne nous ait pas rendus témoins des merveilles de la méthode homeopathique; mais la faiblesse de sa santé l'a mis dans l'impossibilité de se livrer, dit-il, à l'observation de la maladie comme il aurait voulu et dû le faire. Cependant il a soigné 19 cholériques qui furent tous guéris. La seule observation détaillée que donne M. Quin ne démontre nullement que la guérison soit due au traitement homeopathique.

M. Masuyer ne paraît pas avoir observé le choléra; ce médecin ne croit pas moins pouvoir décider de la nature de la maladie et du mode de traitement qui lui convient : nous ne le suivrons pas dans les raisonnemens sur lesquels se base la méthode thérapeutique proposée par lui; pour qui connaît déjà les combats livrés antérieurement par cet honorable professeur en faveur de l'acétate d'ammoniaque, et ses théories sur l'acidité et l'alcalinité des humeurs, il est difficile de ne pas deviner que ce remède est celui qu'il regardera comme le spécifique du choléra. En effet, dit M. Masuyer, page 42 de sa brochure, il doit résulter de toutes ces considérations (nous engageons les lecteurs curieux de connaître ces considérations, quc nous ne pouvons pas exposer ici, à les lire dans la brochure; cependant pour comprendre ceci, il faut savoir que M. Masuyer regarde le choléra contagieux comme les catarrhes ou simples rhumes, et produit par un miasme formé de gaz hydrogène carboné, peut-être bi-carboné et azoté, tenant en outre quelque chose du miasme catarrhal); il doit résulter que l'acétate d'ammoniaque, qui combat avec tant de succès nonseulement le miasme des fièvres intermittentes, mais encore le miasme catarrhal et typhoïde, doit être considéré dans tout état de chose comme la base du traitement du choléra-morbus, attepdu que dans ce cas il combat les effets du miasme cholérique par ses deux principes constituans: 1.o par son acide acétique au moyen duquel il enlève les alcalis du sang au miasme; 2.° par son ammoniaque au moyen duquel il enlève le miasme par les sueurs.

Le docteur Mabit, chargé par l'intendance sanitaire de Bordeaux, de rédiger une instruction pratique destinée à faire connaître le cho

léra et à indiquer les mesures à prendre contre son invasion possible, ne crut pouvoir faire cette instruction sans avoir observé la maladie ; il se rendit donc à Londres, où il vit le déclin de l'épidémie, et se trouva à Paris pendant le règne de celle qui a sévi sur cette capitale. Le travail estimable de M. Mabit se distingue par une rédaction simple et nette et par une exposition des faits sage et impartiale.

L'ouvrage de MM. Fraisse et François est caractérisé par le titre ; rédigé après la cessation de l'épidémie, il a l'avantage d'être plus complet que les divers résumés de ce genre qui ont été faits avant eux.

?

Statistique médicale de la mortalité du choléra-morbus dans le XI. arrondissement de Paris, pendant les mois d'avril, mai juin, juillet et août 1832; par TACHERON, M. D. P. Broch. in-8.o, pp. 64. Paris, Béchet jeune. 1832. (Se vend au profit des orphelins du choléra.)

Histoire du Cholera-morbus dans le quartier du Luxembourg; par M. H. BOULAY De la Meurthe, président de la commission sanitaire du Bureau de secours de ce quartier. Paris, 1832, in-8.o, pp. 128, avec plan. (Se vend au profit des orphelins des cholériques.)

Chargé de la vérification légale des décès dans le quartier du Luxembourg, M. Tacheron a mis à profit cette position pour se procurer des documens exacts et complets sur les ravages qu'a exercés le choléra-morbus dans le onzième arrondissement de Paris. C'est le résultat des recherches et des observations auxquelles il s'est livré pendant toute la durée de l'épidémie, que M. Tacheron vient de publier. Un travail de ce genre, fait en conscience et sans idées préconçues, est suivant nous d'une grande utilité; nous espérons qu'il sera imité dans les autres arrondissemens; car nous pensons que des recherches de cette nature sont seules capables de nous fournir des données certaines sur les causes qui influent le plus puissamment sur le développement du choléra et sur les moyens de les combattre avec avantage,

Après quelques considérations sur les causes d'insalubrité de quelques parties du onzième arrondissement, l'auteur, dans une série de tableaux, trace la marche de l'épidémie dans les quatre quartiers qui le composent, et donne le relevé de la mortalité, selon les âges et les professions, rue par rue, maison par maison et jour par jour. Nous ne pouvons suivre l'auteur dans tous ces détails, mais nous allors faire connaître les résultats principaux auxquels il est arrivé.

Un tiers environ de la population du onzième arrondissement a été frappé plus ou moins gravement de l'épidémie. Sur ce nombre, près d'un quart a succombé par suite de la maladie, Pour la classe

pauvre, la moitié de la population a été atteinte; au contraire, la classe aisée, ou du moins qui est au-dessus du besoin, n'a compté que le sixième de sa population.

D'un côté, un moral sans force, pusillanime et facile à s'abattre, de l'autre, les excès ont été les causes prédisposantes du choléra. Les grandes variations de la température ne paraissent pas avoir eu d'influence marquée sur la marche de la maladie. Elle s'est développée simultanément dans les régions européennes les plus éloignées et dans les saisons les plus opposées.

Les tableaux de la mortalité des âges, par périodes de cinq ans, ont montré des différences énormes entre les diverses époques de la vie: ainsi l'àge de 15 à 20 ans se trouve être l'époque de la plus faible mortalité; depuis 20 jusqu'à 80 la mortalité s'est au contraire élevée davantage. L'enfance, considérée jusqu'à 5 ans, a donné un chiffre très-fort. Ce résultat indique que la faiblesse de l'âge, considérée soit dans l'enfance, soit dans la décroissance de la vie, constitue véritablement une prédisposition à l'invasion du choléra. En général, l'état de faiblesse de la constitution, dans les diverses périodes de l'existence, ainsi qu'une lésion organique préexistante, sont aussi des causes prédisposantes de la maladie.

L'intempérance a eu des résultats les plus funestes; la sobriété et une hygiène diététique bien entendue ont été au contraire de puissans préservatifs. Les communautés, les institutions des deux sexes, fort nombreuses dans l'arrondissement, les casernes, etc., où le genre de vie est régulier, témoignent hautement en faveur de ce principe.

Dans la durée de la maladie on a observé deux périodes bien distinctes, l'une croissante, l'autre décroissante. La durée ordinaire de la première a été de 24 heures; la deuxième s'est étendue depuis deux jusqu'à 15 jours et plus. Aussi les époques où les décès ont été les plus nombreux étaient celles où ils étaient les plus prompts.

Il est difficile de donner d'une manière fort exacte les rapports de la mortalité avec les diverses professions. Les données à cet égard sont loin d'être encore suffisantes. L'insalubrité des habitations a été une des causes les plus actives de prédisposition au choléra-morbus, et on peut dire, sans crainte d'être taxé d'exagération, que la mortalité a été au moins une fois plus forte dans les habitations insalubres que dans celles qui étaient tenues avec propreté, L'indigence, comme les recherches de M. Tacheron le démontrent, marche de pair avec l'insalubrité des habitations; aussi a-t-elle fait de nombreuses victimes. Ainsi on a remarqué généralement que les individas qui par état restent dans des lieux bas, humides, obscurs, comme les portiers, les cordonniers, les blanchisseuses, etc., ont fourni ane grande proportion dans le nombre des cholériques.

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Quant à la question de la contagion, elle se trouve, dit l'auteur, tellement résolue par la négative que nous avons jugé inutile d'en démontrer l'évidence; elle ressort naturellement des faits nombreux exposés dans les tableaux.

En résumé, le onzième arrondissement, sur une population totale de 50,636 habitans, a perdu 1147 personnes, 504 hommes sur 25,012 et 643 femmes sur 25,624, c'est-à-dire : décès masculins, 2014 sur 1000, et décès féminins 25 sur 1000.

1000

Nous ne dirons rien de particulier sur l'ouvrage de M. Boulay, dans lequel se trouvent à peu près les mêmes documens statistiques que ceux qu'a donnés M. Tacheron, lesquels lui avaient été communiqués par ce médecin. M. Boulay s'est seulement plus étendu sur la topographie du quartier du Luxembourg et sur les travaux de la commission sanitaire, dont il donne un précis intéressant. Ces deux ouvrages sont donc utiles à consulter, en ce qu'ils se complètent mutuellement.

Formulaire - pratique des hôpitaux civils de Paris, ou recueil des prescriptions médicamenteuses employées par les médecins et chirurgiens de ces établissemens, avec des notes sur les doses, le mode d'administration, etc.; par F.-S RATIER, D.-M. 4° édition, revue, corrigée et augmentée d'un appendix dans lequel sont compris les nouveaux médicamens. 1 fort vol. in-18. 5 fr. Chez Baillière.

Le livre de M. Ratier en est à la quatrième édition : c'est la preuve qu'il est acheté et goûté. Pour nous qui pensons devoir avant tout la vérité à nos lecteurs et aux auteurs dont nous analysons les ouvrages; nous signalerons dans le formulaire quelques erreurs et quelques redites, qu'on pourrait faire disparaître sans nuire à l'ouvrage et à l'éditeur. Nous voyons par exemple (pour ne citer qu'une formule) indiquer pour une colique la dose énorme de 20 grains de sulfate de zinc; et quoique cette recette soit mise sous le nom collectif des médecins de l'Hôtel-Dieu et de l'hôpital St.-Antoine, nous doutons qu'aucun d'eux en voulût accepter la responsabilité. Voilà pour l'erreur ; voici maintenant pour les redites. Sous les noms de bain antipsorique, de bain sulfureux, de bain de Barèges, M. Ratier se donne la peine de faire trois formules avec des doses différentes de sulfure de potasse. Quelques mots d'explication eussent suffi après la première formule. Nous aurions maintenant beaucoup à dire sur les recettes particulières de certains médecins, recettes qu'ils ont pu composer accidentellement, mais qui n'ont pas été tellement ordinaires dans leur pratique, et surtout tellement exclusives à ces médecins, qu'on puisse réellement accoler leur nom à des formules que ne distingue

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rien de spécial; et qui se trouvent dans toutes les pharmacopées. Quoi qu'il en soit, le livre de M. Ratier est à la quatrième édition, et il arrivera à la cinquième, parce que le titre est bien choisi et qu'il renferme autre chose que des erreurs et des redites.

Histoire des champignons comestibles et vénéneux, ornée de figures coloriées représentant les principales espèces dans leurs dimensions naturelles; où l'on expose leurs caractères distinctifs, leurs propriétés alimentaires et économiques, leurs effets nuisibles et les moyens de s'en garantir ou d'y remédier; ouvrage utile aux amateurs de champignons, aux médecins, aux naturalistes, aux propriétaires ruraux, aux maires des villes et des campagnes; par JOSEPH ROQUES, D. M., etc. 1.re-4. livraisons. Gr. in-4.° Paris, 1832. Chez Hocquart aîné (1).

e

Les accidens trop nombreux que cause chaque année dans les provinces l'usage des champignons récoltés dans les lieux où ils croissent spontanément, par des personnes trop peu éclairées pour pouvoir distinguer les espèces alimentaires de celles qui sont vénéneuses, faisaient vivement sentir le besoin d'un ouvrage à la portée de toutes les intelligences et de toutes les fortunes, où l'on trouvât réunies à des descriptions simples et claires des figures représentant fidèlement les principales espèces et surtout celles qui, par leur ressemblance, peuvent le plus facilement occasionner des erreurs funestes. Déjà plusieurs tentatives de ce genre ont été faites, mais elles n'ont pas satisfait l'attente générale. Ce n'est pas que beaucoup de naturalistes distingués ne se soient occupés de cette partie de la cryptogamię; Schaffer, Bulliard, Paulet, Sowerby et plusieurs autres, nous ont donné de magnifiques collections des figures; mais ces ouvrages sont très-peu répandus et, à cause de leur prix très-élevé, ne se trouvent que dans les grandes bibliothèques. M. Roques, qui depuis près de vingt-cinq ans se livre avec ardeur à l'étude des champignons comestibles et vénéneux, s'est imposé la tâche difficile, mais très-importante, de remplir la lacune que nous venons de signaler. C'est dans cette vue qu'il a publié l'ouvrage que nous avons actuellement sous les yeux. Le titre que nous avons transcrit dans son entier en tête de cet article nous dispense de donner l'analyse

(1) L'ouvrage sera complété en six livraisons de chacune trois ou quatre feuilles de texte et le quatre planches imprimées en couleur et retouchées. Prix de l'ouvrage complet, 24 fr.

30.

-------------------------

146-150

de ce livre. Nous dirons seulement qu'une lecture attentive et un examen scrupuleux des figures nous ont pleinement convaincu que cet ouvrage n'a pas été composé à la hâte, mais qu'il est le fruit de longues études, d'excursions nombreuses, des recherches et d'expériences difficiles. Les figures ont été pour la plupart dessinées et coloriées d'après nature par MM. Hoequart et Bordes, peintres habiles, et ne laissent rien à désirer sous le rapport de la fidélité.

Dans la description des espèces, l'auteur a presque toujours adopté les noms imposés aux champignons par les naturalistes modernes. Il a cru, en effet, essentiel de ne rien innover à cet égard pour éviter la confusion, et cela d'autant plus que les dénominations vulgaires que certains mycologues ont tant vantées, varient suivant le pays et les localités, et qu'une simple erreur de nom peut avoir les suites les plus funestes.

Après la description de chaque espèce, M. Roques expose avec soin leurs propriétés alimentaires ou vénéneuses; et ce qu'il dit sur ce sujet important est le plus souvent fondé sur sa propre expérience et rarement sur le témoignage des auteurs.

Quant à la partie de cet ouvrage qui intéresse le plus les médecins-praticiens, c'eș-à-dire, l'exposition des accidens causés par les champignons vénéneux et des moyens d'y remédier, l'auteur l'a traitée avec toute l'attention que mérite son importance. Il établit ses méthodes curatives sur l'espèce de lésion provoquée par l'empoisonnement. Le choix des moyens, dit-il, dépend de l'espèce de champignon qui a donné lieu aux accidens, de l'état plus ou moins avancé de l'empoisonnement, et surtout de l'affection spéciale des organes qui ont ressenti les atteintes du poison. C'est donc à un traitement rationnel, et non à de prétendus spécifiques qu'il faut avoir recours si l'on veut combattre avec succès l'action pernicieuse de ces végétaux. Le dernier chapitre de l'ouvrage, sous le titre de Méthode générale de traitement de l'empoisonnement par les champignons, est consacré à cet important sujet.

Nous recommandons vivement à nos lecteurs l'ouvrage de M. Roques, persuadé qu'il peut leur être d'une grande utilité dans une foule de circonstances.

ET

OBSERVATIONS.

OCTOBRE 1832.

Mémoire sur l'odeur fétide et stercorale que présentent certains abcès développés dans l'épaisseur des parois abdominales; par DANCE.

40

Ayant cherché dernièrement (1) à appeler l'attention des praticiens sur ce sujet, nous nous proposons aujourd'hui de rapporter intégralement les faits dans lesquels nous avons observé ce phénomène remarquable, afin qu'on puisse bien juger de sa valeur et se prémunir ainsi contre certaines erreurs dans lesquelles on tomberait infailliblement si l'on s'en rapportait uniquement à l'odeur dont nous allons parler. Ces faits sont d'ailleurs intéressans sous plusieurs autres rapports que nous ferons éga

ment connaître.

Obs. Ire. Le 19 novembre 1829, fut reçue à l'HôtelDieu, une femme âgée de 35 ans, bien constituée, qui, depuis trois semaines, éprouvait une douleur fixe au milieu de l'espace qui sépare l'ombilic de la crète iliaque gauche; peu à peu une tumeur s'était formée en ce point, et lors de l'entrée de la malade à l'hôpital, on y sentait un engorgement dur, aplati, quoique légèrement saillant,

(1) Dictionnaire de Médecine, article ABDOMEN. (Abcès de l')

très-douloureux à la pression, et de l'étendue de la paume de la main. Cet engorgement était mobile et paraissait faire corps avec les parois abdominales; la peau qui le recouvrait ne présentait néanmoins aucune coloration contre-nature. La malade ne savait d'ailleurs à quelle cause attribuer l'origine de cette tumeur; elle n'avait reçu aucun coup et fait aucune chute sur cette partie; il n'y avait point de fièvre; les fonctions du canal intestinal n'étaient point troublées. Des sangsues furent appliquées à deux reprises différentes sur cette tumeur, sans produire aucun soulagement; en dernier lieu on y pratiqua quelques frictions mercurielles, afin d'en amener la résolution. Mais insensiblement la tumeur se rapprocha de la peau et devint saillante vers son centre où elle finit par se ramollir. Ce travail fut précédé et accompagné de pulsations et d'élancemens tellement douloureux que la malade fut privée de tout sommeil pendant quatre nuits consécutives. Enfin, le 29 novembre, la fluctuation était manifeste au sommet de la tumeur, sa base était encore dure et avait cinq pouces de diamètre; toutefois une ouverture fut pratiquée dans le point fluctuant, et il s'écoula aussitôt une verrée environ d'un pus verdâtre, épais, répandant une horrible fétidité; cette odeur avait quelque ressemblance avec celle de l'asa-foetida; il ne s'échappa en même temps ni gaz, ni matières stercorales; grand soulagement après cette opération. Le lendemain, le centre du foyer était complètement vidé, mais tout son pourtour, à partir du voisinage de l'ombilic jusqu'à la crête iliaque, était parsemé de duretés résistantes, comme si un corps solide eût été placé dans l'épaisseur des parois abdominales; il ne s'écoulait par l'ouverture qu'un fluide séreux et sans odeur. Les jours suivans, à l'aide de bains et de cata`plasmes, ces duretés ont diminué peu à peu ; mais leur fonte totale et la cicatrisation de la plaie se sont fait at

tendre pendant un temps assez long; ce n'est qu'à la fin du mois suivant que la malade fut complètement guérie.

Cette affection est évidemment un phlegmon profond des parois abdominales, phlegmon qui, à raison de son siége entre des plans musculeux ou aponevrotiques résistans, a donné lieu à des douleurs et des élancemens les plus aigus, provenant de l'étranglement des parties enflammées; ce siége explique également la forme aplatie qu'avait prise l'engorgement inflammatoire, la lenteur avec laquelle il s'est avancé à l'extérieur et s'est terminé par suppuration, en laissant à son pourtour des duretés qui ne se sont fondues qu'insensiblement. La matière purulente avait contracté une odeur des plus fétides, qu'on ne peut attribuer au contact de l'air, puisqu'elle a offert ce caractère dès l'ouverture du foyer; ni à la commnnication de ce même foyer avec le canal intestinal, puisqu'il ne s'est échappé en même temps ni gaz ni matières stercorales, et que l'ouverture s'est assez promptement cicatrisée. C'est donc à d'autres circonstances qu'il faut attribuer cette odeur; qu'il nous suffise pour le moment d'établir que le foyer purulent était situé profondément et avoisinait probablement quelque portion d'intestin, quoique placé en dehors du péritoine.

Obs. II.- Un pâtissier, âgé de 47 ans, d'une bonne constitution, tomba malade, sans cause connue, le 19 avril 1829. Après quelques malaises généraux, une pleuro-pneumonie se déclara. Nous fûmes appelés auprès de ce malade en qualité de médecin des Dispensaires, et reconnûmes en effet, à ses caractères accoutumés, une inflammation du poumon et de la plèvre du côté droit, inflammation qui fut traitée suivant la méthode ordinaire. Deux saignées furent pratiquées et suivies de deux applications de sangsues sur le côté affecté; un vésicatoire

termina le traitement. Au bout de quelques jours, le malade parut entrer en convalescence; il se leva et continua à prendre quelques alimens; bref nous le quittâmes dans l'espoir qu'il serait bientôt rétabli, et ne le revîmes pas d'un assez long temps. Mais cet espoir ne fut pas de longue durée; une douleur sourde se fit sentir en un point fixe du rebord inférieur des côtes droites, sur les confins de l'abdomen. Le malade maigrit, ayant chaque jour des redoublemens de fièvre. Nous fùmes rappelés auprès de lui deux mois après, vers le commencement de juillet : sa maigreur était extrême; il avait une fièvre continuelle et se plaignait sans cesse de son côté où l'on avait fait appliquer des sangsues, mais sans aucun soulagement. Nous examinâmes avec soin le point qui était le siége de cette douleur persévérante, et reconnûmes, au niveau des trois dernières fausses côtes et de l'hypochondre droit, une tuméfaction diffuse avec empâtement des tégumens; on y sentait profondément de la fluctuation. C'était évidem ment une collection purulente qui tendait à se faire jour à l'extérieur; mais quel était son siége? Elle répondait aussi bien à la région du foie qu'à la base de la poitrine; il n'y avait de matité ou de manque de bruit respiratoire qu'au niveau de la tuméfaction; partout ailleurs la sonoréité de la poitrine et le bruit respiratoire étaient naturels. Néanmoins les symptômes primitifs ayant été ceux d'une inflammation des organes thorachiques, nous pensâmes qu'il s'agissait d'un empyème limité à la base de la poitrine. De jour en jour cette tuméfaction s'accrut; il en résulta en dernier lieu une large tumeur de trois pouces de saillie dont la base occupait une partie de l'hypochondre, s'étendant à quatre ou cinq travers de doigt au-dessus. A cette époque le malade était dans l'état le plus déplorable; amaigrissement croissant et presque squelettique; fièvre continne avec redoublement chaque soir; sueurs

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nocturnes; dévoiement colliquatif; nous le crûmes voué, à une mort certaine, et ce fut aussi l'avis de plusieurs de nos collègues du Dispensaire que nous appelâmes en consultation. Néanmoins une indication se présentait, celle d'ouvrir la tumeur qui s'avançait de plus en plus vers la peau; nous appliquâmes en conséquence vers son centre deux grains de potasse caustique, méthode qui fut préférée à l'incision, dans la crainte qu'il n'y eût pas des adhérences suffisamment établies entre la tumeur et le péritoine, car c'est vers l'abdomen qu'elle faisait le plus de saillie et qu'elle dût être ouverte. Dès le lendemain, avec une lancette enfoncée perpendiculairement, au milicu de l'escharre, nous achevâmes cette ouverture; il. s'écoula aussitôt un flot de pus verdâtre, épais, d'une extrême fétidité, rappelant l'odeur de l'ail, de l'hydrogène sulfuré ou de l'asa-foetida; à cet écoulement succéda un suintement continu de la même matière, répandant la même odeur, suintement qui dura pendant trois jours; de telle sorte qu'on peut estimer à trois ou quatre pintes. la totalité du liquide qui fut rendue pendant ce laps de temps. Au quatrième jour, la tuméfaction extérieure était complètement affaissée; il ne s'écoulait plus que quelques gouttes d'un liquide séreux et inodore; le sommeil était revenu, la fièvre avait diminué. Au neuvième, tout allait de mieux en mieux ; la face avait repris une expression naturelle, et malgré son extrême maigreur, le malade était plein de force et d'espoir. A la fin de juillet, le dévoiement et la fièvre avaient complètement cessé, le malade avait repris un peu d'embonpoint, il se levait pendant quelques heures durant la journée. Le mois suivant, sa santé se rétablit presque entièrement; néanmoins il s'opérait toujours un léger suintement par l'ouverture qui était calleuse et déprimée à son pourtour. Ce suintement s'est prolongé jusqu'au mois de mars de l'année suivante, époque à la

quelle l'ouverture s'est totalement fermée. A cette époque, le malade jouissait d'ailleurs de la meilleure santé ; il avait repris ses occupations, mais était resté sujet à quelques accès de toux. Néanmoins la poitrine résonnait bien dans toute son étendue. Depuis que cette observation a été recueillie, nous avons eu occasion de revoir plusieurs fois le même malade, qui continue à jouir de la même santé.

Bien qu'il paraisse probable, d'après les antécédens, que l'énorme collection purulente dont il vient d'être question, s'est développée à la base de la cavité thorachique, il faut se rappeler néanmoins que cette collection est venue faire saillie principalement dans l'hypochondre droit, et que c'est en ce point qu'elle a été ouverte, par conséquent dans un lieu qui correspond aux parois abdominales et avoisine les intestins, notamment près du colon. Nous devons encore ici établir cette circonstance, parce que nous la regardons comme propre à expliquer la fétidité remarquable que présentait la matière purulente. Ce n'est pas que des épanchemens thorachiques, surtout lorsqu'ils sont anciens, ne puissent d'eux-mêmes contracter une odeur semblable, mais généralement cette odeur n'est point aussi marquée et en même temps aussi passagère, et d'ailleurs elle est toujours d'un pronostic défavorable, tandis qu'ici le malade s'est rétabli de la manière la plus merveilleuse après l'issue de cette matière purulente. Cette odeur, jointe à l'amaigrissement extrême du malade, a dû nous confirmer en effet dans le pronostic funeste qui avait été porté ; s'il n'en a point été ainsi, c'est que, sans doute, cette même odeur n'était point inhérente à la maladie et ne tenait qu'à la circonstance accidentelle dont nous avons parlé. Quoi qu'il en soit, cette guérison est à nos yeux un des exemples les plus remarquables des ressources de la nature dans les cas qui paraissent désespérés.

Obs. III. Un garçon d'amphithéâtre, adonné aux

boissons spiritueuses, et sujet, par suite, à des dérangemens dans les déjections, tomba peu à peu dans un état de dégoût et d'anorexie tel que la simple vue des alimens suffisait pour lui soulever l'estomac (ce sont ses expressions). Au bout de quelques jours de cet état, le malade éprouvant de plus en plus de l'embarras dans le ventre, prit, de son chef, deux cuillerées à bouche de la médecine dite de Leroy; il en résulta douze à quinze selles liquides abondantes, suivies d'un certain soulagement; ce qui l'engagea à revenir à l'usage du même purgatif deux jours après. Mais cette fois-ci il se trouva beaucoup plus mal, et le lendemain on observait les symptômes suivans: douleur fixe à la région épigastrique, augmentant par la plus légère pression; sentiment d'ardeur limitée à cette région qui n'offre d'ailleurs aucun gonflement apparent; langue rouge à ses bords, grisâtre au centre; soif des plus vives, fréquence et dureté dans le pouls: quatre applications de sangsues furent faites tant à l'épigastre qu'à l'anus, sans beaucoup de soulagement; d'ailleurs, cataplasmes émolliens sur l'épigastre, boissons adoucissantes, diète. Au cin quième jour, gonflement insolite à la région épigastrique qui semble soulevée et comme plastronnée par un corps dur et applati situé derrière la paroi abdominale; le moindre contact exercé en ce point est douloureux; les boissons ne peuvent être prises qu'en petite quantité, et parfois elles reviennent à la bouche comme par régurgitation; d'ailleurs toute la portion sous-ombilicale du ventre est souple, indolente, et configurée comme dans l'état naturel; même intensité de la fièvre; constipation. (Saignée deux palettes, couënne épaisse à la surface du caillot; bain; cataplasme en permanence sur l'épigastre). Les jours suivans, la tuméfaction épigastrique va en augmentant; elle gagne de haut en bas, depuis l'appendice xiphoïde jusqu'au voisinage de l'ombilic et latéralement

jusqu'au milieu des hypochondres; tout autour on remarque une sorte d'empâtement démateux qui s'étend jusques à la base de la poitrine; la peau néanmoins conserve sa couleur naturelle. Le moindre mouvement du tronc, le moindre effort de toux, retentissent douloureusement dans le ventre; aussi le malade se tient-il immobile et constamment couché sur le dos, n'osant même tirer longuement son haleine. D'ailleurs l'expression de la face est assez naturelle, eu égard à la gravité apparente du mal; la fièvre se maintient au même degré. (Deux nouvelles saignées sont pratiquées). Au 8° jour, diminution de la douleur, mais augmentation croissante de la tuméfaction épigastrique, laquelle est le siége d'un mouvement de soulèvement très-manifeste isochrone aux battemens du cœur, comme si elle était appliquée immédia tement sur l'aorte ventrale. Au neuvième jour, cessation de la fièvre, expression assez calme de la faee, moins de gêne dans l'exécution des mouvemens respiratoires; quoique la tuméfaction épigastrique soit de plus en plus considérable, on y perçoit aujourd'hui un obscur sentiment de fluctuation. Au 12° jour, cette fluctuation était assez évidente, pour qu'on se soit décidé à donner issue à la suppuration; il a fallu néanmoins pratiquer une ponction d'un demi-pouce de profondeur avant d'arriver au siège de la collection; bientôt il est sorti un flot de pus grisâtre et mal lié, dont l'odeur fétide a frappé tous les assistans et rappellait celle des matières fécales. On a cru d'après cette odeur, avoir à faire à quelque carie des os voisins, ou à quelque lésion des intestins. Néanmoins le lendemain cette odeur avait entièrement cessé, le malade se trouvait sensiblement mieux; mais ce n'est qu'au bout d'un mois entier qu'il était complètement rétabli; jusques-là il s'est opéré un suintement par l'ouverture du foyer autour duquel ont existé pendant tout ce temps des duretés, dont la résolution ne s'est opérée que lentement.

Ce fait est un des exemples les plus remarquables de phlegmon développé dans l'épaisseur des parois abdominales; car c'est là le siége et les limites qu'on doit lai assigner, d'après l'examen et l'interprétation des symptômes. Ce phlegmon, à la vérité, a succédé à des causes qui semblent avoir porté uniquement leur action sur la membrane muqueuse digestive; tel est en particulier l'asage du purgatif drastique dont nous avons parlé; mais le caractère superficiel de la douleur, son exacte limitation en un point des parois abdominales (la région épigastrique); plus tard la tuméfaction qui est survenue dans cette région; enfin la terminaison de l'engorgement par la suppuration et le rétablissement complet du sujet après l'évacuation de la matière purulente, annoncent que l'inflammation des parois abdominales ne s'étendait point aux viscères subjacens. Il est probable néanmoins que cette inflammation affectait les couches les plus profondes des muscles abdominaux, peut-être le tissu cellulaire extérieur au péritoine; car une douleur locale des plus aiguës s'est fait sentir pendant plusieurs jours, avant qu'il se manifestât au dehors aucune tuméfaction. Alors se sont présentés plusieurs phénomènes tenant à la compression et aux tiraillemens que ce vaste engorgement exerçait sur les viscères voisins; il y a eu de la gêne dans la respiration par ce que le diaphragme ne pouvait s'abaisser qu'incomplètement; de la douleur dans les efforts de toux ou dans les mouvemens du tronc, parce que ces mouvemens, nécessitant le concours des muscles abdominaux, ne pouvaient s'opérer sans tirailler les parties enflammées; le malade a été pris de régurgitations et s'est trouvé dans l'impossibilité d'avaler une certaine quantité de liquide; parce que les boissons, en distendant l'estomac, comprimaient la tumeur d'arrière en avant, et qu'à son tour l'estomac comprimé par cette tumeur, était excité au vomis

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 156-
« Reply #6 on: September 27, 2022, 07:39:40 PM »

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sement et forcé de se débarrasser du liquide qu'il contenait. Enfin est venue une époque où la douleur a diminué et les accidens généraux oat complètement cessé, bien que la tuméfaction prît de l'accroissement de jour en jour; cette époque correspond à celle où la fluctuation est devenue manifeste et où par conséquent la suppuration, retenue jusques-là entre les divers couches des muscles abdominaux, a fini par franchir cet obstacle; c'est comme si un débridement eut été opéré, ce qui explique le relâche qui s'en est suivi.

Aussitôt que l'ouverture de l'abcès a été pratiquée, il s'en est écoulé un liquide d'une odeur analogue à celle des matières fécales, et d'après cette odeur on a pu croire à une communication du foyer avec l'intestin ou à quelque autre altération primitive des plus graves; l'événement a prouvé cependant qu'il n'en était rien, puisque cette odeur a cessé dès le lendemain, et que l'ouverture de l'abcès s'est cicatrisée au bout de peu de temps, en laissant toute fois quelques duretés à son pourtour comme dans la première observation que nous avons rapportée.

C'est donc encore ici une circonstance analogue à celle des faits précédens, circonstance de laquelle on doit inférer que l'odeur des matières fécales peut se transmettre dans les foyers avoisinant les intestins, sans qu'il y ait de communication entre les uns et les autres. Mais voici un dernier fait qui prouvera jusqu'à l'évidence que cette transmission a lieu même à un très-haut degré, dans les circonstances dont nous parlons.

Obs. IV. Le 23 février 1832, fut reçu à l'hospice, Cochin un ouvrier, habitant à Montrouge, âgée de 42 ans, velu, fort et bien constitué. Il avait fait une chute sur le côté droit du corps, il y a trois mois environ, mais sans qu'il en résultât aucun accident grave, car au bout de huit jours il était en état de reprendre ses travaux et

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depuis s'est toujours bien porté. Le 19 de février, il y a quatre jours, cet homme se mit à la poursuite d'un de ses créanciers qui avait furtivement changé de domicile; courut pendant toute la journée, d'un village à l'autre, jusqu'au voisinage de Fontainebleau, et ne s'arrêta qu'un court moment pour prendre un verre d'eau-de-vie et de vin; le soir il rentra chez lui, excédé de fatigue après avoir fait plus de vingt lieues. Ce même soir: frisson suivi de chaleur et de fièvre, céphalalgie, sentiment de courbature générale, enfin douleur vive dans la région inguinale droite et la région lombaire correspondante. Le lendemain et les jours suivans, ces symptômes s'aggravent, malgré une saignée qui est pratiquée; enfin le malade entre à l'hôpital le quatrième jour dans l'état suivant: membre inférieur droit légèrement fléchi et tourné dans la rotation en dehors, position qu'on ne peut changer sans produire de vives souffrances qui vont retentir dans l'aine et le côté droit du ventre; tuméfaction évidente dans l'une et l'autre de ces régions. A l'aine cette tuméfaction s'étend jusqu'à trois pouces au-dessous de l'arcade crurale et dans une direction oblique de haut en bas et de dehors en dedans (il n'y a point de hernie); à l'abdomen la même tuméfac-tion occupe toute la région lombaire, à partir du rebord des fausses-côtes jusqu'à la crête iliaque et du voisinage des vertèbres lombaires jusqu'auprès du bord externe du muscle droit; delà elle descend obliquement sur la fosse iliaque correspondante, en faisant suite à la tuméfaction de l'aine. Ces divers points sont tendus, résistans, douloureux à la moindre pression, et par l'effet de la toux, d'une forte inspiration, ou de tout autre mouvement du tronc; aussi le malade parle-t il à voix basse, et n'ose-t-il se remuer. Dans l'aine et les autres régions gauches du ventre, on n'observe rien de tel; point de gonflement, de tension, ui de sensibilité à la pression; comme aussi point

de nausées ni de vomissemens, aucun état particulier dans les urines, aucune douleur dans les testicules, aucun dérangement dans les évacuations alvines; phénomènes dont nous mentionnons l'absence pour la facilité du diagnostic. Du reste les symptômes généraux annoncent une grande prostration: décubitus dorsal, expression d'accablement et comme de sidération dans les traits de la face, fréquence et petitesse du pouls, chaleur de la peau, avec légère teinte ictérique de cette membrane, ne s'étendant pas néanmoins aux conjonctives.

Ces divers symptômes nous parurent annoncer l'exis tence d'une de ces inflammations qui ont reçu le nom de psoïtis et, malgré la débilité apparente du malade, nous crûmes devoir la combattre par les antiphlogistiques les plus puissans; en conséquence (saignée de 3 palettes ; application de 50 sangsues, dont 30 sur le côté droit du ventre et 20 sur la région inguinale; cataplasmes sur diverses parties, boissons adoucissantes, lavement, diète). Le lendemain, le sang fourni par la saignée, est recouvert d'une couenne épaisse; l'écoulement de celui qui provenait des sangsues a été des plus abondans; il y a néanmoins peu de soulagement; quoique le membre inférieur droit se meuve avec plus de facilité et puisse même s'étendre complètement, sans beaucoup de douleur; quoique la tuméfaction paraisse moindre, dans l'aine et le côté droit du ventre, on observe toujours, dans la région lombaire notamment, un gonflement, une rénitence et une sensibilité au moindre attouchement. Le pouls conserve les caractères de petitesse qu'il présentait hier, néanmoins le malade dit éprouver un peu de soulagement dans son état (30 sangsues sur la légion lombaire). Le 3 jour, peu de changement, la région lombaire est le siége d'une vive douleur et forme une saillie arrondie qui dépasse le niveau de la crête iliaque; toute cette région est mate à la percussion,

le reste du ventre souple et indolent, le pouls offre la même fréquence et la même petitesse; deux selles naturelles. (Saignée 2 palettes, sang couenneux comme le précédent, 20 sangsues à la région lombaire). Le 4 jour, grand sentiment de faiblesse qui se manifeste par un abandon complet dans les mouvemens; fréquence plus considérable du pouls qui s'élève à 108 pulsations par minute; même tension et même saillie de la région lombaire ; l'espace inguinal est lui-même encore le siège d'une douleur et d'un gonflement assez manifestes; les mouvemens du membre ne paraissent plus douloureux; sa position n'est plus aussi fixe que le premier jour, le malade l'étend avec assez de facilité; (suspension des émissions sanguines; caplasmes en permanence sur les points douloureux). Le 5o et 6o jours, la tuméfaction lombaire s'accroît de plus en plus; un empâtement œdémateux s'empare de toute cette région, dans la profondeur de laquelle ou perçoit un sentiment de fluctuation. A l'aine le gonflement fait également des progrès, sans que la peau présente encore aucun changement de conleur; l'artère crurale paraît repoussée en avant; on distingue facilement ses battemens à l'œil nu; d'ailleurs le malade se dit un peu mieux (même traitement). Le 7° jour, affaissement et prostration plus considérables que les jours précédens, pouls faible et à 120 pulsations par minute; sentiment de fluctuation plus marqué dans la région lombaire; ce qui, joint à l'aggravation des symptômes généraux, nous engage à pratiquer une ponction sur la tumeur un peu audessus et en arrière de la crête iliaque; mais, quoique le bistouri ait pénétré à un pouce environ de profondeur, il ne s'est écoulé qu'un peu de sang et point de matière purulente. Notons que, dès le jour même, et avant l'opération, on sentait en divers points de la tumeur, notamment à l'aine, une crépitation annonçant le dévelop

pement de quelques gaz dans son intérieur; (même traitement). Le 8 jour, aucun changement dans le volume. de la tumeur lombaire; sculement la peau qui recouvre cette région a pris une légère teinte rouge sombre, et par la ponction pratiquée hier s'échappe une matière fluide rougeâtre, blanchâtre, d'une odeur fétide, rappellant entièrement celle des matières fécales; en outre, lorsqu'on exerce une pression sur la région inguinale droite, on produit en ce point un gargeuillement sonore indiquant un vaste clapier subjacent, rempli de gaz et de fluides. D'ailleurs le malade est morne et comme sidéré, son teint est jaune, sa parole est faible, son pouls petit et sans résis tance; (décoction de quinquina, compresses imbibées d'eaude-vie camphrée sur la tumeur). Le 9o jour, même état général; par l'ouverture pratiquée à la tumeur, il s'écoule aujourd'hui une quantité assez considérable d'un liquide roussàtre, sanieux, ayant tout-à-fait l'odeur des matières fécales; quelques gaz ayant la même fétidité s'échappent en même temps, d'ailleurs on ne sent plus de gargouillement à la région inguinale; (ean vineuse, décoction de quinquina, bouillon par cuillerée). Le 10 jour, prostration croissante, pouls mollasse et à 120 pulsations par minute; diminution de l'engorgement lombaire; l'ouverture pratiquée sur cet engorgement fournit, comme hier, une abondante quantité d'un fluide rouss âtre, qui semble être un résidu liquide de matières fécales; d'autant plus que l'odeur qui s'en exhale est tout-à-fait celle de ces matières, qu'elle adhère fortement aux doigts et se répand au loin dans la salle. Dans l'aîne on détermine de nouveau par la pression, un gargouillement sonore, et comme métallique; la percussion y est également sonore et la peau qui recouvre cette partie offre une teinte violacée, pâle comme si elle était menacée de gangrène. Le 11° jour, vomissemens bilieux, météorisme général du ventre, couleur jaunâtre

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sombre de toute la surface de la peau, respiration accélérée; pouls de plus en plus dépressible; même écoulement d'un liquide odeur et aspect fécal, même gargouillement à la région inguinale. Mort le 12° jour, 16° depuis l'invasion de la maladie.

Ouverture du cadavre au bout de 28 heures :

Cadavre frais, muscles fermes et d'un beau rouge, rigidité cadavérique très-forte. La tête n'a point été ouverte ; dans la poitrine, les poumons, le cœur et les gros vaisseaux sanguins étaient dans l'état le plus naturel; dans l'abdomen, le péritoine était sain dans toute son étendue, jusque dans la région lombaire droite; sa surface offrait un aspect et un poli naturel; il ne contenait ni épanchement, ni faussesmembranes; les intestins, notamment l'arc du colon, étaient distendus par des gaz. Altération principale: tout l'espace que comprennent en arrière la région lombaire et la fosse iliaque droites était converti en un vaste foyer putride à moitié affaissé, qui, de la voûte da diaphragme s'étendait jusqu'au petit trochanter, en passant sous l'arcade crurale. Ce foyer avait pour parois postérieures les muscles carré lombaire, psoas et iliaque; muscles qui étaient dépouillés de leurs membranes celluleuse et aponévrotique et transformés en une bouillie noirâtre infecte, analogue à celle en laquelle se réduit quelquefois la rate. C'était principalement sur le muscle iliaque qu'avait porté ce ramollissement gangreneux; car, à l'exception de quelques-unes de ses fibres les plus profondes, tout le corps charnu de ce muscle s'en allait en détritus par la plus légère traction; le carré lombaire offrait une désorganisation presque aussi étendue, la portion du psoas qui longe immédiatement le détroit supérieur du bassin, était, de toutes ces parties, la moins altérée. De la région iliaque, le foyer s'insinuait sous l'arcade crurale, en suivant le tendon commun aux muscles psoas et iliaque, et venant se



terminer au petit trochanter, avec ce tendon qui lui-même était grisâtre et ramolli; là se trouvait un cul-de-sac assez large. La cavité de ce foyer était parcourue pâr quelques brides celluleuses d'un gris noirâtre et tapissée immédiatement par une couenne pultacée de même apparence que la bouillie noirâtre contenue dans son intérieur. Ce n'était point en effet du véritable pus qu'il renfermait, mais bien une sanie roussâtre qui semblait être plutôt le résultat du détritus des muscles que d'une sécrétion purulente. Toutefois, en dehors du foyer, les couches musculeuses qui en formaient la paroi externe étaient çà et là infiltrées de pus; il en existait entre le grand et le petit oblique et le muscle transverse de l'abdomen, mais point sous la peau. A la paroi interne du foyer, se trouvaient le cœcum et le colon ascendant, presque à nu et recouverts seulement d'une mince couche de tissu cellulaire pénétré de pus; il n'y avait cependant aucune communication entre ces intestins et le foyer, ce qui a été recherché avec le plus grand soin comme nous allons le dire : 1.° Ayant d'abord refoulé fortement les gaz que contenaient le cœcum et le colon, dans la direction du foyer, il ne s'est échappé dans la cavité de ce dernier, ni gaz ni matières fécales. 2.° Ayant ensuite fendu en place ces intestins, abstergé et examiné attentivement leur surface, il nous a été impossible d'y découvrir, nous ne dirons pas des traces d'ulcération et de perforation, mais même des traces de simple rougeur. 3. Ayant enfin enlevé ces intestins dont les parois ont été immédiatement étalées sur une table et soumises à un nouvel examen, nous n'avons pu y découvrir également la moindre lésion. 4.° D'ailleurs le cœcum et le colon ne coutenaient que des matières fécales ordinaires et rien qui ressemblât à la bouillie putride du foyer. Nous insistons sur ces preuves parce que elles en sont elles-mêmes une des plus convaincantes de

l'opinion que nous cherchons à émettre dans ce travail, et s'il fallait les corroborer encore, nous dirions que les choses que nous rapportons ont été vues par beaucoup d'autres témoins dignes de foi. Quant à l'ouverture pratiquée sur la tumeur lombaire, elle pénétrait directement dans le foyer et ne s'étendait pas au-delà. Du reste, tout le canal intestinal, l'estomac, le foie, les reins, le droit en particulier, ainsi que la vessie, étaient dans l'état normal. La rate seule, parmi tous ces viscères, offrait un peu de ramollissement.

Voici encore l'exemple d'un foyer purulent qui répandait l'odeur des matières fécales à un très - haut degré, sans qu'il y eût de communication avec l'intestin. Qui n'aurait cependant affirmé, durant la vie du sujet, que cette communication existait? L'odeur qu'exhalait le fluide fourni par le foyer, l'aspect même de ce fluide, les gaz qui s'échappaient en même temps, le gargouillement qui s'en est suivi, tout n'annonçait-il pas que les matières fécales avaient pénétré dans ce foyer, soit par l'effet de la destruction des parois de l'intestin, soit par suite de la ponction pratiquée sur la tumeur extérieure. Nous avons en effet grandement redouté que cette ponction n'eût pénétré trop avant, et il a fallu l'autopsie cadavérique pour lever nos doutes à cet égard, et tranquilliser notre conscience. Il est donc bien démontré maintenant que l'odeur fécale que fournissent certains abcès développés au voisinage des intestins, peut dépendre d'une simple imbibition ou transsudation des matières stercorales à travers les parois de ces mêmes intestins. Mais nous reviendrons bientôt sur ce sujet, après avoir exposé tous les développemens que comporte le fait précédent, car il s'agit, dans ce fait, d'une inaladie assez rare pour que nous saisissions l'occasion de l'étudier. Cette maladie est celle qu'on a nommée psoïtis, non pas

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seulement parce qu'elle affecte le tissu cellulaire qui accompagne le muscle psoas, ainsi qu'on le pense communément, mais parce qu'elle peut intéresser directement ce même muscle psoas et l'iliaque, comme nous l'apprend l'observation précédente. En effet, le ramollissement brunâtre qu'avaient subi ces muscles atteste suffisamment qu'ils avaient participé à l'inflammation autant et même plus que le tissu cellulaire ambiant; car il n'y a point eu de sécrétion purulente à proprement parler, mais bien une sorte de détritus musculaire qui s'écoulait sous forme d'un liquide semblable à de la Invure de chair; c'est là véritablement le pus que comporte l'organisation des muscles. Cette altération est d'autant plus remarquable, qu'il est extrêmement rare de voir l'inflammation s'emparer des organes du mouvement, et y produire une désorganisation semblable à celle que nous avons observée. Mais d'où peut venir cette prédilection de l'inflammation avec de pareils effets pour les muscles dont nous parlons? La cause s'en trouve peut-être dans l'exercice forcé auquel sont soumis ces mêmes muscles dans plusieurs circonstances de la vie. Destinés particulièrement à fixer le bassin et à mouvoir la cuisse, ils sont, eu égard à leur volume et à leur nombre, ceux qui ont le plus lourd fardeau à soutenir et qui se fatiguent le plus dans la station et la marche; rappelons en effet que c'est, à la suite d'une course des plus violentes et des plus prolongées, que notre malade a été atteint incontinent de l'affection dont nous parlons, et le côté droit du corps étant celui qui se fatigue le plus dans un pareil exercice, a été le seul atteint. Quoi qu'il en soit, cette affection, après les symptômes communs à beaucoup de maladies aiguës, s'est aussitôt dessinée par une douleur dés plus vives, suivant exactement le trajet dés muscles psoas et iliaque, avec légère rétraction et

Totation de la cuisse en dehors. Cette position étant celle que ces muscles impriment au membre lorsqu'ils se coutractent, et ne pouvant d'ailleurs être changée sans déterminer une augmentation dans les douleurs, annonçait déjà quel était le siège de la maladie. Bientôt de la tuméfaction s'est manifestée non-seulement dans les régions lombaire et iliaque droites, mais encore dans l'aine correspondante, jusques au niveau et dans la direction du tendon d'insertion des muscles précédens au petit trochanter; autre preuve que le mal affectait ces mêmes muscles. Le reste du ventre était d'ailleurs souple, indolent, bien configuré, et il n'y avait aucun symptôme ayant trait à l'affection des viscères voisins, tels que le fóie, le rein, la vessie, le péritoine même; troisième preuve tout aussi confirmative du siège du mal, bien qu'elle fût négative. A ces phénomènes locaux se sont ajoutés une fièvre assez vive, et surtout les symptômes d'une prostration rapide et croissante de jour en jour. On dirait que le sujet, après la fatigue extrême qu'il avait éprouvée, était tombé daus un état analogue à celui des animaux surmenés, et l'altération particulière dont les muscles psoas et iliaque étaient le siège, donnerait quelque poids à cette opinion. Toutefois les autres muscles avaient conservé leur consistance naturelle; la rigidité cadavérique qui a suivi la mort était des plus fortes; ce qui nous engage, encore un coup, à regarder cette altération isolée des muscles psoas et iliaque comme un effet direct de l'inflammation. Notre traitement a dû se baser sur cette idée; mais quoiqu'il ait été employé avec vigueur, ses effets n'ont eu aucune influence avantageuse sur la marche de la maladie et ses fâcheuses conséquences; bien plus, le sujet s'est affaibli de jour en jour, et cette prostration nous a forcé de suspendre un traitement jusque-là inefficace. Cette résistance opiniâtre du mal

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 166-
« Reply #7 on: September 27, 2022, 07:44:24 PM »

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tiendrait-elle à l'intensité de l'inflammation, on bien au caractère particulier de cette inflammation, qui avait une tendance manifeste à la gangrène ? C'est ce que nous n'osons décider: d'une part, l'acuité de la douleur, le caractère phlegmoneux de la tuméfaction, annoncent une inflammation franche; mais, d'autre part, l'extrême prostration du malade, le développement de gaz putrides dans le foyer, etc., semblent indiquer une affection de nature différente. Le voisinage de l'intestin a-t-il concouru à donner ce caractère à l'inflammation? C'est ce qui nous semble le plus probable, d'après l'odeur qu'exhalait le foyer. Mais c'en est assez sur cette observation; venons maintenant aux conclusions à déduire des faits précédens, sous le point de vue principal dans lequel nous les avons présentés.

Dans tous ces faits, il s'agit d'inflammations et de suppurations développées dans l'épaisseur des parois abdominales au voisinage des intestins, et sans que ces intestins fussent compris dans la sphère du mal; néanmoins la suppuration a offert, dans tous ces cas, une odeur fétide des plus manifestes, rappelant celle de l'asa-fœtida; de l'hydrogène sulfuré et des matières fécales; dans un de ces cas, il s'échappait même par l'ouverture du foyer des gaz qui répandaient une odeur analogue. La prompte cicatrisation de ces foyers, dont aucun n'est resté fistuleux pour les trois premiers cas, et n'a fourni de matiè res fécales proprement dites annonce évidemment que la cavité des intestins n'était point en communication avec eux; la preuve directe de ce fait se trouve d'ailleurs dans la quatrième observation, celle qui nous a présenté au plus haut degré l'existence de cette odeur fécale, quoique les recherches anatomiques les plus minutieuses n'aient fait découvrir aucune lésion à l'intestin. Cette odeur paraît du reste se rapprocher d'autant plus de celle

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des matières stercorales, que le foyer purulent avoisine de plus près le gros intestin, c'est ce qu'on peut encore inférer de la quatrième observation, dans laquelle le foyer n'était séparé du colon que par les parois même de ce viscère, et l'halitus fécal était des plus manifestes. Mais le fait de l'existence de l'odeur stercorale, sans communication avec l'intestin, nous semble encore plus important à connaître; car cette odeur est quelquefois tellement tranchée, qu'on n'hésiterait à la faire provenir directement de l'intestin, et par conséquent à admettre une perforation de ce canal. Nous rappellerons, à cet égard, que la plupart des abcès profonds qui se développent à la marge de l'anus répandent une odeur semblable, de laquelle on infère généralement que le rectum est perforé et qu'il va s'ensuivre une fistule anale complète ; mais il est probable qu'il en est souvent de ces abcès comme de ceux dont nous venons de parler.

¿

Il faut donc admettre que l'odeur fécale peut se transmettre à travers les parois intactes des intestins, soit par imbibition, soit par transsudation, ce que favorise sans doute l'inflammation qui se passe au voisinage de ces viscèrcs celle cause de fétidité pour certains abcès étant connue, le diagnostic et le pronostic doivent y gagner, car malgré cette fétidité, on ne jugera point la maladie ni plus étendue, ni plus grave qu'elle ne l'est réellement.

Consultation médico légale sur un cas de mort violente; par le docteur OLLIVIER (d'Angers.) (1)

Nous soussigné, etc., etc., sur l'invitation de M. Adrien

(1) La question agitée dans cette affaire m'a paru assez intéressante pour mériter de fixer l'attention des médecins ; aussi, en publiant

Lamy, juge d'instruction près le tribunal de première instance du département de la Seine, nous sommes rendus le.... en son cabinet, au Palais de justice, où il nous a donné communication d'une ordonnance en date dudit jour, par laquelle il nous nomme, conjointement avec M. le docteur Devergie, à l'effet de donner notre avis sur une partie des conclusions d'un rapport fait par MM, ***, docteurs en médecine, relatif à la mort et à l'état du cadavre de la femme ***, demeurant à ***, département de ***. Voici ce rapport.

"

« Nous soussignés, etc., nous étant transportés dans la commune de *** nous sommes entrés dans une chambre au rez-de-chaussée, où nous avons trouvé, étendu sur le dos, le cadavre d'une femme, âgée d'environ 60 ans ; la tête est tournée du côté du foyer, les jambes écartées, les talons à dix-huit pouces l'un de l'autre, les bras en croix, les mains demi-fermées. Les membres présentent la roideur cadavérique. Cette femme est couverte des vêtemens qu'elle porte, dit-on, habituellement.

>>

Après avoir déshabillé le corps, nous observons : » 1.° Une ecchimose générale (lividité cadavérique) aux parties postérieures du dos et des membres, résultat de la stase du sang dans les parties déclives du corps.

» 2.° A la partie supérieure du cou, immédiatement sous l'os maxillaire inférieur, dix excoriations récentes et bien distinctes. Les unes ont à peu près deux lignes de longueur, les autres présentent une forme circulaire, et sont plus prononcées inférieurement que supérieurement. De ces

cette consultation, n'ai-je eu d'autre but que celui de solliciter de nouvelles lumières pour éclairer la discussion d'un point de médecine-légale qui offre beaucoup d'importance. Je ne pense pas que nos confrères, auteurs du rapport que nous avons eu à examiner, et pour lesquels je professe l'estime la plus profonde, puissent interpréter autrement cette publication.

dix excoriations, cinq sont situées à gauche et cinq à droite; celles de gauche sont plus écartées les unes des autres. quatre se trouvent rangées sur la même ligne à une égale ̃ distance, celle interne cependant est un peu plus écartée : la cinquième est placée à huit lignes en avant des autres. Du côté droit, les excoriations sont plus prononcées; quatre sont grouppées à peu de distance l'une de l'autre, la cinquième, comme du côté gauche, est à peu près huit lignes en avant. Toutes ces excoriations sont accompa guées d'ecchimoses plus ou moins profondes.

» 5.o Une légère égratignure récente, placée longitudinalement à la partie postérieure du poignet gauche.

» 4.° Le reste de la surface antérieure du corps no pré sente aucune autre trace de violence extérieure.

» Procédant ensuite à l'ouverture du corps, nous observons, 1. à la partie antérieure du cou, immédiatement au devant dela glande thyroïde, un kyste cartilagineux du volume d'une orange, renfermant un liquidé blanchâtre, ressemblant assez au pus qui résulte du ramollissement d'une glande squirheuse; 2.° les vaisseaux sanguins du cerveau, très-injectés; lorsqu'on incise cet organe, chacune des surfaces divisées se recouvre d'une foule de gouttelettes de sang. Les ventricules renferment environ deux cuillerées à café de sérosité. 3. Les poumons gorgés de sang noir, et cet état d'autant plus prononcé qu'on s'approche davantage des gros troncs sanguins; le poumon droit est plus engorgé que le gauche. 4.° Les viscères renfermés dans la cavité abdominale ne nous paraissent pas dans un état de refroidissement complet. 5.° L'estomac renferme des alimens récemment ingérés (des carottes et du porc salé). 6. La vésicule biliaire est presque vide. 7. Le col de l'utérus fait saillie à la vulve. 8. les autres organes ne présentent rien de particulier.

0

« En conséquence nous pensons:

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sang noir

» 1.° Que la mort est le résultat de la stase du dans les vaisseaux du cerveau et dans ceux des poumons; 2.° Que la femme *** a succombé à une asphyxie par strangulation;

» 3.° Que le nombre et la disposition des excoriations du cou, que la position dans laquelle nous avons trouvé le corps, sont des indices certains que la mort a été déterminée par des mains étrangères.

» 4.° Que la mort ne date pas de plus de quinze à vingt heures avant notre arrivée à *** (une heure après midi, le 6 mars 1832). •

A ce rapport est jointe une commission rogatoire du juge d'instruction du tribunal de première instance, séant à ***, qui contient les observations suivantes :

« Attendu que cette opinion des médecins, que la mort ne date pas de plus de quinze à vingt heures avant leur arrivée à ***, paraît contradictoire avec la déposition de plusieurs témoins, et diverses circonstances qui sembleraient indiquer que le crime aurait été commis dans la nuit du 4 au 5 mars, présent mois.

T

» Que dans cet état de choses, et pour imprimer à l'instruction une marche plus ferme et plus sûre, il devient indispensable d'éclairer la justice sur la question de savoir quel jour et quelle heure il y a lieu d'assigner à la mort violente de la femme ***, en se référant aux observations mentionnées au procès verbal de MM. les médecins, en y ajoutant que la victime était vêtue d'un jupon de flanelle, indépendamment d'une camisole en coton, circonstance qu'il sera peut-être utile d'apprécier; ou de connaître si les conclusions dudit procès-verbal sont fondées, et si par conséquent il faut s'en tenir à cette opinion, que le crime n'a pas été commis avant les quinze à vingt heures qui ont précédé l'arrivée des médecins.

» Invitons, etc., etc., un de MM. les juges d'instruction

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171-175

du tribunal de première instance du département de la Seine, à commettre un ou deux chirurgiens, etc., à l'effet d'exprimer une opinion motivée sur les questions ci-dessus, et de déclarer s'il y a lieu d'adopter rigoureusement les conclusions du rapport sus-daté, en tant que la mort de la femme ***, n'a pas précédé de plus de quinze à vingt heures l'arrivée des médecins à ***. »

La question qui nous est soumise se borne donc à décider si l'époque de la mort ne datait pas de plus de quinze à vingt heures lorsqu'on a procédé à l'ouverture du cadavre. Recherchons quels sont les élémens qui peuvent fournir ici une réponse satisfaisante.

Après avoir examiné avec attention tous les détails de l'autopsie, et les conclusions sus-énoncées, il reste démontré pour nous, qu'une des circonstances qui peuvent avoir déterminé MM. ***, à fixerle moment du décès à une époque aussi rapprochée, et pcut-être la seule, est celle qu'ils expriment ainsi : Les viscères renfermés dans la cavité abdominale ne nous paraissent pas dans un état de refroidis sement complet. Nous disons que cette circonstance est peut-être la seule qui ait pu motiver leur opinion, car il n'en est, en effet, aucune autre, consignée dans leur rapport, qui puisse aider à établir les moindres données à cet égard. En conséquence, voyons quelle est la valeur du signe sur lequel on paraît s'être appuyé pour déterminer l'époque indiquée, comme étant celle où la mort a eu lieu.



D'abord, nous ferons remarquer que MM. *** n'affirment même pas qu'il y eût véritablement bien un reste de chaleur dans l'abdomen, quand ils explorèrent les viscères de cette cavité; au contraire, ils s'énoncent comme on l'a vu, sous une forme très-dubitative, qui nous porte à penser que la chaleur qui pouvait exister encore était au moins à peine sensible; et, d'après la raison que nous ferons connaître ci-après, on verra qu'il

serait possible d'admettre qu'elle était totalement éteinte.

Or, l'expérience démontre que dans la mort par asphyxie, le refroidissement complet du cadavre n'a ordinairement lieu que fort long-temps après le moment où l'individu a cessé de vivre. Ainsi, on a vu quelquefois la chaleur persister à un degré notable, 24, 36 heures après la mort, dans des cas d'asphyxie par la vapeur du charbon et par la strangulation, comme dans celui dont il s'agit. En outre, nous appellerons l'attention sur deux circonstances notées par MM. *** , pour leur influence sur la persistance du phénomène en question; nous voulons parler de la présence d'alimens récemment ingérés dans l'estomac, et de la vésicule biliaire presque vide, ce qui annonce que la mort a eu lieu pendant que la digestion s'opérait chez la femme ***. La coïncidence de ce travail organique avec le genre de mort qui a été constaté, peut encore avoir contribué à prolonger la durée de la chaleur vitale dans la cavité abdominale, car on a plus d'une fois fait cette remarque dans des cas analogues. Ajoutons que le cadavre était recouvert de vêtemens dont l'épaisseur doit aussi avoir concouru à retarder le refroidissement complet. On sait, en effet, que la chaleur vitale se conserve d'autant plus long-temps après la mort, que le corps a été moins exposé au contact de l'air (1). Ainsi, on trouve réunies ici plusieurs circonstances susceptibles de prolonger la durée de la chaleur animale au-delà du terme où elle se dissipe habituellement.

Quoiqu'il ne soit pas possible, dans l'état actuel de la science. de déterminer mathématiquement les limites dans lesquelles, en général, l'extinction définitive de la

(1) Voyez les expériences de Nysten (Recherches de physiol. et de chimie pathol., page 394), et les observations d'Orfila (Leçons de méd. légale, tome II, pages 183 et 191.)

chaleur vitale a lieu après la mort, toujours est-il que, dans l'espèce, tout concourt à faire penser que ce phénomène a dû persévérer plus long-temps que dans les cas ordinaires. Il résulte donc de ces diverses considérations, que, si le reste de chaleur qu'on a cru trouver dans l'abdomen constitue le fait sur lequel on s'est appuyé pour admettre que le décès de la femme*** ne datait pas, lors de l'autopsie, de plus de quinze à vingt heures, cette circonstance est insuffisante, et peut également servir à étayer l'opinion contraire, c'est-à-dire, que la mort avait lieu depuis plus de quinze à vingt heures quand on a ouvert le cadavre.

Nous venons de raisonner dans l'hypothèse où quelques traces de la chaleur vitale existaient encore, et cependant, avons-nous dit, il est fort douteux qu'il y en eut à un degré appréciable. Voici sur quels motifs nous nous appuyons indépendamment de l'indécision avec laquelle ce fait est exprimé dans le rapport de MM.***, leur description contient l'indication positive d'un phéno– mène qui ne se manifeste ordinairement que lorsque toute chaleur vitale va s'éteindre : c'est la rigidité cadavérique (1). En retraçant la situation dans laquelle ils avaient trouvé le corps de la femme ***, MM.*** disent: « Les membres présentent la roideur cadavérique. » Mais ce dernier effet de la contractilité musculaire se manifeste très-tard chez les asphyxiés et chez les individus qui périssent de mort violente, puisque la chaleur se dissipe alors. plus lentement. La roideur du cadavre qu'on a observéc et mentionnée, peut donc fournir un nouvel argument à l'appui de cette opinion: qu'il n'y avait plus de chaleur appréciable, et que la mort avait lieu depuis long-temps, lorsqu'on a procédé à l'autopsie.

(1) Voyez ci-après la note qui suit cette consultation.

***



Quant à la question de savoir quel jour et quelle heure on peut assigner comme époque précise de la mort violente de la femme nous ne trouvons rien dans les détails énoncés au rapport, qui puisse nous aider à la résoudre avec certitude. La seule conséquence à laquelle on soit conduit par l'examen des pièces qu'on nous a soumises, c'est que l'ensemble des circonstances qui y sont relatées ne contient aucun fait qui autorise à affirmer que la mort ne datait pas de plus de quinze à vingt heures, quand le cadavre a été ouvert. Au contraire, nous pensons, d'après les considérations que nous avons présentées que la mort datait d'une époque plus reculée; mais s'il s'agit de préciser cette époque, nous déclarons qu'il ne nous paraît pas possible de la déterminer exactement. Ajoutons cependant que dans le genre de mort auquel la femme *** paraît avoir succombé, la roideur des membres, indépendamment de la lenteur de son apparition, persiste habituellement pendant deux, trois, quatre jours, et quelquefois plus, suivant la saison, la constitution du sujet, etc. Or, dès qu'il a été constaté que la rigidité cadavérique existait quand on a examiné le cadavre, rien ne prouve que cette roideur datait alors plutôt de deux heures que de deux jours. L'une et l'autre hypothèses peuvent être également soutenues.

De tout ce qui précède, il résulte pour nous qu'il n'y a pas lieu d'adopter rigoureusement cette conclusion de la commission rogatoire; que la mort de la femme n'avait pas précédé de plus de quinze à vingt heures l'arrivée des médecins à***.

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Je dois m'empresser de dire que nous avons énoncé dans cette consultation un fait qu'il ne fant pas adopter d'une manière absolue je veux parler de la succession

indiquée entre l'extinction de la chaleur vitale et l'apparition de la roideur cadavérique. Quoique ces deux phénomènes se manifestent communément ainsi, il est vrai qu'ils ne se suivent pas toujours avec cette régularité. Mais on ne peut admettre avec Louis, que constamment la roideur cadavérique se montre lorsque la chaleur vitale existe encore à un degré élevé; ce n'est qu'accessoirement à ses recherches que cet auteur signale la coexistence de ces deux phénomènes, et l'on ne peut comparer ce qu'il dit à cet égard avec l'exposition détaillée et circonstanciée des observations et des expériences comparatives faites par Nysten. Voici comment. Louis s'exprime : « Des recherches faites avec toute l'exactitude dont »j'ai été capable, et que j'ai suivies pendant plusieurs » années sans interruption, m'ont fait voir sur plus de » cinq cents sujets, qu'à l'instant de la mort, c'est-à» dire, au moment de la cessation absolue des mouve» mens qui animent la machine du corps humain, les » articulations commencent à devenir roides, même avant >> la diminution de la chaleur naturelle. » Et plus loin il ajoute : « J'ai été dans le cas d'observer à la Salpétrière, » que la roideur des membres dont il s'agit n'est pas l'effet

D

de la diminution de la chaleur.... » (Lettres sur la certitude des signes de la mort, quatrième lettre.) Sans mettre en doute l'exactitude des observations de Louis, je dois faire remarquer que la manière dont il s'exprime manque de cette précision qui ne permet pas d'incertitude sur l'existence d'un fait qu'on veut constater. Ainsi, on pourrait conclure, d'après lui, que les différences d'âge, de maladies, de genres de mort auxquels les individus succombent, sont autant de circonstances sans influence sur la marche et l'apparition des phénomènes cadavériques dont il est question. Il ne paraît pas y avoir donné la moindre attention, comme s'il n'eût pas soup

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çonné que les causes qui amènent la mort influent sur l'état ultérieur des solides et des liquides du cadavre.

Cependant, soit qu'on admette que la roideur des membres dépende de la coagulation des liquides qui suit le refroidissement du corps, soit qu'on la considère comme un dernier effet de l'action vitale qui détermine la contraction musculaire, ou, ce qui est plus vraisemblable, qu'on envisage ce phénomène comme le résultat de ces deux causes, toujours est-il que des faits positifs et des recherches directes ont montré que le plus ordinairement la rigidité cadavérique ne se manifeste que lorsque la chaleur vitale est sinon tout-à-fait, du moins à-peu-près éteinte. Aux remarques trop générales de Louis, il faut opposer celles d'observateurs non moins éclairés, dont l'autorité n'est pas moins recommandable que la sienne : tels sont Nysten, Chaussier et Béclard. L'attention la plus scrupuleuse a présidé à ces observations; les circonstances au milieu desquelles elles ont été faites sont mentionnées avec soin, et l'exactitude avec laquelle les moindres détails sont exposés, donnent aux résultats signalés par Nysten, un degré de certitude qu'on ne peut pas accorder à ceux que Louis se borne à énoncer, sans faire connaître les faits sur lesquels il s'appuie.

D'ailleurs, l'observation journalière ne démontre-t-elle pas qu'il est une foule d'exceptions à cette assertion, que Louis généralisé bien à tort, quand il dit que toujours il a vu qu'à l'instant de la mort les articulations commencent à devenir roides, même avant la diminution de la chaleur naturelle. Par exemple, dans les affections gangréneuses, scorbutiques, etc., où le cadavre conserve une flaccidité remarquable, ne sait-on pas que la rigidité des membres a souvent une si courte durée, qu'il faut avoir constamment examiné le corps pour surprendre l'instant pendant lequel ce phénomène se manifeste à un

faible degré ? Où voyons-nous que Louis en ait alors constaté l'existence? D'un autre côté, il est constant aussi qu'on observe à la suite de certaines maladies, la rigidité des membres, pendant que le cadavre conserve encorè un degré notable de chaleur. J'ai surtout eu l'occasion. de faire un bon nombre de fois cette remarqué sur les cholériqués qui ont succombé à l'épidémie régnante. J'ai vu, entr'autres, sur plusieurs sujets robustes, ouverts six à huit heures après la mort, la roideur des membres portés au plus haut degré d'intensité, tandis que les muscles, siège de cette contraction, étaient encore très-chauds, de même que le sang qui s'en écoulait.

Ce n'est point ici le lieu d'examiner plus en détail les rapports de causalité qu'il peut y avoir entre l'extinction de la chaleur animale et le développement de la roideur cada vérique. On voit que cette question peut devenir assez importante par ses applications pour mériter un examen approfondi, et il est à désirer que de nouvelles observations viennent donner plus de précision aux notions que nous devons déjà aux différens auteurs que j'ai cités dans cette note.

Essai sur l'inflammation, l'ulcération et la gangrène des os; par J. F. MALGAIGNE, de Charmes, D. M. P., ex-médecin de division en Pologne, etc. (Fin.)

Ce n'est pas une chose bien facile que de rechercher à travers les phrases concises de l'antiquité et les vagues obscurités du moyen âge, les progrès des idées chirurgicales relativement aux maladies qui nous occupent; et nous n'espérons pas, en posant le pied le premier dans cette carrière encore neuve, de la parcourir toute entière;

nous essaierons seulement d'en jalonner les principaux points.

Hippocrate paraît avoir connu quelques affections organiques des os; mais principalement diverses nuances de la gongrène. Il décrit diverses espèces de carie du crâne, térédon, l'une avec douleur, dessiccation de la pituite du diploé, sécheresse de l'os et décollement de la peau (1); dans l'autre l'os s'atténue, se gonfle, devient friable; si on le met à découvert, il paraît raboteux et jaunâtre, et quelquefois il est rongé dans toute son épaisseur (2). Le traitement consiste à enlever tout ce qui est corrompu. C'est bien là la gangrène du tissu spongieux avec et sans inflammation. Il s'étend davantage sur celle du tissu compact, qu'il appelle corruption, séparation de l'os quand elle est partielle, sphacèle quand elle occupe toute l'épaisseur de l'os (3). Elle provient de la dénudation par cause extérieure ou par cause interne (4); attaque tous les os, grands ou petits, spongieux ou compacts (5); il note la noirceur comme un symptôme très - commun, marque le traitement à suivre et le temps qu'exige la séparation; il a vu un fémur atteint dans toute son épaisseur se détacher en 80 jours, le tibia en 60; mais alors, selon lui, le membre est toujours raccourci; il ne croyait pas à la régénération des os (6). Il a très-bien observé que, quand un os a été entamé soit par la corruption, soit par une section artificielle, la cicatrice est toujours déprimée (7).

(1) De morbis, lib. II, cap. 2.

(2) Ibid., cap. 8.

(3) Aphor., sect. VII, 77, ou, selon d'autres éditions, 79.

(4) Ibid, Bosquillon traduit

par inflammation du périoste.

De Fracturis, cap. 30 et seq.

(5) De Fract., cap. 30 et seq.
(6) Aph. 19, sect. VI.
(7) Aph. 45, sect. VI.

De Articulis, passim.


De Articulis.
De Ulceribus.

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Celse ne paraît pas en avoir recueilli beaucoup plus dans les auteurs qu'il a dû analyser pour construire son encyclopédie. Il ne cite comme maladie organique que la carie. L'os devient d'abord gras, puis noir; alors il est sec et privé de sang, friable et se laissant pénétrer par un stylet (1). Il distinguait cependant la dénudation simple, à ce signe que le stylet glisse sur l'os (2). Si la carie était superficielle, il ratissait l'os ou le cautérisait pour obtenir ensuite l'exfoliation; si elle occupait toute l'épaisseur de l'os, il emportait toute la portion viciée. C'est ainsi qu'il recommande l'excision pour les os du crâne, le sternum et les côtes; d'où l'on voit jusqu'où les chirurgiens de l'antiquité portaient quelquefois la hardiesse. Il explique très-bien la séparation de l'escharre osseuse par les chairs qui se développent entre elles et la partie saine de l'os. Toutefois Hippocrate, au Livre des plaies de tête, avait déjà dit quelque chose de semblable.

Archigène indique également la corrosion de l'os (Peyrilhe traduit vermoulure) et son imbibition d'une humeur grasse. Il fait la remarque très-importante que la noirceur de l'os peut bien n'être pas toujours un signe de corruption. Il est fâcheux que nous n'ayons gardé que quelques fragmens de cet écrivain, qui paraît avoir porté une grande attention sur cette matière (3).

Héliodore donne comme synonymes ces trois noms de corruption, carie et térédon; il distingue, à peu près comme Hippocrate, la carie avec le gonflement de l'os, raréfaction de son tissu, et couleur noire; et une autre espèce où l'os est rongé et se creuse. Pour la première fois nous trouvons une mention claire et incontestable des exostoses, sous le nom d'excroissances de l'os, les unes

(1) Lib. VIII, sect. 2 et 3.

(2) Lib. V, sect. 28.

(3) Collect. Niceta, edent. Cocchi.

molles et caverneuses, les autres osseuses et remarquables par leur densité (1); il conseille de les exciser.

Galien admet que les os pouvaient s'enflammer comme les parties molles (2); vérité bien avancée pour son siècle et qui n'eut d'écho que bien plus tard. Il redit, après Celse, que l'on enlève quelquefois les os en totalité, aux doigts, aux membres, à la tête, et aux côtes (3). Si cela ne démontre pas qu'il ait emporté une côte toute catière, comme Peyrilhe l'avance trop légèrement, il suit du moins de cette assertion que les anciens avaient vu des nécroses complètes des diaphyses; du reste il n'est pas douteux que Galien a enlevé une grande partie du sternum chez un jeune homme qui avait cet os frappé de gangrène ou de sphacèle (4).

Les successeurs de Galien n'ajoutèrent rien aux observations déjà faites; il était réservé aux Arabes, sinon de découvrir, au moins d'appeler les premiers l'attention sur des circonstances importantes de la pathologie des os.

Rhazès a décrit le premier le spina-ventosa, maladie fort obscure, et qui, avec la carie, comprit pour les écrivains du moyen-âge toutes les maladies du système osseux. D'après Rhazès, le mal commence à l'intérieur de l'os, le corrompt, le ronge, écarte les lames extérieures, et produit une tuméfaction accompagnée de douleur. Le mal attaque de préférence le corps des os longs; si l'on vient à ouvrir la tumeur, la réunion est difficile à obtenir, attendu que l'os est corrompu ou prêt à l'être; et la réunion ne se fait point, à moins qu'on n'extraie l'os, et tout ce qui a été corrompu par la corruption de

(1) Ibid.

(2) De Tumoribus, cap. 2.

(3) De diff. morb., cap. 8; et Hist. de la chirurgie, t. II, p. 658. (4) De Anatom. administr., lib. VII, cap, 13.

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181-185

Pos (1). Il paraît donc que le spina-ventosa de Rhazès n'est autre que la nécrose avec séquestre des modernes. Ce qui ajoute à cette conjecture, c'est que Rhazès cite deux cas de régénération des os, l'un pour la mâchoire inférieure, le second pour le tibia.

Avicenne décrit le spina-ventosa comme s'attaquant indifféremment aux diaphyses ou aux extrémités. Enfin Albucasis a pris soin de nous rapporter fort au long une opération exécutée par lui-même pour extraire un sé. questre, c'était sur un tibia; l'os fut remplacé par des chairs tellement solides, que la progression n'en fut point empêchée (2).

C'est là le premier exemple authentique d'une semblable opération; pour en trouver un second, il faut aller jusqu'à Pierre d'Argelata, qui enleva, dit-il, tout un focile de l'avant bras; l'incision faite, l'os était entièrement pourri et séparé des chairs d'une extrémité à l'autre. Lorsqu'enfin arriva la terrible épidémie de la syphilis, les occasions de traiter des maladies des os se multiplièrent. La science y gagna peu, tant ces noms de carie et de corruption jetaient de vague sur les descriptions et même sur les faits. C'est de cette époque, toutefois, que datent les observations sur la gomme, qui tantôt est une périestose simple avec épanchement, d'autres fois une ostéïte avec ulcération; sur la friabilité des os; on fit aussi quelques expériences sur le traitement des exostoses.

Quelque temps après parut le premier traité spécial consacré à l'inflammation des os, sous le titre de SpinaVentosa, par Pandolphinus, ouvrage superficiel et que fit bientôt oublier le traité de la Podarthocace de M. A. Sé

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(1) Rhazès, Contin. lib. 15, c. 5.

de la chirurgie, art. RHAzès.

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Voyez aussi Freind, Hist.

(2) Ch. 86. Weidmann a rapporté cette observation tout entière dans son Traité de la nécrose.

verin. Sous ce nom nouveau il décrivait une maladie à peu près nouvelle ou du moins que l'on n'avait pas suffisamment distinguée du spina-ventosa des Arabes. Il suffit de citer en preuve quelques traits de la description qu'il en donne. Le mal attaque de préférence les enfans, surtout au sortir du berceau. Les extrémités y sont spécialement sujettes; le corps de l'os n'y participe que par sympathie. L'os se remplit d'une espèce de mucus dont l'accumulation amène le gonflement. Il y a très-peu de douleur. Quand la tumeur vient à être ouverte, on retire d'ordinaire des fragmens d'os à demi-mortifiés. L'auteur consacre un chapitre entier à prouver que c'est une inflammation de l'os, d'où viennent l'abcès et la corruption, et explique sa fréquence chez les enfans par la mollessse de leurs os. Ce n'est pas qu'il niât son existence à un âge plus avancé. Lui-même, dit-il, il a guéri chez une religieuse de Naples, une carie à la malléole durant depuis long-temps; mais il en est de ces cas comme des éruptions de variole et de rougeole auxquelles on échappe dans l'enfance, mais dont on garde le germe jusqu'à un âge plus avancé.

Il paraît donc probable que Séverin entendait parler de l'inflammation des épiphyses osseuses, connues sous le nom de carie scrofuleuse chez les enfans, et plus rares en effet après la puberté. Mais dans sa pratique, il était sujet à confondre ce gonflement avec l'ostéo - sarcome des modernes; c'est ce qui résulte d'une observation de Van Horne, un de ses élèves. Il dit avoir disséqué un calcanéum, tellement accru en grosseur, qu'il pesait une livre et demie; il était poreux, dit l'auteur, mais ses pores étaient remplis de matière cartilagineuse; une matière semblable entourait l'os à l'extérieur, et enfin était recouverte d'une matière calleuse. C'est bien là ce qu'A. Cooper appelle exostose médullaire cartilagineuse; Van

Horne assure que cette tumeur était du même genre que celles qu'il avait vu à Naples, sous la direction de Séverin (1).

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Dans le même temps, Fabrice de Hilden démontrait que la dénudation des os soit de cause externe, soit même de cause interne, n'entraînait pas toujours irrésistiblement l'exfoliation. Il donnait aussi le premier traité sur les tumeurs blanches articulaires, inconnues ou mal décrites avant lui, quoique lui-même eût voulu en trouver des traces dans la Meliceria de Celse. C'est encore à cette époque qu'on commença à recueillir dans les au-. teurs des observations assez nombreuses de cliquetis des articulations, de ramollissement des os, et de plusieurs variétés d'ostéo-sarcôme, sous le nom de spina-ventosa et d'exostose. En 1660, François Glisson donna un traité spécial de cette espèce de ramollissement des os connue encore de nos jours sous le nom de rachitis. En 1665, l'attention des médecins fut appelée pour la première fois par Abraham Bauda, médecin de Sédan, sur ce singulier ramollissement de tout le squelette dont Bernarde d'Armagnac fournit un second exemple en 1700, et dont le plus remarquable de tous, celui de la femme Supiot, fut recueilli par Morand un peu plus tard.

Mais toutes ces connaissances demeuraient éparses et oubliées, et nul ne songeait ou n'osait en faire un corps de doctrine. En 1706, Leclerc en traça un petit traité à Ja fin de sa chirurgie complète; il reconnaissait huit es pèces de maladies du tissu osseux : la douleur, la carie,

(1) On trouvera dans la bibliothèqne de Manget, un extrait du Traité de Pandolphinus, avec les notes de Merklin; le Traité de la Pædarthrocace, de M. A. Severin; le Traité de la Mélicéria, de Fabrice de Hilden, et des observations détachées, dont quelques-unes. sont assez curieuses.

l'exostose, lá mollesse, l'ankylose, la qualité cassante, la rachitis et le cliquetis. Un an auparavant avait paru la première édition du traité de J. L. Petit; mais à part le rachitis et l'ankylose, il n'avait traité des autres affections organiques qu'en un chapitre unique sous le titre de l'exostose et de la carie. Un peu plus tard il lut à l'Académie des Sciences un mémoire spécial sur la coxalgie.

En 1731, Heyne publia ses thèses médico-chirurgicales: De præcipuis ossium morbis, ouvrage qu'on dirait écrit d'hier, tant l'auteur a systématisé son sujet et rattaché toutes les affections organiques à l'inflammation, comme autant d'effets à une cause première. Après un essai aussi remarquable, signé d'un auteur à peine connu, on est tout surpris de voir venir deux ans après, sous le nom bien autrement célèbre de Monro, son misérable mémoire sur la carie, qu'il ne définit pas autrement qu'une corruption de l'os, et dont il donne sept espèces où l'on a vraiment peine à se reconnaître. Il serait trop long de rechercher ici de quelles maladies il a prétendu faire l'histoire; ses descriptions courtes et obscures, et le manque presque absolu de faits à l'appui, ne causeraient pas peu d'embarras au commentateur.

En 1743, Cornélius Trioen essaya de classer les divers genres du spina ventosa, de façon à faire concorder les anciens et les modernes. Il distingue le spina-ventosa pur, c'est l'ostéo-sarcome enveloppé de sa cage osseuse ; le spina-venenosa, qui est la pœdarthrocace de M. A. Séverin; et le spina-mitior, ou la nécrose avec séquestre ; enfin, sous le nom de mélicéris, il décrit, avec Fabrice de Hilden, les tumeurs blanches, les caries articulaires et l'ankylose qui leur succède. Ce ne sont point des descriptions vagues, ce sont des faits détaillés autant qu'on pouvait l'exiger à cette époque, et éclairés par les plus belles

gravures que nous possédions sur cette matière (1). L'ouvrage de Duverney, qui parut peu après, ne mẻ-rite pas de mention particulière. Enfin, en 1774, il se fit une sorte de révolution dans les idées; et Louis, en créant le mot nouveau de nécrose, rendit un service éminent à la science. Ce seul nom donnait à la maladie représentée une existence à part, et offrait un but précis aux recherches; aussi voit on dès lors se suivre sans interruption les travaux de Troja, de David, de Bousselin, de Weidmann, de Russell; en sorte qu'en y joignant pour notre siècle les mémoires de Scarpa, de Léveillé, et quelques expériences isolées, il est peu de maladies chirurgicales qui aient été mieux approfondies que la nécrose.

Cette heureuse influence d'un nom exact manqua aux autres affections des os; delà l'obscurité qui les couvre encore. Sarrau disserta sur la carie, sans parvenir à en donner une idée exacte (2); Portal fit des autopsies de rachitiques trop incomplètes pour en tirer des conclusions bien avancées (3); l'ouvrage le plus remarquable et le moins connu, fut l'essai de Moignon sur les maladies de ła moelle des os, couronné en 1787 par la Faculté de médecine (4). Il décrivit le premier les changemens que l'âgé apporte dans le tissu osseux; exposa l'histoire de l'inflammation, de la suppuration, de l'induration et des dégénérescences de tissu médullaire avec un talent d'observation et une méthode qui étonneraient même aujourd'hui que la science est censée avoir marché de progrès en progrès.

A peu près vers ce temps se firent jour en France les

(1) Obs. medico-chir. fasciculus. Lugduni-Batav. In-4.°

(2) Dissertations sur l'anévrysme et sur la carie des os. Montpellier, 1786, in-8.o

(3) Traité du rachitis.

(4) De medulla morbis tentamen. Lugduni, reipubl. anno 3.

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186-190

idées de Pott sur le mal vertébral; mais ses découvertes d'anatomie pathologique ne portèrent aucun fruit. Plus tard l'ouvrage précieux de Brodie sur les tumeurs blanches, l'essai de classification d'A. Cooper pour les exostoses, ont été reçus en France avec la même froideur, et pour ainsi dire le mème dédain; on ne voit pas que, dans notre Faculté si glorieuse de sa renommée anatomique, on se soit occupé de vérifier ces travaux étrangers; l'arthrokakologie de Rust, moins connue encore, n'a pas même

eu l'honneur de la traduction. Nos nombreux traités d'anatomie pathologique se sont bornés aux parties molles; et parmi quelques rares mémoires spéciaux, l'on ne trouve guères d'idée neuve que chez M. Serre de Montpellier, qui attribue le mal de Pott à une affection tuberculeuse des vertèbres (1).

Je n'ai rien dit des traités généraux sur la pathologie des os; Becane, Manne, Bell, Callisen, Monteggia, MM. Richerand, Boyer, Delpech, etc., n'offrent que des contradictions et des incertitudes; tout ce qu'on peut en tirer, se résume en ce peu de mots de Béclard : Que l'inflammation des os est très-peu connue; et que la carie, qui semble en être le représentant principal, est un des mots les plus vagues qu'on ait introduits dans la pathologie (2).

Il importe donc une fois pour toutes, de faire table rase de toutes ces vieilles et obscures dénominations. Ils ne sera pas pour cela nécessaire d'en inventer d'autres; les maladies des tissus osseux ne diffèrent pas essentiellement

(1) Voyez le Mémoire de M. Serres, Gazette médicale, t. I.er, 1830.

(2) Anatomie générale, tissu osseux. — Depuis lors, MM. Roche* ct Sanson ont tenté, dans leurs Elémens de pathologie médico-chirurgicale, une meilleure coordination des connaissances acquises sur ce sujet; l'histoire qu'ils ont tracée de l'ostéite, est certaincment beaucoup au-dessus de ce qu'on avait fait avant eux.

de celles des tissus mous; et l'analogie des noms est la conséquence naturelle de l'analogie des choses. Ainsi toutes les affections des os, à part les dégénérescences de tissu, se rallient très-bien sous ces trois titres: inflammation, ulcération, gangrène.

I. De l'inflammation des os.

Les signes anatomiques de l'inflammation varient non seulement selon ses progrès, mais encore selon les diverses portions du squelette et même les parties diverses

du même os.

1

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Dans les os ou les portions d'os de texture spongieuse, le premier degré est la rougeur sanguine sans accroissement sensible des cellules, mais avec un léger ramollissement; ainsi déjà le scalpel pénètre mieux; et l'os est aussi plus facile à rompre.

Il ne faut pas confondre cet état de l'os avec la rougèur simple, résultat d'une pure congestion sanguine ou même tenant à l'état naturel de l'os.

Nous avons vu dans une de nos observations l'extrémité tarsienne du tibia rougie par le sang sans qu'elle eût perdu sa consistance naturelle; cet état ne constitue pas plus l'inflammation que la rougeur accidentelle de la peau n'est un érysipele. Dans le choléra-morbus, on trouve en général les os teints en rouge; phénomène qu'on n'a pas cherché à expliquer et qui paraît tenir à la suractivité de l'absorption. Enfin certains os sont naturellement rougeâtres; et sous ce rapport il reste un travail intéressant à faire: c'est de constater l'état naturel des différens os du corps. D'après quelques recherches de ce genre, mais qui auraient besoin d'être répétées, j'ai trouvé les os du crâne, les vertèbres, le sternum et les côtes d'un gris rougeâtre; les os longs du membre inférieur d'nn blanc jaunâtre; les os du tarse rougeâtres, etc. Chose étrange que tant de tra- · vaux sur le squelette ne nous aient rien appris de sa couleur !

Dans le tissu compact, le premier indice de l'inflammation est la formation de cellules et par conséquent aussi la coloration rouge et un ramollissement assez considérable si l'on considère la dureté de l'organe dans l'état normal. Il suit delà que toute inflammation du tissu compact détermine une tumeur de l'os, et selon le langage reçu,

une exostose.

Toutefois la formation des exostoses ne procède pas toujours ainsi. Il est difficile qu'une irritation porte sur l'os sans atteindre le périoste qui l'enveloppe; et alors trèssouvent il s'épanche entre les deux un liquide coagulable, passant successivement à l'état de cartilage et d'os, s'unissant par la suite à l'os principal ; c'est là ce que A. Cooper désigne sous le nom d'exostose périostale cartilagineuse. On peut prendre une excellente idée de sa formation dans les expériences de Troja sur la nécrose. En détruisant toute la moelle d'un os, il frappait de mort la diaphyse tout entière; l'os nouveau était sécrété par le périoste à la surface de l'os ancien. Mais les choses ne se passent pas tou jours de la sorte; ainsi, quand la diaphyse n'est frappée de nécrose que dans la moitié interne de son épaisseur, comme Scarpa l'a vu, l'autre moitié se gon fle et se creuse de cellules; c'est l'inflammation qui, selon l'expression d'Hippocrate, raréfie le tissu osseux. Ainsi dans l'une de nos observations, la gangrène s'était emparée d'une exostose élevée de la diaphyse d'une phalange et creusait de ses cellules l'épaisseur du tissu compact. On peut voir dans les Thesauri ossium, dans les musées anatomiques, des exostoses non ulcérées, placées ainsi au centre du tissu compact et dont une section médiane démontre la texture spongieuse. Peut-être après tout, l'exostose est-elle due à ce double mode de développement; ainsi que dans une fracture chevauchante, le cal difforme qui embrasse les fragmens disjoints simule d'abord une exostose indépen

dante des fragmens et due tout entière à l'ossification du suc osseux; mais plus tard, quand l'inflammation a eu le temps de dilater les bouts des fragmens, ceux-ci prennent l'aspect spongieux à leur tour, se confondent intérieurement avec le cal provisoire; et la tumeur tout entière ne semble qu'un énorme développement des fragmens.

Il y a eu discussion sur la question de savoir si la substance spongieuse est sujette aussi à se taméfier par le travail inflammatoire. Brodie le nie fortement; Samuel Cooper et d'autres partagent son avis et croient que l'accroissement prétendu de volume est dû au gonflement des parties molles. Ce n'est là après tout qu'une question mal posée; il s'agit de savoir si une portion d'os spongieuse est ou non sujette à exostose. Or les nodus vénériens ne sont point rares aux côtes, à-la clavicule; il n'est pas rare à un certain âge de trouver des exostoses sur presque toute la face antérieure du corps des vertèbres; notre illustre Cuvier en offrait en grand nombre. Nous avons vu dans un cas les côtes à la fois ulcérées et grandement élargies; enfin M. Cruveilhier a fait voir à la société anatomique les extrémités tarsiennes des os de la jambe chez un sujet adulte offrant un diamètre transverse de trois pouces une ligne, tandis que le diamètre ordinaire n'est que de deux pouces six à sept lignes. Dans les petits os du tarse même, M. Lisfranc a signalé quelques cas d'exostoses, dont l'une placée en haut du grand cunéiforme peut servir à faire reconnaître l'espace inter-articulaire dans l'amputation du métatarse.

Toutefois il faut en convenir: le gonfiement du tissu spongieux est beaucoup plus rare chez l'adulte qu'on ne pourrait le croire; et il faut être excessivement réservé sur un diagnostic de cette sorte quand on ne palpe les parties qu'à travers l'épaisseur des chairs. C'est principalement dans les tumeurs articulaires que la méprise est facile; et plus d'une fois, après avoir durant la vie dia

gnostiqué, comme nous croyions, à coup sûr, un gouflement presque double de l'os, il est arrivé que le dépouillement de ses chairs laissait à l'os précisément son volume ordinaire.

Mais chez les enfans cette dilatation est plus fréquente, sans doute parce que les os sont plus tendres et plus riches en vaisseaux sanguins; peut-être aussi parce que le périoste secrète davantage. Les inflammations scrofuleuses des épiphyses amènent souvent leur gonflement; delà une difformité irrémédiable, même quand les autres symplômes du mal sont complètement extirpés.

2

Au second degré, les symptômes se rapprochent davantage dans le tissu spongieux et dans le tissu compact ramené par l'inflammation à l'état celluleux. Les cellules augmentent d'ampleur en diminuant de nombre; leurs parois même s'amincissent en se distendant; tout cet espace vide est rempli par une sanie rougeâtre; et le ramollissement est tel que la simple pression suffit pour écraser ces cellules et en exprimer le liquide. Rarement toutefois le tissu compact arrive à cette mollesse, excepté dans les exostoses d'un volume un peu considérable. On peut se faire une très-bonne idée de la manière dont l'inflammation ramollit les tissus osseux, en suivant sur les animaux les changemens du cal, lorsque la virole externe passe de l'état compact à l'état celluleux avant de disparaître tout à fait. Enfin, à raison de cette absorption du tissu osseux remplacé par la sanie à mesure que le ramollissement augmente, le poids spécifique et absolu de l'os diminue; on cite des cas où l'os s'est trouvé moins pesant que l'eau. La pesanteur diminue déjà dès la première période, mais non point à un degré aussi marqué. C'est cet état que j'appelle ramollissement rouge, par analogie avec le ramollissement de même nom du tissu pulmonaire.

Quoique dans ce travail je me sois spécialement occupé

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Pangwall

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 191-220
« Reply #8 on: September 27, 2022, 07:48:51 PM »

191-195

de l'anatomie pathologique, comme d'un point de départ qu'il fallait d'abord établir, j'ajouterai qu'autant que j'ai pu conclure de mes observations, cet état morbide des os se distingue des autres par une absence de douleur presque toujours complète. De plus, quand il arrive sur des os qui ont à soutenir un poids considérable, leur solidité en est tellement détruite qu'ils s'affaissent sur eux-mêmes; delà des difformités rapportées à tort à ce qu'on appelait la carie, attendu qu'elles sont sans production de matière purulente ou autre.

J'ai vu, en juin 1829, amener à la consultation au Valde Grâce un enfant de sept ans, aux yeux bleus, aux cheveux blonds, à la peau fine et blanche; mais d'une belle carnation, et n'offrant ni dans la figure ni dans le système lymphatique aucune trace d'une affection scrophuleuse. Il y avait quinze mois que sa mère s'était aperçue d'une saillie non naturelle proéminente en arrière sur l'épine de son enfant; et depuis lors elle n'avait cessé de s'accroître. Elle avait son siége à la région dorsale, au niveau de l'angle inférieur de l'omoplate, et résultait manifestement de la projection en arrière d'une apophyse épineuse. Les parties supérieure et inférieure de l'épine se rencontraient en ce point en formant un angle obtus rentrant en avant, et la courbure dorsale naturelle était détruite. La mère ne savait à quoi attribuer cette difformité; l'enfant ne s'était jamais plaint de coups ni de chute; jamais il n'y avait eu la moindre douleur même à la pres sion. Toutes les fonctions s'étaient toujours bien faites; l'enfant était gras et fleuri, et aussi fort sur ses jambes que tout autre enfant de cet âge; il n'y avait aucune déviation latérale. M. Gama prescrivit un régime simple, des alimens bien sains; je perdis cet enfant de vue. J'ai su qu'il était mort un an après d'une autre maladie; il n'y avait point eu de traces de collection purulente. Il y avait

ne

chez cet enfant affaissement du corps d'une vertèbre; mais par quelles causes? Il n'y avait point gangrène, ni sèche, ni humide, puisque durant plus de deux ans, il s'était point fait de collection de pus; il n'y avait point ulcération; car il manquait à la fois l'abcès et la douleur. Il faut donc admettre le ramollissement comme cause de l'affaissement de la vertèbre; du moins les symptômes s'expliquent très-bien de cette manière; et l'anatomie pathologique vient à l'appui. Pott, qui s'est occupé spécialement de cette matière, cite les deux variétés suivantes parmi les altérations rencontrées à l'autopsie,

1.° Une petite augmentation de volume dans le corps des vertèbres qui forment la courbure, jointe à une diminution sensible de densité dans leur substance et au relâchement des ligamens.......;

2. Une augmentation de volume plus considérable et plus sensible dans les mêmes parties des vertèbres dont toute la substance paraît être plus spongieuse et disposée à la carie, etc. » Dans son second traité, il revient sur ces caractères; seulement il déclare s'être convaincu, par un examen approfondi, què l'augmentation de volume est illusoire et dû au gonflement des parties molles.

Voilà donc la cause simple et naturelle de la plupart des déviations de l'épine, dont les muscles ont été tant de fois accusés. Assez souvent en effet les ligamens participent à la maladie ou même en offrent seuls des vestiges; mais presque toujours on trouve en même temps les corps des vertèbres affaissés, diminués de hauteur du côté de la concavité de la courbure. L'action des os sur les muscles est ici beaucoup plus grande que celle des muscles sur les os.

J'en dirai autant. des torsions imprimées à certains os par ce qu'on appelle le rachitis partiel. Le poids du corpsou des membres a plus d'influence que tout l'effort des

muscles; je n'en veux pour preuve que le variétés des inflexions que l'on trouve chez les rachitiques et dont le squelette de la femme Supiot, conservé au musée du Jardin des Plantes, offre l'exemple le plus bizarre. Les chirurgiens ont assez souvent sous les yeux de tristes preuves de la flexibilité du tissu osseux ramolli et du peu d'influence des muscles dans ces cas de cal non entièrement consolidé, où le malade impatient affecte une position défavorable, ou essaie prématurément l'usage de ses jambes. Le poids da corps ou du membre détermine l'inflexion de l'os; les muscles ne font guères qu'obéir; tout au plus aident-ils à déterminer le chevauchement quand aux autres déplacemens celui-là vient encore se joindre.

Nous n'aurions décrit qu'à moitié l'inflammation du tissu osseux, si nous la montrions simplement isolée, et en un point quelconque du squelette. Plus que tous les autres appareils peut-être, le système osseux est sujet à se prendre tout entier, avec des degrés plus ou moins nuancés de la même maladie. Or, quoique les autres altérations puissent se.répéter plus ou moins sur toutes les parties du squelette, il n'en est aucune qui s'y montre plus fréquemment que l'inflammation au second degré, ou le ramollissement rouge. Les effets varient quelque peu chez les enfans ou chez les adultes; dans le premier âge, la maladie porte le nom de rachitis; dans un âge plus avancé, on le nomme ramollissement ou fragilité, suivant les symptômes.

D'après ce que nous avons dit de l'inflammation partielle on pourrait tracer le tableau de l'inflammation générale. Ainsi les épiphyses se gonflent chez l'enfant, et les tissus compacts reviennent à la texture spongieuse; quelquefois même alors ils subissent également un gonflement, soit partiel, et delà les exostoses rachitiques ou nouûres, étudiées spécialement par J. L. Petit, ou général : le corps des

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os acquiert des dimensions inaccoutumées, comme Bichat et Scarpa en ont vu des exemples. Les os sont plus tendres, plus faciles à couper, plus cassans; toutefois leur texture se rapprochant davantage du cartilage, d'une part ils se brisent moins volontiers que les os des adultes dans un étát analogue; d'autre part leur fracture se réunit trèsbien, tandis que la consolidation chez un os d'adulte frappé de fragilité, éprouve des difficultés le plus souvent insurmontables. On sait comme avec le temps les os des rachitiques se courbent, quoique ne jouissant point de la flexibilité molle dont nous parlerons tout à l'heure; il semble que la sanie rougeâtre déposée dans leurs cellules soit plus susceptible d'organisation que dans un autre âge; il y a aussi assez souvent un épaississement de la membrane médullaire, signalé par Bichat, et qui mérite des recherches spéciales ultérieures.

Chez les adultes, le ramollissement rouge produit un double effet, suivant des circonstances qui n'ont pas encore été exactement déterminées. L'os se creuse de nombreuses cellules; quelquefois même en dernier résultat, ces cellules disparaissent et se confondent en une seule, comme on l'a vu même sur des os spongieux; il ne reste que l'écorce osseuse la plus extérieure; et dans les diaphyses on trouve le tube osseux réduit à l'épaisseur d'une lame papyracée; et le canal agrandi de tout ce qu'ont perdu ses parois.

Que les choses en soient venues à ce point, ou que tout l'os, diaphyse et épiphyses, garde encore la texture cellulcuse, l'effet le plus fréquent qui en résulte est une fragilité de l'os extraordinaire. On connait l'histoire de cette religieuse dont les fractures multipliées étonnèrent si fort Louis; on sait l'inscription mise par Nuck sur un squelette tout entier devenu friable; amor intimis hæret medullis; et les autopsies n'en sont point rares. Saviard

a fait l'histoire d'une fille de 20 ans qu'il était impossible de toucher sans lui occasioner une fracture nouvelle; à l'autopsie, les os étaient si minces et si tendres qu'on ne pouvait les tenir entre les doigts sans qu'ils se fondissent en petits fragmens mous comme une écorce d'arbre mouillée et pourrie. Ils étaient si fort remplis d'une moelle rougeâtre, qu'ils semblaient se fondre et se dissoudre en cette matière (1). Cette observation est remarquable en outre par les vives douleurs que la malade avait éprouvées. Chez une femme de 50 ans, chez qui la douleur était à-peu-près nulle, M. Cruveilhier trouva une foule de fractures non soupçonnées pendant la vie ; il y en avait au fémur, au radius, à presque toutes les côtes. Ces os étaient fragiles, légers, se laissaient couper avec une extrême facilité; les corps du fémur, du tibia, présentaient, sous une couche très-mince de substance compacte, une cavité très-considérable remplie de moelle. Probablement cette moelle était rougeâtre et dégénérée comme dans les observations citées; l'auteur ne le dit pas (2).

Il paraît que, sur quelques individus, cette absorption des molécules terreuses, ce ramollissement dn tissu osseux a été jusqu'au point de changer l'os en fausse membrane ou en cartilage, et de lui donner une flexibilité extraordinaire. Delà toutes ces histoires dont les auteurs ont pieusement accru le merveilleux; ces malades dont on pliait les membres dans tous les sens, sans fractures; ces enfans nés sans os moyens dans les membres, et à qui cependant le repos suffisait pour faire développer ces os. Quelques observations bien faites ont fait justice de ces exagérations; le ramollissement cartilagineux des os

(1) Saviard, Obs. chir., p. 274.

(2) Essai sur l'anat. pathol., tome I., page 193.

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ne paraît être qu'un degré un peu plus avancé du ramollissement rouge. P. Marie Gabriel a rapporté une trèsbelle observation d'une femme de 32 ans, affectée d'une inflammation générale du squelette, avec de très-vives douleurs. Les os affectés changèrent de position et de figure, mais peu-à-peu; le bras droit même n'offrit d'au tres symptômes que l'émaciation et l'immobilité forcée. A l'autopsie, les os des jambes, des cuisses et l'humerus droit en particulier, étaient flexibles, mous, gardant la position qu'on leur donnait; ils étaient rouges et représentaient très-exactement une substance charnue pareille à la chair des gencives. Etait-ce une substance analogue à celle qui remplissait le tube osseux du tibia dans notre deuxième observation? Cette chair était entourée d'une tunique membraneuse, et se fléchissait sans rupture ni friabilité. Mais ailleurs les diaphyses, les vertèbres, les côtes, etc., n'étaient point si molles; elles cédaient facilement à la compression et au scalpel, et se brisaient à la moindre torsion. Les os du crâne étaient moins ramollis encore; toutefois un couteau suffit pour les diviser au lieu de la scie (1). Ne voit-on pas là l'inflammation au premier degré, puis au second, avec ramollissement et friabilité, et comme une troisième période particulière le ramollissement charnu et membraneux ?

L'observation de la femme Supiot, qui fut bien autreinent célèbre, offre un ramollissement général bien plus avancé. La malade avait 35 ans; elle avait éprouvé des douleurs très-vives; les distorsions des, os s'étaient faites peu à-peu; seulement ici les muscles parurent avoir une grande influence, et les urines contenaient un sédi ment blanc qui, ayant été analysé, parut tenir de la na

(1) Miscell. Curios. decur. III, ann. 2. — Manget a donné aussi

cette observation tout entière.

ture du gypse. Tous les os étaient plus ou moins ramollis; ceux du crâne gonflés, spongieux et rougeâtres ; ils pliaient sous les doigts sans se rompre, quoiqu'ayant encore leur trame osseuse; en effet, comprimés dans un étau, il resta un morceau mince, qui par la dessiccation, acquit la dureté osseuse naturelle. L'os sacrum affaissé sur lui-même n'avait que 21lignes de hauteur ; les vertèbres un peu moins diminuées laissaient au rachis entier nne longueur de quinze pouces. Parmi les côtes, les unes étaient eassantes, les autres molles et flexibles. Les os plats paraissaient avoir plus tôt subi le ramollissement complet que les autres; l'unguis était membraneux; les os des îles cartilagineux; dans les os longs, en certains points le canal était converti en une gaîne membraneuse, remplie d'un fluide sanguinolent, épais, noirâtre; en d'autres points, l'os était rougeâtre, comme charnu; ailleurs cartilagineux; ailleurs enfin conservant l'aspect et les propriétés du tissu osseux. Les os de la face, du carpe du tarse et la rotule, avaient gardé un peu plus de con

sistance.

Toutes les autres observations analogues ne font que répéter celles-là. C'est donc, comme on le voit, le ra-mollissement rouge répandu par tout le squelette qui cause ces désordres; rachitis chez les enfans, friabilité ou ramollissement chez les adultes. Chez les premiers,' épaississement des épiphyses, phénomène rare chez les seconds. La, fractures plus rares et faciles à consolider; ailleurs, fractures communes et presque toujours irrémédiables. La différence que l'âge apporte dans le même tissu, rend très-bien compte de ces variétés d'une affection qui est partout la même.

Il n'échappera à aucun anatomiste combien cet étať de tout le système osseux dans le rachitis des adultes ou même des enfans, offre d'analogie avec l'état amené par

l'âge dans le même système. Chez les vieillards, les canaux des os longs s'élargissent en amincissant leurs parois; les cellules des os spongieux s'agrandissent de même, le fémur forme un angle plus droit avec son col; sa diaphyse se courbe davantage, les vertèbres s'affaissent, et il y a une véritable courbure du rachis à concavité antérieure; la taille diminue, les fractures ont lieu par de très-légères causes. Gall a vu des vieillards dont les parois crâniennes cédaient sous l'inpression du doigt; et les fractures du col fémoral semblent tellement propres à la vieillesse, qu'A. Cooper dit n'en avoir jamais vu avant 60 ans. Il semble que cet effet doit être rapporté à la même cause que ce commencement de rougeur des os rencontré dans le choléramorbus; l'absorption, après avoir épuisé les parties molles, se prend aux parties dures; mais là les parois des cellules qu'elle creuse étant solides, l'affaissement n'a pas lieu comme dans les parties molles, ou n'a lieu qu'imparfaitement; seulement les sucs nutritifs sont remplacés par des sucs qui ne le sont pas. Ce qui explique pourquoi, à l'analyse chimique, le squelette du vieillard offre plus de matières animales proportionnellement que celui de l'adulte.

Autant qu'il est permis de le présumer, d'après le petit nombre d'observations que nous avons, le véritable abcès de l'os doit succéder au ramollisseme nt rouge. D'une part, l'analogie dit que dans les parties molles il faut ordinairement un état correspondant des tissus avant que la sécrétion purulente se fasse; et puis, c'est que le déploiement des cellules, peu-à-peu réduites à quelquesunes, ou même à un seul foyer, offre toute facilité à la collection du pus.

Plus fréquemment l'inflammation passe à l'état de ramollissement jaune; mais la vie ayant alors quitté les

tissus, il sera plus convenable d'en parler à l'article de la gangrène.

Enfin, si l'irritation persiste, mais à un degré moindre, le ramollissement rouge n'est point porté si loin; et de même que dans la formation du cal provisoire, le tissu d'abord spongieux se durcit peu-à-peu, de même les cellules creusées pár l'inflammation se remplissent de matière terreuse; au ramollissement succède une sorte d'induration chronique qui prend ici le nom d'éburna tion, et qui peut, comme les autres lésions, ne frapper qu'un point déterminé ou attaquer tout le squelette.

L'éburnation est locale dans les exostoses ou même, dans le corps des os. Tous les musées anatomiques sont garnis d'exostoses ou de diaphyses éhurnées, où le tissu osseux est d'une dureté et d'une blancheur qu'on ne peut mieux comparer qu'à celle du rocher chez l'homme adulte. Le crâne y est sujet chez les maniaques. L'os nouvellement créé dans la nécrose des diaphyses commence par être spongieux, puis il devient d'une dureté telle qu'elle surpasse celle de l'ancien os. Cette remarque utile au traitement, et qui doit engager les chirurgiens à ne pas trop retarder l'opération, est due à Bousselin, et paraît avoir échappé à Weidmann et à Russell. De même la virole externe du cal provisoire passe, à une certaine période, à un état d'éburnation passagère qui a fait dire à plusieurs auteurs que désormais le point fracturé était plus solide que tous les autres.

J'ai dit que cette éburnation pouvait être générale; il en existe très-peu de cas dans la science; et les auteurs les plus étendus n'en ont rien dit. Jussieu gardait dans son cabinet une tête énorme, sonnant à la percussion comme la pierre, et pesant huit livres; tandis qu'une tête ordinaire d'adulte ne va qu'à vingt onces. M. Jadelot, qui

en á donné la description (1), incline à croire que tout le squelette avait dû subir cette hypertrophie énorme et qu'elle avait probablement commencé par le ramollissement des os. Gall a vu un crâne à peu près pareil dans la collection de l'électeur Maximilien (2); tous les os avaient un pouce d'épaisseur; la machoire inférieure était grossie à proportion. Enfin on lit, dans les œuvres de Saucerotte, l'histoire d'un homme dont les os se développèrent à tel point que de la base de la mâchoire jusqu'au bord libre des dents incisives, il y avait un intervalle de quatre pouces; les côtes étaient estimées à dix-huit lignes de largeur. Il parait que les urines s'étaient montrées au commencement chargées d'un dépôt blanc; signe que nous avons vu indiquer le ramollissement général des os; mais plus tard assurément ceux-ci s'étaient chargés de sels terreux; caraprès cinq ans de cette affection, le malade qui au début ne pesait que 119 livres, avait atteint le poids de 178 livres ; sa taille était de 5 pieds 2 pouces; et ses chairs flasques. et maigres témoignaient que cet accroissement de pesanteur provenait entièrement de l'hypertrophie osseuse (3). C'est à de pareils cas que s'appliquerait assez bien le mot d'hypérostose; maladie rare sans doute; mais toutes les maladies sont rares jusqu'à ce que l'on daigne s'en oc

cuper.

Tels sont les caractères de l'inflammation osseuse franche, , que nous regardons comme très-différente de l'ulcératiou sans inflammation préalable, ou si l'on veut de l'irritation ulcérative.

(1) Description d'une tête humaine extraordinaire ; Paris, an VIII, in-8.°

(2) Sur les Fonctions du cerveau; in-8.o, tome III, page 93, (3) Mélanges de chir. de Saucerotte, page 407.

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II. Ulcération de l'os.

L'ulcération de l'os peut exister seule, ou succéder à une inflammation antérieure; delà une différence assez importante pour que ces deux étais méritent d'être étudiés à part.

Les anciens auteurs ne paraissent pas l'avoir connue. Rien de plus fréquent dans leurs livres que cette expression: ulcère de l'os, définition assez généralement reçue de la carie; mais plus tard nous verrons combien la définition convenait mal aux symptômes. Brodie le premier l'a clairement décrite sous le nom d'ulcération des cartilagés; depuis, M. Serre l'a confondue avec une dégénération tuberculeuse.

A l'examen anatomique, on trouve l'os dépouillé de périoste ou de cartilage; rugueux, âpre, dur, creusé, érodé comme par l'action d'une lime; conservant d'ailleurs l'aspect, la consistance, la coloration naturelle. Quelquefois cette érosion a lieu sans matière, probableinent parce que celle-ci a été absorbée à mesure de sa production (Brodie); d'autres fois la matière assez abondante se rassemble en foyer; si de bonne heure on l'ouvre, on en voit sortir un liquide séreux, blanchâtre, mêlé de particules caséeuses, analogue au pus des tubercules ou à celui des abcès froids; si au contraire le foyer est profond et reste long-temps ou même toujours sans s'ouvrir à l'extérieur, la partie liquide est absorbée; il reste une masse plus ou moins consistante, blanche, grumeleuse, et qui rappelle parfaitement l'aspect des tubercules du poumon quand ils commencent à s'imbiber de sérosité.

A ces caractères il est difficile de ne pas rapprocher l'ulcération des os de leur dénudation par suite de la périostite. En certains cas, en effet, l'unique effet de l'irritation du périoste est de le détacher de l'os; il n'y a au

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cune production de matière; nous en avons cité un exemple; mais plus souvent l'inflammation périostale se termine par suppuration; le pus s'épanche entre l'os et son enveloppe membraneuse, et possède d'ailleurs tous les caractères que nous venons d'assigner au pus osseux produit par l'ulcération. Bien plus: c'est que l'ulcération ne saurait attaquer la face externe d'un os en un point revêtu de périoste, que cette membrane ne soit soulevée plus ou moins loin à l'entour, comme nous l'avons vu chez Brocard; et alors en vérité les deux affections paraissent se confondre et n'être qu'un degré plus ou moins avancé de la même maladie (1).

D'ailleurs cette dénudation de l'os n'est-elle pas une ulcération véritable? Il convient avant tout de bien préciser le sens réel des mots et de ne pas confondre l'ulcération avec l'ulcère. L'ulcère en général est une solution de continuité ancienne, suppurante, à la surface de laquelle on ne distingue plus les tissus cachés par le bourgeonnement des chairs. L'ulcération plus récente n'est qu'une érosion, une dénudation du tissu et le laisse encore reconnaître. Ainsi le vésicatoire récent est une ulcération; le vésicatoire recouvert de bourgeons charnus est un ulcère. Et en poursuivant cette idée, il résulte que dans l'ulcération des divers tissus, il y a bien une différence qui tient à celle des tissus même; tandis que l'ulcère sera partout le même et ne variera que par l'aspect des chairs bourgeonnantes. Ainsi, ulcères de la peau, des muscles, des os, auront toujours un aspect identique, et ne réclameront jamais que la même indication pour guérir; tandis que les ulcérations auront une apparence spéciale, en raison de la spécialité du tissu mis à découvert.

(1) Weidmann appliquait déjà à la dénudation de l'os le mot d'exulcération; mais il n'a pas vu l'ulcération du tissu même.

Que l'os donc soit dénudé par le soulèvement du périoste, ou le derme par le soulèvement de l'épiderme, il y a ulcération dans les deux cas; et dans les deux cas aussi on a une double voie thérapeutique; ou bien en soutirant la matière accumulée par une ponction on favorise le recollement des tissus et la guérison sans suppuration; ou bien, quand l'ulcération est exposée au contact de l'air, on ménage par des topiques doux son passage à l'état d'ulcère simple, c'est-à-dire le développement de bourgeons charnus; et dans les deux cas la cicatrisation se fait sans perte de substance.

De ce point de vue, on peut juger si M. Serres a rencontré juste en comparant l'ulcération osseuse aux tubercules. Nous avons vu en effet chez Brocard la matière accumulée et privée en partie de sérosité, rappeler l'aspect des tubercules; mais alors même celle matière existait en plusieurs points entre le périoste et l'os, sans envahir ni l'un ni l'autre. Chez le sujet de notre observation 8., l'ulcération marchant plus rapidement ne permit pas d'attribuer ses résultats à des tubercules; les cartilages costaux étaient ulcérés de la même manière. Enfin, qui oserait attribuer à une dégénération tuberculeuse l'ulcération des os qui se produit dans les articulations?

L'article coxo fémoral est celui que l'ulcération semble affecter de préférence, quoiqu'aucun autre n'en soit exempt. Brodie, qui a étudié la marche de l'affection avec soin, dit l'avoir vu débuter toujours par les cartilages qu'elle érodait à leur face externe, ou bien en commençant quelquefois par leur face interne. D'ailleurs l'os est toujours trouvé sain pardessous; la matière tuberculeuse n'augmente qu'à mesure que l'ulcération fait des progrès; en sorte qu'il est évident qu'elle est un effet et non une cause. Que dire enfin des cas où cet effet manque, c'est-à-dire, comme Brodie l'a observé, où l'ulcération marche sans amas de matière ?

La dénomination préférée par M. Serre est donc inexacte, et il importe d'autant plus de la rejeter, que le tissu osseax est en effet soumis quelquefois à une dégénérescence tuberculeuse réelle; affection beaucoup plus rare, et dont ce n'est le lieu de s'occuper. Le nom imposé par Brodie, d'ulcération des cartilages, est également inexact, puisque la même affection attaque des os dépourvus de cartilages, et revêtus seulement du périoste.

pas

Telle est, sous le point de vue anatomique, l'ulcéra tion simple des os ; je ne l'ai rencontrée encore que dans le tissu spongieux, du moins entamant la substance osseuse, car la dénudation des os compacts par abcès du périoste n'est point rare, surtout dans la vérole confirmée, où cette affection a reçu le nom de gomme.

Cette affection est-elle aussi susceptible de devenir générale ? Un assez grand nombre de faits me font pencher pour l'affirmative. Brodie a cité des cas où l'ulcération occupait presque toutes les articulations. J'ai vu au Valde-Grâce, un officier, quinze ans après la guérison d'une gonorrhée, saisi dans l'espace de quelques mois, d'abcès qui offraient tous les symptômes de l'ulcération des os, et qui étonnaient par leur nombre. On en voyait un au front, un sur chaque clavicule, un sur chaque omoplate, un sur le métacarpe gauche, un ou deux sur chaque tibia, un sur le métatarse droit. Il avait subi sans succès plusieurs traitemens mercuriels : M. Gama parvint à le guérir, en mêlant à la diète et aux émissions sanguines les pilules de ciguë et de calomel poussées jusqu'à salivation.

L'ulcération peut s'unir à l'inflammation, soit que l'une ait précédé au suivi l'autre. Dans les articulations, quand l'inflammation des os voisins n'est qu'à la première période, les cartilages sont absorbés peu-àpcu, et remplacés quelquefois par des membranes de

nouvelle formation. Si le ramollissement est plus avancé, les cartilages se décollent par une face interne, et s'en vont par lambeaux minces et secs comme du parchemin. Dans les deux cas, si une ouverture accidentelle donne accès à l'air, la gangrène noire en est ordinairement la suite; et lors même que l'ulcération est simple, quand les tissus mous ambians sont assez affectés pour ne pas permettre la cicatrisation, la teinte noire s'empare de i'os, qui paraît mortifié dans une plus ou moins grande épaisseur.

Un des symptômes les plus constans de l'ulcération des os est une douleur très-vive; c'est par là qu'on peut à l'avance présumer qu'elle existe au lieu de l'inflammation. Quand elle affecte les articulations, elle n'entraîne pas un gonflement aussi considérable; mais nous avons noté pour l'articulation coxo-fémorale le gonflement des glandes de l'aine qui s'emplissent de pus tuberculeux analogue à celui de l'articulation. D'ailleurs le diagnostic en est encore à étudier pour mener à un résultat certain; il importe toutefois de savoir déjà qu'un os rencontré à nu, âpre et raboteux, par le stylet, peut guérir sans exfoliation, et qu'une articulation dont les surfaces articulaires crépitent, garde encore la double chance de guérir par ankylose, ou même de garder une partie de ses mouvemens.

En effet les exemples ne manquent pas de l'une ou de l'autre de ces terminaisons. Brodie en a rapporté plusieurs de la seconde espèce chez un malade qui guérit; l'articulation malade avait gardé ses mouvemens; mais elle faisait entendre une sorte de crépitation, et les doigts appliqués sur la jointure recevaient l'impression de deux surfaces dures et raboteuses agissant l'une sur l'autre. Chez une femme emportée par la fièvre heetique, le cartilage de l'articulation coxo-fémorale fut trouvé remplacé par une couche osseuse, compacte, blanche et polic. Nous

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avons vu un cas analogue à la société anatomique. Sur le vivant j'ai eu occasion de voir, au Val-de Grâce, un vieillard traité quelques années auparavant au même hôpital, pour une coxalgie dont il avait été bien guéri: la tête du fémur n'avait point quitté la cavité cotyloïde; et cependant le membre était raccourci de près d'un pouce et demi. En opérant l'extension, on voyait et on sentait les extrémités articulaires se séparer et laisser entre elles un vide, qui disparaissait aussitôt qu'on abandonnait le membre à lui-même. Récemment à l'Hôtel-Dieu, salle SaintJean, était couchée une femme cheż qui la luxation sur l'iléum paraissait avoir eu lieu en suite d'une coxalgie; la maladie était guérie, certains mouvemens conservés, et le raccourcissement du membre allait à près de 4 pouces.

Il faut noter que cette crépitation d'une articulation ulcérée, et ce cliqactis qui reste après la guérison, ne sont pas à beaucoup près des signes pathognomoniques. Nous avons cité dans nos observations quelques cas dans lesquels, par suite de l'inflammation des os, les cartilages articulaires étaient absorbés, remplacés quelquefois par de fausses membranes plus ou moins dures. Ce n'est pas là l'ulcération proprement dite; et toutefois la crépitation obtenue est la même. Je me souviens d'avoir vu, sur ce symptôme unique de la crépitation, regardé autrefois comme signe de la carie, décider l'amputation du doigt indicateur. On trouva l'articulation phalango-phalangi nienne dépouillée de ses cartilages par absorption pure, et des adhérences déjà commencées. L'amputation n'était nullement nécessaire.

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Après la guérison, le cliquetis peut être confondu avec cet autre cliquetis articulaire, attribué par M. Cruveilhier à l'usure mécanique des cartilages, et qui, à notre avis, dépend au moins aussi souvent de la disette de synovie, surtout chez les vieillards et dans les articulations longtemps maintenues dans un repos complet.

Je ne dirai plus qu'un mot sur l'ulcération : quoique je n'hésite pas à y reconnaître l'œuvre de l'irritation, il faut admettre pourtant que cette irritation diffère complètement de celle qui produit l'inflammation proprement dite. Les agens thérapeutiques semblent même sentir la différence. Ainsi Pott et Earle, qui confondaient toutes les lésions des os sous le nom de carie, ont cependant remarqué que les cautères et les exutoires, en général suivis d'amélioration dans les caries du rachis et de l'articulation coxo-fémorale, perdaient toute leur action sur les caries des articulations inférieures. N'est-ce pas parce que l'ulcération est plus commune à la hanche et au rachis, et plus rare ailleurs? Quelques faits étudiés sous ce point de vue m'ont paru conclure à. l'affirmative; la chose sera d'ailleurs aisée à constater.

III. Gangrène des os.

La gangrène affecte le tissu osseux en diverses circonstances; quelquefois toute une diaphyse est subitement privée de vie par le décollement complet du périoste ou la mortification de la membrane médullaire; l'os meurt faute de nutrition, sans inflammation; ce sont les cas les plus ordinaires de la nécrose; ils ont été assez étudiés par les auteurs pour qu'il soit inutile d'y insister ici.

En d'autres cas, le sphacèle envahit tout un membre, les os tout entiers, compacts ou spongieux, diaphyse et épiphyses, suivent le sort des parties molles, et meurent comme elles d'inanition pour ainsi dire ; il n'y a pas là d'inflammation encore.

Enfin la gangrène complique l'ulcération ou succède à l'inflammation; de là des aspects nouveaux.

Nous avons vu l'ulcération pure, avec la compacité de l'os conservée, se compliquer de gangrène; l'os était noir à une profondeur suffisante pour qu'il fût permis de pon

ser que la vie avait abandonné sa surface. Il n'y a de ramollissement d'aucune sorte; si la gangrène n'est point au contact de l'air, il n'y a pas de matière; si elle communique à l'extérieur par des fistules, le pus est uniquement sécrété par les parties molles. Il faut pour guérir, que la portion nécrosée soit détachée par exfoliation; c'est là un des états que les auteurs désignent sous le nom de carie sèche.

On appelait encore de ce nom la gangrène qui suit la première période de l'inflammation, avant l'apparition du ramollissement rouge. En cet état, tantôt une simple portion d'un os spongieux et gangrené, soit à la surface, soit à l'intérieur, comme dans le cas de séquestre partiel du calcaneum que nous avons cité, ou même un os spongieux tout entier tombe en mortification, comme dans les cas de gangrène complète de plusieurs os du tarse, d'une ou plusieurs vertèbres; ou bien la nécrose envahit une portion d'os compact exostosé, comme nous en avons donné un exemple; ou bien enfin un os compact meurt tout enticr; et quoiqu'on puisse demander s'il y a eu même inflammation, les auteurs ont néanmoins désigné plusieurs de ces cas sous le nom de carie; les os du nez, les os pala. tins, dans leur langage, ne sont jamais attaqués que de

carie vénérienne.

Enfin la gangrène succède au ramollissement rouge, soit qu'elle affecte ou non la couleur noire. Le ramollissement jaune, comme nous l'avons décrit, ne paraît avoir frappé aucun observateur, à moins, peut-être, qu'on ne le retrouve dans ces mots de Celse: l'os devient d'abord gras, puis noir; il n'a pas reçu non plus de dénomination particulière. Mais dès que la teinte noire s'est montrée, elle a été signalée comme une affection spéciale, et les dénominations ni les définitions ne lui ont pas manqué; c'est la carie humide, la carie vermoulue, la carie

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rongeante, la corruption, la pourriture, etc. D'ailleurs tous ces noms, tantôt pris pour des choses différentes, tantôt appliqués indistinctement à toutes les affections du tissu osseux, ne laissaient pas après eux d'idée bien nette : tantôt la carie était définie un ulcère, tantôt une gangrène; jusqu'à ce que M. Boyer prenant un tiers-parti, vint enseigner qu'elle n'était ni ulcère ni gangrène, sans pouvoir dire ce qu'elle était. J. L. Petit la considéra'd'abord comme un ulcère; mais plus tard, dans ses OEuvres posthumes, il fit voir sa nature gangréneuse, la compara à la gangrène humide des chairs par opposition à la carie sèche ou nécrose qui trouvait son analogue dans la gangrène sèche des parties molles, et en traça la meilleure histoire que nous en ayons peut-être.

Les caractères de la gangrène avec ramollissement sont aisés à tracer; mollesse et friabilité de l'os, qui peu-à-peu laisse échapper des parcelles de sa substance; d'abord écoulement des sucs noirs et fétides; plus tard sécheresse absolue; et le pus n'est alors fourni que par les chairs. Elle ne guérit que par exfoliation, comme toute gangrène des parties molles; puis l'os se recouvre de chairs. Si ce cercle de bourgeons charnus développés autour et au-dessous de la pièce osseuse qui attend sa séparation, dégénère en végétations de mauvaise nature, c'est une complication qui ne change en rien la nature de la maladie, et qui même laisse intactes les indications thérapeutiques. Quant à l'odeur du pus regardé comme caractéristique, l'expression ne sera pas trop forte si nous qualifions tout ce qu'on a dit là-dessus d'absurdité. Le plus souvent le pus est inodore; et quand il prend quelque odeur, cela tient à des causes aussi variables que l'odeur même. Daverney accuse une odeur urineuse; Platner une odeur cadavéreuse; Bell une odeur sui-generis; M. Delpech une odeur de lard, ranci; d'autres la comparent à celle du carton

pourri; beaucoup passent sous silence ce fameux symptôme que Bell penchait à regarder comme le plus certain de tous. Je peux affirmer que j'ai long-temps cherché de bonne foi dans plusieurs hôpitaux cette odeur remarquable, et que je ne l'ai jamais trouvée la même chez deux malades, quand elle s'écartait de l'odeur des abcès ordinaires.

D'ailleurs que signifierait maintenant un pareil signe? Ulcération ou gangrène sèche, ou gangrène avec ramollissement? L'histoire anatomique étant bouleversée, l'histoire des symptômes est presque entièrement à refaire ; et la chose exige plus d'un jour.

Outre la couleur jaune et noire, nous avons vu des gangrènes plus ou moins grises ou noirâtres, avec autant de variétés pour ainsi dire dans la couleur que dans l'odeur. La teinte noire, de même qu'elle n'est pas un signe sûr, n'est donc pas même un signe essentiel; l'exposition à l'air ne la donne pas toujours; et récemment M. Dupuytren a opéré un enfant de 15 ans pour une nécrose du tibia dont le séquestre, depuis plusieurs mois exposé à l'air, n'avait pas même mêlé de gris sa couleur jaunâtre.

Ici se termine la tâche que je m'étais imposée. Je n'ai point prétendu tracer l'histoire complète de ces maladies; il eut fallu toucher aux affections du périoste et de la membrane médullaire qui, sur le vivant, n'en sont guère séparées; mais il importait d'éclairer leur nature et leurs différences anatomiques avant de chercher à les constater pendant la vie. Je n'ajouterai à ce sujet qu'une remarque qui me paraît avoir quelque importance. Autrefois on ouvrait de bonne heure les abcès voisins des os, de peur qu'ils n'amenassent la carie. De nos jours, on donne dans l'excès contraire en rejetant toute crainte de ce côté, attendu que l'inflammation épaissit le périoste et oppose au pus une plus forte barrière. C'est précisément cet

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épaississement du périoste qui témoigne que l'inflammation s'y propage et qui fait craindre pour l'os sous-jacent. Sans doute ce n'est pas d'un abcès aigu qu'il faut attendre de ces suites fâcheuses; j'ai vu sur un cadavre une énorme collection de pus qui avait désorganisé le grand dorsal, s'étendre de la crête iliaque jusqu'à l'aisselle par-dessus les côtes, et malgré l'étendue de l'inflammation, le périoste resté sain. Mais dans les phlegmasies chroniques, il est rare que les os voisins ne s'affectent pas. J'ai vu un ancien vésicatoire entretenu sur la face interne du tibia, produire une exostose dans toute l'étendue de l'os qui répondait à la plaic. Sur un autre sujet, un ulcère siégeant depuis long-temps à la partie interne et inférieure du fémur, avait produit dans les condyles le premier degré de l'inflammation. Ces faits ne sont pas rares. Chaussier avait noté que les phlegmasies de la poitrine tendaient à ramollir les côtes; et Bromfield cite le cas bien plus grave d'une nécrose des condyles du tibia amenée par la trop longue suppuration d'un cautère. Cette influence bien constatéc servirait peut-être à expliquer le succès des exutoires dans l'ulcération ossease, et leur inutilité dans l'inflammation.

Observations recueillies à l'hôpital Necker, pendant les neuf derniers mois de 1831; par M. BRICHETEAU, médecin de l'hôpital.

L'usage généralement adopté par les Journaux de médecine de la capitale, de consacrer un article à la pra· tique des hôpitaux, est une des plus heureuses modifications qui se soient introduites dans la rédaction des nombreux recueils périodiques consacrés à la science médicale; mais peut-être y aurait-il quelques changemens à apporter dans la manière de présenter ces sortes de

matériaux. Trop souvent, en effet, ce sont des élèves ou des médecins étrangers à l'hôpital qui recueillent des faits isolés plus ou moins importans, et qui les adressent au rédacteur principal du journal. Ces faits n'ont le plus souvent qu'une utilité numérique en s'ajoutant à d'autres analogues, et se trouvent en outre dépourvus des considérations accessoires que le médecin chargé du service peut seul y rattacher d'une manière fructueuse. D'ailleurs combien d'autres faits et de particularités utiles dans la pratique de l'art passent inaperçus pour celui qui n'embrasse pas l'ensemble d'un service d'hôpital? Il ne doit pas suffire, en effet, pour la plus grande instruction de tous, de recueillir les observations les plus importantes, il faut encore ne pas laisser ignorer les faits insolites exceptionnels, les accidens qui surviennent dans des cas imprévus; il faut avoir le courage d'avouer ses insuccès et même ses fautes, à l'exemple du philosophe de Cos, afin que leur aveu puisse profiter à ceux qui, encore sans expérience, ne font qu'entrer dans la carrière. D'après ces considérations, on doit s'attendre à trouver dans ce travail, non-seulement les faits saillans qui ont le plus captivé notre attention, mais encore d'autres secondaires qui ne seront peut-être pas sans intérêt pour la science et pour l'humanité. Avant d'entrer en matière, disons quelques mots sur l'hôpital où ces observations ont été recueillies.

L'hôpital Necker, situé à l'extrémité sud-ouest du faubourg Saint-Germain et dans une des rues les plus larges et les plus sainés de Paris (1), est bâti sur l'emplacement d'un ancien couvent dont il reste encore malheureusement quelques anciennes constructions; il est assis sur un sol uni, calcaire, entouré de vastes jardins; ses

(1) La rue de Sèvres.

principaux bâtimens sont exposés au levant et au conchant; les vents du nord, de l'est ou du midi, y font très peu sentir leur influence; aucune émanation nuisible n'existe aux environs. Cet établissement laisserait peu de choses à désirer, si les salles étaient un peu plus spacieuses et mieux percécs : du reste, ce défaut dans la construction est compensé par d'autres conditions favorables qui font que cet hôpital est l'un des plus recherchés par les malades.

Il y a à l'hôpital Necker une vacherie qui permet de prescrire de bon lait, aliment très-convenable aux malades, et particulièrement aux phthisiques, que la grande réputation de Laennec, mon prédécesseur, attirait, il y a quelques années, dans cet établissement, où comme on sait il composa, en peu d'années, son célèbre ouvrage sur l'Auscultation médiate.

L'hôpital, spécialement consacré aux maladies aigües, ne reçoit guère au-delà de deux mille malades par an, et n'a habituellement qu'une population de cent cinquante individus. Situé à proximité du Gros-Caillou et de la ville de Vaugirard, qui n'a point d'hospice pour ses sept mille habitans, l'hôpital Necker est presque toujours rempli, alors même qu'un grand nombre de lits se trouvent vacans dans d'autres établissemeus du même genre. A cause de l'éloignement du bureau central d'admission, les médecins sont autorisés à recevoir d'urgence tous les malades qui se présentent; en sorte qu'ils composent eux-mêmes leur service, et peuvent lui donner un grand intérêt et y réunir des maladies spéciales aux époques de l'année les plus fatales à la santé.

Nous pourrions ajouter qu'on se trouve souvent dans la nécessité de refuser des malades, ce qui fait sentir de plus en plus l'utilité d'un plus grand hôpital, qu'il serait facile de bâtir sur l'emplacement de celui qui nous occupe, et qui se trouverait alors plus en rapport

avec la population des quartiers environnans. Disons enfin, qu'il serait consolant pour l'humanité, qu'à l'aide de semblables agrandissemens qui paraissent faciles à faire dans d'autres établissemens semblables à celui de Necker (1), on pourrait, sinon supprimer, du moins diminuer de beaucoup la population de l'Hôtel-Dieu, vieux bâtiment à cheval sur la rivière, masqué par de petites rues, de vieilles constructions, et malheureusement situé dans la partie la plus basse, la plus humide et la plus sale de Paris. C'est, du reste, un vœu formé depuis long-temps par les philantropes qui pensent avec raison qu'on doit préférer, aux grands hôpitaux, les petits établissemens du même genre, où les foyers d'infection sont moins étendus, la mortalité moins considérable, etc.

Emploi du tartre stibié dans la pneumonie et la pleuropneumonie.

Quoique la médecine possède des moyens efficaces contre les deux maladies dont il s'agit, ayant observé qu'il y avait des constitutions médicales où ces moyens ne réussissaient pas, et tenant en outre compte d'autres circonstances où il ne peuvent pas être employés, nous avons cru devoir procéder à de nouvelles expériences sur l'action de l'émétique dans les inflammatious thoraciques.

1. Fait. Une domestique, âgée de 29 ans, fut prise, sans cause connue, le 24 mars 1831 dans l'aprèsmidi, d'un frisson très-intense, suivi de chaleur et de sueur; quelques heures après l'invasion de la fièvre la malade éprouve une forte douleur au côté droit de la poitrine au-dessous des fausses côtes; la nuit fut trèsagitée.

(1) Cochin et Baujon.

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Le lendemain 25 elle est admise à l'hôpital. Cette fille était bien constituée, d'un embonpoint médiocre; la face était rouge, violacée, contractée, douloureuse, la peau chaude, le pouls dur, donnant environ 110 pulsations par minute; la respiration était peu accélérée, mais gênée, difficile, et développait une vive douleur dans le côté droit; cette douleur augmentait par la pression et s'étendait jusque dans l'hypocondre du même côté, où l'on sentait distinctement le foie plus volumineux qu'à l'ordinaire. Le son thoracique se trouvait obscur en arrière et en bas, à droite ; il y avait en même temps du râle crépitant, un peu de toux sans expectoration. L'élève de garde pratiqua une saignée de trois palettes et donna du petit lait pour boisson.

Le 26, la saillie que formait le foie au-dessous des fausses côtes, a diminué de volume, le râle crépitant s'est étendu. Néanmoins malgré cette amélioration on applique 30 sangsues sur le côté douloureux dans l'intervalle d'une visite à l'autre. (On continue la même boisson.)

Le 27 et le 28, la fréquence du pouls et la chaleur ont peu diminué; si la douleur est moindre la matité est aug mentée et le râle est moins manifeste; il y a même de la respiration bronchique. (Nouvelle saignée de deux palettes ).

Le 29, la matité du côté droit semble encore être augmentée, on perçoit une bronchophonie très-étendue; la respiration continue d'être bronchique. (Saignée de deux palettes; boissons béchiques). Du reste, mêmes symptômes généraux.

Le 30, on applique un vésicatoire sur le côté malade. (Boissons béchiques, looch gommeux. )

er

Le 1 avril, il y a quelque amélioration dans l'état général de la malade, quoique les symptômes locaux

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216-220

soient toujours les mêmes et que le pouls donne i 15 pulsations par minute. (Mêmes moyens. )

Le 2, nuit mauvaise, figure altérée, respiration bron chique, presque plus de râle, matité presque complète à droite, pouls intermittent. (On applique des sinapismes aux jambes. )

Le 3, insomnie complète, rêvasseries pendant la nuit, prostration, persistance des symptômes thoraciques ; mais nul indice d'irritation du côté du canal digestif. (Prescription infusion de polygala de Virginie; looch gommeux avec quatre grains d'émétique, renouvelé dans la soirée avec addition de sirop diacode. )

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Le 4, la malade a eu de nombreuses évacuations alvines et quelques vomissemens dans l'ordre que nous indiquons (ce qui est assez singulier); elle est évidemment mieux; on perçoit de nouveau du râle crépitant dans une assez grande étendue du côté droit en arrière. (Même julep gommeux émétisé. )

Le 5, il y a à peine des selles et des vomissemens, et la tolérance s'établit, l'amélioration paraissant vacillante et le pouls étant redevenu intermittent, on répète le julep émétisé deux fois dans la journée avec addition de sirop diacode, zi.

Le 6, il y a eu plusieurs selles, le pouls est toujours intermittent; mais la poitrine commence à devenir sonore en haut et à droite; on entend un peu la respiration et du râle sous-crépitant de retour. (On suspend l'émétique. )

Le 7, la prostration a augmenté, les yeux sont ternes et enfoncés dans leurs orbites, le pouls est petit, toujours intermittent, la voix faible, etc. Néanmoins comme l'état de la poitrine devient de plus en plus satisfaisant, on reprend l'usage du tartre stibié, à la dose de huit grains dans une potion gommeuse, à prendre en deux fois, à deux heures d'intervalle.

Le 8, les symptômes locaux de la péripneumonie continuent à diminuer; la forte dose d'émétique donnée la veiile n'a produit que deux évacuations alvines. (On discontinue ces moyens pour s'en tenir au polygala et aux potions gommeuses.)

Le 9, l'amélioration se soutient; la nuit a été bonne, point d'évacuations alvines; le pouls donne 75 pulsations par minute, le côté malade a presque repris sa sonoréité naturelle; partout on y entend un râle muqueux souscrépitant; les crachats n'offrent rien de remarquable. (On cède aux instances de la malade qui jusque là avait été tenue à la diète et on lui permet un peu de bouillon.)

Les jours suivans, les symptômes encore subsistans se dissipent; l'expectoration augmente et présente l'aspect le plus favorable. On augmente graduellement la nourriture. Le rétablissement complet n'a lieu que le 30 avril, jour de la sortie de la malade de l'hôpital après quelques accidens propres aux convalescences, comme de l'œdème des membres inférieurs, de la constipation, etc.

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II. Fait. Une autre domestique, âgéc de 25 ans, bien réglée, fut prise le 24 juin, après une indisposition de quelques jours, d'un point douloureux sous la mamelle droite, qui augmente par l'inspiration et s'oppose au libre développement du thorax. A ce symptôme vient bientôt se joindre une toux suivie d'expectoration visqueuse parsemée de stries sanguinolentes. Cet état de maladie empire graduellement pendant huit jours, sans que la malade réclame aucun secours des gens de l'art. Le 20 juin, jour de son admission à l'hôpital, elle était dans l'état suivant : faiblesse, abattement, point douloureux sous la mamelle droite, respiration courte, fréquente; loux rare, expectoration de quelques crachats visqueux insignifians; la poitrine offre un son mat en arrière, particulièrement à droite; de ce côté la

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respiration est bronchique, tandis qu'à gauche il y a du râle crépitant, faible et lointain, avec résonnance de la voix. (Saignée de trois palettes, tisane béchique, looch gommeux, lavement émollient.)

Le 21, très-peu d'amélioration; diminution du point douloureux, respiration un peu plus libre; mêmes signes physiques fournis par l'auscultation et la percussion. (Tisane béchique avec sirop de gomme, potion avec huit grains de tartre stibié à prendre par cuillerées toutes les demi-heure; diète).

Le 22, la potion émétisée a produit quatre vomissemens et 15 ou 20 évacuations alvines suivies d'un changement salutaire; la respiration s'exécute avec plus de facilité et moins de douleur, la matité du thorax est moins prononcée à droite, le pouls donne 116 pulsations par minute. (Julep stibié avec dix grains, tisane béchique avec le sirop de gomme; diète).

Le 23, l'état de la malade est beaucoup moins satisfaisant que la veille, la respiration est plus difficile et tout à fait bronchique avec un retour vers le degré de matité du côté droit qui existait au commencement. Cependant, il n'y a ni selles ni vomissemens, la tolérance s'est établie. (Tisane béchique, looch gommeux simple; diète).

Le 24, amélioration très-remarquable, on perçoit sur le côté droit du thorax un râle crépitant qui n'existait pas la veille; apparition des règles. (Tisane béchique, looch gommeux, deux bouillons).

Le 25, l'amélioration s'accroît; la respiration se fait entendre de plus en plus du côté droit, le râle crépitant diminue; la difficulté de respirer et la douleur latérale n'existent plus; même traitement; bouillons, vermicel.

Les jours suivans, développement progressif de l'appétit; marche rapide vers la guérison; la convalescence

n'est troublée par aucun accident, et la malade sort parfaitement guéric, le 10 juillet.

III. Fait. Une journalière âgée de 51 aus, d'une forte constitution, entra le 29 mars à l'hôpital; cette femine, sept jours auparavant, s'étant exposée à un courant d'air froid pendant qu'elle était en sueur, fut prise bientôt après d'une douleur aiguë à la partie inférieure du côté droit, qui augmentait dans l'inspiration; il y avait aussi une grande difficulté de respirer qui ne fit qu'augmenter jusqu'au jour de l'entrée de la malade à l'hôpital. Elle était alors dans l'état suivant : face rouge, pommettes violettes, pouls dur, fréquent, battant 100 fois par minute; dyspnée considérable, douleur de côté très-vive (à droite); matité en arrière dans presque toute l'étendue de ce côté, bronchophonie, râle crépitant dans les trois-quarts inférieurs de ce même côté, et respiration bronchique en haut. (Saignée de douze onces, petit-lait édulcoré avec le sirop de guimauve; diète.)

Le 30, les signes fournis par l'auscultation n'indiquent aucune amélioration, quoique l'état général de la malade soit un peu plus satisfaisant. (Trente sangsues sur le côté douloureux, tisane béchique.)

er

Le 1. avril, la douleur latérale n'est point diminuée, le râle crépitant est toujours le même en arrière inférieurement, ce qui indique que la péripneumonie n'a fait aucun pas vers la résolution. (Looch gommeux avec six grains de tartre stibié, même boisson; diète.)

Le 2, la douleur de côté et le râle crépitant sont considérablement diminués; on entend manifestement l'air pénétrer plus profondément dans l'organe pulmonaire, Une seule garderobe et l'absence des vomissemens indiquent que la tolérance s'est promptement établie. (Mêmes prescriptions, le tartre stibié compris.)

Le 3, le râle crépitant est presque partout remplacé par le râle muqueux; il survient des crachats de bonne nature, et la malade demande des alimens. (Mêmes prescriptions, y compris trois grains d'émétique seulement.)

Le 4, la malade va de mieux en mieux; on ajoute seulement deux grains d'émétique dans la potion, puis un grain, enfin un demi-grain le lendemain et le surlendemain. Dès-lors rien n'a plus entravé la convalescence, et la malade est sortie guérie le 15 avril.

IV. Fait. Un maçon, âgé de 50 ans, déjà plusieurs fois affecté de pneumonie, eut, à la suite d'un refroidissement le 6 janvier 1831, des frissons, de la chaleur, de la sueur, de la céphalalgie, avec difficulté de respirer et expectoration sanglante sans douleur latérale.

Le 10 janvier, jour de son entrée à l'hôpital, il présenta du râle crépitant et de la matité du côté gauche de la poitrine, et en arrière et à droite du râle bronchique seulement. La peau était chaude, le pouls dur, et les crachats sanguinolens. (Saignée de trois palettes, tisane béchique, looch gommeux, diète.)

Le 11, la saignée n'a point arrêté la marche de la phlegmasie; une respiration bronchique est venue se joindre au râle crépitant existant dans le côté gauche de la poitrine; il y a en outre quelques vomissemens fatigans et une moiteur fréquente de la peau. (Potion avec six grains de tartre stibié, tisane béchique, diète. )

Le 12, légère diminution dans les symptômes. (Même traitement, huit grains de tartre stibié.)

Le 13, le malade n'a pris que très-peu de la potion stibiée, à cause des nausées qu'avaient produites les deux premières cuillerées de cette potion. La respiration est plus difficile que la veille; on n'entend plus qu'une respiration

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 221-
« Reply #9 on: September 27, 2022, 07:56:02 PM »

221-225

bronchique sans mélange de râle crépitant; le pouls conti nue d'être dur, fréquent. ( Nouvelle saignée du bras, potion avec huit grains de tartre stibié bis, tisane béchique, diète.)

Le 14, la tolérance ne s'est point établie; il y a eu plusieurs vomissemcns. Les signes physiques fournis par le poumon n'ont pas varié depuis hier, nohobstant une forte saignée et seize grains d'émétique, ce qui est fort extraordinaire (1). Les crachats sont toujours visqueux, cornés (2) et rouillés. Le malade est couché sur le côté sain, la langue sèche, rouge, la parole brève; le pouls est dur, la chaleur de la peau sèche. (On supprime la potion stibiée, on applique un large vésicatoire sur le côté de la poitrine.)

Les 15 et 16, même état.

Le 17, on applique un second vésicatoire sur la partie antérieure de la poitrine à gauche; ce nouveau moyen n'arrête pas les progrès du mal, en sorte que le malade reste pendant quatre ou cinq jours dans un état désespéré. Alors cependant tout semble tout-à-coup, et par les seuls efforts de la nature, changer de face, et la résolution de la pneumonie commence. En effet, la respiration bronchique perd de son intensité et se change en râle crépitant, puis enfin devient vésiculaire. Les symptômes généraux diminuent en proportion, en sorte que le retour à la santé, plus rapide que d'ordinaire, ne suit pas la marche qu'on observe le plus souvent en pareille circonstance. Le malade se trouve dans un état satisfaisant, ses forces reviennent avec son appétit, et il sort guéri de l'hôpital à la fin du mois.

(1) Il est trés-rare qu'une grande dosc d'émétique ne produise pas de soulagement dans la pneumonic, surtout après une large saignée.

(2) Nous appelons ainsi les crachats pneumoniques qui ont l'apparence et la couleur de la corne fondue.

V. Fait. Un ouvrier en coton, âgé de 27 ans, enrhumé depuis 5 ou 6 jours, fut pris, le 8 décembre 1831, d'un point douloureux sous la mamelle du côté droit, avec crachats visqueux sanguinolens, gêne de la respiration, etc.

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Admis le lendemain à l'hôpital, nous le trouvâmes dans l'état suivant : peau rouge et chaude, fréquence et dureté du pouls, légère matité du thorax en arrière et à droite, en même temps râle crépitant; à gauche, au contraire, son clair et respiration naturelle; diarrhée, langue saburrale, sans rougeur. (Saignée de 3 palettes, tisane béchique avec le sirop de gomme; diète.)

Le 10, le sang est couenneux et la gêne de la respira- · tion a diminué; mais le point douloureux s'est accru. (Nouvelle saignée le matin et 10 sangsues le soir sur le point douloureux; tisane béchique avec le sirop de gomme, diète.)

Le 11, l'amélioration d'hier a disparu; le râle crépitant est plus intense, le pouls toujours dur, la peau brûlante, et les crachats sanglans. (Troisième saignée du bras, tisane béchique, looch gommeux; diète.)

Les 12 et 13, amendement de courte durée; mais bientôt après la gène de la respiration devient aussi forte que le premier jour; le râle crépitant n'a point éprouvé de diminution; il y a même de la respiration bronchique et la matité est plus prononcée que la veille; à gauche, lieu du murmure naturel de la respiration, on perçoit du râle sonore; le malade se plaignait d'amertume de la bouche, de nausées; il y avait toujours de la diarrhée, mais absence complète de douleurs abdominales et épigastriques. (Potion avec 6 grains de tartre stibié, renouvelée le soir à cause du soulagement considérable qu'elle produit; tisane béchique; diète.)

Le 14, dans la nuit, deux selles et trois ou quatre vo

missemens; il y a une amélioration notable; les symp tômes d'embarras gastrique n'existent plus; la respiration bronchique a fait place à du râle crépitant, et s'exécute librement. Le changement paraît si brusque et si notable qu'on suspend le tartre stibié; il ne fut pas nécessaire d'y revenir. A dater de cette époque, la résolution de la pneumonie s'opéra rapidement et le malade ne tarda pas à entrer en convalescence. Le 26, il y cut un érysipèle à la face, qu'on combattit par la diète, les délayans, les pédiluves sinapisés. Le 10 janvier, le malade sortit parfaitement guéri.

VI. Fait.-Un garçon nourrisseur, âgé de 18 ans, d'un tempérament sanguin et d'une forte constitution, entra à l'hôpital le troisième jour de sa maladie, et, le 21 octobre 1831; sa respiration était douloureuse, courte et fréquente; ses pommettes colorées; les crachats cornés, visqueux, sanglans, adhéraient fortement au vase; il y avait au côté gauche de la poitrine une douleur vive, qui augmentait par les mouvemens de la respiration, de la matité, de la bronchophonie et de la respiration bronchique en arrière du même côté; tandis que le son était clair à droite, et qu'il n'y avait que du râle sonore. Pouls fort, chaleur de la peau, constipation. (Saignée de 3 palettes, renouvelée quelques heures après; tisane béchique; looch gommeux, lavement émollient, diète.)

Le 22, aucune amélioration; mêmes signes physiques du côté du thorax; le sang, nullement couenneux à la première saignée, l'est un peu à la seconde ; la constipation persiste, mais le ventre n'est point douloureux. (Orge gommée; potion avec 8 grains de tartre stibié; diète ).

Le 23, amélioration sensible; du râle crépitant se mêle à la respiration bronchique en arrière et à gauche; le malade a eu 4 vomissemens et 3 selles (Potion avec 8 grains de tartre stibié, diète).

Le 24, la pneumonie continue à marcher vers la résolution; on augmente la dose du tartre stibié de 2 grains, et la tolérance est sur le point de s'établir, puisqu'il n'y a eu depuis hier que deux selles.

Du 24 au 29, on élève successivement la dose de l'émétique à 12 grains, et le malade se trouve alors dans un état des plus satisfaisans: il n'y a plus que du râle muqueux en arrière, et à gauche, nulle respiration bronchique; l'expectoration, sanguinolente d'abord, ensuite rouillée, puis jaune clair, est enfin devenue tout-à-fait blanchâtre. La tolérance s'est complètement établie dès le troisième jour de l'emploi du tartre stibié; ce médicament porté à 12 grains, est graduellement diminué.

Le 30, le malade se donne une indigestion.

Le 31, recrudescence; point douloureux sous la ma melle du côté gauche; frisson; chaleur à la peau; fréquence du pouls; on donne pendant trois jours, d'abord 6 grains, puis 4 et 2 grains d'émétique. Cette recrudescence a été promptement dissipée, et le malade est sorti guéri le 13 janvier, après avoir souffert pendant quelques jours de l'oreille gauche.

VII Fait. Un charretier âgé de 37 ans éprouva, dans les derniers jours de 1831, des frissons, des douleurs lombaires, à la suite de grandes fatigues; il prit, pour faire cesser cette indisposition, du vin chaud sucré. Le lendemain, il se manifesta une douleur au côté droit de la poitrine, de la difficulté de respirer, de la toux avec expectoration sanguine. Après être resté trois jours dans cet état sans employer aucun moyen, il entre à l'hôpital le 2 janvier 1832.

Le 2 janvier, douleur vive sous le sein du côté droit, augmentant par l'inspiration; respiration courte, fréquente et excessivement gênée; matité du thorax à droite, en arrière; respiration nulle et bronchophonie; absence

complète du râle crépitant. A gauche, au contraire, son clair et râle crépitant; en avant, respiration naturelle, chaleur de la peau, langue blanchâtre; point de diarrhée et de constipation, nulle douleur abdominale. (Saignée de trois palettes; potion avec 8 grains de tartre stibié; lisane béchique; diète.)

Le 3, le malade n'a eu qu'une seule selle, sans vomissement; il y a une amélioration manifeste; la respiration est moins bronchique et l'air pénètre plus avant dans le poumon droit, comme l'indique le développement du râle crépitant qui n'existait pas la veille; la respiration est l'ailleurs bien moins gênée, etc. (Potion avec 8 grains de tartre stibié; tisane béchique; diète.)

Le 4, l'amélioration se soutient du côté des signes physiques de pneumonie; la tolérance est établie; mais, d'un autre côté, la douleur latérale a augmenté, et l'expectoration est toujours mêlée de beaucoup de sang; le pouls est fort, dur; la soif vive; la peau chaude et inondée d'une abondante transpiration pendant la nuit; point de selles ni de vomissemens. (Potion avec 12 grains de tartre stibić; tisane béchique; diète.)

que

Le 5, point d'évacuation; douleur latérale moins forte; le râle crépitant se prononce davantage à droite, tandis la respiration bronchique diminue et est en quelque sorte refoulée en haut par le retour à l'état normal des parties inférieures et moyennes de l'organe pulmonaire. L'expectoration sanguinolente est toujours abondante mais elle prend une teinte noirâtre (jus de pruneaux). (Potion avec 15 grains de tartre stibié; tisane béchique, diètc.)

Le 6, l'état du malade est à peu près le même. Le poumon gauche, qui offrait dans le principe du råle crépitant, est revenu à l'état normal; le pouls, qui était très fréquent au commencement, ne donne plus que 60 pulsa

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226-230

tions par minute, mais il conserve assez d'élévation. (Potion avec 18 grains de tartre stibié; tisane béchique ; . diète.)

Le 7, progrès notable vers la résolution de la pneumonie ; on perçoit du râle crépitant dans tout le côté droit de la poitrine en arrière. La respiration s'exécute avec beaucoup plus de facilité que les jours précédens; l'expectoration prend un aspect meilleur. Le malade demande des alimens. (Potion avec tartre stibiẻ 18 grains; tisane béchique; bouillon.)

Les jours suivans, on cesse peu à peu l'émétique; on augmente progressivement les alimens, et le malade sort guéri le 28 janvier.

VIII. Fait. Un jeune Portugais, âgé de 17 ans, domestique, éprouva, dans les premiers jours de février, de la céphalalgie, des frissons, de la fièvre, puis une douleur vive sous le sein du côté gauche, avec toux et crachats sanguinolens. Cet état s'aggrava pendant 5 ou 6 jours que le malade resta chez lui, où il ne prit qu'une boisson pectorale. Admis à l'hôpital le 8 février, il présenta les symptômes suivans: douleur fixe sous le sein gauche; gêne de la respiration; son du thorax et murmure respiratoire naturels en avant; en arrière, la percussion donne un son obscur des deux côtés; à gauche, la respiration est bronchique en haut, mais en bas on entend du râle sonore; l'expectoration est visqueuse, jaunâtre; la face est colorée, le pouls ni dur ni fréquent. Tisane béchique avec le sirop de gomme; saignée de trois palettes; looch avec tartre stibié, six grains, sirop diacode 31.)

Le g, il y a une amélioration évidente; le tartre stibié n'a produit ni selles ni vomissemens, ce qui prouve que la tolérance s'est établie dès le premier jour; la respiration bronchique est moins prononcée que la veille; dans quelques points on entend du râle crépitant, ce qui annonce

un commencement de résolution de la pneumonie. (Tisane béchique avec le sirop de gomme; looch avec tartre stibié, grains viij, et sirop diacode 31; bouillou.)

Le 10 février, l'amélioration se soutient sans faire de rapides progrès; l'auscultation dénote que l'air pénétre plus profondément et plus facilement dans le tissu du poumon; la poitrine est en outre couverte d'une sueur abondante. (Looch avec tartre stibié, grains x; sirop diacode1; 2 bouillons.)

Le 11, la résolution de la pneumonie n'est plus douteuse; le râle crépitant et sonore qui indiquait l'existence simultanée du catarrhe et de la pneumonie n'existe plus il a été remplacé par du râle muqueux. On donne de ce moment l'émétique à doses décroissantes. (Tisane béchique avec le sirop de gomme; looch avec tartre stibié, grains vi; sirop diacode 31; 3 bouillons, 2 soupes.)

Le 12,4 grains de tartre stibié seulement; 3 bouillons, 2 soupes.

Le 13, 2 grains d'émétique, 3 soupes, 3 bouillons. On augmente progressivement les alimens, et le malade sort le 22 février en pleine convalescence.

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IX. Fait.-L'origine de la maladie de cet homme, qui était sellier et âgé de 29 ans remonte aux premiers jours de février à la suite d'un refroidissement, il fut pris de tous les symptômes d'une pneumonie intense; deux saignées furent pratiquées; on fit trois applications de sangsues sur le côté douloureux; on eut aussi recours à des ventouses scarifiées sur le même côté. Malgré ces moyens, l'état du malade empira, et la marche de la pneumonie ne fut point arrêtée. Le 18, le malade fut transporté à l'hôpital Necker dans l'état suivant: amaigrissement général, face pâle, profondément altérée, yeux enfoncés dans les orbites, décubitus dorsal, gêne de la respiration, son clair en avant, mat en arrière et à gauche,

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tandis qu'il est naturel à droite; le murmure respiratoire s'entend du côté droit, et est accompagné d'un peu de râle muqueux, tandis que du côté gauche la respiration est tout-à-fait bronchique, et que le poumon semble entièrement imperméable à l'air. L'expectoration est assez abondante, et se compose de crachats blanchâtres, puriformes, mélés d'un peu de sang; le pouls est peu fréquent, la peau légèrement couverte de sueur vers le soir et pendant la nuit.

Les voies digestives étant intactes, et les émissions sanguines, déjà vainement employées, n'offrant aucune chance de succès, on donne 6 grains d'émétique dans une potion, et pour boisson une décoction pectorale avec le sirop de gomme; diète.

Le 19, la potion stibiée a déterminé trois selles et deux vomissemens; les signes physiques de l'affection pulmonaire semblent déjà avoir éprouvé une modification favorable; quelques points de la partie postérieure du poumon gauche semblent dégorgés, puisqu'on y perçoit du râle crépitant; l'expectoration a été plus abondante que la veille, ce qui est digne de remarque. (Tisane béchique ; potion avec 8 grains de tartre stibié, et une once de sirop diacode; 1 bouillon.)

Le 20, il n'y a eu ni selles ni vomissemens, et la tolérance est complètement établie; le malade se trouve à merveille, et dit éprouver un grand soulagement; l'auscultation et la percussion indiquent que la résolution de la pneumonie s'opère avec une étonnante rapidité. (Potion avec 8 grains d'émétique et une once de sirop diacode; boisson pectorale avec le sirop de gomme; 1 bouillon et 2 soupes.)

Le 21, même traitement.

Le 22, diminution toujours croissante des symptômes locaux et généraux de la maladie; déjà le côté gauche de la poitrine n'offre presque plus de respiration bronchi

que; on y perçoit partout du râle muqueux; d'un autre côté, l'appétit se fait sentir, les forces renaissent, et les sueurs nocturnes dont il a été question sont considérablement diminuées.

A partir du 23, on cesse l'administration du tartre stibié; on augmente la quantité des alimens, et le malade sort le 1er mai, parfaitement guéri, devant évidemment sa guérison à l'action prompte et énergique de l'émétique, guérison qu'on n'avait pu obtenir par les évacuations sanguines.

Xe. Fait.- Un boulanger, âgé de 37 ans, d'un tempérament sanguin et d'une forte constitution, sujet aux affections catarrhales du poumon, est forcé de renoncer au travail par suite de céphalalgie, de courbature, de fièvre. Deux jours après, (le 16 février), le malade entra à l'hôpital Necker dans l'état suivant: douleurs vives dans tout le côté, depuis le col jusqu'au flanc gauche; expectoration de crachats, teints de sang rouge; gêne de la respiration; pouls dur, fort et peu fréquent; peau trèschaude; visage coloré; son très-clair, obtenu par la percussion de la partie antérieure du thorax, très mat au -contraire en arrière et à gauche; de plus, respiration bronchique; bronchophonie mêlée à un peu de râle crépitant; intégrité du poumon à droite en arrière, etc. (Saignée de trois palettes le jour d'entrée; le lendemain tisane béchique avec le sirop de gomme; potion avec 6 grains de tartre stibié; diète.)

Le 18, il y a très-peu de changemens dans l'état du malade, qui a eu deux selles et cinq ou six vomissemens; les crachats sont plus sanglans que la veille. (Tisane béchique avec le sirop de gomme; potion avec 8 grains de tartre stibié et 31 de sirop diacode; diète.)

Le 19, amélioration évidente relativement aux signes physiques de la pneumonie, mais aucune diminution dans

les symptômes généraux; la respiration bronchique est moins prononcée; le râle crépitant s'entend mieux, et dans un espace plus étendu; l'expectoration est plus abondante et la tolérance complètement établie. Toutefois il y a toujours une grande gêne dans la respiration. (Tisane béchique avec le sirop de gomme; potion avec 10 grains de tartre stibié et 31 de sirop diacode; saignée de trois palettes, entre les deux visites.)

Le 20, l'état du malade est à peu près le même. (Même boisson; potion avec tartre stibié xij grains; sirop diacode 31; diète.)

Le 21, loin qu'il y ait de l'amendement, le malade se plaint d'une vive anxiété et d'une douleur qui s'est récemment déclarée au côté gauche et gêne beaucoup la respiration; l'expectoration continue d'ailleurs d'être sanguinolente. (Tisane béchique avec le sirop de gomme; potion avec 15 grains de tartre stibié, et sirop diacode 3 1; diète.)

Le 22, un changement favorable commence enfin à se manifester chez le malade; la respiration s'exécute avec plus de facilité; la douleur dont il vient d'être parlé est notablement diminuée; du râle crépitant se fait entendre dans la presque totalité du bord postérieur du poumon gauche. (Tisane béchique avec le sirop de gomme; potion avec tartre stibié 15 grains; sirop diacode 31; diète.)

Le 23, à peu près même état. Le malade n'ayant eu aucune selle depuis le premier jour de l'administration du tartre stibié, on lui prescrit un lavement avec une once de miel mercurial; même dose de tartre stibié.

Le 24, l'amélioration fait de nouveaux progrès; le poumon gauche devient de plus en plus perméable à l'air; néanmoins l'expectoration est toujours un peu sanguinolente; le malade demande des alimens à grands cris. (Prescription, tisane béchique; potion avec tartre stibié xij grains; sirop diacode 31; un bouillon.)

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231-235

Le 25, cessation de l'émétique; la résolution de la pneumonie s'opère rapidement; l'aspect de l'expectoration devient meilleur. Peu à peu, les jours suivans, on augmente les alimens du malade, qui sort de l'hôpital parfaitement guéri le 22 mars.

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XI. Fait. Un cordonnier âgé de 42 ans entra, le 13 février, à l'hôpital, le troisième jour d'une maladie de poitrine. Le lendemain 14 il présentait l'état suivant: difficulté de respirer; point douloureux à la base du côté droit du thorax; expectoration peu abondante de crachats rougeâtres et jaunâtres; son mat en arrière et à droite, surtout vers la partie inférieure; absence de la respiration dans cette partie, et un peu plus haut, râle crépitant avec un commencement de respiration bronchique. A gauche en arrière, des deux côtés, et en avant, la respiration s'exécute avec facilité, et on entend très-bien le murmure respiratoire; pouls à peu près dans l'état naturel.

Cet homme était rachitique et tellement difforme, qu'il fut impossible au chirurgien de garde de lui pratiquer une saignée aux veines du bras; on lui prescrivit une tisanne béchique miellée, une potion avec 6 grains d'émétique et une once de sirop diacode. Diète.

Le 15, il y a une amélioration sensible dans l'état du malade; le râle crépitant se fait entendre dans presque tout le côté droit; la respiration s'opère plus librement; l'expectoration est de même nature que la veille; il n'y a point eu de vomissement; seulement deux selles de matières bilieuses. (Tisane béchique; potion avec 8 grains de tartre stibié et 31 de sirop diacode ; diète.)

Le 16, la résolution de la pneumonie fait de nouveaux progrès; l'air pénètre facilement et profondément dans les vésicules pulmonaires, néanmoins on ne l'entend point encore inférieurement où il existe encore un peu.

de matité. (Tisane béchique; potion avec 8 grains de

tartre stibié; 2 soupes.)

Le 17, le malade se trouve dans un état tel qu'on croit pouvoir cesser le tartre stibié; on ne perçoit plus qu'un peu de râle muqueux dans le côté droit; les crachats ont un aspect catarrhal. ( Tisane béchique, looch gommeux; 2 soupes.)

Les 18, 19, 20, 21, le râle muqueux disparaît insensiblement; l'appétit renaît, et le malade sort guéri le 23 février.

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XII. Fait.-Un journalier de 35 ans, d'une forte constitution, très-exposé aux influences des variations atmosphériques, fut pris, le 22 mars au soir, à la suite de son travail, d'un frisson qui le força de se mettre au lit. Le lendemain 26, une vive douleur développée au dessous du sein du côté droit, rend la respiration très-difficile ; de plus, il y a de la toux suivie d'une expectoration sanguinolente. Ces symptômes augmentent d'intensité le 27, et forcent le malade à entrer à l'hôpital le 28.

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Ce même jour, le malade avait du délire et de l'agitation; la face était rouge; la chaleur de la peau considérable, le pouls fréquent et dur, l'expectoration jaunâtre. En avant, la poitrine n'offre rien de particulier, mais en arrière le son est mat à droite, la respiration bronchique accompagnée d'un peu de râle crépitant qui existe aussi en quelques points du côté gauche. (Saignée de 3 palettes, et plus tard 15 sangsues à l'anus, prescrites par l'élève de garde, pour remédier à une douleur du ventre. (Tisane béchique; diète.)

A dix heures du soir, les saignées n'ayant produit aucun effet avantageux, et la pneumonie paraissant s'aggraver en raison de la gêne plus grande de la respiration, on prescrit une potion avec six grains de tartre stibié, après s'être assuré que le ventre n'était plus douloureux.

Le 29, le délire a disparu, et les symptômes physiques de la pneumonie sont moins intenses que la veille; le râle crépitant commence à s'étendre; la peau est couverte d'une sueur abondante; il y a eu quatre selles et deux vomissemens. (Tisane béchique; potion avec huit grains d'émétique. )

Le 30, le mieux continue; la tolérance s'est établie. On cesse l'émétique, mais la pneumonie n'en marche pas moins vers la résolution. Le malade sort le 3, avant une guérison complète, à cause de l'arrivée des cholériques dans la salle. Nous avons su depuis qu'il était entièrement guéri.

XIII. Fait. Un cocher âgé de 36 ans, exposé à toutes les rigueurs de la saison, et tourmenté par des chagrins domestiques, offrait depuis quelque temps des symptômes de catarrhe pulmonaire, lorsqu'il fut pris tout-à-coup, le 4 décembre 1831, d'une vive douleur à lá partie antérieure et inférieure de la poitrine, avec difficulté de respirer et crachats sanglans. Le malade resta cinq jours sans consulter de médecins, se bornant à faire usage d'une boisson pectorale.

Le 9, il entra à l'hôpital dans l'état suivant :'abattement extrême, face rouge, injectée, fréquence du pouls, chaleur vive de la peau, constipation, très-grande gêne delarespiration, toux suivie d'expectoration sanguinolente; son mat à la partie antérieure droite de la poitrine, son clair à gauche; respiration bronchique également à droite et sans mélange de râle crépitant, et de murmure respiratoire qui est naturel à gauche ; en arrière le poumon se dilate avec peine, et présente du râle sonore des deux côtés; langue humide et sans rougeur. (Saignée de trois palettes, tisane béchique, looch gommeux. Le soir, la saignée n'ayant produit aucun soulagement, on prescrit une potion avec six grains de tartre stibié.

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Le 10, il y a eu trois vomissemens et deux selles ; l'état général est plus satisfaisant, la respiration est plus facile, mais les signes locaux de la pneumonie n'ont éprouvé presqu'aucune modification. (Tisane béchique, looch avec buit grains de tartre stibié. )

Le 11, point de vomissemens, une selle; la respiration, toujours bronchique à droite, est mélangée d'un peu de râle crépitant; la toux toujours la même; les crachats sont moins rouillés; le pouls moins fréquent; les urines rouges. (Tisane béchique, looch avec huit grains de tartre stibié et demi-once de sirop diacode.)

Le 12, mêmes signes que la veille fournis par l'auscultation et la percussion; mais gêne plus grande de la respiration, vomissemens bilieux et délire pendant la nuit ; abattement, altération des traits, fréquence et dureté du pouls. (On cesse le tartre stibié, on fait une saignée de deux palettes, on continue la boisson mucilagineuse à laquelle on ajoute un looch gommeux.)

Le 13, la saignée a produit un peu d'amélioration; la face interne de la bouche, la langue, ainsi que les amygdales, sont gonflées et tapissées d'une couche muqueuse blanchâtre, adhérente. (Lait coupé, gargarisme émollient, looch gommeux avec sirop diacode.)

Le 14, même état; le gonflement de la langue est considérablement augmenté. (Lait coupé, gargarisme avec miel rosat.

Le 15, prostration, pouls petit, râle muqueux dans toute la poitrine, extrémités froides. Mort à midi.

Ouverture cadavérique. - Tête. Un peu d'injection dans les méninges. La bouche, le pharynx, l'arrièrebouche, la langue sont recouverts d'une fausse membrane molle, blanche, non continue; au-dessous ces organes étaient rouges.

Thorax. Cœur d'un volume ordinaire; cavités un peu

développées aux dépens des parois; poumon gauche engoué en arrière; poumon droit hépatisé dans presque toute son étendue ; en arrière l'altération est plus avancée, et il y a un commencement d'infiltration purulente. Abdomen. Estomac sain, rougeur assez vive de la membrane muqueuse de l'iléon. Rate multilobée. XIV. Fait. Une fille de 23 ans, sujette aux inflammations de poitrine, tomba de nouveau malada et fut saignée trois fois en dix-huit jours. On lui appliqua également des sangsues et un vésicatoire sur le côté gauche de la poitrine, ce qui aurait fait supposer que la maladie était une pneumonie, quand bien même l'existence de cette maladie n'eût pas été établie sur l'état suivant, dans lequel se trouvait la malade le 24 mai 1831, jour de son admission à l'hôpital.

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Face rouge, peau chaude, pouls fréquent donnant 120 pulsations par minute, respiration fréquente, difficile ; en arrière de la poitrine et à gauche, son mat; respiration entièrement bronchique du même côté, naturelle à droite. (Potion avec six grains de tartre stibié, tisane béchique; diète. )

Le 25, il y a une amélioration remarquable; mais le tartre stibié a déterminé trois vomissemens et plusieurs selles. (Potion avec huit grains d'émétique, tisane béchique; diète.)

Le 26, à-peu-près même état que la veille; néanmoins il y a eu plusieurs vomissemens et pas une selle. (Potion avec dix grains de tartre stibié, tisane béchique ; diète.)

Le 27, la respiration donne 36 inspirations par minute; le pouls 108 pulsations. L'air pénètre un peu plus profondément en arrière et à gauche, où l'on perçoit également du râle crépitant; par conséquent il y a moins de respiration bronchique; un peu de sommeil la nuit. (Potion

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236-240

avec douze grains de tartre stibié, orge miellée pour boisson; diète.)

Le 28, il semble que la résolution fasse des progrès, puis que l'air pénètre encore plus profondément que la veille dans le poumon. Du reste, aucun changement. (Infusion de tilleul et de feuilles d'oranger; looch avec douze grains de tartre stibié et une once de sirop diacode.)

Le 29, l'amélioration se soutient, la tolérance est parfaitement établie; on entend presque partout en arrière de la poitrine du râle muqueux ; mais le pouls est toujours d'une fréquence extrême (134 pulsations par minute.) (Même traitement. )

Le 30, la vitesse du pouls s'est encore accrue (144) (Eau de groscilles, potion avec quinze grains de tartre stibié, une once de sirop diacode; diète. )

Le 31, le pouls, qui est toujours très-fréquent (¡46) devient en outre faible, irrégulier; la respiration s'entend moins à gauche que les jours précédens; il survient plusieurs évacuations alvines, ce qui fait cesser l'émétique. (Décoction de polygala de Virginie, julep avec sirop diacode; diète.)

Le 1.er juin, l'état de la malade est encore empiré. (Même traitement. )

Le 2, même état. (Cataplasmes sinapisés.)

mort.

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Le 3,

Ouverture cadavérique. La membrané muqueuse de l'estomac est roage; le duodénum et l'intestin grêle présentent des traces d'inflammation vive avec injection et exsudation sanguines en plusieurs endroits; il y a aussi des follicules très-développés en plusieurs points (1).

Les poumons sont enflammés, surtout dans leurs deux

(1) Il n'y avait eu aucun symptôme d'inflammation abdominale, et le malade ne s'était jamais plaint dn ventre.

tiers supérieurs; leur tissu est très-ramolli et infiltré de pus et de mucosité sanguinolente; l'opposition que forme plusieurs points non enflammés de l'organe pulmonaire, et plusieurs autres ramollis indique évidemment qu'il y avait eu un commencement de résolution déterminé par l'émétique (1).

Remarques sur les observations précédentes.

Mes expériences sur le tartre stibié à haute dose dans le traitement de la pneumonie, n'ont pas été faites dans l'intention d'ajouter un nouveau remède à la longue liste de ceux déjà employés contre cette maladie (ce qui d'ailleurs avait déjà été fait avant moi), mais bien dans la vue de déterminer les cas où la médication contre-stimulante, comme l'appellent les Italiens, doit être substituée à la médication anti-phlogistique. Pour preuve de ce que j'avance, je rappellerai que presque tous les sujets de mes observations ont été d'abord saignés, et ce n'est le plus souvent que lorsque la saignée n'offrait pas de chances de succès, que j'ai eu recours à l'administration de l'émétique. A cet effet, j'ai choisi dans mon service quatorze malades qui m'ont paru les plus propres à atteindre mon but. Je me suis bien gardé d'admettre dans ce nombre ceux qui présentaient des contr'indications à l'usage de ce moyen énergique, comme les irritations de l'estomac et des intestins, et tous les phénomènes qui en sont l'expression.

J'ai cru devoir raconter les faits très brièvement, et me borner en général aux signes essentiels et physiques de la maladie, le temps étant arrivé, selon moi, de dégager les faits scientifiques de toutes les inutilités, de tous les détails superflus qui les surchargent en pure perte.

(1) La plupart des observations précédentes ont été recueillies jour par jour par M. Bazin, élève interne.

Avant d'avoir procédé aux expériences qui font l'objet de ce travail, j'avoue que j'avais des doutes sur l'efficacité de l'émétique dans la pneumonie, et ces doutes m'avaient élé en partie suggérés par l'obscurité répandue sur beaucoup de faits publiés sur cette matière; ils sont aujourd'hui complètement dissipés. Je regarde maintenant l'émétique comme le moyen curatif le plus énergique, le plus expéditif dans un grand nombre de cas d'inflammation de poitrine, et je pense même que ce remède convient presqu'exclusivement sous l'empire de certaines constitutions médicales qui repoussent l'usage de la saignée. L'opinion que je me suis formée de l'action curative du tartre stibié en cette circonstance ressort de la nature même des faits dont je vais, en terminant, rappeler quelques circonstances principales.

Le sujet de l'observation première avait été saigné trois fois; plus tard, on avait eu recours aux révulsifs, tels qu'un vésicatoire et des sinapismes. Aucune amélioration n'était résultée de ces médications; on avait même tout lieu de craindre une terminaison funeste, lorsque l'émétique fut administré; la malade guérit.

Dans la deuxième observation, on voit qu'une saignée faite par l'élève de garde n'avait produit aucun effet avantageux, et que deux doses de tartre stibié ont suffi pour produire la résolution de la pneumonie, sur l'existence de laquelle les signes physiques ne laissaient aucun doute. Cette médication, quelle qu'ait été son action perturbatrice, n'a pas empêché les règles de se manifester et de contribuer sans doute pour leur part au prompt rétablis sement de la malade, ce qui est digne de remarque.

Deux saignées avaient été pratiquées au malade qui fait le sujet de la troisième observation, et cependant les signes physiques de la pneumonie n'étaient en rien diminués; quatre doses d'émétique amenèrent promptement

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la résolution de l'inflammation pulmonaire, que la thérapeutique antiphlogistique n'avait même pas commencée.

Dans l'observation cinquième on voit une rechute arriver à la suite de l'amélioration déterminée par quatre saignées; on crut devoir combattre cette rechute par l'émétique; deux doses suffirent pour la faire disparaître, et, chose remarquable, le malade guérit très-promptement.

Dans l'observation suivante, une rechute grave avait été produite par une indigestion; malgré cette disposition fâcheuse des voies digestives, le tartre stibié, qui avait déjà agi si efficacement chez le malade, fut de nouveau employé et avec un succès rapide.

Les observations septième et huitième nous offrent deux cas où la saignée et l'émétique ont été administrés concurremment le premier jour du traitement, comme on le fait en Italie, berceau de la médecine contro-stimulante. Mais le médicament contro-stimulant fut ensuite continué seul jusqu'à la dose de 18 grains, à cause de la tenacité du mal qui néanmoins finit par céder complè

tement.

Chez le sujet de la neuvième observation, trois saignées, des ventouses scarifiées n'avaient pu arrêter la marche d'une pneumonie des plus graves; le tartre stibié, porté à la dose de huit grains seulement, remplit promptement l'indication, et guérit le malade d'une manière rapide.

Le dixième cas offre cela de particulier, qu'après avoir employé l'émétique à la suite de la saignée, on revint à la saignée; mais l'état du malade empirant encore, on administra de nouveau le tartre stîbié qui fut porté jusqu'à dix-huit grains, c'est-à-dire, à une dose beaucoup plus élevée que la première fois, et qui eut un plein

succès.

Chez le onzième malade, la seignée ne fut point pratiquée à raison d'une difformité des bras qui rendait cette

opération impossible; l'émétique a eu ici sans aucun partage les honneurs d'une prompte guérison.

Enfin les sujets de nos observations 13. et 14.° qui ont succombé, étaient dans des conditions fâcheuses qui expliquent le non succès du tartre stibié. Le premier de ces malades était épuisé par des chagrins, ses organes pulmonaires avaient été chaque année affaiblis et détériorés par des affections catarrhales. Chez le second, la pneumonie était évidemment chronique (1).

Si on compare ces faits avec ceux rapportés par les auteurs italiens sur le même sujet, on verra que je n'ai employé que des doses peu élevées d'émétique ; j'ai cru devoir m'arrêter toutes les fois que la résolution faisait des progrès rapides, laissant ainsi à la nature la faculté de seconder par un concours utile la médication que j'employais. Je suis loin de me repentir d'avoir suivi cette marche, et le succès m'a convaincu qu'en cette circonstance, comme en beaucoup d'autres, il ne faut jamais accabler la nature de secours dont elle n'a pas besoin.

Quand la maladie semblait vouloir cesser brusquement, je cessais aussi brusquement l'émétique; je terminais au contraire le traitement par des doses décroissantes, lorsque la résolution marchait plus lentement. Je n'ai jamais dépassé dix-huit grains à la fois; quelquefois j'ajoutais de petites doses d'opium à la potion stibiée pour faire cesser les nausées qui fatiguent beaucoup les malades, et accélérer la tolérance. L'infusion de camomille et de feuilles d'oranger servait de véhicule à celte potion, prise par cuillerées à des distances trèsrapprochées.

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(1) Les traces d'inflammation qu'ont offert certaines portions du tube digestif, et que rien n'indiquait pendant la vie, ne peuvent pas être attribuées d'une manière certaine à l'émétique. Il est impossible d'ailleurs de les considérer comme la cause de la mort suffisamment expliquée par la grave altération des poumons.

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241-245

il

Quant aux effets immédiats de la médication stibiée, y a des recherches à faire à ce sujet, mais elles sont difficiles. Une résolution sans évacuation locale, un ralentissement notable de la circulation, de la stupeur, une diaphorèse modérée, sont les phénomènes qui m'ont le plus frappé.

MÉDECINE ÉTRANGÈRE.

Altérations des reins qui se manifestent pendant la vie par la présence d'un excès d'albumine dans l'urine; par J. CRAUFURD Gregory, M. D., médecin de l'Infirmerie royale d'Edimbourg (1). (IV. et dernier article.)

е

La série entière des observations rapportées par M. Gregory, dans les deux mémoires que nous avons entrepris de faire connaître, se compose de quatre-vingts cas. Dans nos précédens articles, nous en avons passé en revue soixantecinq; quinze nous restent donc à analyser; mais comme elles n'appartiennent pas en propre à notre auteur, qu'elles lui ont été communiquées par plusieurs de ses confrères, et que d'ailleurs elles ne diffèrent presque pas de celles que nous avons rapportées précédemment, nous croyons devoir nous borner à en indiquer très-succinctement les points principaux.

LXVI. Obs. James Mackensie, âgé de 43 ans ; entré au mois de juillet 1830; ascite, œdème des extrémités; urine rare, coagulable, d'une pesanteur spécifique

(1) The Edinburgh Med. and Surg. Journal, janvier 1832. V. les trois premiers extraits, tome XXVIII, p. 184, tome XXIX, p. 374, et tome XXX, p. 85.

de 1015; sorti guéri au comment d'août; rentré le 1.“ février 1851; catarrhe pulmonaire aigu, retour de l'ascite et de l'œdème; urine assez copieuse, fortement coagulable et d'une pesanteur de 1016; sorti guéri une seconde fois, le 14 avril.

LXVII. Obs. - Dorothea Gordon, âgée d'environ 30 ans; hydropisie générale à l'âge de 21 ans; symptômes d'une phthisie pulmonaire commençante; urine fortement coagulable; saignée du bras qui fit disparaître l'hydropisie. En 1829, retour de l'hydropisie; urine fortement coagulable. Au bout d'un an, morte d'une phthisie bien caractérisée.

LXVIII. Obs. Miles Paterson, âgée de 25 ans; entrée le 29 novembre 1830; ascite et anasarque générales ; menstruation très-irrégulière depuis un an, époque où se sont montrés les symptômes d'hydropisie; toux sèche; dyspnée, nausécs, vomissemens; urine rare et coagulable, qui, sous l'influence des diurétiques, s'élève de 1 à 12 livres par jour. Sortie guérie le 20 décembre.

LXIX. Obs.

veuve,

Rosa Mac-Adam, âgée de 30 ans, pléthorique; entrée le 18 septembre 1830; ascite, anasarque, toux, difficulté de respirer survenues depuis trois semaines, après avoir bu une grande quantité d'eau froide étant en sueur. Urine rare, d'une pesanteur spécifique de 1022, 5 et fortement coagulable; saignée du bras; sérum d'une teinte opaline; diurétiques énergiques, sous l'influence desquels l'urine s'élève de 1 à 10 livres par jour; sa densité varie de 1011, 5 à 1019, et sa coagulabilité reparaît et disparaît à plusieurs reprises. Sortie guérie, le 4 décembre.

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LXX. Obs. -Joanna Gilchrist, âgée de 28 ans, mariée; entrée le 28 mars 1831. Depuis sept mois, douleurs dans l'abdomen, diarrhée, coliques, ténesmes, vomissemens. Depuis trois mois, œdème des jambes et com

mencement d'ascite; urine presque naturelle en quantité et en couleur, et peu coagulable; diurétiques; urine trèsabondante, de 8 à 10 livres par jour, d'une pesanteur spécifique variable entre 1007 el 1009, el toujours coagulable. Après avoir séparé le caillot par le filtre, la densité du liquide est de 1008; réduit au huitième de son volume par l'évaporation, il fournit, par l'addition de l'acide nitrique, de nombreux cristaux feuilletés de nitrate d'urée. Sortie le 3 juin, dans un état assez satisfaisant, mais non guérie.



LXXI. Obs.William Taylor, âgé de 48 ans, entré le 26 janvier 1829; dyspnéc violente, ascite, œdème léger des jambes, urine rare, trouble, d'une couleur rouge très-vive, et coagulable par la chaleur, caractères qu'elle conserve pendant toute la durée du séjour à l'hôpital. Sorti un peu soulagé, le 19 mars.

-

LXXII. Obs. — Elizabeth Morgan, âgée de 49 ans, entrée le 9 janvier 1831; ascite, œdème des extrémités supérieures et inférieures, gêne extrême de la respiration, toux fréquente, expectoration muqueuse, palpitations et autres symptômes d'une maladie du cœur; urine très-rare, d'une couleur pâle et très-albumineuse, d'une pesanteur spécifique de 1022. Diurétiques; l'urine s'élève de une à cinq livres par jour; alors sa densité varie de 1013 à 1011. Sortie soulagée, le 20 mars; mais peu de temps après les accidens reparurent plus graves et la malade succomba le 10 septembre. L'ouverture fit reconnaître une hypertrophie avec dilatation du ventricule gauche; un épaississement des valvules aortiques; un épanchement séreux très-abondant dans l'abdomen et dans le thorax: les deux reins étaient augmentés de volume, mous et d'une couleur pâle; leur substance corticale était blanchâtre, d'une texture uniforme et ayant quelque. ressemblance avec la matière encéphaloïde. La substance

tabuleuse n'offrait d'altérations que dans quelques points isolés.

LXXIII. Obs. -Anne M'Dougal, âgée de 36 ans, entrée le 14 juillet 1831. OEdème des pieds, des jambes et des bras; toux sèche et sentiment de constriction à la base de la poitrine; urine rare, de 8 à 12 onces par jour, d'une couleur rouge brune-foncée, donnant par la chaleur un précipité abondant, grisâtre ou d'un brun clair; sa pesanteur spécifique varie de 1033 à 1025,5. Après la séparation du caillot albumineux, elle est de 1023. Le caillot desséché s'élève à 14 parties sur 1000; la quantité d'urée paraît être cependant naturelle; l'acide nitrique ajouté à ce liquide, réduit, pár l'évaporation, à un tiers dé son volume, donne naissance à une grande quantité de cristaux lamelleux de nitrate d'urée. Sortie guérie le 19 septembre. L'urine n'est presque plus coagulable, et sa pesanteur spécifique est de 1013.

LXXIV. Obs. Helen Fraser, âgée de 49 ans, entréc le 12 novembre 1829. Ascite, anasarque, dyspnée violente, toux avec expectoration muqueuse abondante; sensibilité à l'épigastre, fièvre, etc.; urine très-rare, haute en couleur, et fortement coagulable. Sortie guérie le 24.

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LXXV. Obs. Francis Galloway, garçon brasseur, âgé de 31 ans, entré le 22 novembre 1830. Ascite, œdème considérable de la figure et des jambes, toux violente, dyspnée, sensibilité à l'épigastre; urine peù abondante et coagulable, puis s'élevant, sous l'action des diurétiques, à 8 et 9 livres par jour. Sorti guéri le 3 janvier 1831.

LXXVI. Obs.—William Cuningham, âgé de 40 ans, entré le 10 janvier 1830; ascite, œdème, dysphée, toux sèche, douleur vers la base du thorax; urine rare et fortement coagulable, puis, sous l'influence de la teinture de digitale, s'élevant à 7 livres par jour, et devenue presque.

naturelle sous le rapport de la coagulabilité. Sorti guéri dans les premiers jours de février.

LXXVII. Obs. Christian Black, âgée de 30 ans, entrée le 3 septembre 1829. Ascite considérable, œdème, nausées, vomissemens fréquens, diarrhée opiniâtre, douleurs violentes aux lombes et dans l'épigastre, urine rare, d'une couleur pâle et très-coagulable. Sortie soulagée le 5 janvier 1830. Rentrée le 27 juillet 1831, avec à peu près les mêmes symptômes; urines très-rares, à peine quelques onces par jour, d'une pesanteur spécifique de 1010 et coagulable; malgré l'emploi des diurétiques, la quantité de ce liquide ne dépassa jamais une livre.-Morte le 15 septembre dans un état d'épuisement et de marasme. A l'ouverture, on trouva des tubercules nombreux dans le poumon droit; le foie dur, lobuleux, d'une texture granuleuse, d'une couleur jaune en dehors, marbré de rougé et de jaune en dedans; les deux reins d'un très-petit volume et offrant une altération de tissu semblable à celle du foie; un vaste kyste de la grosseur d'un œuf d'autruche, adhérent à l'ovaire gauche, et enfin des traces évidentes d'une phlegmasie chronique dans la membrane muqueuse du gros intestin.

e

LXXVIII. Obs. - Alexander Williamson, âgé de 50 ans, entré le 9 décembre 1828. Gonflement considérable du ventre, sans fluctuation, œdème des jambes, du scrotum et du pénis; toux, expectoration, gêne légère de la respiration, urine très-rare, très-coagulable, qui devint abondante sous l'influence des purgatifs et des diurétiques. Sorti guéri le 21 janvier 1830.

LXXIX. Obs.-Thomas White, âgé de 44 ans, maçon, entré le 15 février 1830. Gêne extrême de la respiration, pas de toux, œdème considérable des pieds; urine assez abondante, mais extrêmement coagulable; elle s'óleva, par suite du traitement, à six ou sept livres par jour,

-----------------------

246-250

Pesanteur spécifique variant entre 1007,5 et 1011, mais conservant un peu de coagulabilité. Sorti guéri le 27 avril. Le sérum du sang d'une saignée du bras offrit un aspect aiteux.

LXXX. Obs. James Connell, âgé de 65 ans, entré le 17 juillet 1830. Ascite, œdème des extrémités, dyspnée, toux avec expectoration, pouls irrégulier, urine très-coagulable, s'élevant bientôt, sous l'influence des diurétiques, à 9 livres par jour, et alors d'une pesanteur spécifique de 1010. Sorti guéri le 13 août; urine encore un peu coagulable.

e

« En examinant avec attention les trente-cinq derniers cas que nous venons de rapporter, on voit, comme dans les quarante-cinq qui les ont précédés, qu'aucun des malades n'était au-dessous de l'âge de puberté, et que, pour la majeure partie, ils avaient dépassé l'âge de quarante ans, ce qui prouve, comme on l'a déjà dit précédemment, que cette affection est très-rare chez les enfans et chez les jeunes gens.

» Ces observations viennent en outre à l'appui des remarques déjà faites sur la fréquence des complications de cette maladie avec des lésions d'autres organes éloignés. Des symptômes d'une affection des poumons ou du cœur ont été observés d'une manière plus ou moins tranchée dans vingt cas sur les trente-cinq qui nous occupent; et sur les trois qui ont eu une issue funeste, on a trouvé, outre une altération très-avancée des deux reins, une désorganisation tuberculeuse des poumons, une maladie du foie et des intestins chez la femme Black (Obs. 77), et chez la femme Morgan (Obs. 72), une maladie organique du cœur. La proportion des cas dans lesquels l'hydropisie a été le symptôme prédominant, est très grande; mais il ne faudrait pas tirer une conclusion sous ce rapport de ces faits seulement; car, dans presque tous, c'est

l'existence de l'hydropisie qui a donné l'idée d'examiner les urines. Cependant, sur la totalité des cas, c'est-à-dire sur les quatre-vingts observations rapportées dans le cours de ce travail, l'hydropisie existait à un degré plus ou moins grand dans cinquante-huit, ce qui prouve suffisamment que si l'hydropisie n'est pas un symptôme essentiel, elle accompagne du moins très - fréquemment l'altération de structure des reins qui nous occupe.

>>

Les symptômes qui, après l'hydropisie, se sont montrés le plus fréquemment, sont le vomissement et la diarrhée; l'une ou l'autre, ou tous les deux ensemble, ont existé, à une époque plus ou moins avancée de la maladie, dans quarante-six cas sur la totalité; ces symptômes ont été en général fatigans, souvent graves et opiniâtres, sans que cependant ils s'accompagnassent de signes bien distincts d'un état inflammatoire.

>> Un autre symptôme très-commun, qui me paraît devoir être de quelque importance dans le diagnostic de cette maladie, a été très-souvent observé. Je veux parler des douleurs dans la région lombaire. Ce symptôme s'est montré plus ou moins distinct dans trente-trois cas sur quatre-vingts, et si nous mettons de côté les vingt cas rapportés dans la première partie de ce mémoire, dans lesquels il n'y a pas eu d'hydropisie ni de douleurs lombaires, et dont plusieurs n'offraient pas des exemples bien tranchés de la maladie, nous voyons que ce symptôme a existé dans plus de la moitié des cas. La douleur en question a été quelquefois profonde et sourde; d'autres fois aiguë et augmentant par la pression ou par le mouvement. Dans quelques cas elle était continuelle, dans d'autres passagère; dans certains autres, elle s'étendait jusqu'au devant de l'abdomen ou se propageait des lombes jusque dans les cuisses par élancemens rapides et presque continuels. Dans le cas de la femme McCabe, par exemple,

une douleur vive et continuelle dans les reins, qui augmentait à la pression, ou par les mouvemens d'inspiration, fut le symptôme le plus saillant dans chacune des trois attaques qu'elle éprouva, et nécessita un traitement trèsactif dans ces trois rechutes. D'autres malades ont été tourmentés par cette douleur pendant des années. Un sentiment de douleur et de faiblesse dans la région lombaire est un symptôme commun à tant de maladies différentes et même d'indispositions légères, surtout chez les femmes, que, dans des circonstances ordinaires, je ne le regarderais pas comme un signe de quelque importance pour fonder un diagnostic; mais j'ai maintenant un si grand nombre d'observations relatives aux hommes et aux femmes, dans lesquelles les douleurs lombaires ont été un symptôme dominant pendant la vie, et dans lesquelles, après la mort, on a trouvé une altération organique des reins, que je crois devoir le regarder comme d'une haute importance dans le diagnostic de la maladie, lorsque, d'aillours, il existe d'autres signes d'une nature plus certaine.

» Ces observations viennent encore confirmer d'une manière remarquable deux autres points relatifs à cette maladie, savoir: sa marche lente et insidieuse et sa tendance à se reproduire souvent sous une forme plus grave et sans cause connue, après une guérison en apparence parfaite et quelquefois après de longs intervalles d'une bonne santé. Dans vingt-cinq cas sur quatre-vingt, les malades avaient éprouvé antérieurement des attaques d'hydropisie ou des douleurs lombaires; quelques-uns même avaient eu deux ou trois atteintes à des intervalles plus ou moins longs. La femme Gordon (Obs. 67) en est un exemple frappant; guérie par le docteur Alison, une première et une seconde fois, d'une hydropisie générale, elle a, pendant huit ans, été complètement débarrassée des symptômes de cette nature, et a joui d'une assez bonne

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santé pour se livrer avec succès à son état de couturière. Dans un autre cas, (Obs. 62) le malade a assuré avoir été sujet à l'hydropisie pendant trente ans; et dans un autre encore, (Obs. 74) la malade, en rapportant son histoire, apprit que seize ans auparavant, elle avait eu une hydropisie dont elle avait parfaitement guéri. La marche des symptômes a été aussi très lente dans une grande partie des cas qui ont eu une issue funeste et qui composent la première partie de ce mémoire. A l'exception de ceux dans lequels la fièvre ou quelque autre maladie aiguë a été évidemment la principale cause de la mort, il n'y en a que deux (Obs. 9 et 16) où la mort soit survenue dans l'espace d'un mois après l'apparition des premiers symptômes; et encore on peut croire d'après l'altération profonde des reins, que les malades se sont trompés en ne faisant remonter leur maladie qu'à une époque si rapprochée.

I

Lorsque les symptômes d'hydropisie existaient, le gon flement démateux a affecté fréquemment les mains et la figure, et même a quelquefois commencé par ces parties; mais il a été rarement très-considérable, quoiqu'il se soit montré souvent très-opiniâtre. Il a disparu complètement, sous l'influence du traitement, dans vingt-trois cas sur les trente-cinq qui forment la seconde partie de ce mémoire; et dans plusieurs, dans lesquels il y a deux ou trois rechutes successives, l'hydropisie n'a pas reparu. Dans le cas de la femme Black, l'œdème qui s'est manifesté, lors de la troisième rechute à laquelle elle a succombé, a été très-peu considérable et s'est dissipé en trèspeu de temps.

» Quant au traitement suivi dans cette maladie, je n'ai presque rien à ajouter à ce qu'ont déjà dit MM. Bright et Christison. Sur les 35 derniers malades dont j'ai rapporté les observations, 22 sont sortis de l'hôpital, ou tout-à

fait guéris, ou en convalescence; dix sont sortis soulagés et trois sont morts ultérieurement après avoir été ramenés à un état apparent de santé. Sur les 22 premiers, quinze ont été saignés une ou plusieurs fois au bras, et chez trois auxquels on n'a pas pratiqué de saignée, on a appliqué à plusieurs reprises des ventouses scarifiées ou des sangsues à la région lombaire. Dans les quatre cas restant, les diurétiques ont agi avec une grande énergie, et les symptômes d'hydropisie ont disparu sans qu'on ait eu besoin de recourir à la saignée. Sous l'influence de ce traitement, l'hydropisie disparut clrez presque tous les dix malades qui sortirent soulagés de l'infirmerie; mais dans ces cas, ainsi que dans la plupart de ceux qui ont eu une issue funeste, la maladie des reins était compliquée de lésions profondes de quelqu'autre organe, particulièrement du cœur ou des poumons, et on ne pouvait raisonnablement espérer plus de succès d'aucun autre mode de traitement. Dans la maladie qui nous occupe, de même que dans toutes les autres affections organiques, c'est seulement dans les commencemens que la saignée peut être suivie d'effets salutaires et permanens; en effet, la faiblesse et l'épuisement qui accompagnent ordinairement une période plus avancée de la maladie, rend la saignée impraticable.

» En général, les diurétiques ont agi avantageusement et dans beaucoup de cas promptement et avec beaucoup d'énergie. Ceux qu'on a employés le plus ordinairement sont la digitale, la scille et la crême de tartre. On a observé qu'ils agissaient mieux lorsqu'on les combinait ensemble; comme par exemple en administrant la digitale et la scille sous forme de pilules, ou bien la scille et la crême de lartre: cette dernière à la dose d'une demi-once par jour et pendant quelque temps. A cette dose, le tartrate acidulé de potasse s'est montré entre mes mains, comme dans les cas que MM. Bright et Christison ont ob

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 251-280
« Reply #10 on: September 27, 2022, 08:01:16 PM »

251-255

servés, le plus puissant de tous les diurétiques que j'aie mis en usage. L'éther nitrique alcoholisé, l'acétate de potasse, et le mercure m'ont paru agir comine diurétiques efficaces dans plusieurs cas. Il est bon de remarquer que dans six cas sur onze, dans lesquels le mercure a été administré, l'affection de la bouche et des gencives et la fétidité de l'haleine ont été produites par une dose très-faible de ce médicament et en très-peu de temps; et que même, dans trois de ces cas, il s'est manifesté une salivation violente accompagnée de vives douleurs, de gonflement de la bouche, de la face, de la langue et de l'arrière-bouche qui ont nécessité l'emploi des moyens antiphlogistiques les plus énergiques. Ces cas viennent donc pleinement confirmer la remarque de M. Bright sur la tendance que de très-faibles doses de mercure ont, dans la maladie qui nous occupe, à donner lieu à la salivation, et sur la difficulté qu'on éprouve fréquemment à empêcher cet effet, lorsqu'on veut employer cette substance.

>> Le moyen que j'ai trouvé le plus utile, pour arrêter les vomissemens opiniâtres et la diarrhée qui se sont montrés comme symptômes prédominans dans un si grand nombre de cas, c'est l'opium solide à grandes doses; et dans les cas où la diarrhée existait seule ou même l'emportait sur les vomissemens, j'ai combiné ce médicament avec beaucoup d'avantage, avec la craie préparée et mieux encore avec l'acétate de plomb cristallisé.

» Examinons maintenant les causes de cette maladie des reins. En passant en revue tous les cas dont nous avons donné l'histoire précédemment, on voit que l'invasion des symptômes proéminens a été, en général, rapportée à une exposition au froid ou à l'humidité, ou bien à de subites variations de la température. De plus, ainsi qu'on l'a fréquemment observé dans les cas d'hydropisie inflammatoire, quatre des malades dont nous avons rapporté les

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observations, savoir: Dudgeon, (Obs. 24) Mac Adam, (Obs. 69) Taylor (Obs. 71) et Connell, (Obs. 80) ont attribué positivement l'invasion de la maladie à une boisson abondante d'eau ou de porter froid, pendant qu'ils étaient en sueur.

» Il faut cependant remarquer que dans la majeure partie des cas, la maladie s'est manifestée, comme M. Bright l'avait déjà observé, chez des individus adonnés à l'intempérance ou au moins d'une constitution très-détério rée, chez lesquels l'expérience a démontré une grande tendance à de petits dépôts albumineux qui revêtent plus ou moins la forme tuberculeuse; dépôts qui se manifes ́tent surtout sous l'influence d'une inflammation ou même d'une simple congestion sanguine dans un organe quelconque. C'est à cette tendance, qui se manifeste par des lésions de différens organes, que nous croyons pouvoir attribuer la complication si commune de la maladie des reins qui nous occupe avec la phthisie pulmonaire, les affections du cœur et des gros vaisseaux et la dégénération tuberculeuse du foie. Il est bon d'observer, cependant, que dans quelques-uns de ces cas il n'y avait pas de raison de supposer que les individus affectés eussent mené une vie irrégulière, et même, pour plusieurs d'entr'eux, le contraire était certain; ils avaient positivement des habitudes de tempérance et de sobriété; mais j'ai remarqué en général que ces derniers présentaient les caractères distinctifs de la constitution scrofuleuse.

» La connexion de l'hydropisie avec cette maladie organique des reins est un point de pathologie beaucoup "plus" obscur que la coexistence de ce symptôme avec les affections chroniques du foie, du cœur ou des poumons. Je ne puis ici traiter ce sujet avec toute l'étendue qu'il mérite; je ferai seulement deux observations, qui me paraissent importantes: 1.° que l'hydropisie qui accom

pagne communément la maladie des reins, quoiqu'attaquant souvent tout le corps, est très-rarement portée

point extrême, et disparaît fréquemment tout-à-fait après un certain temps, surtout dans les périodes les plus avancées de la maladie; et 2.o que dans les cas, comparativement peu communs, où l'hydropisie est considérable, il existe presque toujours, conjointement avec la maladie des reins, une lésion organique d'un ou de plusieurs des organes indiqués ci-dessus.

» La faible pesanteur spécifique de l'urine et l'existence de l'albumine dans ce liquide, me paraissent être d'une haute importance comme signes diagnostiques de la maladie qui nous occupe. C'est pour cela que j'ai cru devoir présenter sous forme de tableau les résultats de l'examen de l'urine dans cinquante cas bien tranchés, dans la vue de montrer, de la manière la plus claire et la plus concise possible, les changemens que subit la sécrétion de ce liquide.

» J'ai, à cet effet, choisi parmi les observations formant la seconde série, trente- huit cas dans lesquels la pesanteur spécifique de l'urine a été prise avec soin, et pour compléter les cinquante, j'en ai ajouté douze autres, dont la plupart ont été observés pendant que je m'occupais de la rédaction de ce mémoire; sur ces douze cas, cinq ont eu une issue fatale, et dans deux autres, les malades avaient eu à plusieurs reprises des symptômes d'hydropisie. Je dois faire remarquer ici, qu'en faisant ce choix, j'ai en général donné la préférence aux cas dans lesquels on avait pu s'assurer de la pesanteur spécifique de l'urine avant l'administration d'aucun remède, et que j'en ai exclu ceux dans lesquels l'examen du liquide n'a pu avoir lieu que lorsque le malade était sous l'influence des diurétiques. En agissant ainsi, j'ai voulu éviter toute source d'erreur provenant de l'augmentation artificielle de la quantité d'urine, augmentation qui doit

tendre naturellement à diminuer la pesanteur spécifique du liquide.

» Ce que je viens de dire ne s'applique cependant pas à cinq cas compris dans le tableau suivant, dans lesquels une diurèse abondante existait sans qu'on eût employé aucun diurétique. Je n'y ai pas fait figurer deux cas dans lesquels la densité de l'urine s'est élevée jusqu'à 1025, quoique la quantité du liquide fût très-petite, parce que je ne suis pas certain de l'exactitude de cette détermination; en effet, je ne possédais pas encore, à l'époque où ces observations ont été faites, l'excellent et ingénieux hydromètre de M. Twaddell, de Glascow, dont je me suis toujours servi depuis, et que M. Henry a employé avec tant d'avantage dans de semblables recherches (1). »N. I. Tableau de la pesanteur spécifique et du degré de coagulabilité de l'urine dans cinqaante cas de maladie organique des reins (2).

I.re SERIE.

Cas dont la terminaison a été funeste.

Quantité
d'urine.

4. Rare.

5. Naturelle..

N.05

1. Presque naturelle.

2. Rare....

3. Naturelle...

Pesanteur Couleur et coagulabilité. spécifique. Très-pâle et assez fortement coagulable. 1004,5 Coagulable...... 1006,5 Presque incolore, fortement coagulable. 1007 Très-coagulable... 1009 ........ Très-pâle. fortement coagulable..... 1010 Fortement coagulable....

1010

1010

Très-pâle, fortement coagulable..........
Assez fortement coagulable.....
Peu foncée, modérément coagulable.. 1010

1010

.....

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6. Rare....

7. 48 onces (3)......

8. Rare.

9. 18 onces

...

(1) Experiments on diabetic urine. Med. chirurg. Tians. 3. Ed. t. II, p. 121.

(2) Dans ce tablean, l'once dont on s'est servi est celle qui appartient à la livre pharmaceutique de douze onces (Apothecaries' weight.)

(3) Pour les vingt-quatre heures; il en est de même pour toutes les quantités suivantes.

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.....

N.os

26. 120 onces.......
27. 84 onces.....
28. 12 onces.....
29. Naturelle..

30. Rare....

Coagulable......

..... 1010

1011

Fortement coagulable....................
Très-pâle, fortement coagulable..... 1011
Très-rouge, très-fortement coagulable. 1011,5
Brune foncée; très-fortement coagulab. 1012
Pâle; coagulablė........
Fortement coagulable

1013

Pale; coagulable...

Haute en couleur; coagulable..

Coagulable......

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....

19. Rare..

20. Naturelle.

Idem.

21. 8 onces... 22. Très-rare..

23. Rare.

Peu foncée; fortement coagulable..... 1016
Sanguinolente; très-fortement coagul. 1016,5
Très-fortement coagulable...... 1017

24. Rare.....

25. Très-rare........ Pâle, très-fortement coagulable.... 1018

25297

II. SERIE. Cas de guérison.

.......

Fortement coagulable...

Idem.....

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....

......

100ე

1010

32. 84 onces......

Rouge foncé, fortement coagulable.... 1010 31. Abondante...... Pâle; modérément coagulable............ 1010,5 Peu colorée; fortement coagulable.... 1011 33. Naturelle........ Sanguinolente; fortement coagulable.. 1012 34. Naturelle... Peu colorée; coagulable.. 35. 36 onces. ...... Påle; coagulable....

1013 1013

36. Presque naturelle. Peu colorée; très-fortement coagulable. 1012,5 37. Rare... Peu colorée; coagulable.... 38. Naturelle.. Peu colorée; très-coagulable... 39. Naturelle.. 40. Rare......

1013,5
1014

Peu colorée; fortement coagulable.... 1015
Fortement coagulable...
 Coagulable.....

1015

41. Presque naturelle.
42. Abondante...... Fortement coagulable....

43. 24 onces...

Pale; très-fortement coagulable.
Pâle; fortement coagulable....

1017,5

44. 40 onces....... 45. Naturelle....... Peu colorée; très-fortement coagulable. 1018 46. Peu abondante.. Rouge-cerise, modérément coagulable. 1018,5 47. 20 onces Assez fortement coagulable.... 48. 36 onces.. Très-fortement coagulable...

1020

1020,5

Très-pâle, peu coagulable.....
                                        1007
Très-rouge, fortement coagulable..... 1008
Jaune-paille clair; coagulable..
Coagulable....

...

...

1014

1014

1014

1014

....

.....

1014

1014

1015

1016

1016

-----------------------

256-260

49. 12 onces....... 50. 24 onces.................

1022,5

Très-fortement coagulable....
Jaune-paille; fortement coagulable.... 1023,5

25362

> On voit par ce tableau, que le terme moyen, pour la première série, c'est-à-dire, pour les cas qui se sont terminés par la mort, est de 1011,88, et celui de la seconde de 1014,48. Le terme moyen général pour les cinquante observations est de 1013,18; et cette pesanteur spécifique est d'autant plus remarquable, que, pour éviter toute source d'erreur, la densité de l'urine, dans la majeure partie de ces cas, a été prise lorsque la quantité de ce liquide était beaucoup au-dessous de l'état normal; circonstance qui aurait dû nécessairement avoir pour effet d'augmenter cette densité, si la sécrétion avait été dans son état naturel. A l'appui des résultats fournis par ce tableau, je dirai qu'il y a entr'eux et ceux qu'a obtenus le professeur Christison, une coïncidence très-remarquable. En prenant le terme moyen de six cas, observés par ce médecin, dans lesquels la quantité d'urine n'était pas plus grande que dans l'état ordinaire, je trouve que le résultat est absolument le même, c'est-à-dire, 1013 et une fraction. Le docteur Bostock a pris la pesanteur spécifique de l'urine dans dix-neuf des cas publiés par M. Bright. Dans quelques-uns, l'expérience a été faite plusieurs fois, et dans l'un d'eux même jusqu'à six fois; et en donnant 1017 comme terme moyen pour seize de ces cas, M. Bostock a compris dans son calcul tous les résultats de ses expériences sur l'urine de la même personne. Mais en prenant d'abord la moyenne des expériences faites à plusieurs fois sur l'urine de la même personne, et cherchant ensuite le terme moyen des dix-neuf cas, je trouve 1014 et une fraction, résultat qui se rapproche de très-près de celui que présente le tableau précédent.

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De cette coïncidence remarquable entre les moyennes fournies par un si grand nombre de cas, dans lesquels l'expérience a été faite par des observateurs différens, il me semble qu'on peut conclure que, dans cette maladie, la pesanteur spécifique de l'urine est décidément moindre que dans l'état de santé, et que cette faible densité, surtout lorsqu'elle est accompagnée de la rareté et de la coagulabilité de l'urine, est un signé très-caractéristique, sinon pathognomoniqué, de l'existence de la lésion organique particulière des reins qui fait le sujet de ce mémoire. Il est vrai que dans un des cas observés par M. Bright, M. Bostock a trouvé la densité de l'urine s'élevant à 1032; et que dans un dé ceux que nous avons rapportés précédemment, celui de la femme M'Dougal (Obs. 73), cette densité était, le premier jour de son entrée, de 1033, ce qui est presque le maximum de l'état de santé. Mais M. Bright n'a donné aucun détail sur le cas en question, et ne parle ni de la période de la maladie, ni de la quantité d'urine au moment où l'expérience a été faite. Chez la femme M'Dougal, la maladie ne datait que de six jours, et l'urine ne s'éleva qu'à douze onces seulement dans les vingt-quatre premières heures, et même devint encore plus rare par la suite; d'un autre côté, tandis que la proportion d'albumine contenue dans ce liquide montait à quatorze parties sur 1000, l'expérience prouvait que čelle de l'urée était dans l'état naturel. Cette circonstance, jointe à la rareté de la sécrétion et à la date récente de l'invasion de la maladie, qui permet de supposer que les matières salines se trouvaient encore dans le liquide en proportion considérable, me semble suffisamment expliquer l'élévation de la pesanteur spécifique dans ce cas et dans beaucoup d'autres. Cette manière de voir se trouve encore confirmée par ce fait, que lors de la sortie de la malade de l'hôpital, après un sé

jour de plus de deux mois, et quoiqu'elle fût tout-à-fait délivrée de sa maladie, son urine, dont la quantité était naturelle et la couleur foncée, ne présentait qu'une pesanteur spécifique de 1013. A propos de ce que je dis que cette femme Morgan est sortie guérie, je crois devoir faire observer en passant que, dans plusieurs de ces cas, la santé générale se trouvait au bout d'un certain temps si complètement rétablie, que les malades refusaient de rester plus long-temps à l'hôpital et demandaient leur sortie, quoique leur urine continuât à être albumiueuse, en si faible quantité et d'une si faible densité que la quantité de matières solides, sécrétées par les reins dans les vingt-quatre heures, devait être beaucoup au-dessous de dix gros que M. Bostock suppose devoir être la quantité moyenne et journalière. Mais dans trois de ces cas au moins nous avons certitude que les symptômes ont reparu peu après la sortie des malades, et dans un autre la maladie revint et se termina par la mort au bout de deux mois.

» Une question très-importante se présente maintenant à résoudre. Quelle est, demandera-t-on, le terme moyen de la pesanteur spécifique de l'urine dans l'état de santé ? Comme M. Bostock l'a très bien fait observer, la pesanteur spécifique de l'urine, même dans l'état de santé, et dans le même individu, diffère tellement à différentes époques, suivant le temps que le liquide a été retenu dans la vessie, et d'après une foule d'autres circonstances, qu'il faut un très-grand nombre d'observations pour pouvoir arriver à quelque chose de positif à cet égard. C'est probablement à cela qu'il faut attribuer les différences très-grandes d'opinion des auteurs sur ce point important. Le docteur Prout, par exemple, suppose que le terme moyen, en prenant l'année toute entière, est entre

1010 et 1015 (1). M. Henry crut d'abord pouvoir admettre 1020 pour terme moyen de la première urine rendue le matin; mais, d'après d'autres expériences subsćquentes, il a reconnu que ce chiffre était trop faible et a adopté 1030 (2). M. Ellioston pense que la densité de l'urine en état de santé est entre 1010 et 1018 (3), tandis que Cruickshank admet, pour extrêmes, 1005 et 1033 (1). Dans un appendix à sa traduction de la physiologie de M. Magendie, M. Milligan admet le dernier de ces nombres, 1033; M. Turner, au contraire, n'admet que 1030 environ, même dans l'état de concentration le plus grand possible de l'urine (5), et M. Alison enfin ne le porte qu'à 1025 (6). Cette dernière estimation correspond à la densité moyenne de l'urine de la nuit et de la journée trouvée par Brian Robinson (7) comme résultat d'une série d'expériences continuées pendant un an sur lui-même. Aucun des auteurs que nous venons de citer, à l'exception de Robinson, ne nous a fait connaître le nombre des observations faites sur l'urine d'une même personne ou d'individus différens, d'après lesquelles chacun a basé son évaluation; aussi est-il impossible de concilier les différences qui existent entre ces diverses évaluations. Cependant la détermination exacte de la pesanteur spécifique moyenne de l'urine de l'homme sain m'a semblé être un point d'une

(1) Inquiry into the nature and treatment of diabetes, calculus, etc. 2. éd. 1825, p. 290.

(2) Experiments on diabetic urine; Med. chirurg. Transact., t. II, P. 120, 3. éd.

e

(3) On the use of opium in diabetes, in Cases illustrative of the efficacity of hydrocyanic acid, etc., p. 97.

44) Experiments on urine and sugar; Rollo on diabetes; 2. édit., p. 438.

(5) Elements of chemistry, 2.o éd.
                                        › P. 775.
(6) Outlines of physiology, 183 1, p. 113.

(7) On the food and discharges of human bodies;

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haute importance, non-seulement sous le point de vue général et physiologique, mais surtout aussi comme fournissant un terme de comparaison pour les cas de maladies dans lesquelles l'urine subit des changemens si remarquables dans ses propriétés physiques et chimiques. C'est pour arriver à cette détermination que j'ai entrepris récemment, avec mon savant ami M. Balfour, une série nombreuse d'expériences sur ce sujet, et en même temps sur quelques autres points en rapport avec la sécrétion urinaire. Le tableau suivant montre le résultat de ces recherches sur la pesanteur spécifique de l'urine dans cinquante hommes jeunes ou du moins d'un âge moyen et dans l'état de santé. Toutes ces observations ont été faites entre midi et deux heures, pendant les mois de septembre, octobre et le commencement de novembre, époque de l'année pendant laquelle, con.me le démontrent les tables de Lining (1), la quantité d'urine présente à peu près la moyenne de l'année entière. On remarquera dans le tableau suivant que la pesanteur spécifique du liquide a été prise, dans quelques-uns des cas, un grand nombre de fois, et dans aucun moins de trois fois.

O

N. II. Tableau montrant la gravité spécifique de l'urine de cinquante hommes dans l'état de santé.

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261-265

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1026,63.

1017,72

1022,46

Termes moyens. > En examinant le tableau qui précède, on voit que les extrêmes entre lesquelles varie la pesanteur spécifique de l'urine sont précisément les mêmes que celles qu'avait indiquées Cruickshank, savoir: 1005 pour la plus basse, et 1033 pour la plus élevée. Le terme moyen des densités les plus élevées dans les cinquante cas compris dans le tableau est de 1026,63, et celui des plus basses de 1017,72; et il est digne de remarque que même ce dernier nombre est beaucoup plus grand que la moyenne des observations consignées dans le tableau n° 1. Cette moyenne, comme on l'a déjà vụ, n'est que 1013,18, 1013, 18, tandis que le terme moyen général des cinquante cas compris dans le dernier tableau est de 1022,46; et celui des quarante premières observations, nos 1 à 39, est plus élevé encore, puisqu'il monte à 1024,05. Dans les dix dernières expériences, n° 40 à 50, on avait observé que l'urine était peu colorée et en quantité beaucoup moins considérable que dans l'état habituel; ce qui dépendait très probablement de la température extérieure, qui tout-à-coup s'était beaucoup abaissée (vers la fin d'octobre et au commencement de novembre); cette circonstance explique d'une manière satisfaisante le peu de l'élévation de la pesanteur spéci

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fique de l'ugine conparée à celle des observations précédentes. On remarquera que, dans les deux cas où l'urine a été le plus fréquemment examinée, les n°1 et 2, le terme moyen de la pesanteur spécifique du liquide est pour l'un 1025,06, et pour l'autre 1024,75; ce qui se rapproche beaucoup de celui des quarante premières observations. Dans le but de constater si la densité de l'u-rine rendue vers le milieu de la journée, peut être cousidérée comme la moyenne de celle des vingt-quatre heures, j'ai pris, pendant vingt jours de suite, la pesanteur spécifique du liquide trois fois par jour, le matin au moment du lever, entre midi et deux heures, et le soir au moment du coucher. Les résultats de ces recherches sont consigués dans le tableau suivant:

N. III. Tableau donnant la pesanteur spécifique de l'urine de l'homme à l'état de santé, prise trois fois par jour pendant vingt journées consécutives.

PESANTEUR SPÉCIFIQUE.

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NOMBRE

des expériences

20
20

MATIN.

MIDI.

Extrêmes. moyennes. Extrêmes.

8012

moyennes Extrêmes.] moyennes

Terme moyen général.

1028. 101 1023, 05

1030. 1020

1026

1034 1025 1030, 65 1026, 566 1031. 1018 1026, 675 1028. 1018, 51024, 2751031. 1012 1023, 7251024, 883

»Je dois faire observer que la quantité moyenne d'urine rendue dans vingt-quatre heures, et pendant tout le temps qu'ont duré ces expériences, par l'individu no 1, était d'environ 45 onces, tandis que pour le n° 2 elle s'élevait à près de 53 onces. Cette différence dans la quantité de chaque jour, est sans doute suffisante pour rendre raison de la légère différence qui existe dans les termes moyens fournis par les mêmes individus pendant cinquante jours. En comparant le terme moyen général de ces deux séries d'expériences et celui de l'urine de midi, on voit que ces

deux termes se correspondent exactement dans les deux cas; ainsi la densité de l'urine de midi, au moins dans les deux cas dont il s'agit, représente exactement le terme moyen de celle qui est cxcrétée aux autres époques de la journée. La coïncidence entre ces nombres est d'autant plus remarquable qu'il y a une différence très-grande entre les densités observées dans ces deux cas aux autres périodes de la journée; celle du no 1, par exemple, est plus élevée le soir et plus basse le matin, tandis que le contraire a lieu pour le n° 2.

> En même temps que je ne livrais aux observations que je viens de rapporter, j'ai fait une série d'expériences tendantes à constater l'action, sur l'urine de l'homme sain, des divers réactifs employés pour découvrir la présence de l'albumine dans les liquides animaux composés. Ce n'est pas ici le lieu de rapporter ces expériences; mais je crois devoir mentionner quelques faits capitaux et quelques-uns des résultats les plus importans. Les moyens de constater l'état de l'urine employés et signalés dans le cours de ces recherches, sont la chaleur, le sublimé corrosif, le ferro-cyanate de potasse aidé de quelques gouttes d'acide acétique, les acides nitrique et muriatique et l'alcohol. Dans la majeure partie des cas, ces divers moyens ont été employés successivement, et je n'ai jamais rencontré un seul cas de la maladie qui nous occupe dans lequel la coagulation produite par la chaleur ne le fût pas également par tous les autres agens indiqués ci-dessus. Cette circonstance, comme on le verra bientôt, est assez importante en raison de l'action que les mêmes réactifs exercent sur l'urine saine. En effet, d'après le résultat de mes observations, je crois devoir recommander, lorsqu'on veut constater la présence de l'albumine dans l'urine suspecte, d'employer, concurremment avec la chaleur, un ou plusieurs des autres moyens, pour se mettre à l'abri de

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toute cause possible d'erreur. Pour cela je préfère le ferro · cyanate de potasse ou les acides nitrique et muriatique au sublimé corrosif. Ce dernier est peut-être le réactif le plus délicat que nous possédions pour découvrir la présence de l'albumine; mais à cause de cela même on doit le rejeter dans les expériences à faire sur de l'urine suspecte, parce que, comme je m'en suis assuré à diverses reprises, il cause très-souvent dans l'urine saine un précipité abondant qui ne diffère en rien de celui qu'il produit dans l'urine provenant d'individus atteints de la maladie des reins que nous avons en vue, et cela surtout lorsqu'on emploie ane solution saturée de co sel.

» Le résultat général, quoique non constamment uniforme, de quatre cent quatre-vingts expériences est que, sur de l'urine saine, la chaleur portée jusqu'au point d'ébullition ne produit aucun effet, tandis que, eu contraire, le sublimé corrosif donne licu à un précipité flocculent plus ou moins copieux, suivant le degré de force de la solution, ou celui de concentration de l'urine. Mais dans un très-grand nombre de cas, dans lesquels le précipité produit par le sublimé était très-abondant et absolument semblable à celui qu'il cause dans de l'urine albumineuse, ou dans de l'urine saine à laquelle on a ajouté un peu de sérum du sang, les autres réactifs ci-dessus mentionnés ne produisent aucun changement quelconque et paraissent absolument sans action. De plus, je me suis assuré que dans aucun cas il n'ont donné de précipité lorsque la chaleur n'en avait pas fourni, lors même que le dépôt produit par le sublimé était des plus abondans. Toutes ces considérations suffisent, ce me semble, pour faire sentir la nécessité d'employer ces moyens supplémentaires d'analyse, et démontrer les avantages qu'ils possèdent, sous ce rapport, sur le sublimé corrosif, malgré sa plus grande sensibilité.

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266-270

» J'ai dit plus haut que ce précipité causé dans l'urine saine par le sublimé corresif, quoique très-fréquent, ne s'est pas présenté uniformément dans toutes les expériences que j'ai faites; j'ajouterai qu'il ne s'est pas constamment présenté dans les essais faits sur l'urine d'un même individu. Dans quelques cas il m'a paru dépendre de légers dérangemens dans la digestion; et chez deux ou trois personnes, on pouvait le reproduire à volonté par l'emploi de certains alimens, tels qu'un pein lourd et mal fermenté, certaines pâtisseries lourdes, et en général les préparations contenant de la farine et de la graisse ou du beurre. Dans ces cas, cependant, l'urine était en même temps coagulable par la chaleur. Il est important de remarquer que la présence de l'albumine dans l'urine de personnes, en très bonne santé d'ailleurs, n'était dans aucun cas accompagnée d'aucune diminution de pesanteur spécifique du liquide, qu'elle était momentanée, et que lorsqu'elle était due à l'usage de certains alimens, elle disparaissait ordinairement au bout de quelques heures. Dans quelques-uns de ces cas où le sublimé corrosif produisait un précipité, la chaleur donnait lieu aussi à un nuage léger, et cet effet était généralement observé lorsque le précipité fourni par le sublimé était le plus

abondant.

» Comme Berzélius a avancé autrefois que la faculté de précipiter par le muriate de mercure (faculté qu'il semble restreindre aux cas de maladie) dépend de l'absence de l'acide acétique libre dans l'urine (1), et que dans son dernier ouvrage (2), il paraít professer encore la même opinion, j'ai dû faire une très-grande attention dans

(1) Wiew of the progress and present state of animal chemistry. Translated. London 1813, p. 101.

(2) Lehrbuch der Chemie, t. IVe 1831.

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tout le cours de mes expériences à l'état d'acidité ou d'alcalinité de l'urine. Lorsque ce liquide était neutre ou alcalin, le sublimé y causait toujours un précipité plus ou moins abondant, suivant les circonstances; mais un grand nombre de cas se sont présentés, dans lesquels l'urine était décidément acide, et malgré cela donnait un précipité flocculent abondant par le même réactif. Ces expériences sembleraient donc prouver que, quoique la neutralité ou l'alcalinité de l'urine favorise la précipitation de l'albumine, la présence d'un acide soit libre, comme Berzélius l'a dit, soit à l'état de sur-sels, suivant l'opinion du docteur Prout, n'empêche pas sa séparation, et d'après mes propres expériences je serais porté à conclure, avec le docteur Bostock (1), que l'absence d'un acide ou la présence d'un alcali, quoique pouvant produire conjointement ou séparément le même effet, ne peuvent pas être considérés comme la cause principale du phénomène.

» Je ne puis traiter ici la question de savoir à quel état l'albumine existe dans l'urine d'où on la peut précipiter par les agens chimiques. La plupart des chimistes modernes s'accordent, je crois, à penser que ce principe existe dans l'urine en quantité extrêmement petite et variable; et comme on ne peut que rarement l'obtenir à l'aide de la chaleur seulement, il est probable qu'il existe sous l'une des deux formes que le docteur Prout nomme albumine naissante et albumine commençant à s'organiser. Je dois dire, à cette occasion, que, dans deux ou trois circonstances dans lesquelles l'urine coagulait fortement par la chaleur, le sublimé corrosif n'a produit aucun changement. Ce cas s'est présenté chez des personnes en bonne santé, aussi bien que chez celles qui étaient atteintes de maladie des reins; il m'a été impossible de saisir aucun rapport entre cette particularité et les circonstances

(1) Bright's medical Reports, p. 78.

principales de chacun de ces cas; d'ailleurs elle était toujours passagère.

» Quant à la cause de la présence de l'albumine dans l'urine, dans la maladie des reins qui nous occupe, je n'ai que peu de choses à en dire. M. Christison a traité la question de savoir si la sécrétion d'albumine remplace celle de l'urée, et il a démontré d'une manière satisfaisante que lorsque l'urine, dans les cas de ce genre, était très-pâle et d'une faible pesanteur spécifique, et que, par conséquent, la proportion de l'urée et des sels était trèspetite, la quantité d'albumine existant dans l'urine était aussi très-faible; tandis qu'au contraire lorsque l'urée se montrait encore en quantité considérable la proportion d'albumine était aussi très-grande (1). Des observations semblables ont été faites dans plusieurs des cas contenus dans ce travail, et M. Bostock a admis, comme résultat général de ses expériences, que la quantité d'albumine dans l'urine, n'est pas en rapport exact avec celle de l'urée en particulier (2). Il semble donc évident que dans ces cas au moins, l'albumine contenue dans l'urine ne remplace pas l'urée; et le fait important constaté par M. Christison, que dans cette maladie le sang contient de l'urée, suffit pour prouver que les élémens constituans continuent à s'unir pour former ce principe immédiat, quoique son élimination par les reins soit suspendue ou totalement empêchée.

» La présence des globules rouges du sang, dans l'urine, dans un certain nombre de cas mentionnés dans ce mémoire, semblerait indiquer clairement que la présence de l'albumine dans ce liquide dépend de la simple transsudation d'une portion de sérum du sang qui n'aurait subi aucune modification dans son passage par les reins, et cela

(1) On dropsy from diseased kidney, Edint. med. and surg, Journ, octobre 1829; et Arch. gén. de Méd., t. XXIV, p. 244 ct 414. (2) Bright, op. cit P. 80.

.

surtout dans les premiers temps de la maladie, époque à laquelle on observe le plus ordinairement les diverses nuances de couleur produites par la présence des globules rouges en plus ou moins grande proportion. Ce qui rend encore plus probable que c'est là au moins une des principales causes de la présence de l'albumine dans l'urine, c'est le fait, observé d'abord par M. Bostock, que lorsque l'urine est coagulable, le sérum du sang a une densité très-faible et que l'albumine n'y existe pas dans sa proportion ordinaire. Suivant Jurin et presque tous les observateurs qui sont venus après lui, la pesanteur spécifique du sérum du sang sain est de 1029,5, terme moyen, ou en nombres ronds, de 103o. Dans dix cas, M. Marcet a obtenu pour moyenne 1029. Moi-même, dans quinze expériences, j'ai trouvé 1030; ce qui correspond exactement au chiffre de Jurin. De plus, j'ai examiné la pesanteur spécifique du sérum du sang dans sept cas de maladie des reins bien caractérisée, dans lesquels l'urine était coagulable, et je l'ai trouvée variable entre 1018,5 et 1025; et en faisant entrer dans le calcul une expérience faite par M. Bostock, deux autres par M. Christison et une autre par M. Babington (1), j'ai trouvé, pour terme moyen de ces onze observations, seulement 1021.et une fraction. Dans tous les cas que j'ai eu occasion d'observer, j'ai toujours trouvé une diminution évidente dans la proportion d'albúmine contenue dans le sérum du sang. Ces faits semblent établir une différence matérielle dans la source de l'albu mine existant dans l'urine, dans cette maladie, et celle de la matière saccharine qui se trouve dans ce liquide, dans le diabètes; maladie que M. Prout regarde comme consistant en une altération de la sécrétion de l'urée (2).

(1) Considerations with respect to the blood. Med, chirurg. Transact. tome XVI, 2. partie, page 313.

(2) Med. chirurg. Transact. Tome VIII, page 541.

On a examiné la pesanteur spécifique du sérum du sang dans un petit nombre de cas de cette singulière maladie, et on a toujours trouvé une moyenne exactement semblable à celle du sérum dans l'état de santé; ce qui suffit pour prouver qu'au moins la densité de ce liquide ne diminue pas dans ces cas. Il y a même quelque raison de croire qu'elle est plutôt un peu augmentée. M. Marcet l'a trouvée, dans un cas, s'élevant à 1035, 4 (1); et j'ai moi-même observé un cas dans laquelle elle était plus grande encore. Ce fait, joint à la différence très-marquée de la pesanteur spécifique de l'urine dans les deux maladies, différence qui montre la grande augmentation de la somme des matières solides excrétées par les reins dans l'une, et la grande diminution des mêmes élémens dans l'autre, semble devoir empêcher tout raisonnement par analogie, dans ces deux cas.

que

Dans quelque circonstance ou, à une période quelconde la maladie des reins qui nous occupe, l'albumine de l'urine peut-elle provenir de quelqu'autre source, ou bien remplace-t-elle, en effet, la secrétion de l'urée? c'est ce qu'il m'est impossible de déterminer pour le présent. M. Prout considère l'urée comme un produit albumineux et comme l'un des deux principes en lesquels cette substance est susceptible d'être décomposée, comme il espère pouvoir le prouver par la suite (2). Je ne puis ici entrer dans aucun développement de cet important sujet; mais je crois pouvoir faire observer que le rapport extraordinaire que M. Prout a trouvé entre la composition élémentaire des principes constituans de l'urine saine et celle des substances que ce liquide contient à l'état de maladie,

(1) Med. chirurg. Transact. 3. édit., t. II, p. 284.

(2) On the application of chemistry to physiology, pathology and practice; Gulstonian lectures. Lond. med. Gazette, 25 juin 1831.

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271-275

me semble jeter une vive lumière sur ce point très-obscur, et venir confirmer d'une manière singulière quelques-unes de ses vues très-ingénieuses. Je joins ici un tableau des analyses élémentaires du sucre, de l'urée, de l'acide lithique et de l'albumine que j'ai extrait de ceux qu'a publiés M. Prout (2).

ÉLÉMENS.

N. IV. Tableau montrant la composition élémentaire de quatre principes les plus importans qui se trouvent dans l'urine à l'état de santé ou de maladie.

SUCRE

....

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Hydrogène 6,66 1,25 6,66 2, 5 2, 22 1, 25 7, 778, 75 Oxygène, 53,33 0,00 26,66 10, 26, 66|15, 26, 66 30, 00 Carbone. 39,99 7,5 19,99 7, 540, 0022, 5 50, 00 56,25 «<< 46,66 17, 531, 1117, 515, 5517, 5

Azote

«<

par atômes

(1) Med. chirurg. Transact. T. VIIII et IX.

TOTAU X.. 100,00 18,75 100,00 37, 5 100,00 56, 25 100,00 112, 5

» On voit, d'après ce tableau, que le poids de l'atôme de sucre est juste la moitié de celui de l'atôme d'urée; que la quantité absolue d'hydrogène dans un poids donné des deux est égale, tandis que les quantités absolues de carbone et d'oxygène dans un poids donné de sucre sont précisément doubles de celles de l'urée.

»De la même manière, le poids de l'atôme d'albumine est juste trois fois celui de l'atôme d'urée; la quantité absolue d'hydrogène est presque, et celle de l'oxygène exactement la même, dans des poids donnés d'albumine et d'urée; la quantité absolue de carbone est juste deux

fois et demie plus grande dans un poids donné d'albumine, que celle que contient l'urée; et enfin, la quantité d'azote, dans un poids donné d'urée est juste trois fois plus grande que dans le même poids d'albumine. En prenant le poids atômique du sucre pour un, celui de l'urée est comme un est à deux, celui de l'acide lithique comme un à trois, et celui de l'albumine comme un à six.

Académie royale de Médecine. (Octobre.)

Séance du 2 octobre.-La séance est occupée toute entière par une discussion sur le rapport de M. Emery, relatif aux préparations mercurielles de M. Olivier. Une indemnité de 6,000 fr. à payer à l'auteur est proposée et adoptée.

Séance du 9 octobre. - REMÈDES SECRETS.-M. Collineau, au nom de la commission, lit une série de cinq rapports sur des remèdes secrets qui sont tous repoussés.

PRÉMATURITÉ.—M, Lebeau, médecin à la Nouvelle-Orléans, adresse à l'Académie une lettre relative à un exemple remarquable de précocité. Une jeune fille est venue au monde avec les seins bien formés, le mont de Vénus et certaines autres parties du corps couverts de poils. Les règles ont paru à trois ans et demi, et depuis se sont montrées régulièrement tous les mois. Cette enfant, qui a maintenant 4 ans, a des seins du volume d'une orange. L'auteur pense qu'elle pourra être mère vers l'âge de huit ans.

VESICATOIRES EXTEMPORANÉS. M. Guéneau de Mussy lit, au nom de M. Larrey, indisposé, un rapport sur un mémoire présenté par M. Pigeaux, relatif à un procédé pour établir des vésicatoires extem poranés. L'auteur propose l'emploi de l'alchool et de ses préparations, qu'on enfiamme sur la peau. Le rapporteur pense que ce moyen est mauvais, qu'il cause de vives douleurs et enflamme violemment le derme, qu'il est difficile à mettre en usage dans la classe du peuple ; et il préfère l'ammoniaque, le fer rouge, un liquide bouillant.

A propos d'un mot de M. Pigeaux sur l'utilité de ce moyen dans la méthode endermique, M. Larrey fait une longue digression dans laquelle il s'élève contre cette méthode qu'il regarde comme inutile et pernicieuse. C'est avec peine que nous avons entendu le rapporteur traiter M. Pigaux, auteur de plusieurs mémoires accueillis avec

faveur dans le public médical, de citoyen dont il ne connaît pas la profession. Les conclusions défavorables du rapport sont combattues par plusieurs membres qui, pour la plupart, défendent la méthode endermique. Le dépôt aux archives et des remerciemens à l'auteur sont votés par l'Académie.

Séance du 16 octobre.—CHOLERA-MORBUS.-M. Levicaire, de Toulon, expose dans une lettre ses idées sur la nature du choléra-morbus et sur les meilleurs moyens de traiter cette maladie. Selon l'auteur, łe choléra résulte de la présence et de l'action de l'acide hydrocyanique qui se développe spontanément dans l'économie animale. Il fonde cette opinion sur plusieurs points: la présence accidentelle de l'acide hydrocyanique a été constatée dans le sang des règles, dans celui qu'exhale la conjonctive enflammée, dans l'urine, dans les sueurs, certaines suppurations, etc. La cyanose est le résultat de la combinaison de cet acide avec le fer du sang; il y a alors formation de bleu de Prusse qui colore la peau des malades. Les fruits qui contiennent de l'acide prassique sont ceux qui disposent le plus à la cholerine et au choléra. Administré aux animaux, cet acide provoque une sécrétion séro - muqueuse des intestins. Il suit de là que puisque l'acide prussique produit le choléra, le meilleur moyen à lui opposer est l'emploi des alcalis et surtout de l'ammoniaque sous toutes les formes, de préférence aux sels aminoniacaux. M. Levicaire avance dans sa lettre que les vidangeurs, qui sont constamment en contact avec des vapeurs ammoniacales, ont été exempts de l'épidé mie. Cette assertion est combattue, comme une erreur de fait, par M. Chevallier.

RUPTURES du périnée. M. Capuron, qui, lors d'une discussion entamée dans le sein de l'Académie, il y a quinze à vingt mois, relativement à la possibilité de l'accouchement à travers une rupture centrale du périnée, avait nié, non la possibilité, mais la réalité du fait, annonce qu'il a reçu il y a quinze jours l'invitation de se rendre à l'Hôtel-Dieu, pour vérifier de ses propres yeux le fait en question sur une nouvelle accouchée. Il a examiné cette femme, accouchée depuis environ cinq semaines, et il n'a trouvé qu'une ouverture en forme de godet infundibuliforme qui, à la vérité, intéresse toute l'épaisseur du périnée, mais qui est beaucoup trop petite pour avoir donné passage à un enfant. M. Deneux cite le témoignage de la sagefemme qui atteste que l'enfant est venu par cette voie. M. Moreau eroit qu'en cinq semaines la déchirure a eu tout le temps de se cicatriser; il pense qu'il y a maintenant dans la science une quarantaine de faits de ce genre. MM. Paul Dubois et Breschet appuient l'opinion de M. Moreau.

M. Bricheteau lit, en son nom et à celui de MM. Bally, Petit et

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Chomel, un rapport sur un mémoire de MM. Miquel, d'Amboise, intitulé: Observations sur une épidémie de diphthérite, suivies de considérations sur cette maladie. Une vive discussion s'engage sur ce rapport; elle est remise à la prochaine séance, vu l'heure avancée.

Séance du 23 octobre.-MONSTRUOsité.—On présente à l'Académie un fœtus très-remarquable en ce que le placenta pénètre dans le crâne par le front, occupe la cavité de la boîte osseuse, et vient faire saillic sous la peau de la région occipitale. De plus, il envoie des prolongemens dans la bouche et jusques entre les lèvres dont la supérieure présente un bec de lièvre. Nous ferons connaître plus en détail ce fait intéressant lors du rapport dont M. Paul Dubois est charge.

Diphthérite. — L'ordre du jour amène la discussion sur le rapport de M. Bricheteau sur le mémoire de M. Miquel. M. Guersent pense que l'on n'a pas assez fait ressortir le mérite des travaux de l'auteur qui habite un pays où la diphtherite est pour ainsi dire endémique, et qu'il a eu naturellement occasion d'observer avec soin. Le but du travail de M. Miquel a été de déterminer la valeur des instillations styptiques dans la trachée-artère après la trachéotomie dans les cas de diphthérite. Dans une de ces circonstances, M. Miquel a pratiqué la trachéotomie sur un enfant avant la venue de M. Bretonneau qui arriva et conseilla en outre l'instillation d'une solution styptique dans la trachée. L'enfant succomba, et l'autopsie fit voir à M. Miquel les anneaux de la trachée coupés en arrière par la canule, des fausses membranes et une pneumonie. L'auteur, d'après ces désordres, s'imagina que l'opération avait été faite par un mauvais precédé et que les instillations n'avaient pas été bien faites. Pour savoir à quoi s'en tenir sur ce point, il a entrepris trois séries d'expériences sur des chats, dont chacune se compose d'une dizaine de faits. La première série est relative à l'instillation d'un liquide alumineux ou d'une solution de nitrate d'argent par l'orifice de la glotte. Pratiquée avec un tube de verre dans lequel était contenu une éponge attachée à une tige de baleine, cette opération a toujours été suivie de la mort des animaux, qui ont offert, lors de l'autopsie, une inflammation des bronches et une pneumonie.

Dans la deuxième série, la tracheotomie a été faite longitudinalement, et on a instillé une certaine quantité d'une solution de nitrate d'argent dans la trachée au moyen d'une éporge. Il s'er est suivi constamment une inflammation des bronches et la mort. Enfiu dans la troisième série d'expériences, M. Miquel a porté goutte à goutte, avec précaution et au moyen d'un chalumeau, une solution de nitrate d'argent par la plaie résultant de l'opération de la trachéotomie pratiquée transversalement. Sur quatre chats qui ont été soumis à cette expérience, aucun n'a succombé. L'auteur en conclut

que chez les animaux à l'état de santé, cette expérience n'est pas dangereuse, et qu'il vaut mieux, dans les cas de maladie, instiller goutte à goutte le liquide avec un chalumeau, après avoir laissé respirer le malade. Il pense que dans l'opération de la trachéotomie, il vaut mieux se passer de canule, à cause des accidens que sa présence peut faire naître. M. Guersent demande que, dans les conclusions du rapport, l'Académie improuve formellement le procédé de la tracheotomie transversale. Cette demande n'a pas de suite.

CHOLERA-MORBUS.-M. Bally donne lecture de fragmens d'un mémoire sur la pathologie du choléra-morbus. Il examine les rapports de cette maladie avec la fièvre jaune, et lui donne le nom de diarrhée, ou mieux encore de collarhée lymphatique.

Académie royale des Sciences.

Séance du 1er octobre. EMPLOI DU LAIT DANS L'ASCITE. M. Legrand adresse un mémoire imprimé de M. Chrestien, de Montpellier, sur l'usage du lait comme médicament et comme aliment, dans le traitement de l'ascite (1). A l'appui des observations de l'auteur, M. Legrand en rapporte deux autres, l'une compliquée d'hydrothorax et l'autre d'hydro-péricarde, dans lesquelles le lait a agi avec beaucoup plus d'efficacité que les diurétiques les plus actifs, et qu'il est parvenu à guérir par l'emploi de ce moyen seul. Il cite encore un cas dans lequel M. Kapeler a réussi à guérir complètement une hydropisie ascite résultant d'une inflammation chronique des intestins.

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LITHOTRIPSIE. -M. Heurteloup met sous les yeux de l'Académie un second mémoire sur le broiement de la pierre dans la vessie par son système de percussion. Il rapporte neuf nouveaux cas de guérison par ce procédé, obtenus sous les yeux des principaux chirurgiens de Londres, MM. Astley Cooper, Brodie, etc., dont les attestations sont jointes à son mémoire.

ILLUSIONS CHEZ LES ALIÉNÉS. M. Esquirol dépose sur le burcau un mémoire relatif à l'isolement des aliénés considéré sous le rapport médico-légal, et donne lecture d'un second écrit intitulé: Des illu sions chez les aliénés. Le but de l'auteur est de distinguer nettement dans ce nouveau travail les hallucinations des illusions. Dans les premières, tout, selon lui, se passe dans le cerveau ; les visionnaires sont des gens qui rêvent tout éveillés et dont l'activité cérébrale est si

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énergique qu'elle donne un corps et de l'actualité aux images que reproduit la mémoire sans l'intervention des sens. Dans les illusions, au contraire, les malades se trompent sur la nature et la cause de leurs sensations actuelles. Les illusions ne sont pas rares dans l'état de santé, mais la raison les détruit bientôt; tandis que chez les aliénés it n'en est pas ainsi. Deux conditions, en effet, sont nécessaires pour la perception d'une sensation : l'intégrité de l'organe qui reçoit l'im pression et l'intégrité de l'instrument qui réagit sur cette impression. Si la sensibilité et l'activité des organes sont troublées, l'impression faite par les objets extérieurs doit être modifiée, et si en même temps le cerveau est malade, il ne peut rectifier l'erreur des sens; de là les illusions. L'attention très-mobile des maniaques ne peut s'arrêter assez longtemps sur les objets extérieurs, et alors la perception est incomplète; les malades perçoivent mal les qualités et les rapports des objets qui les impressionnent; dans la monomanie, au contraire, l'attention est trop concentrée et ne peut se porter successivement sur les objets extérieurs et étrangers aux préocupations ou aux affections qui dominent le malade. En un mot, l'intelligence et les passions concourent avec les sens aux illusions des aliénés; mais c'est des sens que part la provocation. Les hypochondriaques ont des illusions qui naissent des organes internes ; ils s'abusent sur la gravité de leur mal, mais ne déraisonnent pas, à moins qu'il n'y ait complication avec la lypémanie ou mélancolie. M. Esquirola fait, à la Salpétrière, l'ouverture du cadavre d'une femme qui, pendant très-long-temps, avait cru avoir un animal dans l'estomac : elle avait un cancer de cet organc. Une vieille femme très-dévote et monomaniaque s'imaginait avoir dans le ventre tous les personnages de l'ancien et du nouveau testament; elle se figurait quelquefois, lorsque les douleurs qu'elle souffrait s'exaspéraient, qu'on crucifiait dans son ventre Jésus-Christ, et elle disait entendre distinctement les coups de martean. Ouverte après sa mort, on découvrit l'existence d'une péritonite chronique qui avait amené une adhérence très-forte de tous les intestins les uns aux autres et en une seule masse. La même altération existait, quoique moins tranchée, chez une démonomoniaque d'une maigreur extrême, qui croyait avoir dans le ventre plusieurs diables qui la déchiraient et l'excitaient à se détruire. La peau comme tannée était insensible, et M. Esquirol y a enfoncé à plusieurs reprises des épingles sans produire de douleur. Cette femme disait que le diable lui avait ôté la peau et l'avait remplacé par la sienne.

Les irritations et les douleurs des organes de la génération sont pour les aliénés, surtout pour les femmes, des causes fréquentes d'ilJusions. C'est ainsi qu'on peut expliquer l'histoire des incubes : les constrictions douloureuses de la gorge chez les hystériques monoma

niaques sont souvent attribuées par elles aux efforts d'un jaloux qui veut les étrangler. Les douleurs vagues que les aliénés éprouvent quelquefois dans les membres donnent lieu aussi à des illusions. Un étudiant en médecine, dans un accès de manie causé par la présence de vers dans le canal intestinal, ressentait de vives douleurs dans toute la surface du corps et les attribuait à des dards dont on le perçait sans cesse. Tout cessa par l'expulsion des vers.

L'auteur passe ensuite en revue les cas où l'erreur part des sens externes. Le dérangement des fonctions digestives et la perversion du goût, qui s'observent presque toujours au début des maladies mentales, font souvent croire aux malades, qui trouvent mauvais les mets qu'on leur offre, qu'ils ont été empoisonnés ; ce qui contribue beaucoup à leur inspirer de l'aversion pour les gens qui les soignent. Cette illusion cesse lorsque les fonctions digestives sont revenues à leur état naturek. Il est très-important de distinguer ce refus des alimens de celui qui provient d'une idée fixe ;' celle d'un vœu, d'une expiation, etc. Le premier n'a rien d'alarmant; le second, au contraire, est très-difficile à vaincre La sécheresse de la bouche fait croire à beaucoup d'aliénés qu'on mêle de la terre à leurs alimens, ou qu'on leur donne des viandes gâtées, etc., etc. Après un examen très-intéressant des illusions qui naissent des altérations des autres sens, l'auteur termine son mémoire par les conclusions suivantes :

,

1. Les illusions sont le résultat de l'action des extrémités sentantes et de la réaction du centre nerveux ; 2. Les illusions sont provoquées aussi souvent par l'excitation anomale des organes internes que par celle des sens externes ; 3.o Les illusions égarent la raison sur la nature et la cause des impressions actuellement reçues et poussent à des actes plus ou moins déraisonnables; 4.o Le sexe, l'éducation la profession, les habitudes, en modifiant la réaction cérébrale, modifient le caractère des illusions; 5. Les illusions prennent le caractère des idées et celui des passions qui dominent l'aliéné; 6.o Les illusions ne peuvent être confondues avec les hallucinations, puisque dans celles-di le cerveau seul est excité; 7.o Enfin, la raison dissipe les illusions de l'homme sain d'esprit, tandis qu'elle est impuissante pour détruire les illusions des aliénés.

On procède à l'élection d'un candidat à la place vacante au muséum d'histoire naturelle, par la mutation de M. de Blainville. M. Valenciennes obtient la majorité des suffrages.

Séance du 8 octobre. -ENDOSMOSE. — M. Geoffroy Saint Hilaire dépose sur le bureau un mémoire de M. Dutrochet sur le pouvoir d'endosmose considéré comparativement dans quelques liquides organiques. L'auteur s'est servi, pour ses expériences, d'eau albumineuse ot d'eau gélatineuse dont la densité était 1,01. Les moyennes de dix

expériences lui ont montré que le pouvoir d'endosmôse de l'eau gélatineuse est à celui de l'eau albumineuse dans le rapport de 1 à 4. Si l'on compare sous ce rapport des solutions de sucre, de gomme arabique, de gélatine et d'albumine, d'une même pesanteur spécifique, on trouve, pour chacune d'elles, les nombres suivans:

Eau gélatineuse.

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3
5 17.

"

gommée.
sucrée
albumineuse.

II

12 »

« Mes expériences, dit en terminant M. Datrochet, ont prouvé que l'endosmose est une des principales actions vitales dans les végétaux; il est bien probable qu'il en est de même chez les animaux. » Il fonde cette opinion sur ce que, dans ces derniers, la vitalité est extrême dans les organes essentiellement albumineux, tels que le système nerveux, et qu'elle est très-faible dans les organes gélatineux, comme les os les cartilages, les tendons, etc. « Ne se pourrait-il pas, se demande l'auteur, que la différence considérable qui existe dans le pouvoir d'endosmose de la gélatine et de l'albumine fût la source de certains phénomènes physico-vitaux qui résulteraient de l'association organique de ces deux substances? >>

ANATOMIE COMPARÉE DE L'ORGANE DE L'OUIE. M. Duméril fait en son nom et à celui de M. Serres un rapport très-favorable sur trois mémoires présentés par M. Breschet, relatifs à l'anatomie de l'organe de l'ouïe chez les poissons. Le rapport donne une analyse de ces mémoires et fait les plus grands éloges des recherches de l'auteur.

ANÉVRYSMES.-M. Breschet donne lecture d'un extrait de trois mémoires relatifs aux anévrysmes. Le premier traite des anévrysmes vrais et par dilatation des tubes artériels ; le second des anévrysmes mixtes, et le troisième des anévrysmes variqueux.

Quoique les anciens aient parlé des anévrysmes, ce n'est cependant que depuis la découverte de la circulation du sang que nous avons des idées convenables sur cette affection organique: encore les médecins ne sont-ils pas aujourd'hui complètement d'accord relativement à l'existence des anévrysmes vrais ou par simple dilatation des tuniques artérielles. Scarpa soutient que l'anévrysme dépend toujours d'une altération steatomateuse des tuniques, et depuis la publication de son ouvrage, la plupart des pathologistes se sont rangés à cette opinion. D'autres veulent que la dilatation de l'artère n'appartienne qu'à la première période de la maladie, et que la rupture des tuniques du vaisseau en constitue les dernières phases. Cependant M. Breschet a constaté l'existence d'une dilatation des artères qui persiste pendant toute la durée de la maladie, et il a vu que cette dilatation pouvait être rapportée à quatre types principaux selon

fes différences dans la forme de l'expansion du tube artériel. Il distingue ainsi f. l'anévrysme vrai sacciforme; 2.o l'anévrysme vrai fusiforme ; 3.o l'anévrysme vrai cylindroïde; 4.o l'anévrysme vrai en varice ou varicelle. Cette connaissance de l'anévrysme vrai, et de toutes ses formes, n'est pas, dit l'auteur, un fait de simple curiosité; elle se lie directement avec la méthode curative qu'il convient d'employer.

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Dans l'anévrysme sacciforme, le vaisseau offre sur un point de sa circonférence un renflement comparable à un petit sac produit par l'expansion des membranes artérielles. Cet état, considéré dans l'aorte ascendante, pourrait ne paraître que l'exagération de certaines dispositions anatomiques qu'on sait exister à l'orifice de ce tronc artériel ou vers sa courbure sous-sternale. On voit au dessus des valvules sygmoïdes de l'aorte, de même que vers la partie supérieure de la courbure de ce vaisseau, des dépressions on sinus que des pathologistes ont regardés comme le premier degié d'un anévrysme, mais que leur existence constante sur les sujets adultes doit faire considérer comme une disposition anatomique naturelle et régulière.

Les gros troncs artériels, tels que l'aorte ascendante, la crosse et l'aorte descendante, sont spécialement le siége de l'anévrysme sacciforme. Cependant on le rencontre aussi sur les artères carotides, les artères iliaques, et quelquefois même sur les artères des membres. Dans cet anévrysme toutes les membranes sont dilatées simultanément: or, comme les feuillets interne et médian, le dernier surtout, ont une extensibilité très-bornée, il en résulte qu'on ne peut rencontrer d'anévrysmes sacciformes très-volumineux ; en général, la grosseur de ces anévrysmes est comparable à celle d'une aveline ou d'une noix. Cependant on en a vu sur l'aorte qui atteignaient le volume d'un œuf de poule.

Dans l'anévrysme vrai fusiforme, la dilatation a lieu sur toute la circonférence du vaisseau; toutes les membranes y participent. Le nom par lequel il est désigné indique suffisamment la forme qu'il présente. Le calibre de l'artère, après avoir augmenté progressivement pendant une certaine partie du trajet du vaisseau, diminues ensuite d'une manière également insensible jusqu'à revenir au diamètre normal.

L'anévrysme cylindroïde pourrait à la rigueur être considéré comme une variété du fusiforme, car on n'y voit jamais une transition brusque d'un calibre déterminé à un calibre beaucoup plus fort; c'est sans doute pour cette raison qu'il a été presque complètement négligé par les pathologistes; cependant il mérite d'être considéré à part. On trouve en effet des cas où un vaisseau est régulièrement

dilaté dans une longueur d'un ou deux pieds, la forme cylindrique étant dans toute cette étendue parfaitement conservée. Cela s'observe sur les artères des membres, des cavités splanchniques, mais particulièrement du crane. Le vaisseau dans ces anévrysmes prend un calibre quintuple et quelquefois décuple de celui qu'il devrait avoir. L'anévrysme cylindroïde diffère de la varice artérielle en ce que, dans cette dernière affection, en même temps que l'artère est plus ou moins dilatée, elle est flexueuse, et présente quelquefois çà et là de petites tumeurs sacciformes, et les parois du vaisseau sont minces, molles, flasques, affaissées sur elles-mêmes comme les parois des veines, tandis que dans l'autre cas elles sont plutôt épaissies qu'amincies.

Assez ordinairement, lorsque les artères augmentent d'étendue dans l'une de leurs dimensions, elles s'agrandissent aussi dans l'autre. Cependant l'alongement qui accompagne la dilatation dans l'anévrysme cylindroïde ne donne pas encore aux vaisseaux ces flexuosités de la varice artérielle.

Les grosses artères présentent plus rarement que les moyennes ou les petites l'anévrysme cylindroïde. Cependant G. Hunter a trouvé chez une femme l'aorte dilatée depuis sa sortie du cœur jusqu'à son passage entre les tendons du diaphragme. Outre son élargissement, elle était devenue si longue, qu'elle ne pouvait pas descendre en ligne droite le long du rachis, comme dans l'état naturel, mais elle faisait des contours pendant tout son trajet.

L'anévrysme cylindroïde dans les artères du plus petit calibre, les capillaires, par exemple, est un anévrysme par anastomose. Il se rapproche, à certains égards, de ce genre d'altération qui constitue les tumeurs érectiles, lesquelles sont le produit d'un anévrysme par anastomoses veineuses. Elle se distingue de celle-ci en ce que la tumeur qu'elle forme présente des pulsations isochrones à celles du pouls, tandis que l'autre n'offre qu'une turgescence passagère due à l'accumulation du sang veineux dans certains états de la circulation.

Les changemens de couleur, si remarquables dans les tumeurs érectiles, ne se voient point dans celles qui sont dues à un anévrysmc par anastomoses artérielles, et c'est encore là un signe auquel on peut les distinguer l'une de l'autre.

La varice artérielle est une maladie des artères en tout comparable à celle des veines dont elle emprunte le nom. On observe une dilatation du vaisseau dans une partie plus ou moins grande de son étendue, souvent dans toute la longueur du tronc vasculaire et de ses principales branches; outre cette dilatation transversale, il y a un alongement

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 281-320
« Reply #11 on: September 27, 2022, 08:06:24 PM »

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du même vaisseau qui devient flexueux et décrit des circuits plus ou moins nombreux et considérables. Parfois, indépendamment de ces dilatations subites de tout le tube artériel, on voit sur quelques points des nodosités ou de petites tumeurs anévrysmales circonscrites, qui sont des anévrysmes vrais sacciformes et parfois des anévrysmes mixtes.

Le plus souvent les parois sont amincies, molles, elles s'affaissent comme celles des veines variqueuses, tandis que dans l'anévrysme vrai cylindroïde, les parois ont acquis de l'épaisseur, et si on leg divise perpendiculairement à leur axe, la lumière reste béante. L'artère affectée de varice ressemble beaucoup à une veine variqueuse, et l'on pourrait s'y méprendre si l'injection et la dissection jusqu'à un tronc principal ne venaient pas démontrer la nature de l'organe sur le vivant. Au reste, on établit toujours aisément la distinction par les pulsations qu'offrent les artères variqueuses.

Après avoir ainsi fait connaître les diverses espèces d'anévrysmes vrais, l'auteur déduit de ses recherches sur le caractère de cette maladie des règles pour le traitement. Il s'attache à faire voir l'inutilité des opérations chirurgicales dans ce cas, et les avantages qu'on peut se promettre de l'emploi des moyens médicaux.

Dans le second mémoire, consacré aux anévrysmes mixtes, l'auteur s'attache à établir, d'après des observations précises, l'existence de cette maladie, qui consiste dans la destruction de la tunique moyenne, la dilatation en forme de poche et la sortie de la membrane interne à travers l'ouverture du feuillet moyen de l'artère.

Le troisième mémoire contient l'histoire très-développée de l'anévrysme variqueux et de la méthode de traitement qu'il convient d'opposer à cette maladie.

L'anévrysme variqueux, qu'il faut bien se garder de confondre avec la varice artérielle, résulte de la lésion simultanée d'une artère et d'une veine accolées l'une à l'autre, et s'accompagne de l'échange du sang propre à ces deux ordres de vaisseaux à travers l'ouverture qui se trouve à leur point de contact. Du mélange du sang uoir avec le sang rouge dans le tube artériel, résulte peu à peu une dilatation de l'artère, qui prend d'ailleurs tous les caractères d'une veine. Les parties où se distribuent les branches de l'artère dilatée par l'introduction du sang veineux dans sa cavité se trouvant moins excitées, parce que le sang qu'elles reçoivent est en partie du sang veineux, tombent pen à peu dans une stupeur comparable à une paralysie incomplète, tant sous le rapport du mouvement que sous le rapport du sentiment. Enfin on remarque dans ce cas des effets comparables à ceux de la cyanose, résultant du mélange des deux espèces de

sang par suite d'une disposition anormale du cœur. A mesure que cet état de cyanose devient plus manifeste, la torpeur augmente ef le malade finit par perdre entièrement l'usage du membre.

M. Breschet s'attache à faire voir que pour obtenir la guérison dans cette maladie, on ne peut pas se borner à appliquer une ligature au-dessus de l'anévrysme, d'après la méthode de Hunter, mais qu'il est indispensable de comprendre la blessure des vaisseaux entre deux anses de fil. Si en effet on n'embrasse pas l'artère au-dessus et au-dessous de la partie malade, le sang peut revenir par le bout inférieur du vaisseau et reproduire ainsi la maladie. Il faut observer en outre qu'en liant seulement l'artère, on n'interdit l'entrée qu'au sang rouge, tandis qu'on rend l'accès plus facile au sang noir qui circule seul dans le vaisseau, se distribue aux parties et y augmente nécessairement l'état de cyanose et de torpeur.

PHILOSOPHIE médicale. M. Broussais lit un mémoire sur la philosophie de la médecine. (Voyez notre article Variétés ci-après.) Séance du 16 octobre. LITHOTRITIE. M. Leroy, d'Etiolles, présente une observation de lithotritie faite avec succès sur un homme de 79 ans, et qui avait plusieurs pierres dont les débris formaient une masse du volume de 22 pouces cubes. M. Leroy a employé, dans ce cas, l'instrument de M. Jacobson, qu'il a modifié légèrement, et il assure que cet instrument lui a paru très-avantageux dans plusieurs cas dans lesquels il l'a mis en usage.

PATHOGENIE. M.. Double donne lecture d'un mémoire intitulé: De l'influence du système nerveux dans la production et le développement des maladies. L'auteur conclut des faits et des considérations présentés dans son travail : 1.° qu'un grand nombre de maladies aiguës et chroniques consistent exclusivement dès leur début, dans les désordres du système nerveux; 2.o que la plupart des désordres organiques nés de causes internes ont débuté par des désordres fonctionnels du système nerveux ; 3.o que ces désordres du système nerveux, qui préparent et commencent les maladies, se présentent sous trois types primitifs, savoir: les abstractions de la sensibilité, la diminution de la sensibilité, et enfin la surexcitation de la sensibilité; 4.° que le cyanure de potassium et l'extrait d'aconit sont de puissans sédatifs du système nerveux, qui, employés à temps, peuvent prévenir ou arrêter le développement de certaines maladies; 5.° que ces deux substances ne peuvent pas être conseillées indistinctement dans toutes les circonstances de surexcitation de la sensibilité; 6.° que, quant aux surexcitations nerveuses viennent se joindre des surexcitations du système sanguin, le cyanure de potassium mérite la préférence; entin que si cette altération de la sensibilité se complique de tubercules, de dispositions rhumatiques, etc., l'aconit est vraiment spécifique.

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Séance du 22 octobre. - ORTHOPÉDIE. M. Dupuytren, au nom de la commission du prix Monthyon, fait un rapport sur les mémoires envoyés au concours sur la question proposée par l'Académie, en ces termes : « Déterminer par une suite de faits et d'expériences ́authentiques, quels sont les avantages et les inconvéniens des moyens mécaniques et gymnastiques appliqués à la cure des difformités du système osseux. » Le rapporteur déclare que les concurrens ont mal saisi l'ensemble de la question, et que leurs mémoires s'éloignent tellement par la forme et le fonds de ce que l'Académie avait demandé, que la commission est d'avis de remettre la même question au concours pour 1834, eu portant le prix à décerner de 6,000 à 10,000 f. Ces conclusions sont adoptées.

A quatre heures l'Académie se forme en comité secret pour la présentation d'un candidat à la place de Portal, dans la section de médecine. La liste arrêtée porte MM. Double, Broussais et Breschet.

VARIÉTÉS.

Une sorte de concours s'est établi devant l'Académie des Sciences pour la succession à la place de Portal. Les candidats, dans des mémoires où ils ont résumé les travaux de toute leur vie, ou développé quelques points particuliers de la science, ont tour-à-tour exposé leurs titres et montré leur capacité spéciale. C'est M. Broussais, celui de tous dont le nom s'est entouré d'une célébrité plus éclatante, et qui semblait avoir le moins besoin de rappeler ses droits, qui a entraîné ses compétiteurs dans une arène où ils ne s'attendaient pas à paraître. La lutte a été soutenue de bonne grace par plusieurs, et il a été évident qu'elle n'a pas été du goût de tous. Il est, en effet, plus facile de faire valoir à huis-clos des titres peu considérables, que de s'en créer devant un public qui ne partage pas les préjugés, ou qui ne se prête pas aux arrangemens d'une société très-illustre sans doute, mais fort peu compétente en médecine. Aussi les partisans du candidat qui avait le moins de droits et le plus de chances d'arriver par les voies diplomatiques, ont-ils grandement blamé l'Académie d'avoir laissé prendre à cette nomination un cours inusité. Quoi qu'il en soit, après les deux lectures de M. Broussais, après celles de MM. Esquirol et Breschet, M. Double, qu'on avait annoncé comme ne voulant pas se soumettre à ce genre de concours, a été obligé de payer son tribut à l'opinion publique. Cet honorable compétiteur n'a pu décliner plus longtemps

le combat, et est venu présenter le dernier un mémoire ayant pour titre : de l'influence du système nerveux dans la production et le développement des maladies. Après cela, la commission fait la présentation dans l'ordre suivant: MM. Double, Broussais, Breschet. Ainsi se trouve en première ligne le nom le moins scientifique de tous les candidats; ainsi celui de M. Esquirol, auquel se rattachent de grands services rendus à la science, n'est pas même sur la liste ! Espérons que l'Académie, dans le scrutin qu'elle va ouvrir prochainement, se montrera plus éclairée que sa commission (1).

Nous croyons devoir reproduire le mémoire lu par M. Broussais à l'Académie des Sciences, et tel qu'il a été donné par plusieurs Journaux, parce qu'il traite la question la plus générale et la plus intéressante de la médecine, et que l'auteur y a résumé avec le talent qui lui est particulier ses idées sur la philosophie de notre science. Dans quelques erreurs de critique et de faits que tombe M. Broussais par suite de ses préoccupations théoriques, il y a toujours à gagner dans les productions d'un esprit aussi net et aussi vigoureux. Il est fâcheux que le mémoire de M. Double n'ait pas reçu le même genre de publicité; on apprécierait mieux le jugement que portera l'Académie. Mais le Journal qui a le plus soutenu la candidature de M. Double, semble avoir reculé devant cette épreuve dangereuse, et n'a donné qu'une analyse incomplète du travail de ce médecin. Toutefois, à travers les éloges, donnés plutôt aux intentions de l'auteur qu'à son œuvre même, il est facile d'apercevoir les pauvretés d'idées et le vide de doctrines, que de notre temps, quelques personnes veulent bien désigner par le nom de larges, faute de pouvoir les caractériser autrement d'une manière honorable. Nous reviendrons, s'il y a lieu, sur cette lecture, dont on pourra prendre du reste quelqu'idée dans notre compte rendu des séances de l'Académie des Sciences.

(1) La nomination a éte faite lundi dernier. C'est M. Double qui l'a emporté!! Les suffrages des cinquante académiciens ont été ainsi répartis au premier tour de scrutin, M. Double a obtenu 23 voix ; M. Breschet, 16; M. Broussais, 10; M. Esquirol, 1. Au deuxième tour, M. Double, 24; M. Breschet, 22, et M. Broussais, 4. Ballotage entre MM. Double et Breschet; le premier, 26; le second, 24. !!!

On nous a dit que des motifs qui ne touchent point à la science avaient fait généralement repousser M. Broussais. Nous n'aurions rien à répondre si l'Académie avait nommé celui qui, comme savant, avait le plus de titres après M. Broussais.

Mémoire sur la philosophie de la médecine; lu à la séance du 8 octobre de l'Académie des Sciences, par M. Broussais.

Chaque époque a ses idées comme ses mots de prédilection; dans le nôtre les expressions philosophie des sciences jouissent d'une vogue incontestable; Fourcroy avait composé une philosophie chimique; Barthez cherchait à déterminer quelle était la meilleure manière de philosopher en médecine; Pinel nous a laissé une Nosographie philosophique, et, depuis peu, l'une des plus célèbres écoles de Paris possède une chaire de philosophie de l'histoire. Quelle est donc cette philosophie des sciences qui est devenue l'objet du culte de tant de grands hommes? Mais qu'est-elle surtout par rapport à la médecine? Car c'est sous ce point de vue que nous vous proposons d'envisager la question.

Sans proférer les mots de philosophie médicale, Hippocrate, qui voulait que le médecin fût philosophe, l'avait placée dans l'observation de la marche des maladies, d'ailleurs pen modifiée par l'influence de l'art. Galien trouva plus philosophique l'idée de la faire siéger dans les humeurs. Paracelse et les partisans de l'astrologie élevèrent la philosophie médicale jusqu'aux astres; mais bientôt Vanhelmont et Stahl la forcèrent de descendre de nouveau sur la terre pour la fixer au milieu des organes, le premier sous le titre d'archée, le second sous le nom d'âme. Aiusi, voir ees abstractions présider au jeu des organes, leur rapporter les phénomènes de la santé comme ceux des maladies, et leur adresser les remèdes, sans s'occuper des tissus sur lesquels ils étaient déposés, telle était la suprême sagesse de de ces deux sectaires.

Mais cette sagesse ne fut pas celle des anatomistes, et enfin l'immortel Haller prouva qu'il était plus philosophique d'avoir égard à l'irritabilité des tissus qui tombent sous les sens, pour expliquer la santé et les maladies, qu'à des archées sujettes à la colère, ou à des ames trop subtiles, embarrassées par le poids d'une matière qu'elles ne peuvent mouvoir à leur gré.

Avait-il raison ce Haller? Consultons ses disciples ainsi que les partisans de la théorie nerveuse; ils nous diront qu'il est fort peu philosophique de tout rapporter à l'irritabilité, qui n'est bien évidente que dans les fibres musculaires, et que la sagesse par excellence consiste à réduire à l'action des nerfs tous les phénomènes vitaux, quels qu'ils soient, dans la maladie comme dans la santé.

Mais malheureusement l'action nerveuse est peu connue, et bientôt les plus subtils de ces nervosistes, après avoir prouvé que la force vitale réside dans les nerfs, parvinrent à l'en extraire et en firent un

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être à part, semi-intellectuel et semi-matériel, tenant un peu de la matière des âmes et des archées, et qui devint le régulateur de l'économie vivante.

Cette nouvelle philosophie était simple en apparence. Néanmoins on ne tarda guère à la diviser, et il en résulta deux autres philosophies qui se disputèrent l'empire de la science; la force vitale régnant sur tous les tissus et sur toutes les humeurs, sans être circonscrite comme autrefois dans les nerfs,devint la philosophie de Barthez et de l'école de Montpellier. Cette école fit consister la sagesse médicale à concilier l'observation inerte d'Hippocrate avec l'activité turbulente des humoristes, à condition toutefois qu'on parlerait sans cesse de la force vitale, multipliée et diversifiée, suivant le nombre des phénomènes observables: autant de forces, autant de phénomènes, voilà cette sagesse dans son essence.

La seconde philosophie qui résulta des travaux des nervosistes adopta pour élémens la force et la faiblesse, considérées d'une manière abstraite, et devenues synonymes de la sur-excitation et de la sous-excitation, de l'irritabilité áccumulée et de l'irritabilité épuisée..

Telle fut en effet la loi suprême, et par conséquent la philosophie de Brown et de ses nombreux partisans. On vit alors ce qu'on avait déjà vu, car l'homme invente difficilement et rarement; on vit les remèdes adressés aux hypothèses forces vitales, excitation, abexcitation, irritabilité en plus, irritabilité en moins, comme ils avaient été naguère adressés aux archées et à l'âme semi-matérielle, mais toujours, oui toujours, sans qu'on pût se rendre compte de leurs effets sur les organes qui en recevaient l'impression.

Cependant Sydenham avait dit que les maladies devaient être classées pour la commodité de ceux qui étudient la médecine. Sauvages saisit cette idée et la mit à exécution: il compara les maladies, qui ne sont que des modifications d'un corps vivant, aux plantes qui sont elles-mêmes des corps vivans, et la philosophie nosologique vit le jour. On cut des classes, des ordres, des genres, des espèces de maladies, comme on avait des classes, des ordres, des genres, des espèces de plantes. Les symptômes ou les phénomènes qui font qu'un homme est dit malade, furent placés sur la même ligue que les feuilles, les fleurs, les tiges, les racines des végétaux. Symptomata se habenț ad morbos ut folia et fulcra ad plantas (Sauvages): comparaison qui put alors ne pas paraître absurde, qui a conservé de la vogue jusqu'à nos jours, et qui a servi de base à des ouvrages décorés du titre de philosophiques.

Ainsi, Messieurs, voilà la philosophie de la médecine, de cette espèce de sacerdoce sur lequel les profanes ne portent leurs regards qu'en tremblant, la voilà qui consiste à s'exercer sans relâche à éri

ger en êtres réels les modifications d'un corps, à convertir l'abstrait en concret, à décrire une conception de l'esprit, l'ensemble des souffrances d'un être vivant, dans des termes qu'on emploie pour décrire de véritables corps, et personne ne s'aperçoit de l'erreur, et personne ne s'écrie qu'il n'y a nulle comparaison possible entre une douleur et une feuille, entre une convulsion et une tige, entre un accès de rage et une fleur.

Plaignons la condition de l'homme, Messieurs: il n'est que trop porté par son organisation à cette assimilation de l'abstrait au concret. Mais le rôle des penseurs est de dévoiler le piége partout où l'ignorance l'a tendu, partout où l'amour propre et le fanatisme scientifique le protègent.

Les savans, étrangers à notre profession, n'aperçurent point celui de cette aberration de l'esprit, de cette création d'êtres faux que nous avons nommé l'ontologie médicale. Le respect, chez la plupart d'entre eux, un mélange de dégoût et de dédain chez quelques autres, le laissèrent subsister plusieurs années, et cette fois les médecins seuls eurent la gloire de corriger leurs propres erreurs.

On avait dit, on avait fait répéter aux mille bouches de la renommée que la principale tâche du médecin n'était pas de résoudre le problême: Une maladie étant donnée, trouver le remède; on lui avait substitué cet autre problème : Une maladie étant donnée, déterminer la place qu'elle doit occuper dans un cadre nosologique. C'est donc là la philosophie médicale du temps. On supposait, cela va sans dire, que le remède se présenterait de lui-même, lorsque la maladie aurait trouvé sa case dans le cadre nosologique. Mais quelle erreur! Ce cadre ne changeait rien à la manière dont les anciens avaient conçu les maladies; c'etaient leurs entités morbides qu'on avait rangées en ordre ; c'étaient tous les remèdes qu'on avait ajustés. On consacrait ainsi des théories surannées; on faisait la même médecine avec des termes différens; les erreurs de tous les siècles étaient adoptées. Et voilà la philosophie qui a présidé à notre science jusqu'à la fin des deux premiers lustres du dix-neuvième siècle!

Votre sagacité a déjà compris, Messieurs, que jusqu'à ce moment je ne vous ai entretenus que des systèmes qui ont dominé la médecine. En effet, la philosophie médicale ne fut jamais autre chose que le système des auteurs qui eurent l'adresse d'adopter pour enseigne cette expression magique, véritable talisman dont les effets doivent à leur tour être l'objet des méditations du philosophe. Où donc sera la philosophie réelle de l'art de guérir? Existe-t-elle à l'époque où nous voici parvenus? Cherchons là dans les debris de ces systèmes qui avaient si audacieusement usurpé son titre.

Admettons d'abord, comme chose positive, qu'elle n'est point

dans tout ce qui ressemble à ces systèmes erronés ; nous pensons vous Pavoir démontré dans notre précédente lecture.

Serait-elle dans la méthode dite éclectique ? Il y a du bon, disent les éclectiques, dans toutes les doctrines; notre philosophie est de le prendre et de rejeter le mauvais. Voilà ce qu'ils appellent ne pas être exclusif.

Dieu me garde de vous ennuyer par la répétition des argumens qui ont réfuté ces éclectiques! Un petit nombre vous suffira.

Pour distingner le bon du mauvais, dans les doctrines, il ne faut pas seulement une forte intelligence, que, certes, le nom d'éclectique ne saurait donner; il faut le temps, avec les découvertes qu'il amène péniblement à sa suite.

nous

Les observateurs, les expérimentateurs, sont les véritables écleetiques, puisqu'ils passent leur vie à la vérification des faits connus, à leur rectification, et par conséquent à la recherche des faits

nouveaux.

Mais tous n'y procèdent pas avec une habileté pareille; tous n'ont pas le bonheur de tirer de leurs observations des inductions sévères et irrefragables.

Cela posé, je vous le demande, Messieurs, que pent faire l'éclectique oisif au milieu de tous ces observateurs plus ou moins exacts, de tous ces expérimentateurs plus ou moins habiles, de ces logiciens confondus avec des sophistes, gens dévoués à la science, il faut en convenir, mais qui ne sont d'accord que sur un seul point, celui d'accumuler des faits souvent en apparence contradictoires? Que peut faire surtout le jeune néophyte qui entre dans la carrière avec le titre présomptueux d'éclectique? Il faut nécessairement qu'il soit la dupe de plusieurs, puisqu'il n'est le seclateur d'aucun. Il n'y a point d'éclectiques dans les sciences, où là simplicité et le petit nombre de faits qui composent chaque théorème rendent la démonstration facile. Il y en a en physiologie comme en pathologie, comme en philosophie générale, par la raison contraire; cela prouve seulement que ces sciences ne sont pas encore faites.....



Nous avons vu que plusieurs médecins avaient perdu leur temps dans la recherche des causes premières. Il est un autre vice non moins important à signaler, car plusieurs ont su se corriger en partie de celui-là; ils se contentent désormais de quelques lamentations fugitives sur le malheur de ne pouvoir arriver à la connaissance de la nature intime des maladies; c'est peur de chose en comparaison du passé, mais c'est encore trop, et il faudra bien que cela cesse ; mais ce n'est pas là la philosophie médicale que nous trouvons la plus préjudiciable aujourd'hui cherclions donc en quoi elle consiste.

On ne veut admettre, comme élémens de certitude dans la science,

que les faits constatés par le témoignage des sens. Telle est la philosophie d'une secte encore puissante parmi nous.

Mais il y a, comme vous le savez, Messieurs, deux sortes de certitude: : 1.o celle que fournissent les sens sur l'existence des corps et sur leurs attributs extérieurs; 2° celle qu'on obtient par l'induction.

Tout le monde connaît la première : elle se compose, pour le médecin, de la notion du siége des maladies, c'est-à-dire d'un ou de plusieurs organes malades, et des changemens qui s'y opèrent aussi bien que dans le reste de l'organisme; c'est ce que fournit la description des symptômes et la marche des maladies. Cette certitude est complétée par la description des organes malades comparés aux organes sains, en cas de terminaison par la mort.

On est fidèle à cette méthode, et nous sommes riches en histoires de maladies et en descriptions d'organes malades.

Nous le sommes également en maladies artificielles produites chez les animaux par les expérimentatcurs, tant ceux qui exercent la vivisection que ceux qui essayent les poisons et les remèdes actifs sur ces mêmes animaux.

La seconde espèce de certitude provient, avons-nons dit, des indictions que l'on peut tirer des faits bien constatés. Elle n'est pas moins réelle que la première, puisque Fombre d'un corps, le bruit qu'il fait entendre, le fluide qu'il projette ou qu'il réfléchit nous démontrent son existence. Elle est particulièrement connue des mathéma ticiens, des géomètres, des physiciens, des chimistes, des mécaniciens, des agronomes; ils savent quel parti immense on peut en tirer. Personne n'ignore quels résultats en obtenait l'illustre Cuvier pour sa théorie des animaux fossiles. Nous trouverions parmi vous, Messieurs, des physiologistes qui savent en faire jaillir de vives lumières. Mais nous nous faisons une loi de bannir de notre discours des éloges qui pourraient paraître intéressés. Mais, Messieurs, la certitude qui nous occupe est difficile à obtenir en médecine, attendu que les faits y sont multipliés et complexes.

La déduction nous est nécessaire cependant; nous ne pouvons pas plus nous en passer que les savans dont je viens de faire l'énumération; c'est elle scule qui nous conduit au terme de nos travaux, à la détermination des causes des maladies, afin de savoir les écarter: à Ja prévision de l'effet des remèdes, pour être en état de les choisir ; à l'appréciation des atteintes portées aux tissus vivans, afin de pouvoir saisir le moment d'agir et de ne pas tourmenter les malades par des remèdes inutiles.

Nous devons l'avoner, Messieurs, c'est cette seconde espèce de cert titude, qui est la partie faible de la médecine, quoiqu'elle soit sans contredit la plus importante.

Cependant, telle est la philosophie médicale de notre temps, que cette sublime opération de l'intelligence humaine, la déduction, y est moins estimée que la description pure et simple des faits. On semblerait insinuer que nous pouvons nous en passer, ou du moins, on affecte de la supposer liée à la description. Voici ce qui nous autorise à tenir ce langage: on exalte sans mesure, dans les écrits du jour, les avantages de la description, tandis qu'on déprécie l'induction sous les noms de théorie hypothétique, de système à priori, de vaines conjectures.

Écrit-on des observations, on met le comble à ce travers en ne posant point l'indication curative et n'accordant qu'un mot au traitement des maladies, après en avoir détaillé minutieusement les symptômes, comme si le remède, qu'on se contente de nommer, en découlait en quelque sorte forcément.

Si l'on discute, c'est uniquement pour établir, d'après la marche de la maladie et les altérations cadavériques, que cette maladie ne pouvait pas être différente de ce qu'elle a été ; ou que les symptômes n'étaient que les effets d'altérations organiques qui tendaient à se consommer dans les principaux viscères. L'action des causes et celle des modificateurs de l'état morbide sont comptées à-peu-près pour rien, et par un contraste singulier, on s'occupe incessamment de la recherche empirique des spécifiques.

On a raison sans doute; mais les premiers spécifiques ne se trouvent-ils pas dans les modifications opposées à ceux qui ont été les déterminatifs du mal, et dans l'éloignement de ceux qui agiraient dans le même sens que ces causes pendant sa durée ? Pourquoi donc les négliger, surtout à une époque où les immenses progrès de la science nous rendent suspectes presque toutes les théories des anciennes écoles? Pourquoi mépriser aussi l'opinion de ceux qui soutiennent que les maladies les plus générales ont été locales pour la plupart dans leur début, et qu'il eût été possible d'empêcher la dissémination du mal? Pourquoi toujours supposer qu'elles n'ont été que ce qu'elles devaient être, et prendre pour modèles du genre toutes celles qu'on a laissé marcher, en les traitant mal, sans tenir compte de celles dont on a comprimé l'essor?

Cela, dira quelqu'un, peut être contesté. Fort bien ! mais pour s'entendre sur tous ces points, il est indispensable de discuter et d'expérimenter dans le sens des opposans. On s'y refuse fièrement, et l'on continue de fonder les caractères des maladies snr des successions de symptômes qui auraient pu être empêchés, et sur des altérations organiques qu'il eût été possible de prévenir.

Vous serez peut-être surpris, Messieurs, de m'entendre réclamer

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contre l'opération intellectuelle qui se passe dans beaucoup de têtes, par la formation de l'idée complexe de fièvre grave: mais, Messieurs, il le faut bien pénétré de l'intime conviction qu'une foule de malades succombent victimes de la fausse philosophie que je vous signale, et que, par la même cause, d'autres restent souffrans et valétudinaires à la suite de ces affections, que puis-je, que dois-je faire, lorsque je crois pouvoir arracher un grand nombre de mes semblables aux souffrances et à la mort? Vous écrivez, vous professez, vous enseignez la clinique, dira quelqu'un, u'est-ce donc pas assez? Non, Messieurs, ce n'est pas assez; je ne suis lu, entendu, suivi au lit des malades que par la jeunesse ou par des praticiens sans ambition, qui n'aspirent à mieux voir en médecine que pour la mieux pratiquer.

Mais tant que je ne serai pas connu de l'Institut, je ne ferai pas tout le bien que je crois pouvoir faire. Je ne sollicite pas une adhésion sur parole, sur un vain bruit de renommée; je ne veux même pas d'adhésion, je ne demande que d'être entendu et de l'être assez pour me faire comprendre.

La jeunesse est pousse par l'amour de son instruction, par la passion de faire le bien, mais elle est retenue par des intérêts qu'elle doit ménager, car elle a sa fortune à faire. L'éclat des noms, l'autorité des corporations savantes est une autre puissance qui pourrait l'empêcher, non seulement d'agir, mais même d'assister aux expériences qui doivent mettre à ses yeux la vérité dans tout son jour. Voilà pourquoi, Messieurs, j'ai désiré m'expliquer devant vous. Ce devoir rempli, ma conscience sera tranquille, quoi qu'il advienne.

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Quelques amis nous avaient conseillé de traiter devant l'Académie une question pratique. Cette tâche est remplic, Messieurs la plus haute, la plus importante question de pratique vous a été exposés à l'occasion de cette philosophie médicale du jour dont nous avons fait connaître l'esprit, et notre conscience ne nous a pas permis de lui en substituer une autre dans l'état actuel de la science. Nous vous avons déclaré que l'habitude de voir des successions nécessaires, fatales, de symptômes, pendant une période de temps déterminée, dans la plupart des maladies, et notamment dans ce qu'on appelle fièvres graves, typhus, typhoïdes, expressions que l'on a substituées à celles de fièvres putrides et putrides malignes, est une erreur préjudiciable à la société; les preuves de cette vérité sont exposées avec détail dans tous nos ouvrages, et nous pensons que l'un des plus grands services qu'un médecin puisse rendre à l'humanité, est de multiplier le plus possible les preuves que la plupart de ces affections peuvent être arrêtées à différentes époques de leur développemont par une juste application des agens extérieurs qui modifient

les fonctions de nos organes. Il nous serait pénible de supposer que cette question pût encore remuer quelques passions; mais, après tout, en serait-elle par cela moins importante, moins digne d'être portée devant l'Académie des Sciences?

Tranchons le mot si cette question n'était pas telle que nous vous l'avons représentée, si elle n'était point la question vitale de la médecine, si elle n'était qu'une illusion, notre nom ne serait jamais parvenu jusqu'à vous; car, Messieurs, tous nos travaux se réduisent à avoir fixé sur elle l'attention des praticiens, soit en France, soit à l'étranger.

En définitive, notre philosophie médicale consiste à mieux observer qu'on ne le fait généralement l'action des agens extérieurs sur nos organes, et l'influence de ceux-ci les uns sur les autres.

Du Concours de clinique médicale à la Faculté de Médecine.

Si l'on en juge par les lenteurs que l'on met à poser les bases du prochain concours de clinique, la Faculté ne verra pas de sitôt son enseignement complet. Notez qu'entre l'annonce et le commencement du concours, les réglemens prescrivent un intervalle de quatre mois. On se souvient qu'avant les vacances, la Faculté avait longuement délibéré sur cet objet, et avait proposé à l'autorité universitaire un projet qui nous semblait une amélioration sous certains points, mais qui laissait au jury un arbitraire que, dans l'intérêt de l'équité, on peut et on doit lui ôter. ( Voyez notre Numéro de juillet dernier, p. 425.) Le conseil de l'instruction publique n'a pas accueilli dans son entier la proposition faite par la Faculté, et voici, dit-on, ce qu'il a arrêté pour le concours de clinique médicale : les candidats seront jugés d'après les trois élémens suivans, dont le premier est susceptible d'une valeur égale à celle des deux autres ensemble: 1° titres antérieurs ; 2o deux leçons de clinique; 3° thèse composée sur un sujet tiré au sort, et que l'auteur aura à soutenir contre l'argumentation de compétiteurs. Mais le couseil a prescrit un singulier mode pour l'appréciation de ees épreuves. Nous avons dit que les titres antérieurs auraient une valeur double de celle de chaque autre genre d'épreuves : elle devra être exprimée ainsi. Supposés dix candidats: celui qui aura le plus de titres, ou le 10. par ordre ascendant, aura 2 fois 10 points; le 9.*, 18, ainsi de suite jusqu'au dernier qui aura deux points. On évaIuera de la même manière, mais par unité, les places obtenues dans les deux autres épreuves, 10, 9, 8, etc. Les épreuves terminées et calculées d'après ce tarif, le candidat dont la somme de

points sera la plus forte, aura la palme. Avant tout, nous devons louer les intentions du conseil, mais a-t-il atteint le but équitable auquel il a tendu? Evidemment non. En prescrivant pour l'évaluation des antécédens et des épreuves une progression arithmétique déterminée par le nombre des candidats, en la fondant sur un simple numéro d'ordre, on a sûrement eu en vue d'ôter à l'arbitraire une appréciation en général assez difficile à exprimer. Mais serait-il juste que celui qui, par ses titres antérieurs, a une grande supériorité sur ses compétiteurs, n'eut que deux points de plus que celui qui a le plus de titres après lui, quelqu'immense que soit l'intervalle qui le sépare de celui-ci aussi bien que de tous les autres; il en est de même pour l'appréciation des épreuves.

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Quelle que soit la part que l'on fasse aux antécédans (et nous croyons qu'elle doit être fort grande si on veut ôter an concours tous les inconvéniens provenant des chances du hasard), que les antécédans comptent pour moitié ou les deux tiers, il s'agit d'exprimer avec le plus d'exactitude possible la valeur relative des divers candidats. Nous croyons qu'on pourrait y parvenir en procédant de la manière suivante, qui ne s'éloigne de celle qu'a proposée la Faculté que par quelques détails d'exécution, que l'on dit, du reste, avoir été judicieusement prescrits en partie par le conseil de l'instruction publique. Nous désirerions donc que les titres antérieurs, aússi bien que les épreuves, fussent évalués par un nombre de points déterminé dans son maximum, par exemple 120, ou 90 points pour les premiers, et 30 ou 40 pour les autres. En agissant ainsi on aurait des nombres suffisamment élevés pour bien exprimer la valeur relative des uns et des autres, pour en exprimer même les différences les plus légères. Cette méthode a été employée avec le plus grand succès dans certains concours d'hôpitaux. Elle pourrait très-bien être introduite ici.

Mais nous voudrions encore que les titres antérieyrs fussent évalués d'abord, et leur estimation consignée au procès-verbal; qu'à la suite de chaque séance les candidats fussent classés avec ceux qui auraient précédemment subi les mêmes épreuves, et cette classification consignée au procès-verbal; qu'enfin, les épreuves achevées, un rapport motivé fût publié sur tous ces actes et d'après les procès-verbaux sus-mentionnés, avec la nomination du candidat triomphant qui en serait la conclusion définitive et la justification.

En procédant ainsi (et ces propositions auraient dû être faites par les agrégés et les candidats que les concours intéressent), on atténuerait, jusqu'à un certain point, les vices du mode de concours les vices qui président à la nomination des juges, les vices du droit dérisoirement accordé aux candidats d'exclure des juges qui n'ont

"

pas leur confiance; les vices des épreuves et les vices d'un jugement porté sur des titres antérieurs que la plupart des examinateurs ne peuvent point apprécier parce qu'ils ne les connaissent pas assez pour le bien faire. Ce n'est qu'à cette condition que les concours auront tous leurs effets.

BIBLIOGRAPHIE,

Table analytique et raisonnée du Bulletin et du Journal de pharmacie pendant les vingt-deux premières années, de 1809 à 1830, suivie de celle des auteurs et de celle des ouvrages annoncés et analysés dans ces Journaux; par A. E. BAUDRIMONT, docteur en médecine, etc. Paris, 1832, in-8.o, pages 424. Chez Louis Colas, libraire.

Beaucoup de recueils périodiques perdent, sinon de leur importance, au moins de leur utilité par l'absence d'une table générale qui offre un sommaire cxact de tous les faits et de tous les documens que renferment les collections de ce genre. La nécessité s'en fait surtout sentir dans les journaux scientifiques qui, par la nature même du sujet dont ils traitent, contiennent une immensité de détails qui rendent les recherches fort longues et fort difficiles. S'il est inutile d'insister pour faire ressortir cette vérité, c'est particulièrement quand on l'applique à un journal uniquement consacré à la pharmacie et à la chimie. Les recherches nombreuses dont cette dernière science a été l'objet, les découvertes multipliées qu'on y a faites, les révolutions qu'elle a subies dans toutes ses parties depuis le commencement de ce siècle, rendaient indispensable une table qui présentât dans un cadre méthodique l'indication de tous les matériaux accumulés successivement, pendant une période de vingt-deux années, dans le journal de pharmacie. M. le docteur Baudrimont s'est acquitté de cette tâche longue et pénible avec conscience et discernement. Son travail est un exemple d'exactitude; l'ordre qu'il a suivi simplifie et facilite les recherches, et il résulte de son exposition des matières, un sommaire historique à-peu-près complet de chacun des sujets qui sont traités dans ce journal. Tous ceux qui s'intéressent à l'étude des sciences naturelles, applaudiront comme nous au travail que M. le docteur Baudrimont a entrepris. L'aridité d'une pareille composition est grandement rachetée par son utilité incontestable, aussi nous ne doutons pas de l'empressement qu'on mettra à se procurer la table analytique et raisonnée du journal de pharmacie.

ET

OBSERVATIONS.

NOVEMBRE 1852.

Observations sur plusieurs cas de guérisons remarquables; par DANCE.

Quoique les faits isolés n'intéressent la science que comme individualités qui n'entraînent point avec eux de conclusions générales, nous avons cru devoir publier les observations suivantes, en ce qu'elles montreront l'art et la nature luttant avec avantage contre les maladies les plus graves.

re

Obs. I. — Hypertrophie considérable du ventricule gauche du cœur avec engorgement consécutif du foie, ascite et anasarque, chez un jeune sujet qui présentait les symptômes de cette affection depuis dix-huit mois. Traitement antiphlogistique et dérivatif des plus puissans; guérison qui, s'étant manifestée pendant trois ans, peut être considérée comme radicale. - Un corroyeur âgé de 18 ans, d'un tempérament sanguin, d'une conformation régulière, mais peu développé pour son âge, fut reçu à l'Hôtel-Dieu le 15 août 1824 (service de M. Récamier.) Il faisait remonter à dix-huit mois le début de sa maladie, et disait éprouver, depuis cette époque, des palpitations violentes, des étouffemens qui augmentaient par le moindre exercice ; il ne pouvait monter

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296-300

un escalier sans être obligé de s'arrêter presque à chaque marche (ce sont ses propres expressions ). Plus tard une enflure démateuse se manifesta aux extrémités inférieures; d'abord légère et plus manifeste le soir que le matin, cette enflure gagna successivement les jambes, les cuisses et le scrotum. Plusieurs émissions sanguines, tant locales que générales, furent alors pratiquées avec quelque soulagement, mais, dans les derniers temps, les accidens avaient redoublé; le malade était dans l'état suivant lors de son entrée : infiltration sércuse répandue dans toute l'habitude extérieure du corps, à l'exception des membres supérieurs; face bouffie, paupières œdémateuses, joues saillantes, arrondies et de couleur rougefoncé; lèvres grosses et presque livides; membres inférieurs volumineux, infiltrés, mais rénitens au toucher, et conservant faiblement l'impression du doigt; ventre empâté dans ses légumens et rempli d'un liquide dont on percevait facilement la fluctuation, présentant en outre vers l'hypochondre droit une tumeur dure et convexe qui dépassait la base de la poitrine de quatre pouces environ, et se terminait au voisinage de l'ombilic par un rebord tranchant. Cette tumeur, évidemment formée par le foie, comprenait tout l'hypochondre et une partie de la région épigastrique. D'un autre côté : sentiment continuel d'angoisse et de suffocation qui force le malade à se tenir dans uue position assise; respiration courte et haletante; râle bruyant dans toute l'étendue de la poitrine; toux avec expectoration muqueuse peu abondante; pouls égal, régulier, mais contrastant par sa petitesse avec l'énergie des battemens du cœur. Ceux-ci, explorés entre la cinquième et la sixième côtes, donnent une impulsion brusque, sourde, et assez forte pour ébranler chaque fois le tronc du malade et repousser vivement la tête de l'ob

servateur.

L'ensemble de ces phénomènes constatés en pleine clinique par M. Récamier et par tous les assistans, ne laissa aucun doute sur l'existence d'une hypertrophie considérable du ventricule gauche du cœur, avec engorgement consécutif du foie. (Saignée du bras, 15 sangsues avec ventouses sur la région précordiale, tisane de chiendent et de réglisse, looch avec teinture éthérée de digitale, j.) La saignéa fut abondante (4 palettes ) ; les sangsues fournirent un écoulement de sang qui, à l'aide des ventouses, se prolongea pendant vingt-quatre heures. Le lendemain le malade se disait faible; toutefois il avait reposé d'un bon sommeil pendant une heure, ce qui ne lui était point arrivé de long temps; il éprouvait moins de palpitations et de suffocation, et, à tout prendre, sa position était moins alarmante que la veille, (15 nouvelles sangsues avec ventouses sur la région précordiale, écoulement de sang très abondant encore.) Le 3. jour, amendement marqué, position horizontale supportable, diminution dans la force des battemens du cœur et l'adématie des membres inférieurs. (25 sangsaes sur la région précordiale renouvellées le lendemain à cause de l'influence avantageuse des précédentes. ) Le 5. jour, plus de palpitations, plus d'ébranlement du tronc à chaque impulsion du cœur, plus de bouffissure à la face. (Cautère pratiqué avec cinq grains de potasse caustique sur la région précordiale.) Le 6. jour, amélioration croissante, l'enflure des membres abdominaux disparaît, le volume du foie diminue, le ventre s'affaisse et donne à peine la sensation de la fluctuation; l'auscultation fournit également les résultats les plus favorables; l'impulsion du cœur s'approche de l'état naturel; toutefois le pouls reste petit et tendu. Le 7. jour, incision cruciale de l'escarre produite par l'application de la potasse; trois grains du même caustique sont placés à l'in

e

tersection des deux incisions, afin d'augmenter la profondeur de la plaic. Les jours suivans, le foie rentre complètement dans l'hypochondre droit; le malade se trouve tellement bien qu'il quitte le lit, et se promène pendant une partie de la journée; on lui accorde quelques alimens. Au bout de six semaines, il a désiré sortir de l'hôpital, se sentant capable de reprendre ses occupations. A cette époque l'infiltration séreuse n'existait plus; la tumeur formée par le foie n'était plus sensible au toucher; les battemens du cœur avaient une impulsion naturelle; le pouls seul donnait quelques craintes de récidive, en ce qu'il conservait une certaine vibrance et une petitesse peu ordinaire. Il est à observer du reste que pendant tout le temps du séjour du malade à l'hôpital, le cautère placé sur la région précordiale, dont le diamètre était d'un pouce, a été entretenu avec cinq pois introduits dans sa profondeur.

Telle était l'observation que nous avions recueillie en 1824, observation qui a été exposée sommairement dans notre dissertation pour le concours de l'agrégation (1), conservent alors des doutes sur cette guérison trop rapide pour paraître irrévocablement terminée; mais depuis cette époque nous avons acquis la certitude qu'elle était complète. Au bout de trois ans, le 30 juillet 1827, nous avons eu occasion de revoir le même malade et de l'observer pendant plusieurs mois : il était employé à l'Hôtel-Dieu en qualité d'infirmier. Il nous a rapporté que depuis sa sortie de l'hôpital, il n'avait éprouvé ni palpitations, ni oppression, ni enflure aux extrémités, quoiqu'il se livrât chaque jour à un travail assez fatigant; son teint était celui de la santé; sa taille avait pris du deve

.

(1) De has questione: Confert-ne anevrysmati cordis activo antiphlogistica medicatio? confert-ne passivo? 1826.

loppement, ses muscles étaient fermes et bien nourris. Le stéthoscope appliqué sur la région du cœur ne faisait apprécier aucune impulsion contre-nature de la part de ce viscère; le son produit par la contraction des ventricules était plutôt éclatant que sourd; le pouls était bien distinct et tout à-fait naturel; en un mot, ce jeune homme jouissait de la meilleure santé; il avait entretenu le cautère pendant deux mois après sa sortie de l'hôpital, ainsi qu'on le lui avait conseillé ; on voyait à la place de cet exutoire les traces d'une cicatrice profonde.

L'exposé des symptômes ne laisse aucun doute sur la nature de la maladie dont il vient d'être question. Cette maladie ne consistait point en de simples palpitations nerveuses qui plus d'une fois en ont imposé, chez de jeunes sujets du sexe féminin en particulier, pour une affection organique du cœur ; elle consistait dans une hypertrophie considérable de cet organe, hypertrophie qui a décélé sa présence par des phénomènes non équivoques puisés à-la-fois dans les données de l'auscultation et dans les troubles de la circulation. Déjà, par suite de ces troubles, le tissu cellulaire et les principales membranes séreuses étaient devenus le siège d'une stagnation lymphatique presque générale; des effets analogues s'étaient fait sentir dans les poumons et surtout dans le foie dont le parenchyme avait augmenté prodigieusement de volume. Ces accidens semblaient menacer très-prochainement l'existence du malade, lorsqu'un traitement antiphlogistique et dérivatif habilement combiné (1) est venu le retirer non seulement des portes du tombeau, mais encore détruire le mal jusques dans ses racines. Pendant

(1) Nous rappelons que c'est à M. Récamier qu'est due la direction de ce traitement, et son heureuse réussite. Des faits de cette nature méritent bien qu'on cite le nom de leur auteur.

quatre jours, émissions sanguines réitérées qui produisent un écoulement de sang presque continuel. Dès le premier jour, le succès de cette médication devient apparent; aux 2. et 3. jours, la force des battemens du cœur diminue et avec elle l'infiltration séreuse. Bientôt, la circulation n'étant plus entravée, le foie est revenu à son volume naturel, et l'absorption a fini de débarrasser les aréoles cellulaires des fluides qui les surchargeaient. C'est alors qu'un cautère profond a été appliqué sur la région précordiale, dérivatif puissant qui a soutenu et confirmé les effets avantageux des émissions sanguines. Cette guérison, ne s'étant point démentie pendant le laps de trois ans, nous paraît devoir être considérée comme radicale.

Il est toutefois quelques circonstances, malheureusement trop rares dans les maladies du cœur, qui semblent avoir favorisé cette guérison; en les faisant connaître, nous aiderons le praticien à discerner les cas où une pareille médication est applicable et peut être entreprise avec espoir de succès. Et d'abord il s'agissait d'une hypertrophie sans complication d'ossifications aux valvules ou d'obstacles mécaniques aux orifices du cœur, état le plus simple parmi toutes les affections de ce viscère auxquelles on a donné improprement le nom d'anévrysme, et par conséquent le plus susceptible de disparaître sous l'influence des moyens de l'art. En second lieu, cette hypertrophie attaquait un jeune sujet dont l'accroissement semblait en retard ou n'était point encore terminé ; de façon qu'il est permis de penser que, par la suite, la nutrition s'étant répartie d'une manière plus uniforme, a fait disparaître le défaut d'équilibre qui résultait de la prédominance du cœur sur les autres viscères. L'hypertrophie n'est en effet qu'un état relatif de maladie, état assez indifférent même pour la santé lorsqu'il n'affecte

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point des organes essentiels à la vie (les muscles extérieurs, par exemple), mais qui, dans le cœur, trouble l'harmonie d'action et de force, change quelquefois les rapports naturels de capacité qui doivent exister entre le principal agent de la circulation et les autres réservoirs sanguius. Or, l'on conçoit que cet état puisse cesser de deux manières, soit par le retour de l'organe prédominant à son volume et à son action dynamique naturels, soit par le développement excédant de ceux avec lesquels il est en relation, jusques dans des proportions voulues pour le libre exercice de leurs fonctions respectives. Ce double effet curatif nous paraît avoir lieu dans le fait qui vient d'être exposé; l'un a été le résultat de l'art, l'autre de la nature; heureuse alliance lorsqu'elle concourt ainsi au même but. Quoi qu'il en soit, une dernière remarque thérapeutique qui ressort de l'observation précédente c'est que le traitement local des anévrysmes hypertrophiques du cœur a plus d'efficacité qu'on ne le ne le pense généralement. C'est en effet moins à la saignée qu'aux sangsues nombreuses et au vaste cautère appliqués sur la région précordiale, que nous attribuons le succès de cette médication. Ce fait nous semble mériter quelque importance, et doit engager les praticiens à ne pas négliger l'emploi topique de ces moyens en pareille circonstance ; et lors inême que la maladie serait incurable, nombre de fois nous avons vu les palpitations, les étouffemens avec menaces de suffocation et autres douleurs propres aux anévrysmes du cœur, être calmés d'une manière plus prompte et plus durable par les évacuations sanguines locales que par la saiguée générale, surtout lorsque le sujet est parvenu à cet état de diathèse séreuse qui ne permet pas de grandes déperditions de sang.

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Obs. II. - Paraplégie survenue sans cause connue, remontant jusqu'aux membres supérieurs, guérie

par l'application de deux moxas au bas de la région cervicale. - Un maçon, âgé de vingt-un ans, fort et bien constitué, fut reçu à l'Hôtel-Dieu le 5 octobre 1830, se disant malade depuis quinze jours. Il s'était fait une petite blessure à l'extrémité du doigt auriculaire de la main gauche, en soulevant une pierre, et avait été pris le lendemain de courbature et d'un malaise général accompagné de fièvre; puis était survenu à la peau une petite éruption de boutons pustuleux dont il ne reste actuellement aucune trace. Au bout de huit jours, d'autres accidens plus graves, et dont on n'entrevoit pas la liaison avec les précédens, s'étaient manifestés; les membres inférieurs, après quelques engourdissemens, étaient tombés rapidement dans un état de paralysie complète, laquelle avait gagné successivement une grande partie du tronc. Cette paralysie avait commencé par le membre inférieur droit avant de s'étendre au gauche; elle intéressait le sentiment comme le mouvement, à tel point que les plus forts pincemens de la peau n'étaient point sentis par le malade. Les membres n'étaient d'ailleurs le siège d'aucune douleur, d'aucune rigidité, d'aucun mouvement convulsif; soulevés, ils retombaient comme des masses inertes. La même perte de sensibilité s'étendait à toute la peau de l'abdomen. En outre, distension de la vessie par de l'urine qu'on est obligé d'extraire à l'aide du cathélérisme; suppression des évacuations stercorales depuis six jours; respiration ne s'exécutant en grande partie que par le moyen du diaphragme; d'où résulte un soulèvement marqué de l'abdomen à chaque inspiration, tandis que les côtes restent immobiles; efforts de toux impossibles; toutefois la parole est nette, la voix assez forte, l'intelligence parfaitement saine. De plus, les membres supérieurs eux-mêmes commencent à participer à la paralysie mais à un degré inégal; le droit est plus faible que

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le gauche, et l'un et l'autre ne peuvent être soulevés qu'incomplètement. D'ailleurs, le pouls est petit, faible, plutôt rare que fréquent; la peau légèrement froide et marbrée; l'expression de la face assez naturelle; l'appétit persiste à un certain degré, mais le sommeil est incomplet. Quant aux causes de ces affections, les rensei gnemens fournis par le malade n'en indiquent aucune; point de chute, de contusion, d'efforts violens ou de refroidissement brusque qui auraient porté leur action sur le rachis; point de maladie psorique, syphilitique ou rhumatismale antécédente; point d'hémorrhoïdes supprimées. Il n'y a même point de douleur le long de la colonne vertébrale; le malade n'y en a a point éprouvé ni avant ni depuis l'existence de la paralysie; les mouvemens imprimés au tronc, la percussion exercée successivement le long des apophyses épineuses, l'application d'une éponge imbibée d'eau chaude dans la même direction) moyen indiqué par Copeland pour reconnaître le point affecté, ne donnent également lieu à aucune douleur. (Bains sulfureux, calomel gr. ij, lavement purgatif, tisane d'arnica, potages.)

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Ce traitement est continué pendant plusieurs jours sans produire aucun effet avantageux; la paralysie reste au même degré, présentant les mêmes caractères d'absence de toute roideur et de toute douleur; la respiration devient même plus laborieuse par le défaut de toute participation à cet acte de la part des muscles pectoraux ; parfois le malade se plaint de suffoquer; son pouls continue à être faible, petit et rare; la peau reste froide, les urines coulent involontairement et par regorgement, les selles n'ont lieu qu'à l'aide de lavemens; enfin des excoriations douloureuses et même des escarres se développent en divers points sur les endroits où repose le corps du malade. Le 15 octobre, on applique deux moxas en

arrière et au bas de la région cervicale, cn continuant l'usage des bains sulfureux. Le 17, faibles traces de scnsibilité aux membres inférieurs, surtout au gauche; même état du pouls, toujours incontinence d'urine. Le 23, le retour de la sensibilité est plus prononcé, mais aucun mouvement n'est encore possible, les urines coulent un peu moins involontairement. Le 6 novembre, quelques mouvemens apparaissent dans les muscles des membres inférieurs, mais insuffisans encore pour déplacer ces membres; la sensibilité de toutes les parties est revenue à son degré naturel, les urines ne sont rendues involontairement que pendant la nuit; le soulèvement du thorax indique que les muscles de cette région commencent à participer à l'acte respiratoire. (Les plaies résultant des moxas sont entretenues à l'aide de plusieurs pois.) Le 14, le mieux continue: aujourd'hui le malade soulève, fléchit et étend les deux jambes comme en santé, mais il ne peut encore sortir du lit et se tenir debout; les excoriations commencent à se cicatriser. A la fin du mois cette amélioration avait fait de nouveaux progrès. Le 6 décembre le malade pouvait se promener dans la salle, soutenu par un bâton. Enfin le 28 il a quitté l'hôpital complètement guéri; il se sentait capable, disait-il, de faire plusieurs lieues à pied tant le retour de ses forces était complet; on lui a conseillé d'entretenir ses cautères pendant quelque temps encore.

Le siège de cette affection n'est point douteux, si l'on en juge par les phénomènes qui tous dénotaient une lésion profonde de la moelle épinière; car, à l'exception du diaphragme, tous les organes soumis à l'influence de ce cordon nerveux étaient atteints d'une paralysie complète. Le cœur lui-même semblait participer à cet état par la faiblesse et la rareté de ses battemens; ce qui d'ailleurs tend à confirmer les résultats des belles expériences faites

le gauche, et l'un et l'autre ne peuvent être soulevés qu'incomplètement. D'ailleurs, le pouls est petit, faible, plutôt rare que fréquent; la peau légèrement froide et marbrée; l'expression de la face assez naturelle; l'appétit persiste à un certain degré, mais le sommeil est incomplet. Quant aux causes de ces affections, les renseignemens fournis par le malade n'en indiquent aucune; point de chute, de contusion, d'efforts violens ou de refroidissement brusque qui auraient porté leur action sur le rachis; point de maladie psorique, syphilitique ou rhumatismale antécédente; point d'hémorrhoïdes supprimées. Il n'y a même point de douleur le long de la colonne vertébrale; le malade n'y en a a point éprouvé ni avant ni depuis l'existence de la paralysie; les mouvemens imprimés au tronc, la percussion exercée successivement le long des apophyses épineuses, l'application d'une éponge imbibée d'eau chaude dans la même direction) moyen indiqué par Copeland pour reconnaître le point affecté, ne donnent également lieu à aucune douleur. (Bains sulfureux, calomel gr. ij, lavement purgatif, tisane d'arnica, potages.)

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Ce traitement est continué pendant plusieurs jours sans produire aucun effet avantageux; la paralysie reste au même degré, présentant les mêmes caractères d'absence de toute roideur et de toute douleur; la respiration devient même plus laborieuse par le défaut de toute participation à cet acte de la part des muscles pectoraux ; parfois le malade se plaint de suffoquer; son pouls continue à être faible, petit et rare; la peau reste froide, les urines coulent involontairement et par regorgement, les selles n'ont lieu qu'à l'aide de lavemens; enfin des excoriations douloureuses et même des escarres se développent en divers points sur les endroits où repose le corps du malade. Le 15 octobre, on applique deux moxas en

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la dernière s'était terminée par une fausse-couche au troisième mois environ de la gestation. Dans cette faussecouche, la sortie du placenta se fit attendre pendant plusieurs jours, elle n'eut lieu qu'après des pertes assez abondantes et des contractions fort douloureuses de la part de la matrice. Depuis cette époque M.me S. resta sujette à un sentiment continuel de malaise dans le basventre, malaise qui se faisait sentir principalement aux approches des règles et après l'exercice de la marche; il s'y joignit un écoulement leucorrhoïque plus abondant et plus épais que de coutume, (or, M.mc S... était sujette à de pareils écoulemens presque dès son enfance). Enfin, après une année d'une santé chancelante, elle tomba décidément malade, et nous fûmes appelés auprès d'elle en septembre 1828. Elle se plaignait alors d'une chaleur incommode dans le bas-ventre, d'un sentiment de poids habituel sur le siége, d'une douleur sourde, qui du bassin se propageait jusqu'aux aînes et augmentait aussitôt que M.me S... se livrait à quelque exercice, ou même par la seule position verticale. Aussi était-elle forcée de se tenir habituellement en repos, assise ou couchée ; si elle marchait, c'était avec lenteur et précaution, n'appuyant sur le sol que la pointe des pieds, et évitant soigneusement toutes les rencontres qui auraient pu déterminer quelque secousse dans le tronc. Lorsqu'elle était obligée d'accélérer ses pas, elle fléchissait légèrement le corps en avant, et soutenait le bas-ventre des deux mains, afin d'éviter tout ébranlement dans cette région. Elle souffrait toujours davantage lorsqu'elle redressait complètement le tronc, de même que lorsqu'on exerçait une certaine pression sur l'hypogastre. En outre, l'écoulement vaginal était devenu tellement abondant qu'il suffisait pour maculer complètement une serviette dans l'espace de 24 heures; cet écoulement était épais, visqueux, jaunâtre, mais sans

odeur bien marquée et sans mélange de sang. D'ailleurs tous ces accidens augmentaient, comme il a été dis, aux approches des règles, lesquelles n'avaient point cessé de paraître à leur époque accoutumée, mais étaient difficiles et peu abondantes. Il n'y avait point, du reste, de fièvre proprement dite; parfois seulement on observait, sur le soir, une certaine moiteur avec accélération du pouls ; l'appétit était habituellement nul; les alimens n'étaient pris qu'avec indifférence, et leur ingestion déterminait fréquemment de certaines remontées douloureuses (pour nous servir des expressions de la malade) qui s'étendaient de l'hypogastre à l'épigastre, où elles produisaient quelquefois un sentiment de nausée fort incommode. D'ailleurs les urines étaient rendues librement; les selles très-rares; les forces générales beaucoup diminuées; déjà une certaine maigreur avec flaccidité se faisait remarquer dans les chairs, et le teint avait pris une nuance pâle légèrement jaunâtre.

Tous ces symptômes, joints aux anamnestiques dont il a été question, suffisaient pour annoncer une inflammation chronique de l'utérus; mais, pour plus de certitude, nous jugeâmes convenable d'explorer le col de cet organe à l'aide du speculum, et nous trouvâmes; 1.° le vagin baigné par ces matières mucoso-purulentes dont nous avons parlé; 2.° les lèvres du museau de tanche, écartées l'une de l'autre, de façon que l'antérieure, retroussée en avant, permettait de voir, en quelque sorte, l'entrée de la matrice; 3. ces deux lèvres boursouflées, d'une rougeur cramoisie, et comme excoriées par la présence de la matière purulente que l'on voyait s'échapper de l'orifice utérin; 4.° la surface de ces mêmes lèvres garnie de petites aspérités ou granulations dures, blanchâtres, trèsvisibles à l'œil, mais encore plus manifestes au toucher; 5.° d'ailleurs le moindre contact, le moindre soulèvement

exercé de bas en haut, tant sur le col que sur le corps de la matrice, étaient l'occasion de douleurs plus vives.

Cet examen, répété plusieurs fois, ne laissa aucun doute sur la nature du mal et sur sa gravité; car la présence de ces granulations blanchâtres sur le col utérin, nous fit redouter une dégénération cancéreuse prochaine de cette partie; toutefois il s'agissait de calmer l'inflammation qui ne pouvait qu'accélérer cette fâcheuse termi naison.

Voici, pour abréger les détails, l'exposé sommaire des divers moyens qui ont été employés et suivis constamment pendant le cours de cette affection qui a duré trois

ans entiers.

1. Au début, application de 60 à 80 sangsues, par dix et douze chaque fois, à la partie interne et supérieure des cuisses; émissions sanguines dont la malade a toujours retiré de l'avantage et que l'état des forces n'a pas permis de pousser plus loin. 2.o Plus tard, application de deux larges cautères au bas des reins; exutoires qui ont été entretenus pendant les trois ans qu'a duré la maladie. 3.o En même temps, application de cataplasmes émolliens nuit et jour sur l'hypogastre. 4.° Bains de siége rendus émolliens avec la décoction concentrée de racine de guimauve, deux par jour, pendant la première année; puis un tous les deux jours pendant la seconde année; enfin, un tous les quatre à cinq jours. Ces derniers, qui ont terminé la guérison, étaient rendus alcalins par l'addition de 3j de sous-carbonate de potasse; des frictions sèches étaient ensuite pratiquées sur la peau. 5. Pendant tout ce temps encore, injections émollientes deux fois par jour dans le vagin; et sur la fin douches alcalines dirigées dans la même partie, à l'aide d'un tube en arrosoir qui recevait le liquide de cinq pieds de hauteur. 6.° De plus, repos horizontal absolu pendant la première année; éloigne

ment de toute approche conjugale; voyage à la campagne pendant la belle saison, les deux dernières années et sans discontinuer l'emploi des moyens précédens. 7.° D'ailleurs, régime léger, composé exclusivement de lait, potages aux fécules, œufs et végétaux herbacés.

La première année s'est passée sans que nous ayons obtenu d'autre soulagement qu'une diminution dans le malaise et les douleurs dont le bas-ventre était le siège; d'ailleurs, aucun changement favorable dans l'état du col utérin, qui nous semblait même se déformer davantage et tendre au ramollissement. Sans la constance de la malade qui désirait s'astreindre invariablement à nos conseils, nous l'eussions abandonné, dans la persuasion où nous étions que le mal ne pouvait qu'empirer. Par fois, l'écoulement était strié de sang, mais à la seconde année cet écoulement a diminué de moitié, en changeant de nature; il est devenu séreux plutôt que phlegmoneux; la pesanteur habituelle dans le bas-ventre a cessé; les mouvemens du tronc n'ont plus retenti douloureusement dans cette région; enfin, le col utérin, en perdant de sa rougeur et de son gonflement, s'est montré moins sensible au toucher. Cette amélioration s'est amplement décidée à la suite da premier voyage à la campagne, d'où la malade a rapporté un teint frais et coloré avec un certain embonpoint. Sur la fin de cette seconde année, la malade commençait à reprendre ses habitudes ordinaires, elle se levait, sortait et se promenait même assez longtemps sans éprouver le moindre malaise dans le bas-ventre. La troisième année a complètement achevé sa guérison. Actuellement, M.me S.***, jouit de la meilleure santé; il n'y a plus, par le vagin, qu'un léger suintement blanchâtre ; néanmoins, le col utérin est resté dans son état de déformation; mais les lèvres du museau de tanche ne sont plus rouges, ni tuméfiées, ni sensibles au toucher; on n'y ap

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perçoit et on n'y sent plus de granulations; leur consistance est naturelle; enfin, la menstruation est facile, régulière, l'appétit naturel; le coït a lieu sans douleur.

Nous avons résumé cette observationà grands traits, afin d'épargner au lecteur l'ennui des longs détails; peut-être en résultera-ilmoins de confiance dans notre récit et de certitude dans la nature de la maladie que nous avons caractérisée d'inflammation chronique de l'utérus (de son col en particulier), avec tendance prochaine à la désorganisation cancéreuse. Telle était, cependant, notre conviction; ensorte que nous regardons ce fait comme des plus intéressans et des plus propres à montrer l'influence de l'art dans des maladies en quelque sorte désespérées. Il n'y a eu cependant rien de spécial dans les moyens employés pour combattre cette affection, quoiqu'ils aient été assez nombreux; les émissions sanguines, les bains, les cataplasmes, le repos, sont tous les jours mis en usage en pareille circonstance; aussi n'est-ce point sous le rapport de la nature de ces moyens, mais sous celui de la continuité prolongée de leur emploi et du concours de toutes les circonstances favorables, que nous appellons ici l'attention du lecteur.

Trois ans d'un traitement suivi avec constance et régularité est une chose bien rare parmi les malades, et, à laquelle, il fant le dire, la patience du médecin ne suffit pas toujours, surtout lorsqu'il ne voit point ses premiers efforts couronnés de succès. Que serait-il advenu, cependant, si la malade, négligeant tout conseil, eût été abandonnée à elle-même? Elle serait morte infailliblement, victime d'une maladie à laquelle tant d'autres de ses semblables finissent par succomber, avec autant et quelquefois plus de chances de guérison. C'est, en effet, à des inflammations chroniques de l'utérus, négligées pendant longtemps, exaspérées même par l'inconduite et le mau

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vais régime, que succède le plus souvent la désorganisation cancéreuse de cet organe. Cette désorganisation est même, il faut enfin le dire, trop souvent présente à l'esprit du médecin, à l'époque où il pourrait encore la prévenir. Nous en jugeons par l'état où se trouvait notre malade, alors que désespérant de son salut, sa constance dans nos soins nous a forcé, en quelque sorte, à les continuer. On peut dire qu'ici la guérison a été l'œuvre du malade, et il en est de même dans la plupart des affections chroniques qui exigent, en général, une suite, une continuité et un concours de moyens, impossibles à obtenir sans la volonté inébranlable du patient. Ces affections ne sont aussi souvent incurables que par les infractions à quelques-unes de ces conditions; et nous espérons l'avoir démontré à l'égard de l'inflammation chronique et désor– ganisatrice de l'utérus.

Observations sur les fâcheux effets d'un traitement stimulant appliqué à des tumeurs articulaires qui semblaient passées à l'état froid ou chronique; par M. CHAUFFARD, médecin de l'hôpital d'Avignon.

On admet assez généralement que des maladies in flammatoires longuement traitées par les émolliens, nécessitent, en dernier lieu, l'emploi des toniques; changement d'autant plus utile que les tissus sont moins susceptibles, moins poreux, moins perméables, moins accessibles à l'engorgement sanguin. Aussi voyons-nous, dans la plupart des ouvrages et dans presque toutes les consultations, traiter par les excitans, après un certain terme, toutes les tumeurs qui se développent autour des articulations et qui siègent plus spécialement dans le périoste, les extrémités aponévrotiques des muscles, les

fibro-cartilages, le tissu cellulaire dense interposé entre ces tissus.

Cette méthode manque cependant quelquefois de succès, et même son application opiniâtre entretient dans diverses circonstances les accidens morbides, les accroît et ne reste point toujours étrangère à ces altérations de texture irrémédiables qui entraîncol la perte du membre ou de la vie. Voici à ce sujet quelques observations.

En 1818 un jeune homme âgé de vingt ans, habituellement décoloré et scrofuleux, se donne une entorse à laquelle succède tout de suite un engorgement considé– rable de toute l'articulation tibio-astragalienne gauche. Les réfrigérans, les cataplasmes et les saignées locales sont successivement employés, mais vainement. La fluxion inflammatoire fut des plus intenses, et un mois après cet accident il y avait encore beaucoup d'enflure et de la douleur au moindre mouvement; néanmoins la peau était pâle, un peu luisante, comme érysipélateuse, se laissant déprimer avec facilité, et conservant long-temps l'impression du doigt. On juge les toniques nécessaires et le moment arrivé. Sous leur influence la tumeur s'accroît, des douleurs sourdes s'y font sentir sans relâche; la bouffissure s'étend à tout le membre; le malade prend le teint encore plus blême, ses fonctions intérieures languissent, sa santé se détériore raison de plus d'insister sur des moyens qui semblent si bien en rapport avec un tel affaiblissement général et local. Ce jeune homme part pour les eaux de Gréouls, en revient encore plus amaigri et plus souffrant, cesse toute espèce de remède, se borne à tenir la partie chaudement et à garder le repos le plus absola. La guérison eut lieu, mais par degrés presque insensibles ce malade ne put marcher d'un an, et se servit ensuite de béquilles pendant six mois.

L'aspect de la peau, la persistance de l'enflure,

l'existence d'un tempérament lymphatique, donnent de fausses idées et font oublier que les phlegmasies des articulations provenant d'un choc violent ne se dissipent souvent qu'avec une extrême lenteur; delà dérive un système de traitement chaud, entièrement en opposition avec la nature de la maladie. On en rejette les conséquences sur la faiblesse de l'individu, préoccupé de la pensée qu'après un terme donné les excitans sont de rigneur. On ne doute même pas un instant que la langueur des fonctions peut, avec les autres symptômes, dépendre, au moins en partie, d'une phlegmnasie viscérale sourde et provoquée par des moyens déplacés. Sans la brusque détermination du malade de l'observation précédente, qui sait s'il ne se serait pas éteint dans la phthisie mésentérique, ou si le ramollissement de toute l'articulation n'aurait pas obligé à l'amputation du membre ?

Une demoiselle âgée le 14 ans, menstruée depuis quelques mois, ayant le cou garni d'ulcères scrófuleux suppurans, est alleinte, en 1819, d'un engorgement considérable au genou gauche. Cette jeune personne avait la peau très-blanche, de grosses mamelles, les membres thoraciques assez gras, et les extrémités abdominales des plus grêles. L'engorgement du genou se développa à la manière des tumeurs blanches; il devint dur, peu sensible, volumineux, au point d'empêcher la flexion de la jambe sur la cuisse. A l'intérieur, préparations martiales, via, viandes noires, crucifères, soufre, quinquina, sirop de Portal, élixir de Peyrilhe; à l'extérieur, fumigations, sachets aromatiques, eau-de vie camphrée, frictions excitantes, bains alcalins; pendant un mois, douches d'abord alcalines, puis sulfureuses. Ces moyens, qui paraissaient bien indiqués, n'empêchent pas cependant le membre malade de s'atrophier et la tumeur de s'accroître; les plaies du cou deviennent blafardes et s'élargissent, le

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pus est mal lié, le dépérissement s'aggrave, la langue est rougeâtre, le ventre souvent tendu et dérangé. Nous renonçons enfin à ce traitement, après avoir remarqué un mouvement obscur de fluctuation sur les parties postérieures de la tumeur que l'on enveloppe d'un cataplasme; viandes blanches, purées, œufs, panades, fruits cuits, bouillons de tortue et de colimaçons, lait et décoction blanche. On insiste sur ces moyens et sur leurs analogues; la santé peu-à-peu se rétablit, les plaies du cou se cicatrisent, toute cette masse de tissu cellulaire lardacé en gorgé de sucs blancs, qui constituait la tumeur du genou, fond en pus, et enfin fluctuation assez apparente pour que l'ouverture du sac soit pratiquée. Application de la potasse sur les deux côtés de l'articulation; escarrhe profonde qui, fendue, donne issue à beaucoup de pus d'assez bonne qualité. Les parois de cette poche se resserrèrent insensiblement, et la guérison eut lieu avec une extrême lenteur, mais d'une manière complète et toujours sous l'action du même régime et de topiques adoucissans. Cette demoiselle, aujourd'hui mariée et mère de plusieurs enfans, jouit d'une forte santé, imprime à sa jambe toute espèce de mouvemens, et marche comme si jamais ce

membre n'avait été malade.

Les conséquences à déduire de ce fait se présentent avec clarté ; je ne connais pas d'état morbide auquel les excitans parussent mieux convenir, et néanmoins ils entretinrent une sorte de fièvre lente, contribuèrent au dépérissement en suscitant une gastro-entérite chronique, et impressionnèrent défavorablement les ulcères du cou et la tumeur scrofuleuse. Des résultats tout différens et la guérison suivirent une médication purement analeptique et émolliente.

Eu 1821, un enfant âgé de douze ans, d'un village voisin d'Avignon, est amené chez moi, pâle, amaigri,

les yeux battus, les traits tirés, avec une tumeur considérable autour de la malléole externe de la jambe gauche et une plaie assez large sur le pied, au-dessous de cette tumeur. Ces accidens étaient survenus depuis une chute que l'enfant avait faite en tombant d'une charrette, et dans laquelle ce pied se trouva horriblement foulé. Au commencement de la maladie les émolliens avaient été mis en usage, mais comme la guérison n'était pas aussi prompte qu'on s'y attendait, on avait eu recours à des linimens ammoniacaux, à des fomentations aromatiques et autres topiques de cette nature, dans le dessein de résoudre cet engorgement. Depuis cette époque le mal s'était accru, l'œdème avait insensiblement gagné toute la jambe, puis un ulcère s'était formé, qui, malgré toutes sortes d'onguens, tendait sans cesse à s'élargir, fournissait un pus séreux, restait blafard et sensible. Je conseillai tout simplement de le panser avec un plumaceau de charpie et de l'environner d'une bandelette de linge fin enduite de cérat, d'envelopper toute l'articulation malade d'un cataplasme de farine de graine de lin ou de mie de pain bouillie dans une décoction de racines de guimauve, de tenir le membre dans une immobilité complète, de mettre l'enfant à l'usage du lait de chèvre trois fois le jour, d'une tisane d'orge édulcorée, de le nourrir avec des fécules, des œufs et autres alimens de facile digestion. Quatre mois après avoir commencé ce traitement la santé était rétablie, la plaie cicatrisée, et la tumeur presque totalement dissipée.

Qu'on eût continué l'usage de prétendus résolutifs, et cet engorgement aurait à coup sûr dégénéré en une tumeur blanche peut-être incurable. Les meilleurs livres poussent au reste à cette détermination erronée. « On contiuue, dit M. Boyer, l'usage de ces topiques (émolliens), tant que la douleur et l'engorgement inflamma

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toire subsistent; mais aussitôt qu'ils sont dissipés on doit avoir recours aux résolutifs, tels que le vin aromatique, l'eau-de-vie camphrée, etc. (1)

Voilà des préceptes exprimés d'une manière trop absolue, puisque, dans des circonstances semblables à celle dont il est question, quoiqu'il n'y ait plus ni douleur ni engorgement inflammatoire, il reste cependant une sèsceptibilité organique que ces moyens exaltent avec assez de force pour ramener des accidens fâcheux, et perpétuer une phlegmasie sourde.

D'ailleurs, puisqu'on recommande le repos le plus complet, même long-temps après le succès du traitement, crainte d'entretenir l'irritation et l'inflammation (p. 13), pourquoi conseiller des procédés qui entraînent si souvent ce résultat? C'est, ce me semble, une contradiction.

A la suite d'un rhumatisme articulaire aigu, dont M.lle Cr. *** fut atteinte, l'articulation tarsienne droite resta long-temps douloureuse; puis, l'os scaphoïde se déplaça, ce qui mit à nu la tête de l'astragale, et ce qui détermina une incurvation très-pronoucée du pied en dehors; en outre, toute la jambe fut prise d'un engorgegement que l'exercice et la seule station augmentaient. C'est dans cet état qu'au mois d'avril 1825, la malade, que je n'avais point encore soignée, se rendit à Montpellier pour consulter M. Delpech. Elle était âgée de 17 ans, bien réglée, bien portante, quoique d'un tempérament lymphatique; et pourtant, malgré ces circonstances propices, cet habile praticien craignit qu'une tumeur blanche ne s'accomplit au milieu des os spongieux du tarse. En conséquence, repos au lit, régime sobre, alimens légers, choisis en partie parmi les viandes blan

(1) Maladies chirnrg., tome IV, page 12.

ches, en partie dans les végétaux, les poissons de rivière ; lavemens savonneux, pilules' purgatives et toniques à prendre journellement tant qu'elles n'irriteraient pas le ventre et ne provoqueraient qu'une ou deux selles' dans les vingt-quatre heures. Toutes les semaines, sangsues à l'entour de la difformité; deux fois par jour, pédiluve d'une heure dans une décoction de feuilles de morelle, au sortir duquel embrocation avec l'huile de jusquiamë, suivie de l'application d'un cataplasme des farines de riz et de graine de lin plus tard et sur le déclin visible de la maladie, cautère fait avec la potasse caustique, entre le tibia et le tendon d'Achille, deux pouces au-dessus du niveau de la malléole interne ; traitement terminé par l'usage des eaux du Mont-d'Or.

La vue principale qui dotninè cette consultation est'un régime tempérant, l'immobilité complète de la partië, des saignées locales fréquentes et des topiques émolliens. Il semblerait cependant si naturel, eu égard à l'ancienneté de la maladie, à la nature de sa cauise', à la dégéné rescence présumable d'un rhumatisme aigu en un rhuimatisme chronique, ou gonflement atoniqué de ces os mous, de prescrire des fondans, des résolutifs, des topiques excitans, des douches d'eaux minérales énergiques, soit naturelles, soit artificielles ! On n'associa à une méthode si simple, si lumineuse, que des révulsifs sur les intestins, mais ils furent presque étrangers à la guérison, car, la malade en étant incommodée, je les suspendis plu sieurs fois. Quant au cautère, M. le Cr. *** était comme guérie lorsqu'il fut pratiqué, et nous ne tardâmes pas, M. Delpech et moi, de le supprimer. Cette guérison était même déjà si solide, que le voyage aux canx' du Montd'Or ne détermina ni tumeur, ni déplacement de l'os scaphoïde rentré dans ses dimensions et sa place ordinaires, et ne fut saivi que d'un œdème du tissu cellulaire sous-cutané qui s'évanouit en deux jours de repos.

Aujourd'hui M.le Cr. ***, devenue épouse et mère, se tient debout, presque toute la journée, derrière un comptoir; elle a, depuis plusieurs années, renoncé à des bottines qui étaient garnies en dedans d'une tige d'acier pour soutenir une partie autrefois si dérangée.

Dans l'été de 1825, la jeune Mathilde revenant avec son père (1), de Bourg à Lyon, resta toute la nuit appuyée sur le poignet gauche, la main étant fermée. Engourdissement et douleur dans cette articulation; huit ou dix jours après, les mouvemens de cette main deviennent difficiles, et M.lle Mathilde ne peut plus toucher du piano. On enveloppe le poignet avec des compresses imbibées d'eau-de-vie, et la malade continue de se servir de sa main comme elle peut et en faisant beaucoup d'efforts. Le poignet se gonfle insensiblement, les mouvemens finissent par être tout-à-fait abolis, la main se trouvant comme alongée et toujours pendante. Les parens de la malade quittent alors la campagne et se rendent à Lyon. Les soins les plus méthodiques sont administrés par MM. Bouchet et Baumers, et consistent dans un traitement local anti-phlogistique et relâchant. La malade, quoique maigre et peu développée pour son âge, jouissait de la meilleure santé. Elle persévère assez long-temps dans l'emploi des mêmes remèdes, mais sans succès.

(1) Mort en 1828, à l'âge de 40 ans, d'un cancer à l'estomac, homme à passions violentes dans sa première jeunesse ; homme, dans son âge adulte, d'une extrême sensibilité, d'un caractère un peu sévère, de moeurs douces et réglées, pieux et à idées mélancoliques. A l'ouverture de son corps, on trouva que le grand cul-de-sac de l'estomac avait huit lignes d'épaisseur et formait avec le péritoine, les muscles qui s'attachent aux côtes et le tissu cellulaire sous-cutané, une masse blanchâtre, d'une dureté cartilagineuse, parfaitement homogène et simplement recouverte par la peau. Il ne restait pas de traces des diverses parties qui entrent dans la composition de l'estomac et de sa paroi abdominale.

Le poignet était très-difforme, très-enflé, n'offrant point de rougeur à la peau et étant pen douloureux. Ces Messieurs présument alors que le période vraiment inflammatoire de cette affection était passé; ils essaient. des douches légèrement stimulantes, l'application de suchets aromatiques, puis d'un bandage assez serré fait avec de la flanelle et enveloppé d'un taffetas ciré. Le bras avait été, dès le principe du traitement, mis en écharpe, la main soutenue par une palette, et condamnée, par conséquent, à une constante immobilité. Au lieu de diminuer sous l'action de ces nouveaux moyens, la tumeur s'accroît encore sans cependant s'accompagner à l'extérieur d'aucun signe de phlegmasie cutanée.

On 'envoie M." Mathilde passer l'hiver dans le Midi, pour que, les fonctions de la peau y étant bien favorisées par la chaleur de l'atmosphère, sa maladie au moins ne s'aggrave pas. Ces Messieurs enrent la bonté de me confier cette malade. Pendant quelques jours je continuai le bandage désigné ci-dessus, et j'étudiai cette tumeur. Soit qu'un mouvement plus franchement inflammatoire commençât de lui-même à s'y organiser, soit que la fatigue du voyage en eût provoqué le développement, je ne tardai pas à sentir la nécessité de revenir au traitement primitivement employé : sangsues sur divers points de la tumeur, bains et cataplasmes émolliens : un peu de diminution dans le volume de l'engorgement en résulte ; mais la peau rougit à la face palmaire de l'articulation, du pus s'amasse au-dessous et s'échappe enfin par une ouverture spontanée; il est séreux et mal lié. Cette ouverture s'agrandit; un ulcère à fond inégal succède même traitement. Nouvelle collection de pus au côté droit de l'articulation, et plus tard au côté gauche; celle-ci nécessite l'application d'un très-petit fragment de potasse caustique. La suppuration de ces plaies s'améliore pro

:

gressivement, et au bout de deux mois, main moins pendante, tumeur beaucoup moins considérable, poignet moins déformé. La résolution de la tumeur était cependant loin d'être complète, et ces ulcères ne guérissaient pas. J'essaic alors, tout en continuant le même traitement local, de donner plus d'activité aux absorbans du membre par des frictions sur le bras et l'avant-bras avec un demi-gros d'onguent mercuriel double. Il n'en résulte aucun effet. J'informai à cette époque, de l'état de la malade, ses médecins de Lyon. Leur avis fut que le mou vement actif de la tumeur devait avoir cessé, que l'engorgement articulaire prenait le caractère chronique ; et, en conséquence, cessation de la médication relâchante, bains locaux composés avec de l'eau dans laquelle on aurait fait dissoudre suffisante quantité de colle de Flandre ot de liqueur hydro-sulfurée; douches légères sur l'articulation avec le même mélange, à une température convenable; sachets composés avec un mélange de poudre de jusquiame, de camomille, de sureau et de carbonate de magnésie; frictions sur les parties engorgées avec la pommade d'hydriodate de potasse; bandage compressif avec la flanelle.

Sur ces entrefaites je conduisis auprès de la malade le professeur Lallemand, qui passait par Avignon): ses conseils furent en accord avec ceux que l'on me marquait et que je reçus le lendemain de son départ. Il pensa que des bains alcalins locaux, des bains entiers avec une que décoction de sange, lavande, romarin, et addition de deux verres d'eau-de-vie; plus tard, des bains de mer devaient être employés. Je me rendis à cette unanimité de conseils provenant de personnes si éclairées, et dèslors bains alcalins, bains entiers stimulans, par jours alternatifs; bandage roulé. Je me proposais plus tard d'employer les douches hydro-sulfureuses et les sachets aro

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 321-360
« Reply #12 on: September 27, 2022, 08:11:43 PM »

321-325

que

matiques. Il n'y avait pas dix jours de ce changement la tumeur, au lieu de diminuer, semblait s'accroître, que des douleurs s'y faisaient sentir, que les petites plaies devenaient saignantes. Je voulus insister encore quelque temps, mais enfin il fallut revenir aux mêmes moyens émolliens qui calmèrent cette excitation momentanée, réduisirent les accidens au point où ils en étaient, et décidèrent à la longue une guérison complète.

Lorsque la malade retourna à Lyon, les plaies étaient cicatrisées, le poignet n'offrait presque plus de diffɔrmité, et la main pouvait exécuter des mouvemens assez étendus. Je n'appliquais plus à cette époque qu'un bandage roulé, et le mieux continuant, les parens de cette demoiselle habitant la campagne, on ne fit rien de plus.

Dans ce cas, encore, certainement la cessation des relâchans et l'application d'une méthode tonique semblaient bien indiquées. Toutes les fois néanmoins qu'on a mis en avant ces procédés, leur action nuisible n'a pas tardé à se manifester.

Je ne rapporte pas ces faits dans l'intention de proscrire absolument les toniques du traitement de ces affections articulaires; je n'ignore pas qu'il est des cas où ils sont avantageux. Mais sculement j'ai voulu montrer qu'à une époque, déterminée à tort par des idées théoriques, il y a danger de les prescrire indistinctement, et que, dans quelques circonstances, une méthode plus douce peut seule conduire à la guérison.

Des cinq observations que j'ai rédigées, aucune n'est fournie par un adulte, et la maladie la plus rebelle est celle dont fut atteint le plus âgé dés individus mentionnés dans ce mémoire; ce qui confirme à mes yeux cet axiôme de M. Boyer:

« En général, et toutes choses égales d'ailleurs, les tumeurs blanches sont plus graves dans les sujets faibles

et cachectiques, que dans ceux qui sont bien constitués et bien sains, et dans les jeunes gens et les adultes que dans les enfans. » (1)

>>

Observations recueillies à l'hôpital Necker, pendant les neuf derniers mois de 1831; par M. BRICHETEAU, médecin de l'hôpital. (Fin.)

Vaste suppuration dans le tissu cellulaire sous-péritonéal, communiquant avec des abcès du poumon ; perforation du diaphragme. Une jeune personne âgée de dix-neuf ans, d'une belle constitution, mais assez mal réglée, entra à l'hôpital Necker, le 2 juin 1831. Elle avait éprouvé chez elle des coliques, de la céphalalgie, des lassitudes, de l'inappétence, de la constipation, etc. Lors de son admission, la malade se plaignait d'une douleur très-vive dans la fosse iliaque du côté droit; dans le même côté de la poitrine, la respiration était faible, obscure; on appliqua quinze sangsues sur la région iliaque, et comme la malade n'en parut pas soulagée, on lui fit une saignée du bras; on prescrivit des boissons délayan tes, des cataplasmes, la diète.

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Le 3, il n'y avait aucune dimination dans la douleur; on appliqua de nouveau vingt sangsues sur le point douloureux, ce qui calma un pen la douleur et procura du sommeil. (Orge miellé; cataplasmes; diète.)

Le 5, la douleur se fait sentir avec autant de force que les premiers jours; cette douleur augmenta par la pression exercée dans la fosse iliaque et nullement par l'inspiration. La respiration est toujours obscure à droite; le pouls est fréquent, dur; le retour des règles, à l'époque accɔu

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(1) Ouvrage cité, tome IV, page 507.

tumée, n'apporte aucun changement dans l'état de la malade. (Vingt nouvelles sangsues sur la région iliaque; lait coupé pour boisson; diète; cataplasmes émolliens.)

Le 6, il n'y a aucun soulagement; le pouls est augmenté en fréquence et donne 124 pulsations par minute, il est survenu un peu de diarrhée; agitation, insomnie. (Infusion de tilleul avec le sirop de gomme, looch avec sirop diacode et d'éther; lavemens avec la décoction d'un gros de valériane.)

Le 9, la douleur n'a point cédé; elle est toujours limitée à la région iliaque, dans laquelle on sent pour la première fois de la dureté et de la résistance. (15 sangsues à l'anus; un bain; eau de gomme pour boisson; diète.)

La malade sort de l'hôpital et va passer quelques jours chez elle, où on lui applique des ventouses sur le lieu douloureux, ce qui produit un peu de soulagement, promptement détruit par des fautes de régime. Bientôt après elle rentre dans le service, ayant toujours de la tension, de la douleur et du gonflement dans la fosse iliaque, avec une fièvre intense; des vomissemens ne tardèrent pas à se manifester; le pouls devint plus faible, plus petit; la malade perdit totalement le sommeil; ses affreuses douleurs redoublèrent. Enfin la susceptibilité de l'estomac devint telle, qu'on ne put faire passer aucune boisson, malgré le secours des opiacés et des antispasmodiques.

Après avoir examiné les parties, on acquit la certitude que la suppuration était située si profondément qu'on ne pouvait tenter aucun moyen de lui donner jour au dehors, et l'on fut contraint d'abandonner cette malheureuse à une mort certaine, qui arriva le 15 juillet, dans le marasme le plus profond et au milieu des souffrances les plus

atroces.

Ouverture cadavérique. Le cadavre était dans un état de maigreur extrême; l'abdomen un peu plus saillant

et plus tendu dans les régions iliaque et lombaire du côté droit que dans celles du côté opposé.

Les parois abdominales étant incisées avec précaution, le péritoine se rompit à droite, et mit à découvert un large foyer rempli d'un pus séreux, très-fétide, tel qu'il est dans les péritonites suppurées; ce pus était évidemment le résultat de l'inflammation et de la suppuration du tissu cellulaire qui unit le péritoine aux parois de l'abdomen. Le vaste foyer s'étendait depuis la partie inférieure du petit bassin, jusqu'à la face inférieure du diaphragme; et chose remarquable, cette cloison était perforée. Près de l'ouverture aortique existait une déchirure du diamètre d'un pouce environ, dont les bords étaient enflammés et couverts de suppuration; cette déchirure établissait une communication entre l'abdomen et la poitrine. Toute la surface externe de l'intestin qui avoisinait l'abcès, était très rouge et l'intérieur du foyer était recouvert d'un tissu cellulaire enflammé et comme gangréné. Le poumon droit, adhérent à l'ouverture accidentelle dont il a été quéstion, se trouvait enflammé et contenait un certain nombre de petits abcès ou vomiques; le parenchyme pulmonaire était hépatisé à la partie inférieure seulement; les autres organes de l'abdomen étaient sains, et la face interne du péritoine n'était même pas rouge.

Faits divers et réflexions pratiques.

I. Une fille d'environ 20 ans, fut admise à l'hôpital pour des vomissemens nerveux que plusieurs moyens n'avaient pu calmer; je lui fis mettre sur l'épigastre, déjà couvert de piqûres de sangsues récemment appliquées, un emplâtre saupoudré d'un demi-gros d'émétique; l'irritation produite par cet emplâtre fut telle, qu'en moins de deux jours la peau fut couverte d'une escarrhe qui détruisit rapidement le tissu cellulaire sous-jacent, en sorte qu'au bout

de quelques jours les muscles sterno-pubiens étaient presqu'entièrement à nu; les vomissemens cessèrent pour quelque temps, mais revinrent ensuite; la fièvre suscitée par l'inflammation éliminatoire augmenta; il survint d'autres accidens, comme des aphthes, du gonflement aux parotides, auxquels la malade succomba le 16 avril 1831. A l'ouverture du corps, on trouva l'intérieur de la bouche couvert d'aphthes; la partie inférieure de l'intestin grêle présentait intérieurement une vive rougeur avec boursouflement; la plaie de l'épigastre, d'ailleurs d'un assez bon aspect, était profonde et s'étendait jusqu'à la partie postérieure des muscles droits,

L'accident déterminé par l'emplâtre stibié chez la malade dont il s'agit, prouve qu'il existe des personnes très-irritables à l'égard desquelles il faut être sobre d'excitans cutanés, J'ai soigné l'année dernière une petite fille de 4 ans, chez laquelle, un vésicatoire appliqué au bras, d'ailleurs sans nécessité, détermina un œdème profond qui fut très-long et très-difficile à guérir. Il est à ma connaissance que des piqûres de sangsues ont donné lieu à des abcès profonds. Qui ne connaît les désordres occasionnés par les applications de sinapismes ? de simples cataplasmes émolliens produisent des érysipèles chez certaines personnes: chez une malade à laquelle nous avions fait, M. le docteur Clémanceau et moi, la ponction au mois de juillet 1831, une petite bande de diachylum appliquée sur l'ouverture faite par le trois-quarts, produisit un érysipele pustuleux qui parcourut presque toutes les parties du corps dans l'espace de six semaines. Pour co qui est de la malade dont je viens de rapporter la fin malheureuse, je dois avouer qu'un moyen employé pour la guérir a fortement compromis son existence, et j'en tire cet enseignement, qu'il faut à l'égard des femmes jeunes, nerveuses, irritables, dont la peau est blanche, abreuvée

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de sucs lymphatiques, n'employer les épispastiques qu'à faible dose, au moins lorsqu'on en fait usage pour la première fois. Je dois ajouter, au reste, que, déjà plusieurs fois, avant l'accident que je viens de raconter, des doses beaucoup moins fortes d'émétique à l'extérieur, sans avoir eu d'issue funeste, avaient à ma connaissance déterminé en moins de douze heures des souffrances très-vives, des escarrhes gangréneuses bornées, et, chose très-remarquable, des stomatites violentes; tandis que chez d'autres plusieurs jours d'application d'une dose infiniment plus forte de tartre stibié n'ont pas même enflammé la peau.

II. Une jeune fille phthisique mourut à l'hôpital; nous en fimes l'ouverture le 30 avril 1831; outre une altération considérable des poumons, telle qu'on en trouve si souvent chez les malades dont les organes pulmonaires ont été détruits par la fonte des tubercules, nous observâmes, ce qui n'est guère moins commun, de nombreuses altérations à la fin de l'intestin grêle; de plus, le cœcum était désorganisé et ses parois squirrheuses. L'appendice cæcale avait acquis plus du double de son volume; elle était, comme le cœcum, désorganisée et remplie d'un pus qui s'écoula par l'incision de ses parois. — Chez un autre phthisique, nous trouvâmes le poumon droit entièrement cancéreux, il était d'ailleurs rempli de cavernes jusque dans la partie la plus inférieure ( ce qui est fort rare ); ces cavernes, généralement peu étendues, contenaient un pus sanieux, noirâtre, très-fétide; leurs parois étaient noires, frangées, lardacées, d'un aspect inégal, granuleux, suintant un ichor comme huileux. Le tissu pulmonaire adhérait tellement aux côtes qu'il était très-difficile de l'en séparer, les côtes se brisaient facilement et leur tissu était partout d'une grande friabilité.

III. Une femme qui avait jusque-là fixé peu mon attention, me parut un jour avoir la respiration haute et dif

ficile; je percutai et j'auscultai en même temps la poitrine; je trouvai un son mat au côté droit, j'entendis un peu de râle crépitant mêlé d'égophonie ainsi qu'un peu de murmure respiratoire au sommet du thorax seulement. Ayant mesuré cette cavité, comme j'en ai toujours l'habitude dans les maladies chroniques de la poitrine dont le diagnostic est difficile et obscur, je trouvai que le côté droit avait un pouce et demi de plus de circonférence que le côté gauche ; je conclus de cet examen, qu'il y avait chez cette femme épanchement thoracique accompagné d'un peu de pneumonie ; je prescrivis une saignée le jour même ; et chose remarquable, à la visite du lendemain, l'amplitude du côté malade était diminuée d'un pouce. Une seconde saignée fut pratiquée (1), et l'on fit immédiatement après des frictions avec la pommade stibiée sur le côté malade; le son du thorax s'améliora bientôt, la cré pitation disparut, et en peu de temps, la différence d'amplitude des deux côtés cessa entièrement; la malade sortit guérie. Je dois dire ici qu'un jeune médecin qui suivait ma visite soutenait qu'il n'y avait point d'épanchement pleurétique, parce qu'on entendait de la crépitation et du murmure respiratoire à la partie supérieure du thorax; mais comment expliquer la différence d'ampli-. tude du thorax et sa prompte disparition sans le concours d'un épanchement ? D'un autre côté, des expériences ont déjà prouvé de quelle efficacité jouit la saignée pour déterminer la résorption des épanchemens récens, surtout chez les jeunes sujets tels que celui qui fait l'objet de cette observation. Cet exemple doit enhardir les praticiens à pratiquer la saignée dans dans des cas semblables.

IV. Une jeune personne d'environ 20 ans, entrée à l'hôpital le 18 mai 1831, me parut le lendemain atteinte

(1) Le sang des deux saignées etait couenneux.

d'une maladie grave; des antécédèns, une douleur assez vive dans le ventre, qui était cependant souple, me déterminèrent à faire appliquer quinze ́ sangsues sur le lieu douloureux; je fis d'ailleurs, je l'avoue, peu d'attention à quelques plaintes que proférait la malade, dans lesquelles les vers étaient accusés de l'étouffer.

Cette malade fut peu surveillée par les gens de service; on laissa couler le sang des sangsues jusqu'à la visite du lendemain. Je trouvai la malade très-affaiblie et d'une pâleur extraordinaire. La charpie qu'on avait appliquée sur les piqûres était encore imbibée de sang humide; je les fis cautériser de suite; j'eus en outre recours à l'application des sinapismes, à une potion tonique. La jeune fille succomba dans la journée.

A l'ouverture du cadavre, nous trouvâmes la plupart des organes, particulièrement le cœur et le foie, d'une pâleur remarquable; il n'y avait aucune altération dans le tube intestinal, mais on y découvrit un assez grand nombre de vers lombrics, dont plusieurs formaient des pelotons entrelacés dans l'intestin grêle.

De cet examen cadavérique résulta pour moi la douloureuse conviction que l'hémorrhagie, qui s'était prolon gée par la négligence des gens de service, avait causé la mort de cette malade, ce qui m'a donné le regret de n'avoir point, comme je l'ai fait depuis, recommandé une surveillance plus exacte pour les malades auxquels on applique les sangsues. Je n'ai aucune idée positive sur l'influence que peut avoir exercée la présence des vers dans cette circonstance fâcheuse, néanmoins je 'puis conclure de ce fait, que les allégations les plus vulgaires des malades méritent en certains cas une attention que j'avoue n'avoir point accordée à celui-ci; je pourrais aussi m'appuyer de ce fait pour dire qu'on repousse trop souvent l'usage des anthelmintiques, dont on a tant abusé autre

fois. Je laisse à deviner ce qui aurait eu lieu dans le cas qui nous occupe, si, attribuant la douleur du ventre à la présence des vers, comme le faisait la malade, je lui avais donné des remèdes vermifuges au lieu de lui faire appliquer des sangsues.

Cette catastrophe me suggéra quelques réflexions sur la quantité de sang que font perdre aux malades des piqûres de sangsues dans un temps donné; et pour savoir à quoi m'en tenir à ce sujet, je fis l'expérience suivante : j'appliquai sur une piqûre de sangsue qui saignait depuis plusieurs heures, un verre à liqueur que le malade maintenait exactement appliqué sur la cuisse; de cette manière je recueillis en dix minutes trois gros de sang. Or, si dix minutes ont produit trois gros, une heure porterait la quantité à plus de deux onces; ainsi une seule piqûre de sangsue qui saignerait pendant 24 heures, ferait perdre au malade 48 onces ou trois livres de sang : quantité énorme chez un malade plus ou moins affaibli par la soustraction de sang déjà faite par les sangsues ellesmêmes durant le temps qu'elles sont restées attachées au malade.

V. Le fait suivant prouve qu'on peut, en certains cas, substituer le kermès à l'émétique dans la pneumonie. Une femme d'environ cinquante ans avait été saignée plusieurs fois infructueusement; on lui avait appliqué un vésicatoire qui avait produit peu de soulagement. Le côté droit offrait un son très mat, et le poumon du même côté élait presqu'entièrement imperméable à l'air ; la respiration était bronchique, d'ailleurs courte et fréquente; il y avait de la toux, de la fièvre, etc. J'administrai au malade six grains de kermès dans une potion de cinq onces de véhicule. Cette potion produisit de nombreuses évacuations alvines. Le lendemain, la dose du kermès fut portée à 8, puis à 10, à 12 et à 15 dans l'espace de trois

jours. La tolérance s'établit dès le deuxième jour, et les signes physiques de la pneumonie, dont nous avons parlé, diminuèrent rapidement et successivement. La respiration revint à l'état normal, à mesure que j'administrais le kermès à dose décroissante en partant de 15 à o. La malade sortit guérie de l'hôpital au bout de quinze jours. L'analogie qui existe entre le tartre stibié et le kermès, employé autrefois comme émétique, explique le succès dont nous venons de parler. J'ajouterai que j'ai souvent employé ce médicament à haute dose avec succès dans les catarrhes chroniques du poumɔn.

VI. Un jeune homme de 15 ou 16 ans fut admis à l'hôpital pendant mon absence; à mon retour on me dit qu'il avait eu une fièvre grave dont il était convalescent; il souffrait du ventre et avait du dévoiement. Ces symptômes accrurent dans la suite au point que le malade ne pouvait plus digérer aucun aliment solide; fatigué de le voir rester dans un état stationnaire si déplorable, état que je supposais dépendre d'une lésion abdominale, j'examinai la poitrine je trouvai un peu de râle en arrière et un peu de matité en avant, iuférieurement. Je fis faire une petite saignée, ce qui n'empêcha pas l'état du malade de s'aggraver de plus en plus. Il succomba à la fin du mois de novembre 1831.

et

Nous en fîmes l'ouverture avec l'assurance presque positive de trouver une altération profonde du tube digestif. Cependant cet appareil était, à l'intérieur, d'une pâleur remarquable; il y avait seulement des glandes agminées de Peyer, formant à des distances éloignées des plaques qui offraient l'aspect des groupes d'insectes de la plus petite espèce; du reste il n'y avait nulle trace d'inflammation ou de congestion autour de ces plaques. A la partie inférieure du côté droit de la poitrine et dans la cavité qu'y forme la plèvre, on trouva une collection de

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331-335

pus d'environ six onces; la membrane séreuse qui avait sécrété ce pus était désorganisée, épaissie, et confondue avec le tissu du diaphragme, lequel se trouvait aussi intimement adhérent à la face convexe du foie. Le poumon et les autres viscères ne présentaient aucune altération.

VII. Un jeune homme de 18 ans entra à l'hôpital le 17 novembre 1831, avec des symptômes de péritonite, tels qu'une douleur aiguë de l'abdomen augmentant par la moindre pression, des vomissemens, un pouls petit, fréquent, du ballonnement, etc. Plus de soixante sangsues furent appliquées sur le ventre; on pratiqua de plus une saignée du bras, on y joignit des bains, des fomentations émollientes et même quelques frictions mercurielles. Au bout de sept ou huit jours, cette affection sembla se résoudre en une ascite, reconnaissable à la distension du ventre, au flot du liquide contenu dans l'abdomen; il existait aussi de la douleur dans la partie la plus profonde de cette cavité. Des adoucissans, des potions nitrées furent employés sans succès; l'épanchement abdominal ne commença à rester stationnaire que lorsqu'il survint un catarrhe pulmonaire intense. Ce fut alors aussi que la douleur du ventre disparut; enfin une sueur abondante de plusieurs jours fut le signal de la résorption complète de l'épanchement ascitique, en même temps qu'elle adoueit beaucoup la toux catarrhale; le catarrhe pulmonaire lui-même ne tarda pas à guérir entièrement. Pendant tout ce temps-là le malade ne prit que de l'eau de gomme pour boisson.

Voici un exemple assurément bien remarquable de cette succession de maladies dont on pouvait dire, d'après la doctrine des médecins hippocratiques, que les unes sont la crise des autres. En effet, l'ascite a été la solution de la péritonite, comme le catarrhe pulmonaire a fait diversion en faveur de l'ascite.

VIII. J'ai eu assez souvent à traiter de la colique de plomb des ouvriers employés dans les fabriques de Vaugirard, Grenelle, etc. : je les ai tous guéris assez promptement par des préparations opiacées, sans avoir jamais eu besoin de recourir aux émétiques et aux purgatifs, non plus qu'au traitement empirique et incendiaire de la Charité. J'emplcie la méthode depuis près de dix ans au quatrième dispensaire, et les rapports annuels de la Société philantro pique attestent les succès que j'ai obtenus. J'emploie communément l'opium en pilules à la dose de deux grains en huit pilules donnés d'heure en heure, pour commencer; j'élève ensuite la dose du médicament d'une manière proportionnée à la résistance de la maladie; j'ajoute quelquefois à cette première préparation opiacée, le laudanum en lavement, et un emplâtre sur le ventre contenant une dose assez forte d'extrait gommeux thébaïque.

Notice sur le choléra-morbus en général, et en particulier sur celui de Bicêtre; par J. A. ROCHOUX, médecin de l'hospice de Bicêtre, agrégé de la Faculté de Méd. de Paris.

Le choléra-morbus existait déjà depuis quatre jours dans les hôpitaux de Paris, lorsque le 31 mars il se manifesta à Bicêtre, quoique dès le 28 les indigens eussent été consignés. Chose remarquable, le mal frappa d'abord sur eux et non sur les employés de la maison ou les reposans, qui avaient toute liberté de sortir. Le 22 avril, la consigne fut levée, et l'épidémie n'augmenta pas sensiblement d'intensité pendant les dix premiers jours suivans. Elle n'atteignit son maximum que dix autres jours plus tard, du 1.er au 10 mai, époque durant laquelle il y cut plus du triple de malades que dans la décade pré

cédente (1). Que si l'on voulait à toutes forces attribuer cet accroissement tardif du mal à la levée de la consigne, je dirais que dans la division des aliénés, où les communications avec l'extérieur sont restées ce qu'elles sont habituellement, c'est-à-dire, fort restreintes, pareille augmentation dans le nombre des malades s'est fait observer à une époque correspondante (2), par conséquent sans qu'on pût l'attribuer à l'influence des communications (3). Aujourd'hui où le mal revient à Paris, il recommence à Bicêtre, et jusqu'à présent ne se montre influencé d'une manière spéciale que par une seule cause extérieure, la disposition des logemens.

D'après le plan sur lequel a été élevé l'hospice, les bâtimens sont orientés de manière à avoir les uns leurs ouvertures au nord et au sud; les autres, à l'est et à l'ouest. Or, c'est dans les bâtimens ouverts suivant la première direction, que le choléra a fait le plus de victimes. Pour la première division, le nombre des malades dans les bâtimens dont les ouvertures sont sur une face au nord, et sur l'autre au sud, a été à celui des malades

(1) Lelut, sur le Choléra-morbus de Bicétre, et particulièrement sur celui des aliénés, page 3.

(2) Lelut, op. cit., p. 3, 4.

(3) La preuve de l'innocuité des communications se trouve dans le fait suivant, que j'aurais passé sous silence si la tentative de M. Velpeau, en faveur de la contagion, ne m'avait obligé de combattre cette étiologie.

Sur 69 personnes employées sous différens grades au service de santé, et parmi lesquelles quinze environ ont été plus particulièrement chargées de soigner les cholériques, aucune n'a été malade, à l'exception du docteur Ferrus, qui ne demeure pas à Bicêtre. Les trois seuls employés habitant l'hospice, qui aient été atteints du choléra, étaient étrangers au service de santé. Il faut donc renoncer à l'hypothèse de la contagion, ou bien admettre que les communications indirectes sont plus dangereuses que les communications directes.

dans les bâtimens ouverts, est et onest, comme 50 est å 41 pour la troisième division, comme 18 est à 13; et pour la quatrième division, comme 56 est à 45. M. Dupuytren a fait des remarques analogues à la caserne de Courbevoie. M. Lelut m'a dit aussi avoir constaté dans la cinquième division (les aliénés), que les bâtimens dirigés de l'est à l'ouest, et par conséquent ouverts au nord et au sud, avaient eu le plus de cholériques; en temps ordinaire, ajoutait-il, ces mêmes bâtimens fournissent beaucoup de scorbutiques (1).

Qu'on explique par l'impression d'un vent froid ou par l'accumulation du principe délétère cette influence gé nérale de l'exposition, elle a souffert dans les détails les deux exceptions que voici. La sixième salle, bien aérée et favorablement orientée, de la première division, a eu 5 malades sur 28 habitans; et la vaste salle des cancérés, exposée de même, a eu 16 malades sur 88 habitans. Celle qui ensuite a souffert le plus est une salle de 51 habitans, dite des Bons enfans, où l'on réunit à dessein les ivrognes de l'hospice, qui peuvent se livrer à leurs habitudes sans troubler le repos des hommes d'une conduite régulière. Cette salle, ouverte au nord et au sud, peu aérée

(1) M. Chaudé paraît avoir obtenu un résultat opposé au nôtre. Dans son relevé, ce sont les rues dirigées du nord au sud ou bien ayant leurs logemens ouverts à l'est et à l'ouest, qui ont le plus souffert (a). A ce sujet je ferai remarquer que les logemens de ville sont bien moins propres que les casernes ou les dortoirs des hospices à fournir des données appréciables sur l'influence de l'exposition. Il n'y a en effet que là où toutes les conditions accessoires soient les mêmes pour tous les individus. A la ville, au contraire, les moyens de chauffage, de ventilation, de propreté, la bonté de la nourriture, etc., variant autant que l'aisance des habitans, peuvent contrebalancer l'influence de l'exposition des logemens, au point de la rendre inappréciable.

(a) Journ. hebd. de Méd., juillet 1832, p. 11 et 12.

et presque méphytique, a fourni 9 malades. En résumé, on arrive, en réduisant au même dénominateur les fractions composées du nombre des malades de chaque salle, divisé par sa propre population, à trouver les chiffres ciaprès, pour exprimer la proportion dans laquelle ont souffert ces trois salles :

Salle des cancérés, bien aérée, ouverte est et ouest. 241 Sixième salle, bien aérée (1), ouverte à l'ouest. 224 Salle des ivrognes, méphytique, ouverte nord et

sud.

221

Ainsi, quoique mal aéré et dans une exposition défavorable, le dortoir des ivrognes n'est que le troisième de ceux qui ont le plus souffert de l'épidémie. En tête se trouve le dortoir des cancérés, sujets affectés de dartres rongeantes, de suppurations diverses, que la bonne disposition de leur logement n'a pu garantir des atteintes de l'épidémie. Ce dernier résultat ne permet guères de douter, ce me semble, que certaines conditions individuelles permanentes de mauvaise santé ne puissent augmenter l'action de la cause réelle et principale du choléra. La même conclusion découle de ce qui s'est passé dans la division des aliénés, peuplée en grande partie d'imbéciles, d'épileptiques, de paralytiques, etc. Le chiffre proportionnel des malades, comparativement à sa population, a été 211, tandis que pour le reste de l'hospice il ne s'est élevé qu'à 131.

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(1) A la vérité on pourrait, en adoptant les idées de M. Piorry, sur l'étiologie du choléra, dire que la sixième salle ayant ses ouvertures d'un seul côté, au couchant, est, quoique vaste pour sa population, imparfaitement ventilée. J'en conviendrai volontiers; mais la cinquième salle, disposée et orientée absolument comme la sixième, dont elle est séparée par la porte d'entrée de l'hospice, n'a pas fourni un seul malade, et les rez-de-chaussée de ces deux salles n'ayant aussi d'ouverture qu'à l'ouest, n'ont donné ensemble que deux malades sur une population de 57 habitans.

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336-340

Nous prendrons occasion de ces faits, pour dire un mot de l'influence morbifère attribuée aux excès de divers genres. S'il fallait en croire certains médecins, pleins de bonnes intentions, sans doute, les grandes infractions aux règles de l'hygiène auraient aussi inévitablement et rapidement développé le choléra, que dans les temps de crédulité religieuse, on voyait les profanateurs des reliqucs être frappés de cécité, de paralysie.

Loin de moi, cependant, l'idée de faire l'apologie de la débauche ou des excès; mais sans donner dans ce travers là, tout observateur impartial doit tenir à connaitre quelle peut être l'influence de ces causes morbifères sur la santé (1). Hé bien! lorsqu'on s'occupe sérieusement de leur étude, on voit que les hommes à conduite déréglée peuvent être divisés en deux classes; les uns sont forts, robustes, et la nature semble leur avoir donné une vigueur de constitution en harmonie avec la fougue de leurs passions; les autres sont languissans, débiles; leurs vices sont plus forts que leur organisation; aussi voit-on les premiers jouir d'une bonne santé et pousser très-loin leur carrière, tandis que les seconds traînent une existence chétive, souffrante, et meurent avant terme. Ce sont eux qu'en tout temps les épidémies frappent de préférence. Les autres leur résistent aussi bien et peut-être mieux que le commun des hommes.

(1) Afin de fournir un document de plus aux médecins désireux d'apprécier l'influence des excès sur le production du choléra, je dirai qu'au début de l'épidémie la cantine où les ivrognes de l'hospice vont s'enivrer de mauvaise cau-de-vie, fut fermée par l'ordre spécial du conseil-général. Néanmoins, cette précaution, dictée par la prudence, n'empêcha pas les progrès du choléra. Plus tard, le 16 mai, la cantine fut ouverte, et, à partir de huit jours ensuite, le mal n'a pas cessé d'aller en diminuant.

Pour avoir négligé la distinction que nous venons de faire, on a porté des jugemens soumis à beaucoup d'exceptions, touchant l'influence des excès, dans la production des maladies en général, et du choléra en particulier. Il est possible, comme on voit, d'approcher davantage de la vérité. Dans tous les cas, nous sommes bien sûrs de ne pas nous en écarter, en plaçant l'âge au nombre des influences individuelles non-contestables. On peut voir, par les relevés de M. Chaudé, que le choléra a surtout sévi parmi les sujets de 26 à 30 ans. Au-dessous de 15 ans, il a fait peu de victimes, tandis qu'il a entraîné la mort de presque tous les individus au-dessus de 70 ans, qu'il a atteints en assez grand nombre (1).

Symptômes. N'ayant à peu-près rien à ajouter aux descriptions que dans ces derniers temps les médecins de France ou mieux de Paris, ont données du choléra, je citerai comme une des plus complètes celle qui fait partie des leçons de M. Bouillaud, insérée dans la Lancette Française (2). Cependant, cette description, comme, au reste, la plupart des autres, pèche par une importance exagérée accordée à certains symptômes, qui nous semble devoir être relevée. Ainsi, dans l'intention de faire de la muqueuse des voies digestives le point de départ des principaux accidens du choléra (5), MM. Bouillaud, Vel

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(1) Journal heb..de Méd., juillet 1832, p. 17, tableau B.

(2) 1832, N.os 50, 38, 39, 40, 41, 43 et 45.—Voyez aussi Traité pratique, etc., du cholera-morbus.

(3) Aux médecins qui regardent le canal alimentaire comme point de départ de tous les accidens du choléra, je ne vois pas de meilleure autorité à opposer que M. Roche. Cet observateur, versé dans les principes de l'école physiologique, qu'il a défendus avec toute la vigueur de son talent, reconnaît positivement qu'un grand nombre des graves symptômes dont sont affectés les cholériques, ont une

peau et un grand nombre d'autres médecins, me semblent avoir porté beaucoup trop haut l'intensité, la valeur des symptômes qui tiennent à l'affection de cette membrane, tels que la douleur du ventre, la diarrhée et les vomissemens (1). Assurément, sous le rapport des deux derniers symptômes surtout, les cholériques sont en général beaucoup moins tourmentés que les sujets atteints de la fièvre jaune des Antilles, chez lesquels la phlegmasie gastro-intestinale est vraiment le point capital de la maladie (2). Dans le choléra, au contraire, la diarrhée et les vomissemens, quoique quelquefois portés très-loin, ne m'ont jamais paru les accidens dominans. Ce n'est jamais que leur persistance ou leur aggravation que les malades purent être considérés comme ayant succombé. Loin de là, je n'ai presque pas vu de cas où ces prétendus symptômes fondamentaux n'aient complètement cessé ou au moins considérablement diminué assez long-temps avant la mort. Celle-ci, dans tous les cas prompts, c'est-à-dire mortels avant la réaction, m'a toujours semblé le résultat immédiat d'un affaiblissement allant jusqu'à l'arrêt complet de la circulation et de la respiration. M. Magendie envisage la chose sous le même point de vue (3) : je partage entièrement sa manière de voir. Pour ma part, il m'a été impossible de ne pas être

autre cause que la phlegmasie ou l'irritation gastro-intestinale, et c'est pour cela qu'il les appelle symptômes non abdominaux (a).

(1) Traité pratique, etc., du choléra, p. 66. Du choléra épidémique de Paris. Arch. gén. de Méd., juin 1832, p. 221.

(2) J. A. Rochoux, Recherches sur la fièvre jaune des Antil'es, , p. 195.

etc.

(3) Leçons au Collège de France. Lancette française, 8.* année, 1832, page 123.

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(a) Mém. sur le choléra-morbus obs. à Paris. Journ. hebd. de Méd., juillet, 1832, page 449.)

frappé de la diminution progressive du mouvement circulatoire (1), et du froid général qui s'ensuit immédiatement chez tous les cholériques. Je ne pouvais observer sans une sorte d'angoisse leurs efforts pour respirer, leurs lentes et profondes inspirations qui me semblaient nulles pour l'hématose (2), et qu'involontairement je comparais à ce mouvement, à cet écartement répété et in

(1) Tous les auteurs ont accordé une attention plus ou moins grande à la diminution de la circulation; il y en a même qui, supposant un arrêt complet, là où il n'y avait que ralentissement du mouvement circulatoire, en ont conclu que les fonctions cérébrales pouvaient continuer en l'absence de la circulation, puisque les cholériques conservaient parfaitement leur intelligence, avec un pouls entièrement insensible. Mais outre que, malgré sa faiblesse, la circulation continue encore chez eux, il est bon de faire remarquer qu'un grand afflux de sang au cerveau n'est pas nécessaire pour l'exercice de l'intelligence. Bien au contraire, il est très-propre à l'empêcher. Aussi voyons-nous que les hommes qui se distinguent par la haute portée de leur intellect, ont en général la circulation et le système sanguin faibles. Je me contenterai d'appuyer cette assertion par l'exemple de l'empereur Napoléon, dont le pouls, extrêmement faible, ne donnait que 40 pulsations par minute.

La conservation de l'intelligenee des cholériques n'a donc pas de quoi surprendrè. Il en est de même de la prolongation de leur vie avec du sang noir dans tout le système, que M. Magendie considère comme détruisant l'assertion émise par Bichat touchant la funeste impression exercée par le sang noir (*). Mais ce physiologiste avait principalement en vue le sang devenu noir par défaut de respiration (**). Or, quelle que soit la noirceur de celui des cholériques, il est à présumer que puisque la respiration se fait encore un peu chez eux, il n'est pas aussi complètement privé d'oxygène que le sang d'un pendu.

(2) D'après des expériences faites dans plusieurs hôpitaux, par MM. Gueneau de Mugsy, Rayer, Barruel, Emery, etc., il paraîtrait démontré, qu'en respirant, les cholériques absorbent notablement moins d'oxygène que les autres. (Gazette médicale, 1832, N.o 37, p. 278. · Arch. gén. de Méd., avril 1832, p. 357.)

(*) Leçons au Collège de France. Lancette française, 8 mai 1832, page 123.

(**) Recherches physiologiques sur la vie et la mort, p. 275 a 287.

fructueux des branchies qui se remarque sur les poissons tirés de l'eau.

On me semble aussi avoir exagéré l'importance d'un autre symptôme néanmoins très-digne d'attention; je veux parler des crampes (1). Les médecins qui les ont principalement signalées sont ceux qui ont cru pouvoir faire consister le choléra eu un trouble de l'innervation, qui tiendrait tous les autres symptômes sous sa dépendance. Deux médecins, partisans de cette théorie, ont été conduits par elle à considérer l'affaiblissement de la circulation comme dû à des crampes du cœur, provenant ellesnrêmes d'une lésion de la moelle épinière, qui est loin de me paraître démontrée, à en juger d'après leurs propres observations (2).

Anatomie pathologique du choléra morbus.

Dans toute maladie produite par un dérangement physique de l'économie, on trouve toujours, avec un appareil de symptômes fondamentaux constant, primant tous les autres, des lésions toujours les mêmes et d'une importance capitale. Les médecins qui ont considéré les symptômes de souffrance développés par les organes digestifs comme les plus importans du choléra, ont dû par cela

(1) Bien que je me sois proposé de borner mes remarques aux symptômes habituels dans le choléra, il en est un assez rare que je ne dois pas cependant laisser passer sans en dire un mot; je veux parler des parotides. On en a vu cette année quelques exemples (a); mais j'ignore si l'on a remarqué qu'elles fussent plus fréquentes dans le choléra à forme typhoide que dans tout autre. Il y aurait, je crois, de l'intérêt à décider cette question, par cette raison que les parotides affectent, comme on sait, une véritable prédilection pour les fièvres pestilentielles ou du genre des typhus.

(2) Remarques sur la physiol. pathol. du choléra-morbus. Arch. gén. de Méd., juin 1832, p. 200.

(a) Duplay, Obs. de parotides survenues pendant le choléra. Arch. gén. de Méd., juillet 1832, page 265.

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341-345

même attribuer le premier rang pathogénique aux lésions de la membrane de l'estomac et des intestins. Mais cette dernière assertion n'est pas plus fondée que celle qu'elle est destinée à appuyer; car s'il est bien vrai que sur les cadavres des cholériques, on trouve constamment la muqueuse gastro-intestinale plus ou moins affectée (1), il est en même temps avéré que de toutes les lésions anato miques les siennes sont les plus variables sous le rapport de l'intensité et de leur caractère. Un seul désordre, au contraire, se montre toujours essentiellement le même, tout comme les phénomènes morbides qu'il tient immédiatement sous sa dépendance; c'est l'altération du sang, On en verra la preuve, quand l'ordre adopté pour la description suivante nous conduira à en parler.

Habitude extérieure. Exactement décrite par tous les observateurs, elle ne nous offre à signaler dans ses principaux traits rien qui n'ait été convenablement vu, soit par rapport à la rigidité des cadavres et à leur lividité, soit par rapport à la coloration foncée, au poisseux, à la tension des muscles. J'accorderai, par ce motif, un peu d'attention à un phénomène pendant long-temps méconnu pour ce qu'il est réellement, et qui, quoique fort minime en lui-même, est toujours, quand il paraît, l'indice d'un grand danger, je veux parler de la prétendue ecchymosc de la sclérotique. Elle tient, comme comme je l'ai indiqué

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(1) Admirez l'Académie royale de Médecine de Paris. A l'époque où elle a publié son second rapport, la constance des lésions de l'appareil digestif avait été constatée par tous les médecins de Paris, et cependant elle s'est obstinée à soutenir l'existence « d'un petit << nombre de faits dans lesquels on n'a trouvé nulle trace de lésion " appréciable. (a) » Si la science ne recule pas, est-ce la faute des corps savans?

(2) Foy, Hist. méd. du choléra-morbus de Paris, page 136. Sandras, du Choléra épidémique de Pologne, etc., page 23.

(a) Rapport et instruction pratique sur le choléra-morbus, p. 13.

ailleurs avec assez de détails, à un desséchement partiel de cette membrane qui lui donne une demi-transparence, à la faveur de laquelle le noir de la choroïde se laisse appercevoir, et, de loin, a toute l'apparence d'une ecchymose (1).

Au début de l'épidémie, ce symptôme paraissait chez la plupart des malades, et il est sans exemple qu'aucun de ceux qui l'ont présenté ait survécu. Par la suite, il est devenu plus rare, à mesure que le choléra a perdu de son excessive gravité, et a suivi une marche généralement moins rapide. Nous dirons, en voyant cette disposition insolite du tissu fibreux à se dessécher, que le liquide qui l'abreuve a subi une altération immédiatement liée à celle du sang dont il émane.

Un autre fait relatif à l'habitude extérieure, qui nous semble aussi digne de remarque, a été fréquemment observé, surtout dans les cas de mort prompte chez les aliénés au lieu d'avoir les traits profondément excavés des cholériques ordinaires, ils présentaient une bouffissure considérable de la face, produite par une forte accumulation de sang dans ses vaisseaux capillaires (2). Cette congestion se continuait, sans presque diminuer, après la mort. Sur quelques cadavres elle s'étendait à presque toute la surface de la peau, et la faisait paraître aussi noire qu'une peau de nègre. En outre de cette disposition remarquable à se porter à la périphérie, le sang s'est constamment montré, sur les cadavres d'aliénés, beaucoup plus liquide que sur ceux des autres cholériques.

(1) Lancette française, 3 mai 1832, page 114.

(2) Parmi les malades admis dans mon service, il y en a eu un que l'état de son intelligence appelait à figurer dans la division des aliénés. Son cadavre m'a offert les ecchymoses et la bouffissure dont il s'agit.

Peut-on voir là une preuve de l'influence que le système nerveux de la vie animale, troublé dans ses fonctions, exerce sur l'hématose? J'incline à le croire par suite d'un autre fait bien avéré, savoir que le scorbut est très-fréquent chez les aliénés. On peut en inférer, ce me semble, que l'enchainement de l'innervation avec la sanguification les place, par rapport à cette dernière fonction, dans des conditions fort différentes de celles où se trouvent les autres hommes.

Poitrine. La tendance au desséchement, que la sclérotique présente d'une manière si remarquable, se représente aussi sur les pièvres. Excepté dans les cas d'adhérences, je les ai constamment trouvées poisseuses, happant au doigt, et d'un luisant comparable à celui de ces petites boëtes de sapin anglais finement vernissées. Très-souvent la sécheresse était telle, surtout dans la portion des plèvres accolée au médiastin antérieur, que quand on voulait les écarter, elles se déchiraient en laissant des lambeaux comme d'un parchemin mince et sec (1). Les poumons participaient à cet état, c'est-àdire qu'excepté le cas de phlegmasie accidentelle, survenue avant ou pendant la maladie, on les trouvait exsangues, s'affaissant sous les doigts qui les pressaient et

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(1) La première fois que j'ai eu occasion d'observer ce singulier phénomène, je crus devoir l'attribuer à la dessiccation dont la poitrine, entr'ouverte pendant tout le temps que j'examinai les intestins, me paraissait avoir été frappée. Mais une série d'autopsies dans lesquelles le médiastin examiné en premier lieu fut également trouvé desséché, me convainquit de l'inexactitude de cette explication, et me porta de plus à penser qu'un dessèchement, qui avait paru à plusieurs médecins de l'Hôtel-Dieu être l'effet de l'acupuncture pratiquée sur le cœur, reconnaissait pour cause cette tendance, déjà signalée par plusieurs médecins allemands, qu'ont les tissus à se dessécher chez les cholériques.

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en gardaient l'empreinte sans réagir, comme aurait pu faire un morceau de pâte de guimauve.

Coupés par tranches, ces organes laissaient échapper par leurs vaisseaux principaux un sang noir, visqueux, sortant par grosses gouttes. La masse des capillaires n'en versait pas et rendait ainsi la sécheresse du tissu pulmonaire plus facile à constater. Quant à la muqueuse bronchique, elle ne m'a offert, pour tous les cas où j'ai cru devoir l'examiner, qu'une lividité violâtre, toujours plus ou moins notable. Une seule fois j'ai remarqué, sur le cadavre d'un sujet mort dans le service de M. Prus, une hémorrhagie des grosses branches de la partie supérieure du lobe inférieur du poumon gauche, où se trouvaient trois ou quatre onces de sang noir en caillots.

L'état exsangue, la sécheresse et la perte de ressort du tissu pulmonaire ont, de même que la sécheresse habituelle de la portion des plèvres en contact avec le médiastin, été à peine signalés par les auteurs français, et cependant le caractère spécial de genre de ce lésion me semble avoir une très-grande valeur. Après l'avoir à peuprès méconnue, beaucoup de médecins ont été sur le point d'en faire autant pour les altérations que présente la masse entière de sang, altérations si faciles à constater pour la portion de ce liquide contenue dans le cœur et les gros vaisseaux.

Toujours j'ai trouvé ce sang très-noir, et dans les cas où il l'était le moins, il l'était encore davantage que le sang de sujets morts par d'autres maladies, examiné comparativement. Plusieurs fois j'ai répété cette épreuve, notamment avec le sang peu noir dans son espèce, d'un cadavre de cholérique, lequel cependant s'est trouvé beaucoup plus foncé que le sang très-noir d'un sujet mort de maladie du cœur, après une longue agonie et même une lente asphyxie. Souvent liquide dans les gros

vaisseaux, il présente néanmoins un épaississement, une viscosité très-prononcés. Dans le cœur, il est en général en partie coagulé et en partie imparfaitement liquide. Quelquefois il contient des concrétions gélatiniformes, et dans un assez grand nombre de cas, on le rencontre caillebotté, sec comme du raisiné, et ayant alors l'éclat d'un beau vernis noir. Il n'existe plus de différence entre le sang artériel et le sang veineux.

e

En général les caractères auxquels on reconnait l'altération du sang chez les cholériques, sont d'autant plus marqués que la mort a été plus prompte. On les voit au contraire s'atténuer à mesure que la maladie se prolonge, au point d'être à peine appréciables quand la mort arrive après le 6. ou le 8. jour. Telle ne serait pas assurément la marche des altérations du sang, si elles étaient les conséquences des abondantes évacuations, par lesquelles on suppose qu'il est dépouillé de son sérum (1), car on devrait alors le trouver d'autant plus altéré que le mal aurait été plus long et les déjections plus abondantes. Au lieu de cela, je n'ai jamais rencontré de sang plus réellement propre à être donné comme type de ses altérations dans le choléra, que chez un sujet mort au bout de 16 heures, presque sans diarrhée, et n'ayant eu qu'un seul vomissement. J'ai également vu le sang trèscaractéristique, chez un cholérique qui, légèrement

(1) Les neuf dixièmes au moins des médecins qui ont écrit sur le choléra, attribuent les altérations que le sang éprouve dans cette affection, à l'abondance des évacuations habituelles dans sa première période. Mais dans beaucoup de maladies, il y a des évacuations encore plus abondantes, et le sang n'en continue pas moins à conserver des qualités fort compatibles avec l'entretien de la vie. Entre autres exemples de ce genre, je citerai le cas de Morgagni, qui dit avoir rendu par les selles, seize livres de matières séreuses en douze heures de temps. (De sed. et caus, morb., epist. XXXI, N.o XXXI ).

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346-350

atteint sous le rapport des évacuations alvines, fut enlevé au bout de 36 heures de maladie par une déchirure du

cœur.

Abdomen. Pour faire, avec quelque pen d'ordre, l'exposition des lésions nombreuses et variées que les organes de l'abdomen sont susceptibles de présenter, il convient de les décrire dans deux conditions principales, savoir : quand la maladie a eu une très-courte durée, moins de trois jours, et quand elle s'est prolongée jusqu'au quatrième jour ou au-delà. Les différences qu'on observe alors dans les altérations du tube digestif, sont en parties indiquées à l'avance par les qualités différentes des déjections alvines, dont nous dirons un mot par

cette raison.

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En général chez les sujets qui périssent très-promptement, les déjections sont composées d'un liquide trouble, grisâtre, plus ou moins épais, mêlé de flocons semblables à des grains de riz crevés (1). Chez les autres, elle peuvent offrir tous les caractères qu'on leur trouve dans une foule de maladies. Aussi on les voit excrémentitielles, bilieuses, verdâtres, glaireuses, mais plus fréquemment encore teintes ou plutôt composées de sang rougeâtre, ayant l'aspect d'une lie-de-vin très-liquide, d'autres fois épaisse comme de la purée, ou bien étant d'une couleur brune et ressemblant à du chocolat.

Dans les cas de mort prompte, on trouve presque toujours le péritoine aussi poisseux que les plèvres. On sent au toucher les intestins épais, empâtés, notablement diminués de volume par la contraction de leurs fibres musculaires, qui, extérieurement, les fait paraître comme

(1) Un chimiste habile à qui M. Dupuytren a donné à analyser de s déjections de cholériques y a trouvé un liquide ayant tous les caractères du pus.

chagrinés. Ils sont souvent à peine plus gros que le petit doigt dans d'assez longs trajets, et l'épaisseur de leurs parois se trouve augmentée en proportion. Quand on sépare les surfaces en contact de leurs circonvolutions, ou produit par là une foule de filamens comme ceux de la toile d'araignée. Les vaisseaux de la tunique péritonéale sont plus ou moins injectés de sang noirâtre; ceux du mésentère en sont remplis comme si une heureuse injection anatomique l'eût poussé. Il s'en suit que la masse des intestins parait à l'extérieur plus ou moins nuancée de

rouge..

Examiné intérieurement, le canal alimentaire se trouve, dans un tiers ou un quart au moins des cas, absolument exempt d'inflammation d'un bout à l'autre. Mais il ne s'en suit pas que sa muqueuse puisse être dite à l'état sain, puisqu'elle présente toujours alors une couleur vraiment pathologique dont les nuances peuvent se rapporter au gris rougeâtre du cèdre, à la couleur, hortensia, cuisse de nymphe ou lilas. Presque jamais elle n'a la blancheur laiteuse, légèrement rosée, type de l'état sain. En même temps elle contient, en plus ou moins grande quantité, des matières grisâtres de consistance variable, souvent à peine plus épaisses qu'une forte décoction de riz; dans d'autres cas ayant la consistance d'une purée légère et même ressemblant à une pulpe demi-solide, qui forme quelquefois des espèces de bouchons peu disposés à céder au mouvement péristaltique des intestins. Jamais on ne trouve de bile mêlée à ces matières, si ce n'est un peu vers le duodénum. La surface de la membrane interne est en outre immédiatement enduite de mucosités semi-transparentes, visqueuses, ou d'autres fois semblables à du pus dit louable.

Sous le rapport des matières qu'on peut y trouver, l'es tomac ne diffère de l'intestin que par leur liquidité ordi

nairement plus grande; mais il n'en est pas de même par rapport à sa membrane muqueuse. Tandis que celle de l'intestin conserve presque toujours sa consistance naturelle, on trouve la sienne ramollie au moins sept fois sur dix (1), tantôt en totalité, d'autres fois seulement dans son tiers gauche, ou bien en même temps dans ses tiers gauche et moyen. Ce ramollissement ne s'accompagne ordinairement d'aucun changement dans la couleur de la membrane, laquelle m'a seulement paru quelquefois épaissie.

La rate offre un état que MM. Delarroque et Laugier ont bien décrit (2). Elle est exsangue, généralement ra petissée, flétrie, ridée, comme si elle eût été exprimée en la tordant dans un linge. Quand on la coupe par tranches et qu'on promène perpendiculairement la lame du scalpel sur une de ses coupes, à peine ramasse-t-elle un peu de ce sang que par le même procédé on recueille si abondamment sur une rate de sujet non cholérique. Que la rate soit grosse, moyenne ou petite, l'état de desséchement dont je parle est constant, et ne manque jamais de se montrer à un degré plus ou moins marqué (3).

(1) Faut-il voir dans ce ramollissement de l'estomac, si fréquent sur les cholériques de Bicêtre, quelque chose de particulier aux vieillards, ou bien un résultat de l'inflammation, ou un effet chimique des sucs gastriques, comme dans les expériences de M. Carswel? (a) Je ne me sens pas en état de résoudre la question, et me borne à signaler les faits dont l'observation m'a conduit à la soulever.

(2) Physiologie pathol. du choléra. Arch. gén. de Méd., juin 1832, page 204.

(3) Il ne m'est encore arrivé qu'une fois de trouver la rate à-peuprès dans son état habituel, par rapport au sang contenu dans sa substance. C'était sur un cholérique affecté en même temps de pneu

N.o 91. Recherches.

(a) Journal hebd. de Méd., 1830, tom. VII, sur la dissolution chimique, etc.

Une autre disposition non moins remarquable consiste dans l'état de la bile, qu'on trouve constamment d'un brun noirâtre, épaisse, poisseuse, filant comme du sirop, et teignant d'un vert brun foncé l'intérieur de la vésicule.

Le foie est, en outre, flétri, exsangue, presque autant que la rate, et l'on est tout surpris, après y avoir fait de profondes incisions, de n'en pas voir sortir le sang, qui en d'autres cas ruissellerait abondamment. Toutes ces espèces de lésions sont en général d'autant plus caractérisées. que la mort a été plus prompte. Voici, par opposition, celles que l'on remarque quand la mort arrive au bout d'un assez long temps.

A l'extérieur, les intestins ne sont plus poisseux; leur coloration est fort variée et dépend des matières qu'ils renferment. Cependant, on remarque généralement encore une injection assez considérable des vaisseaux de la tunique péritonéale et de ceux du mésentère. Assez souvent distendu, flasque et aminci, le canal intestinal est d'autres fois ce qu'on le trouve dans les maladies ordinai. res. Il contient, en quantité variable, des matières de nature diverses, en rapport avec la qualité des déjections observées pendant la vie. Ces matières sont quelquefois des fèces plus ou moins liquides et chargées de bile; d'autres fois elles se composent en grande partie de mucosités glaireuses, demi-transparentes et habituellement teintes de bile; enfin, s'il y a eu diarrhée sanguinolente, on trouve une plus ou moins grande quantité de liquide semblable à de la lie de vin ou à du chocolat brun.

Dans la majeure partie de ces cas, il existe des traces

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monie, et dont les vaisseaux présentaient partout beaucoup de sang. Je dirai à cette occasion, que la complication d'une pneumonie avec le choléra m'a toujours paru déterminer vers le foie et la rate une congestion susceptible de diminuer plus ou moins la flétrissure et l'exsanguité habituelle de ces organes.

plus ou moins profondes d'une inflammation qui quelquefois peut s'étendre à la presque totalité de la longueur du canal intestinal, ou bien n'en affecter qu'un tiers ou un quart. Tantôt elle envahit tout le contour de la surface interne de l'intestin dans des portions de longueur variables, depuis quelques pouces jusqu'à deux ou trois pieds; tantôt elle se présente sous forme de larges bandes situées ordinairement du côté opposé au mésentère, et interrompues par des surfaces où la muqueuse est saine, à l'exception de la couleur hortensia ou cèdre. En général, le lavage diminue promptement la rougeur plus ou moins intense de ces portions de muqueuse affectées, que quelquefois on rencontre d'une couleur pourpre, et même passant au brun noirâtre (1), ce qui semblerait l'indice d'une très-violente inflammation. Malgré cela, on voit la coloration disparaître en grande partie après une lotion de dix ou douze minutes, et être remplacée par de simples arborisations très-rapprochées, entremêlées de pointillé ou de petites taches rouges d'ecchymose, où le sang est vraiment combiné dans le tissu de la muqueuse. Partout ailleurs il reste renfermé dans les capillaires. Ainsi, les cas dans lesquels l'inflammation semble le plus vive, ne sont guère que de très-fortes congestions, suite d'une irritation maintenue presque toujours au-dessous de l'état vraiment inflammatoire. On voit surtout les rougeurs de la muqueuse disparaître promptement dans les cas de mort très-prompte, car on les rencontre aussi dans ceuxlà, mais seulement chez des sujets qui, pendant leur vie,

ont eu des déjections sanguinolentes, et avaient présenté,

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(1) Cette coloration foncée de la membrane muqueuse a été prise par beaucoup d'auteurs pour un effet de la gangrène, qui, quoique très-rare, a vraiment été observée quelquefois, et autre autres par M. Bouillaud. (Traité pratique, etc., du choléra, p. 42. )

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351-355

peu de temps avant d'être atteints du choléra, tous les symptômes d'une affection intestinale intense. Ce fait explique comment on trouve les caractères d'une maladie d'assez longue durée, sur des individus dont la mort peut passer pour prompte, si l'on n'a égard qu'à leur dernière maladie.

Presque toujours de couleur naturelle, la muqueuse de l'estomac s'est présentée aussi souvent ramollie dans les cas prolongés que dans ceux de mort prompte; mais ce n'est guère que dans les premiers où il m'est arrivé de la voir enflammée. Son inflammation, susceptible de différences considérables, par rapport à l'étendue et à l'inten·sité, s'est présentée une fois sur six ou huit, particulièrement quand les malades avaient continué à être tourmentés jusqu'à la fin, de nausées ou de douleurs épigastriques très-fortes. Généralement plus prononcée que sur les intestins, la rougeur inflammatoire ne s'en allait pas par le lavage. On la voyait, après avoir nettoyé la muqueuse des glaires filantes, quelquefois légèrement teintes de sang, qui formaient une couche presque continue à sa surface, se nontrer sous l'aspect de plaques, de bandes ou de pointillé d'un rouge plus ou moins vif. Sous ces formes diverses, l'inflammation, ordinairement bornée à un quart ou à un tiers de la muqueuse gastrique, affectait principalement le grand cul-de-sac. Très-rarement elle occupait toute la surface de cette membrane, toujours alors molle et notablement épaissie; et dans tous cas était surtout apparente sur la saillie des rides. Au contraire, quelle que fût sa couleur, la muqueuse des intestins ou gros ou grêles, conservait presque toujours, je le répète, sa consistance normale. Une fois exceptée, je n'ai jamais rencontré son ramollissement que sur les cadavres de sujets précédemment atteints d'affections intestinales déjà assez

anciennes (1). A plus forte raison doit-on rapporter à des maladies antécédentes, les ulcérations de forme et d'étendue variée qu'on rencontre quelquefois dans les intestins des cholériques.

Sans être aussi directement influencé que le canal alimentaire, par la durée longue ou courte du mal, le foie et la rate ne sont pas sans rapport, par leurs lésions, avec l'une et l'autre de ces circonstances. Ainsi quand la mort arrive après le cinquième jour, la rate, eu égard au sang contenu dans les vaisseaux, est en partie revenue à son étát naturel; sa flétrissure a de beaucoup diminué. Les mêmes remarques s'appliquent au foie. Au delà du cinquième jour, la bile se retrouve en quantité notable dans les intestins. On lui reconnaît dans la vésicule ses qualités habituelles, preuve que les fonctions du foie se sont rétablies. Cependant ce résultat n'a pas toujours complètement lieu, et la vésicule contient alors une bile plus ou moins altérée. Une fois je l'ai trouvée remplie par un liquide absolument semblable, pour la couleur et la consistance, à une décoction épaisse de lin ou de guimauve (2). Quant au pancréas et à l'appareil urinaire, je ne pourrais citer à leur égard que des faits déjà connus; je ne m'y arrêterai donc pas autrement. Mais je mne saurais également passer sous silence un fait d'anatomie pathologique, qui, sans avoir, à beaucoup près, toute l'importance qu'on a cru pouvoir lui attribuer, est loin cepen

(1) Tel était probablement le cas d'un cholérique mort rapidement ct à l'ouverture du cadavre duquel la muqueuse du gros intestin, dans quatre pieds de long à partir du cœcum, se trouva d'on rouge vif dû à une combinaison intime du sang avec son tissu. Celui-ci, dont l'épaisseur était à-peu-près doublée, avait l'aspect d'une légère couche de sang. Il était mou au point de s'en aller sous quelques frictions faites avec la pulpe des doigts, et de laisser à nu la mem

brane celluleuse.

(2) Voy. Obs. VII.

dant d'en être dépourvu ; il s'agit de l'affection à laquelle MM. Serres et Nonnat ont donné le nom de psorenterie (1). Elle manque assurément chez un assez grand nombre de sujets (2), et, ce qui n'est pas moins certain, elle est sur un plus grand nombre encore si peu prononcée, qu'elle pourrait être presque toujours inaperçue si on ne la cherchait avec attention. Fort apparente au contraire chez d'autres sujets, elle occupe jusqu'à la moitié ou les deux tiers du canal intestinal, à partir de la fin de l'iléon où elle est toujours plus grosse et plus rapprochée. Une fois je l'ai vu gagner le duodénum, où elle se montrait principalement au bord libre des valvules conniventes.

Le volume des corpuscules appelés du nom de psorenterie, varie entre la grosseur d'un grain de millet et même d'un grain de chenevis, et celle de la moitié ou du quart d'une tête de camion. Dans tous les cas, leur structure est la même, seulement leur couleur diffère un peu. D'un blanc grisâtre dans les plus gros corpuscules, elle tire un peu sur le rosé ou la couleur chair-pâle dans les plus petits. En examinant la tranche des uns et des autres, après les avoir divisés en deux avec un scalpel bien acéré, ils paraissent formés par un tissu homogène imbibé de liquide. Il en résulte que si l'on comprime un peu avec l'ongle les corpuscules ainsi divisés, on les voit s'affaisser au point de laisser à peine une petite éle

(1) Mémoire lu à l'Institut; voy. Lancette française, 28 avril 1832, p. 101.

(2) Suivant les paroles de M. Bouillaud, la psorcnterie manquerait environ cinq fois sur quarante-cinq. J'adopte volontiers cette estimation que je regrette de ne pas retrouver dans l'ouvrage du savant professeur, au lieu où elle eut été très-bien placée. (Traitépratique, théorique et statistique du choléra-morbus de Paris, page 69.

vure aplatie de la muqueuse, aux endroits qu'ils occu paient. On les affaisse à-peu-près aussi complètement si on les comprime avec l'ongle sans les avoir préliminairement incisés, et jamais cette petite opération ne donne lieu au jet ou la brusque sortie d'un liquide, comme cela arriverait sans doute pour un follicule engorgé dont la pression viendrait à dilater tout-à-coup l'orifice obturé. Quelle que soit au reste la nature de ces petits corps, il est certain qu'on les rencontre en petit comme en grand nombre, peu ou beaucoup développés, aussi bien chez les sujets dont la maladie a été longue que chez ceux où elle a peu duré. Ils ne sauraient donc être considérés comme jouant un rôle important dans la production des symptômes du choléra (1). Néanmoins la fréquence très-grande de leur apparition, dans cette maladie, mérite d'être particulièrement mentionnée, de même que l'espèce d'hypertrophie dont les glandes de Peyer se montrent presque aussi souvent atteintes, sans malgré cela jamais être, plus que ces petits corps, le siège d'ulcéra tion (2).

Crâne et cavité rachidienne. Un fait constant relativement aux membranes qui enveloppent l'axe cérébrospinal, est une injection sanguine d'autant plus considérable que la mort a été plus prompte. Ainsi on trouve les sinus de la dure-mère gorgés de sang; le même liquide remplit et distend les vaisseaux capillaires de la pie-mère, de manière à donner à cette membrane la couleur sombre que produirait une injection noire pous

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(1) Magendie, Leçons au Collège de France. Lancette française, 15 mai 1830, p. 136. — Velpeau, du Choléra épidémique, etc. Arch. gén. de Méd, juin 1852, p. 219.

(2) La psorenterie a été étudiée avec soin par les médecins allemands, ainsi qu'on peut le voir dans l'ouvrage de MM. Gerardin et Gaimard, du Choléra-morbus en Russie, p. 128 et suiv.

sée avec force et adresse. Dans beaucoup de cas, l'aecumulation du sang est telle, surtout à la face supérieure et externe des hémisphères cérébraux, qu'elle simule des ecchymoses larges comme la paume de la main. Quelquefois il existe aussi une infiltration de sérosité sanguinolente dans les mailles du réseau sous-arachnoïdien.

La substance du cerveau participe à la congestion des membranes. Quand on la coupe par tranches, le sang s'échappe de ses capillaires sous forme de points noirâtres très-rapprochés. Du reste, l'organisation du tissu nerveux, soit médullaire, soit cortical, ne présente aucune particularité notable, si ce n'est peut-être une fermeté un peu au-dessus de l'ordinaire. A ce sujet je dirai que M. Baron m'a assuré avoir vu, sur presque tous les cadavres des jeunes enfans morts de choléra qu'il a ouverts, la moelle épinière conserver une consistance et une densité tout-à-fait insolite. MM. Defarroque et Laugier ont observé, vers la queue de cheval, des désordres qui leur ont paru se rapprocher de l'inflammation (1). La dissection ne m'a rien montré de semblable, et elle m'a positivement appris qu'en altribuant le choléra à une inflammation du ganglion semilunaire (2), M. Delpech substitue à la réalité les produits de son imagination. En résumé il reste prouvé, ce me semble, que toutes les lésions du système nerveux de la vie animale et de la vie organique observées dans cette maladie, tiennent ou à la manière dont la circulation y est modifiée, ou à des changemens dans les qualités du liquide circulatoire.

(1) Remarques sur la physiologie pathologique, etc., Arch. gén. de Méd., juin 1832, p. 200.

(2) Etude du choléra-morbus en Angleterre et en Ecosse, en 1832.

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A nos yeux, les diverses congestions, les fortes injections de couleur sombre, les infiltrations de sérosité sanguinolente dont il vient d'être parlé, ne sauraient être envisagés différemment. Nous rapporterons aux mêmes causes l'augmentation presque toujours considérable du liquide habituellement contenu dans les ventricules cérébraux et dans la pie-mère de la moelle (1), ainsi que la rougeur insolite que présentent habituellement le tissu musculaire, les reins (2), les os plats et les os longs, surtout à leurs extrémités, la racine des dents, etc. (3). Cependant nous nous garderons bien de nier l'existence de certaines phlegmasies, quand elle aura été bien constatée. Par exemple, il arrive, quoique bien rarement à la vérité, de trouver sur les cadavres des cholériques les traces d'une inflammation plus ou moins forte des méninges. Mais même alors l'infiltration séreuse de la pie-mère se montre encore d'une manière très-remarquable. C'est sans doute à cause de cette disposition qu'on ne voit jamais sur l'arachnoïde le poisseux qu'il est si fréquent de trouver sur les autres membranes séreuses (4). (La suite à un Numéro prochain.)

Examen critique et comparatif des divers systèmes qui ont été émis sur la cause des bruits du cœur; par M. J. PIGEAUX, D. M.

Suum cuique. On avait déjà complètement oublié les expériences de

(1) Velpeau, du Choléra épidem. Arch. gén. de Med., juin 1832,

P. 211.

(2) Maingault, Gazette médicale, 10 mai 1882, N.o 40, p. 230. (3) Séance de l'Académie de Méd. Lancette française, 15 mai 1832, p. 175.

(4) Bouillaud, Leçons sur le choléra. Lancette françaisc, 31 mai 1832; p. 175.

Senac, de Haller, de Bichat, sur la cause des mouvemens du cœur et sur le rythme qu'ils affectent, lorsque les beaux travaux de Laennec sur les maladies de cet organe, éclairés par l'auscultation, rappellèrent l'attention des médecins sur ce point intéressant de la physiologie devenu de la plus grande importance, depuis son application à la séméiologie pathologique du centre circulatoire. Fort de cette supériorité incontestable, acquise par une longue et habile pratique de l'auscultation qu'il avait créée, longtemps Laennec domina le monde médical, et lui fit adopter sans examen ses ingénieuses théories; tant qu'il vécut, et inême quelques années après lui, on se contenta d'y ajouter des commentaires explicatifs; l'éducation des praticiens dans une carrière aussi nouvelle n'était pas encore assez faite pour qu'ils osassent attaquer en face des principes qui tant, et à si justes titres, excita leur admiration. Ce fut à nous, qui n'avions pas reçu l'influence de ses admirables leçons, qu'il était réservé de tenter une aussi téméraire entreprise; mais depuis que nous avons posé la main sur l'arche des croyances, Dieu sait les nombreuses atteintes que reçut la théorie de Laennec. Le champ des hypothèses une fois ouvert, on ne s'en fit pas faute, chacun produisit la sienne. Cependant loin d'éclaircir la matière, elles tendirent à rendre de plus en plus difficile l'examen comparatif de tant de doctrines qui toutes prétendaient à l'infaillibilité. C'est pour alléger la tâche de ceux qui désireraient approfondir ce sujet, , que j'ai recueilli et mis en opposition les matériaux épars d'un jugement vivement désiré par tous ceux qui portent quelqu'intérêt à la science. Bien qu'auteur d'un système qu'il conviendrait mieux à tout autre qu'à moi de juger, j'ai cru voir dans les patientes et nombreuses recherches que j'ai faites sur ce sujet, une suffisante autorisation pour établir un parallèle qu'on tient toujours

pour aventureux de poser quand on se trouve juge et partie, mais qu'on tolère lorsqu'on ne se soustrait pas à la critique des gens de l'art, des jugemens desquels, seuls, on n'appelle pas.

La théorie la plus ancienne, la moins artificielle, celle qui devait d'abord venir à l'esprit de tout individu qui avait vu les mouvemens du cœur et leur ordre de succession, et entendu les bruits de cet organe et leur rythme, est celle des contractions, celle qui place dans le racourcissement successif des fibres constituantes des parois des diverses cavités du cœur, la cause immédiate de la production des sons perçus à la région précordiale par l'auscultation. On en trouve des traces dans Galien, dans Harvey, dans Sénac, elle fut pressentie par Haller, Bichat, et surtout par Corvisart, qui signale dans certaine maladie du cœur, le bruit de ses mouvemens qu'on peut entendre à une certaine distance du thorax. Mais ce fut notre immortel Laennec qui en saisit, en développa toutes les conséquences, et se l'est appropriée par l'extension qu'il sut lui donner. Ainsi qu'il est donné de faire à presque tout individu qui excelle dans une partie, Laennec, qui avait acquis une si merveilleuse habitude de l'auscultation, voulut créer et fonda en effet une théorie presque complète avec l'aide de ce seul moyen d'investigation. Trop prévenu contre les erreurs qu'entraînent avec elles les expériences faites sur les animaux vivans, il fit la faute inexcusable de ne pas au moins chercher à assurer les bases de son travail, sur les connaissances de physiologie et de physique les plus élémentaires, el qu'il n'était plus permis d'ignorer à l'époque où il faisait ses recherches. Ce fut sur des faits isolés, mais ingénieusement rapprochés, qu'il bâtit sa théorie ; il tint peu compte des bruits anormaux ; aussi, entassa-t-il hypothèses sur hypothèses pour contraindre certains phénomènes réfractaires à rentrer dans sa doctrine. D'ail

leurs, trop habile observateur pour ne pas sentir la contradiction évidente de certaines parties de son système, il aima mieux tomber dans le néologisme et soutenir des propositions anti-physiologiques, que d'admettre la possibilité d'avoir été induit en erreur par un sens qu'il avait tant et si heureusement employé. Quelque peu d'analogie qu'il y eût entre le frémissement sourd et confus, résultat, de la contraction des muscles de l'avant-bras, et le bruit un et frappé qu'on entend à la région du cœur, il choisit néanmoins cet exemple pour base de sa théorie. L'épaisseur différente des parois, des ventricules et des oreillettes lui rendait d'ailleurs compte des bruits successivement sourds et clairs, perçus pendant leur contraction. La coïncidance de localité entre les cavités contractiles et les endroits où l'on entend les bruits, ne devait pas le détourner de son idée favorite. Il fut en cela plus excusable que plusieurs de ses successeurs, qui concentrèrent sur un seul point la cause immédiate de deux bruits dont le maximum d'intensité est séparé par un intervalle de trois pouces environ. Que si, cependant, il eût voulu réfléchir sur l'état particulier où se trouvent les diverses cavités du cœur au moment de leurs contractions, il eut nécessairement vu qu'à l'instant de sa systole, le cœur représente un corps plein et continu dans sa substance, dont la réaction concentrique ne saurait effectuer un nombre de vibrations suffisant pour produire un son aussi haut placé dans la gamme que ceux qu'on remarque à la région précordiale. L'omission de cette considération est un vice essentiel, inhérent à la théorie de Laennec, en particulier, et que parlagent toutes celles qui placent dans la contraction des cavités du cœur la cause immédiate des bruits de cet organe; il n'est même pas étranger aux diverses théories qui attribuent les bruits du cœur à la tension subite des valvules par l'intermédiaire des colon

30.

nes de sang que chasse la contraction des cavités, et spécialement à celle de M. Rouanet.

Lorsque parurent les expériences du docteur Barry, relatives à l'influence de la respiration sur la circulation, Laennec, qui sentait parfaitement bien le vice radical des travaux du médecin anglais, et qui rejettait les résultats de ses propres expériences sur les animaux vivans, pour des raisons qu'il a fort bien déduites et dont on a trèspeu profité, Laennec, dis-je, ne put totalement se soustraire à l'engouement que ces travaux inspirèrent en France. Le docteur Barry avait refusé aux oreillettes toute participation active à la circulation, il les considérait comme de simples réservoirs ou sinus: notre célèbre pathologiste se réfugia dans la contraction à peine sensible des auricules pour expliquer la formation de son premier bruit.

Cependant, poursuivant plus loin l'étude des bruits du cœur avec cette sagacité et cette finesse de l'ouïe qu'il possédait à un si haut point, Laennec en vint à l'interprélation des modifications des bruits normaux; conséquemment à son principe il en plaça la cause dans l'épaisseur relative qu'acquièrent les parois des cavités du cœur à l'état pathologique. Basant son explication sur cette simple donnée, il omit de signaler les cas où, sous l'influence d'une simple saignée assurément bien insuffisante pour faire varier du soir au matin l'épaisseur des parois du cœur, on en modifie complètement les bruits; l'état des parties environnantes, qui contribue si puissamment à en altérer le timbre, fut à peine mentionné. Arguant d'un rapport assez exact entre les modifications du bruit sourd et les conditions pathologiques des cavités ventriculaires, il n'insista pas assez sur la désharmonie qu'on observe entre l'état des oreillettes et les variations qu'éprouve le bruit clair, et qui eut renversé son système ; il omit de signaler ou plutôt il ignora complètement les

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 361-400
« Reply #13 on: September 27, 2022, 08:17:36 PM »

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relations qui existent entre l'état des gros vaisseaux et les modifications du bruit clair. Son intention avait été complètement distraite de ce point important de la symptomatologie des maladies du cœur par la force des principes de son système; ce fat là que je trouvai le défaut de la cuirasse, et ce qui m'engagea à poursuivre des recherches dont j'étais, d'abord, bien éloigné de prévoir toutes les conséquences.

Dans la première édition de ses œuvres, Laennec avait cru devoir établir une relation entre l'état de rétrécissement ou d'induration des valvules du cœur et les bruits anormaux connus sous le nom de bruits de soufflet, de scie, de lime, etc., sans chercher à les faire rentrer dans sa théorie; mais dans la seconde, il y revint franchement; de nombreuses autopsies et des observations thérapeutiques lui ayant fait voir que ces relations n'étaient pas constanteş, il plaça de nouveau dans la contraction spasmodique des cavités du cœur l'explication de ces bruits: mais alors force lui fut d'admettre des contractions spasmodiques dans les gros vaisseaux qui, dans certaines occasions, les font entendre; il ne recula pas devant les difficultés sans nombre que lui présentait cette nouvelle interprétation dans cette circonstance. Au moins, en cela, il fut conséquent avec lui-même; c'est malheureusement ce qu'il n'a pas pris à tâche de faire dans plusieurs autres parties de son système. Tel était l'état de la science lorsque la mort vint nous ravir l'auteur de l'auscultation: les bruits normaux et anormaux du centre circulatoire et de ses ramifications résultaient de simples modifications de la contraction des parois des cavités : nécessairement la cessation des contractions ou le repos était en rapport avec l'absence de tous les bruits.-Longtemps encore après la mort de Laennec, les praticiens les plus distingués, formés à

la clinique de la Charité, cherchèrent à compléter l'œu vre de son professeur par de nouvelles observations. L'ouvrage de M. Andral est totalement rédigé dans ce sens; à peine cet habile observateur osc-t-il laisser entrevoir quelques opinions contradictoires. Il est trop intimement convaincu de la supériorité de Lacnnec pour pouvoir lui opposer, avec avantage, les armes puissantes qu'il s'est conquises à la clinique de M. Lerminier. Néan· moins, l'appui franc et éclairé qu'il prête journellement à ceux qui ne partagent pas la même opinion, parle hautement en faveur de sa loyauté et fait vivement regretter qu'il n'aie pas usé d'une plume aussi habile que la sienne pour accomplir une tâche que ses observations lui permettaient, de parfaire plus promptement et plus sûrement que tout

autre.

MM. Bertin et Bouillaud, tout en partageant sans restriction les principes de Laennec, portèrent de profondes atteintes à son système par des interprétations phénoménales aussi neuves qu'ingénieuses; le tort fut à eux d'avoir respecté la doctrine par admiration pour son fondateur. Ils négligèrent de faire réagir les données qu'ils avaient acquises par leurs belles observations, pour analyser de nouveau un système qu'ils eussent bien voulu corriger, mais qu'ils ne désiraient pas renverser. Ce sont assurément ces deux auteurs qui préparèrent la révolution qui tendait à s'opérer; leurs judicieuses remarques éveillèrent l'attention le charme était rompu, la critique fit le

reste.

Cependant, d'un accord presque général, l'application de la théorie des contractions à l'étude des maladies du cœur devenait de moins en moins satisfaisante. On avait déjà restitué aux altérations des valvules la formation des bruits de soufflet, de scie,de rape, etc. Le frottement du sang en devenait l'intermédiaire indispensable; déjà, on

avait signalé la présence des doubles braits, dans certatis cas d'anévrysme des gros vaisseaux; l'erreur de l'ancien systême suintait de toute part; et par un aveuglement inconcevable, on défendait ses principes avec autant d'opiniãtreté qu'on en frondait les conséquences.

Sur ces entrefaites, de nombreuses observations de maladies du cœur s'étant présentées à mon attentiondans les salles de M. Lerminier, je résolus d'en faire une étude spéciale; de fréquentes nécropsies, où le diagnostic avait été complètement erroné, m'engagèrent à examiner les bases d'un système qui manquait aussi souvent dans son application à la pratique. L'oubli complet des lois de la physique, dans des recherches aussi matérielles que l'étude des bruits du cœur, devint bientôt pour moi le vice fondamental de l'édifice. Résoudre ce problême complexe aussi mathématiquement que possible; y faire entrer les lois de l'hydrostatique, sans négliger la physiologie expérimentale et les données d'une auscultation moins. prévenue, me parut la voic qui devait conduire à renverser la théorie des contractions de fond en comble, ou bien à l'asseoir sur des fondemens inébranlables. L'exposé succinct des recherches que j'ai tentées dans cette intention fera juger si j'ai manqué le but que je me propo

sais d'atteindre.

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Les premières objections que j'ai faites à la théorie de Laennec, dans le cours de son exposition, me furent suggérées par l'application que j'y fis des lois de l'acoustique : des expériences directes vinrent bientôt en confirmer les résultats. La contraction brusque et énergique d'une maia plongée au sein d'un liquide, ne put jamais produire le moindre bruit, bien qu'elle fût reçue dans un vase à parois sonores; que si, au contraire, on projettait par saccade contre les parois du sceau de métal la colonne de liquide que pouvait contenir la main, on entendait immédiate

ment des bruits en rapport avec la masse et la vitesse du liquide, modifiés toutefois par la texture des parois du vase qui entraient en vibration. Je fis plus, j'isolai une masse de liquide, en liant le col d'une vessie récemment arrachée du corps d'un animal, en ayant soin d'y injecter préalablement assez d'eau pour expulser l'air qu'elle pouvait contenir, et jamais, quelque énergique que fût la compression exercée sur les parois, soit avec la main, soit par des moyens artificiels, on ne put produire de bruit, par le déplacement moléculaire qu'on faisait éprouver aux diverses parties du liquide contenu dans cette poche membraneuse; mais si on adaptait à un des orifices du cœur, le col de la vessie moins serré et dont on pouvait vaincre la résistance par une forte pression exercée sur le corps de l'organe, on produisait, par le choc du jet de l'eau, des bruits moins forts, mais analogues aux bruits normaux du centre circulatoire.

Je passai ensuite aux expériences sur les animaux vivans; je connaissais le vice fondamental de celles qu'on avait faites jusqu'ici sur des animaux dont la circulation s'embarrasse et se précipite par l'ouverture du thorax, même lorsqu'on entretient chez eux une respiration artificielle, ainsi qu'il est facile de s'en assurer en faisant renaître les mouvemens du cœur complètement anéantis, par une ponction de l'artère pulmonaire qui, donnant au sang une issue que les vaisseaux du poumon leur refusent, permet, par la soustraction de l'obstacle, la réaction des parois du cœur et des oreillettes en particulier, auxquelles on avait cru devoir refuser toute participation active à la formation des bruits. Je résolus d'interroger les mouvemens du cœur sur des animaux qui respirent largement, la poitrine ouverte, et qui permettent au besoin l'examen de la circulation centrale, pendant plus d'une heure, sans éprouver de sensibles modifications. Le lézard, la couleuvre de

haies, et surtout la grenouille, dont les contractions du cœur ne dépassent pas go et souvent descendent à 70, devinrent les principales victimes de mes expériences.

Alors, seulement, il me fut donné d'étudier à souhait le rhythme des mouvemens du cœur; la succession non interrompue de diastole et de systole de chacune de ses cavités; la transparence de leurs parois me permit de constater: 1.° que les ventricules seuls se vident en totalité; 2.° que la contraction et surtout la dilatation des oreillettes s'exécutent moins rapidement que celles des ventricules; que ces dernières cavités s'éloignent des parois antérieures du thorax pendant leur dilatation, et que leur pointe s'en rapproche pendant la contraction, sans qu'un mouvement de redressement sensible s'effectue dans la crosse de l'aorte. A ces diverses considérations, réunissant d'autres données fournies, soit par la physio · logie ou par l'anatomie pathologique, qui 1.o avait, à juste titre, placé la cause des bruits de soufflet, de rape, dans la vibration des valvules mises en action par le frottement du sang qui passe d'une cavité à l'autre, et 2.° constaté le rapport qui existe entre l'état des gros vaisseaux (principalement dans des cas d'anévrysmes de l'aorte) et diverses modifications du bruit clair; rapprochant de ces faits la production des bruits dans la continuité de diverses ramifications de l'aorte, inexplicable par toute autre théorie que celle du choc ou du froissement du sang contre des parois qui entrent en vibration, j'ai cru pouvoir en déduire un systême nouveau des bruits du centre circulatoire et de ses ramifications; le voici tel qu'il se, trouve formulé en proposition, dans ma thèse.

Dating

1.° Le fluide qui circule dans les diverses parties du systême circulatoire est l'agent immédiat des bruits qu'on attribue généralement aux contractions des cavités du

cœur.

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2.o Le choc ou le frottement du sang contre les parois des vaisseaux qu'il parcourt, fait naître les vibrations qui produisent les bruits.

3.o Leur intensité est en rapport avec la force de progression du liquide; l'organisation des parties qui entrent en vibration en détermine le timbre.

4. Les contractions des cavités du cœur ne sont que la cause médiate de ce phénomène; une simple coïncidence le rattache à la dilatation de ces mêmes parties.

5. Les mouvemens du cœur, considérés isolément, sont aphones; les silences interposés aux bruits de cet organe viennent à l'appui de cette assertion.

6. Lorsque le sang aborde dans les oreillettes, il les dilate progressivement et sans bruit.

7.° Chassé dans les ventricules par une contraction égelement aphone des oreillettes, le fluide va heurter ou froisser les parois d'une cavité qui, close à son issue, entre en vibration et produit le premier des deux bruits du cœur, le bruit sourd, mieux dit le bruit inférieur.

8. Ici se place le premier silence, le plus petit des intervalles qui séparent les deux bruits du cœur; il a pour valeur l'instant de la contraction des ventricules.

9.o Le second bruit, le bruit clair, le bruit supérieur, vient immédiatement après; il résulte de la collision du sang contre les parois de l'aorte et de l'artère pulmonaire.

10.o Le second silence, le plus considérable, le seul connu et signalé par Laennec sous le nom de repos du cœur, doit se ranger ici; il est égal à la différence du temps qu'occupent le bruit clair, d'une part, et de l'autre, la dilatation et la contraction des oreillettes, que plus haut j'ai déclarées aphones.

Que si l'on examine l'ensemble de ce systême des bruits du cœur, on verra que toutes les données qui pouvaient en affermir les bases ont été consultées. A une extrême

simplicité, il joint une unité de principe qui lui est presque exclusif; les bruits normaux, les bruits anormaux, leurs variétés; les bruits des artères, tous s'expliquent par le frottement du sang contre des parois de densités différentes qui en déterminent le timbre. La localité des bruits s'y trouve respectée ; il n'a pas besoin, pour se soutenir, de l'anti-physiologique repos du cœur; le diagnostic précis s'en trouve d'autant plus facile; il laisse entrevoir de nouvelles bases au pronostic et des routes récentes à la thérapeutique.

Dans l'examen successif que nous allons faire des nouveaux systêmes qui se sont rapidement succédés depuis deux ans, nous verrons que presque tous ont été créés sur un nombre extrêmement limité de ces considérations; que peu d'entre eux portent le cachet de l'originalité, que presqu'aucuns de leurs auteurs n'ont profité des travaux de leurs devanciers que pour y puiser des opinions qu'ils se sont appropriées, sans en indiquer la source et sans même renouveller les expériences sur lesquelles elles étaient établies.

Deux de ces théories parurent presque en même temps; elles sont vraiment remarquables par la similitude presque absolue de leur point de départ, basé sur des expériences presque identiques, et par la différence essentielle des conséquences que leurs auteurs (MM. Marc-d'Espine et le docteur Hope) en ont déduites. Tous deux, l'un en France, l'autre en Angleterre, affectent de méconnaître les sources d'erreurs signalées par Bichat, par Haller et par Laennec, dans l'expérimentation sur diverses classes d'animaux dont la circulation s'embarrasse par l'ouverture du thorax, même lorsqu'on entretient une respiration artificielle; tous deux, dis-je, expérimentèrent sur des mammifères de ce genre, différens seulement par leur stature. S'appuyant des mêmes principes que le docteur Barry,

ils n'ont qu'une voix pour refuser avec lui aux oreillettes toute participation active à la production des bruits du cœur; la structure de ces cavités, pour l'un et l'autre, est un luxe d'organisation. En dernière analyse, ils placent tous deux, dans la contraction et la dilatation successive des ventricules, la cause immédiate ou médiate des bruits en question, dont l'un d'eux, (M. Marc-d'Espine) a grand soin de signaler le maximum d'intensité à trois pouces de distance. Presque en tout semblables dans leurs principes, ils ont assigné à leur théorie la place qu'elle doit occuper, par la dissemblance des conclusions qu'ils en ont tirées. M. Marc-d'Espine cherche, dans la seule action des parois musculaires des ventricules, la solution d'un problême que l'autre trouve péremptoirement expliqué par la collision des colonnes sanguines concentrées dans les cavités ventriculaires. Je passe ici sous silence une objection qu'on pourrait faire à l'un et l'autre de ces systêmes qui, à priori, semblent admettre l'activité de la dilatation des cavités du cœur ; mais je ferai remarquer que, d'accord avec Laennec sur les repos du ils ont l'un et l'autre substitué au mot qui exprime cette pensée, celui de silence qui est contradictoire avec leur principe, et dont je pouvais à si juste titre revendiquer l'introduction dans cette partie de la science. Passant ensuite aux conséquences de leurs principes pour expliquer les variétés pathologiques des bruits du cœur, c'est à grand peine qu'ils rendent compte des différences signalées, soit dans le timbre soit dans l'intensité. Tout en indiquant la distance qui sépare les deux bruits, ils se sont abstenus d'aborder les difficultés insurmontables qui s'offraient à eux pour faire entrer cette circonstance dans leur systême. Quant à l'explication des bruits de souffle, de scie, etc., ils l'ont prise telle qu'elle se trouvait dans la science; la force des choses les a entraînés, et le frottement du sang contre les

cœur,

valvules reste encore après eux la seule interprétation plausible du phénomène, encore qu'elle ne cadre pas avec leur théorie; ils se sont encore bien moins occupés d'y adapter les autres phénomènes pathologiques connus du temps de Laennec, ou mentionnés dans les ouvrages ultérieurs. Bien que couverts des apparences de l'utilité pratique, ces deux systêmes ne paraissent en réalité produits dans le monde scientifique que pour y introduire une innovation dont les auteurs eussent pu s'éviter les frais, en consultant attentivement les expériences qui avaient précédé leurs travaux. Aussi la séméiologie, seul but de pareilles recherches, en tira-t-elle peu de profit, et les marqua au coin des innovations depuis long temps repoussées de la science, à cause de la stérilité de leur application dans la pratique.

Ces diverses interprétations étiologiques des bruits du cœur ne parurent pas complètement satisfaire le monde médical; d'ailleurs, peu soucieux d'approfondir le sujet, il jugea plus convenable de prononcer sans appel sur l'avenir des théories qui lui avaient été soumises. Après avoir exposé l'état de la science, dans son cours de médecine au Collège de France, M. le docteur Magendie nous a expérimentalement improvisé une théorie dont le mérite principal se trouve, moins dans la nouveauté que dans l'ensemble des ingénieuses expériences discutées séance tenante pour la soutenir.

Le choc successif de la pointe et de la base du cœur contre le sternum, est, pour le savant professeur, la cause immédiate des bruits du cœur, l'isochronisme parfait (éminemment contestable) des mouvemens de diastole et de systole des cavités du cœur et des bruits. perçus à la région précordiale; le rapport qu'il constate entre le premier de ces deux mouvemens et le bruit sourd, et celui du second avec le bruit clair, sans expliquer le

motif de la différence de timbre, deviennent les principales bases de ce système. Que si M. Magendie injectait une certaine quantité de liquide dans les plèvres, il faisait disparaître le bruit en empêchant le choc dela pointe et de la base du cœur d'avoir lieu; il le voyait au contraire renaître en enlevant l'obstacle mécanique qui s'opposait à leur formation; les bruits anormaux font, dans ce système, classe à part; on les abandonne aux diverses explications que d'autres théoriciens ont bien voulu leur donner.

Sans vouloir accumuler ici toutes les objections fondées qui se présentent de prime-abord, je ferai remarquer que l'on cût pu s'épargner la peine de faire de si belles expériences pour soutenir une opinion qui se trouve consignée dans Laennec, et réfutée par la simple considération de la possibilité, constatée par des opérateurs d'opinion entièrement différente, d'entendre les bruits du cœur chez les gros animaux après l'enlèvement du sternum. Ils sont moins forts, il est vrai, mais parfaitement distincts. L'on savait du reste que les bruits du cœur étaient accrus ou diminués par la vibratilité des parties environnantes, qui leur servent, si je puis ainsi dire, de table sonore. Ainsi s'explique, chez les animaux d'une stature inférieure, la disparition des bruits du cœur, par l'enlèvement du sternum ou par l'interposition d'un liquide qui l'empêche de vibrer, etc.

L'injection subite d'une quantité d'eau dans les plèvres, en affaissant le poumon et gênant la circulation, doit, chez un chien ou un lapin, avoir le même résultat ; chez un animal plus fort, chez l'homme, on sait qu'ils ne disparaissent pas toujours complètement dans l'hydrothorax ni dans la péricardite avec épanchement.

Au reste, ainsi que l'auteur des expériences que nous venons d'analyser l'a dit publiquement dans ses leçons, il ne se flatte pas d'avoir résolu le problême; il se réserve

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de faire de nouvelles expériences dans le cours de l'année suivante. Nous les attendrons avant de juger l'ensemble de ces explications auxquelles il attache fort peu d'impor

tance.

Plus récemment enfin, M. le docteur Rouanet vient d'émettre, dans une thèse soutenue à la Faculté de Médecine de Paris, une sixième et dernière théorie, s'il ne plaît pas toutefois à quelque novateur de se réfugier dans la contraction et la dilatation des oreillettes, pour faire la contre-partie de ceux qui ont placé dans l'action des ventricules la cause immédiate des bruits du cœur.

Sous le point de vue de l'originalité, la théorie proposée et soutenue par M. le docteur Rouanet n'est pas plus nouvelle que celle qui la précède ; mais l'auteur y a ajouté un vif intérêt par l'extension qu'il lui a donnée en en faisant l'application aux divers braits pathologiques du centre circulatoire, et par de nouvelles expériences dont il l'a accompagnée.

Les éloges dont cette théorie s'est vue environnée à sa naissance me permettent de dire, préalablement à tout examen de la validité de ses principes, que l'auteur y a traité son sujet avec une légèreté que ne comportait même pas la matière d'une thèse, et que, probablement par inadvertance, il a emprunté, comme appartenant à la science, des faits que leur controverse journalière rend encore propres à leurs auteurs.

Au reste, tel est le système des bruits du cœur émis par M. Rouanet qui, de son autorité privée, déclare ceux de ses devanciers inadmissibles.

1.o Le choc du sang contre les valvules et des valvules contre les parois des orifices du cœur, telle est en général la cause des bruits du cœur.

2.o La contraction des ventricules est la cause médiate du premier bruit; la réaction des artères est celle du second.

Passant ici sous silence toutes les objections que pourrait présenter le défaut d'exactitude des expressions dont s'est servi M. Rouanet, nous ne pouvons cependant nous empêcher de chercher à connaître ce qu'il a pu entendre par le mot, paroi des ouvertures, qui joue un rôle trop important dans le mécanisme de la production des bruits, , pour que l'on ne le réduise pas à sa véritable valeur.

Anatomiquement parlant, les parois des ouvertures du cœur sont constituées par un cercle tendineux sur lequel repose la base des valvules, et assurément, au mɔment de la contraction des ventricules, le sang qui tend les valvules auriculo-ventriculaires est loin de projetter ces soupapes membraneuses contre les parois de l'orifice; il les en éloigne au contraire autant que faire se peut; que si par orifice du cœur en entend cette abstraction ou cet intervalle compris entre ce cercle tendineux, on est libre de le faire, mais on me permettra de lui refuser des parois, dans un langage scientifique qui se pique de quelqu'exactitude.

Cette objection, futile en apparence, ne l'est pourtant pas, puisqu'en réalisant une abstraction on rend vraisemblable, , pour ceux qui n'approfondissent pas le sujet, la solution d'un problême qui n'est en grande partie échaffaudé que sur des mots.

En dernière analyse, c'est donc à la tension subite des valvules, que M. Rouanet attribue la formation exclusive des bruits du cœur. Suivons le sur ce terrain; voyons, pour l'explication du premier bruit, ce qui se passe au moment de la contraction des ventricules. 1.° Ainsi qu'il est facile de s'en assurer par maintes expériences, surtout chez les animaux dont les parois du cœur sont transparentes, les oreillettes ne se vident pas en totalité à chacune de leur contraction; de plus, lorsque les

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1

ventricules se contractent, elles sont au moment de leur dilatation, instant où le sang pénètre leur cavité. 2.° De leur côté, alors aussi les ventricules sont pleins de sang; de telle sorte que les valvules auriculo ventriculaires sont alors placées entre deux masses de sang qui les touchent par toutes leurs surfaces au moment où, par leur tension subite, elles s'interposent entre elles et les empêche de se mélanger. Quelque subite que soit donc leur tension, je ne vois pas de possibilité pour ces membranes de vibrer, interposées entre de pareilles sourdines. Mais, pourrait-on m'objecter, une partie des bruits anormaux dans la plupart des autres systèmes, et dans le vôtre en particulier, s'effectue par la vibration de ces mêmes valvules; il est vrai, mais alors les ventricules se dilatent et ne contiennent pas de sang; le liquide peut donc, par la rapidité de son passage, faire vibrer des valvules qui sont flottantes dans la cavité. Si l'énergie et la soudaineté de la contraction des ventricules (bien que contestée dans une partie de l'ouvrage de M. Rouanet et approuvée dans l'autre), pouvait, jusqu'à un certain point, expliquer la tension subite des valvules auriculoventriculaires, et consécutivement la formation du premier bruit par ce mécanisme, voyons s'il en est de même pour le second.

La réaction des parois des artères contre le sang qui les distend, et par l'intermédiaire du sang, la tension des sygmoïdes, telle est la cause complexe du second bruit dans la théorie de M. Rouanet.

A priori, l'on eût pu établir, par l'ensemble des considérations qui rendent l'explication du premier bruit inadmissible, que l'interprétation du second, qui se trouve dans une condition presque identique, n'est pas plus plausible, mais la preuve directe en est pour le moins aussi facile à apporter.

Avant de baser son explication sur la dilatation et la contraction des parois artérielles, il cut été logique, et même indispensable, de renverser les expériences de Bichat, qui nie de telles propriétés à ces vaisseaux. Lorsqu'elles ont été préalablement distendues de sang par l'application d'une ligature, si la réaction mécanique et insensible des parois des artères est incontestable, il n'en est pas de même de la participation active de ces mêmes membranes dans le phénomène de la circulation, libre de toute entrave. Et le jet saccadé et intermittent, comme les contractions des ventricules, du sang artériel qui sort d'un tronc excentrique lésé dans la continuité de son tissu, réduirait à fort peu de chose une réaction et surtout une expansion nécessairement préalables de ces vaisseaux, déjà si contestable entre les branches d'un micromètre en forme de V et à branche mobile.

En effet, si l'on place une artère d'un certain volume entre les branches de cet instrument, la dilatation latérale n'est pas appréciable, bien que le mouvement qui se passe à l'extrémité de la branche mobile soit cent fois plus considérable qu'à sa base, ainsi qu'on peut s'en assurer en mettant les branches du micromètre de manière à ce que l'une d'elles reçoive l'impression du mouvement en masse, ou du déplacement de l'artère à chaque ondée de sang qu'elle reçoit.

Tel n'est donc pas le mécanisme du retour du sang, auquel, ainsi que M. Rouanet, j'attribue la formation du second bruit. Je considère les parois artérielles comme inextensibles ou presque inextensibles, et le choc en retour producteur du second bruit a lieu pour moi dans la crosse de l'aorte, comme dans les pompes à incendie, comme dans les conduits des jets d'eaux de Versailles, seulement lorsque l'on en bouche l'orifice d'une manière instantanée. La capillarité des extrémités du système artériel tient ici

lieu d'obturateur. Tant que les orifices des conduits peuvent débiter, dans un temps donné, autant de liquide qu'ils en reçoivent, le coup de piston ne se fait pas sentir dans les conduits; mais si l'on vient à clore leur orifice, il y a choc en retour; c'est le mécanisme connu du bélier hydraulique ; c'est le mode de rupture constaté des conduits de Versailles, lorsque les eaux cessent de jouer; peut-être est-ce une des principales causes de la rupture des parois artérielles dans la formation des ané vrysmes symptômatiques; c'est un rapprochement que je ne sache pas encore avoir été fait.

Indépendamment de ces explications du phénomène, j'ai dit précédemment ce qui m'empêchait de placer dans la tension subite des sygmoïdes la cause du second bruit ou du bruit clair. Et en effet si le phénomène était tel, la situation anatomique des deux ordres de valvules, à peine séparées par un travers de doigt, rendrait mal compte de l'éloignement des deux bruits dont le maximum d'intensité, ainsi qu'il est donné à chacun de l'entendre, se passe à trois pouces de distance.

Lorsque l'on raisonne juste, ainsi que fait M. Rouanet, en partant d'un principe faux, on ne peut tomber que d'inconséquence en inconséquence, et c'est une tâche qu'il a parfaitement remplie.

Ainsi que je l'ai signalé plus haut, la contraction rapide et énergique des cavités du cœur, approuvée par M. Roua-. net lorsqu'elle sert à expliquer l'extension subite des valvules, devient, dans le cours de la même thèse, trèscontestable, par maintes et maintes expériences, lorsqu'elle sert de base à la théorie des contractions comme agent médiat ou immédiat de la production des bruits du cœur. On voit dès-lors, par un rapprochement que l'éloignement seul.où il se trouve dans la thèse de M. Rouanet rend moins choquant, de quelle valeur sont

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les assertions qu'il oppose à ses adversaires. En effet, si le coup qu'il nous a porté eût été juste, il eût infailliblement tué sa théorie de ses propres mains: la nature a été fort heureusement, pour lui comme pour nous, fort indulgente sur ce point.

Je saisis l'occasion du mécanisme nouveau que M. Rouanet invoque pour expliquer les bruits normaux ou anormaux qui se passent dans les vaisseaux, pour appeler sur ce phénomène une attention trop détournée de nos jours.

M. Rouanet affirme que la perception de ces bruits anormaux ou normaux est due à la faculté départie aux liquides de conduire les bruits du centre circulatoire, et non, comme je l'ai avancé, au frottement tout local du sang contre les parois des vaisseaux, ou dépolis à leur surface interne, ou lésés dans la continuité de leurs tissus, on d'un diamètre qui a cessé d'être en rapport avec la masse de sang qui les traverse dans un temps donné.

Les bruits normaux restant les mêmes, je demanderai à M. Rouanet pourquoi les bruits des artères sont perceptibles dans un temps et ne le sont pas dans un autre, puisque la propriété conductrice du liquide ne change pas; bien plus, je demanderai la cause de l'isolement presque toujours complet des bruits anormaux des artères dont une seule ordinairement jouit accidentellement de cette particularité, et toujours ou presque toujours indépendamment de l'existence des bruits anormaux du centre circulatoire. Réciproquement dans cette théorie, comment rendrait-on compte de l'absence de perception des bruits anormaux du cœur lorsque l'on explore le trajet des artères? Je persiste à croire qu'un frottement accidentellement plus considérable du sang contre les parois des vaisseaux est la cause immédiate des bruits anormaux perçus dans la continuité de leurs trajets, comme il l'est des bruits analogues du centre circulatoire.

Que si, présentement, d'après l'ensemble des considérations qui ont été successivement exposées dans cet examen, trop abrégé si l'on n'avait égard qu'au sujet, mais qui a atteint les plus larges limites qu'on puisse lui donner dans un journal, on cherche à généraliser les causes d'erreur ou de vérité qui ont détourné de la solution du problême ou qui y ont amené, on verra :

Que, 1.° presque tous ceux qui ont construit une théorie de toutes pièces, ont cherché à l'appuyer sur un nombre très limité de considérations, quelquefois même d'une seule considération, soit physiologique ou pathologique, sans avoir égard aux inductions qu'on pouvait journellement tirer de l'examen du phénomène analysé sous un autre point de vue. 2.° Que presque tous, exagérant ou diminuant les avantages présentés par tel ou tel mode d'expérimentation, selon qu'il cadrait plus ou moins facilement avec leur théorie, en ont adopté ou rejetté les résultats avec la même légèreté, sans approfondir la matière par eux-mêmes. 3.° Que beaucoup ont conclu de simples coïncidences, pour établir des rapports de causalité entre des phénomènes dont maintes autres considérations prohibaient le rapprochement. 4.° Que plusieurs d'entre eux partant d'un même principe et s'appuyant d'expériences presque identiques, en ont déduit des conclusions entièrement différentes. 5.° Que le plus petit nombre a consulté la physiologie et l'anatomie pathologique, pour appuyer son système; qu'un moindre nombre encore a interrogé les lois de l'acoustique et de l'hydrodynamique, dans l'intention d'y prendre ce qu'elles avaient d'applicables à notre sujet.

6.o Et qu'enfin, plusieurs d'entre eux tenant peu compte des travaux de ceux qui les ont précédés dans la carrière, ont reproduit, comme nouvelles, des théories qui depuis long-temps n'avaient plus cours dans le monde

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médical, sans même tirer parti des objections qu'on leur avait déjà faites, et que dès-lors ils ont dû s'approprier des idées qui n'étaient pas encore tombées, sans restriction, dans le domaine de la science.

MÉDECINE ÉTRANGÈRE.

Principes généraux sur l'exploration symptomatologique des maladies des yeux; par M. le professeur HIMLY, de Gættingue; traduit par M. BARTH, interne des hôpitaux de Paris (1).

I. Comme l'œil est en grande partie placé à la surface du corps, et que les portions plus profondément situées ne sont recouvertes que par des membranes et des humeurs transparentes, l'exploration de cet organe se fait presqu'entièrement au moyen de la vue. (Ophthalmoscopie).

II. Cette exploration réclame donc une lumière suffisamment vive. La lumière ordinaire d'un jour serein suffit la plupart du temps, et dans les cas où une clarté plus grande devient nécessaire, par exemple pour voir distinctement le fond de l'ail, ou bien examiner la structure de l'iris, la distribution de ses vaisseaux, etc., on peut l'obtenir, soit en réfléchissant sur l'oeil les rayons lumineux à l'aide d'une glace, soit en les concentrant au moyen

(1) Allgemeine Anweisung für methodische Behandlung der Augenkranckheiten. Goettingen, 1830. Cette brochure, que le professeur Himly a fait tirer à un petit nombre d'exemplaires, n'est point livrée au commerce. Il l'a fait imprimer dans le but d'abréger le temps de son cours, et en a distribué un exemplaire à chacun des élèves qui suivaient ses leçons orales sur les maladies des yeux, en 1830.

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d'une lentille suffisamment forte que l'on présente devant l'œil à une distance convenable, ou que l'on peut même placer sur le nez du malade en forme de lunettes. Toutefois il faut s'assurer si l'œil peut supporter sans inconvénient l'action irritante d'une lumière aussi intense; et, lorsqu'on se sert de lentilles fortes, on doit éviter que le foyer tombe directement sur la rétine. Dans ces cas il est bon de se rappeler que, en éclairant fortement l'inté rieur de l'œil, il perd toujours sa teinte noire, et devient grisâtre, nébuleux ou verdâtre, ce qui pourrait induire

en erreur.

Lorsque les yeux supportent difficilement la lumière, on ne doit les explorer qu'à un jour très-doux, quand on veut les examiner pendant un temps suffisant et dans une grande étendue; en effet, à une vive clarté, la contraction spasmodique de l'orbiculaire des paupières fait que tout le globe oculaire est couvert, et souvent aussi un écoulement considérable de larmes empêche de voir distinctement. Il est tout-à-fait inutile, dans ce cas, de faire des efforts pour écarter largement les paupières; on ne peut parvenir à faire ouvrir l'œil qu'en plaçant le malade dans un jour plus doux.

III. Les paupières sont fréquemment un obstacle qui s'oppose à l'exploration de l'œil.

1. Dans les cas où les yeux craignent la lumière, il faut adoucir le jour comme il a été dit plus haut: chercher, dans une pareille circonstance, à écarter violemment les paupières, c'est risquer d'augmenter la contraction spasmodique du constricteur, ou même de voir le doigt déterminer un trichiasis, ou produire, en relâchant ces parties, un renversement de la paupière, comme on l'observe dans l'ophthalmie des nouveaux-nés.

2.° Chez des enfans indociles, la violence, loin d'être utile, ne fait que nuire; il faut alors exciter les enfans à

ouvrir les paupières, en attirant leur curiosité sur quelque objet qui leur plaise, pendant que l'on paraît ne diriger aucune attention sur leurs yeux.

3. Plus rarement la cause qui dérobe l'œil à l'examen du médecin, tient à la paralysie du muscle élévateur de la paupière supérieure ( blépharoplégie): dans ce cas on peut, sans inconvénient, soulever légèrement ce voile mobile.

IV. Un autre obstacle provient de ce que l'iris, à une lumière un peu vive, cache presqu'entièrement les parties profondes de l'œil. Veut on voir à un jour clair, avec des dispositions telles que l'œil les présenterait à l'ombre, où l'élargissement de la pupille découvre circulairement une plus grande surface du cristallin et de sa capsule, du corps vitré et de la rétine, on peut produire cette dilata tion à une clarté quelconque, par l'emploi local de plusieurs médicamens narcotiques. Le moyen le plus efficace dans ce cas est une solution d'extrait de jusquiame à la dose d'un scrupule dans deux gros d'eau distillée. L'effet que détermine ce médicament, dure ordinairement de cinq à six heures. Si l'on a affaire à des yeux très-sensibles, l'application, au voisinage de l'œil, d'un emplâtre de jusquiame bien préparé et conservé avec soin, sera quelquefois suffisante. Cependant le succès en est trop incertain. L'action de ces moyens est-elle, au contraire, émoussée par un épaississement de la cornée, une diminution de la mobilité de l'iris, etc., on se servira d'une solution égale ou un peu plus faible d'extrait de belladone, mais seulement comme cas exceptionnel, parce que ce médicament agit en général avec une force et une durée inutiles. Tant que subsiste l'effet de ces agens thérapeutiques, le malade ne doit s'exposer à aucune lumière intense, pour éviter que la rétine, largement découverte, en soit trop violemment ébranlée. Ou ne doit pas oublier

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nou plus que la coloration moins noire du pigmentum dans le fond de l'œil, pendant l'action de tels médicamens. n'est pas un symptôme morbide constant, mais seulement l'effet de ces mêmes moyens et de l'élargissement de la pupille dû à leur influence. Une moindre dilatation de cette ouverture peut être obtenue en fermant l'œil opposé ou en le plaçant dans l'ombre.

V. La lumière la plus favorable ne sert toutefois qu'à éblouir quand elle n'est pas convenablement réfléchie. La faute en est due souvent à l'observateur, qui place le malade dans une mauvaise position, principalement dans une chambre éclairée de différens côtés à-la-fois, et qui tiraille ou irrite l'œil jusqu'au point de le remplir de larmes. Le médecin se place-t-il mal lui-même, il ne verra dans l'œil presque rien que sa propre image en petit. C'est ainsi que j'ai vu des personnes prétendre apercevoir une tache blanche sautillant dans les chambres de l'œil, là où il n'y avait autre chose à voir que la réflexion de l'ongle du doigt qui abaissait la paupière inférieure. Mais quelquefois aussi le médecin observateur est exempt de reproche, lorsque, par exemple, la cornée, par une altération morbide, a perdu en partie sa transparence qu'elle est taillée en facettes par des cicatrices d'ulcérations, ou bien lorsque l'iris est placée très-près d'elle par suite d'une diminution de l'humeur aqueuse. C'est ainsi que, dans l'opération de la cataracte par extraction, le chirurgien a peut-être, au commencement de l'opération, convenablement placé l'œil malade par rapport à la lumière, et que, après l'écoulement de l'humeur aqueuse, la même position cesse souvent d'être bonne, snrtout lorsque la cornée peu épaisse se déprime. Dans quelques cas encore, de longs cils peuvent, au premier aspect, tromper plus ou moins un médecin peu exercé.

VI. Pour placer convenablement par rapport au jour à

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soi-même, l'ail que l'on veut explorer, il faut ordonner au malade de regarder fixement un objet mobile dont on change la position jusqu'à ce que la direction de l'œil soit celle que l'on cherche. Au moyen de cet objet, un doigt, par exemple, qui sert de point de mire, et que l'on fait mouvoir en haut, en bas, à droite, à gauche, on peut diriger l'œil à volonté dans ces différens sens, comme si on le tenait au bout d'un cordon.

VII. Quand il s'agit de juger de la situation superficielle ou profonde d'un objet placé à l'extérieur ou à l'intérieur de l'œil, il ne faut pas se contenter de regarder ce globe de face, mais l'on doit encore l'examiner de côté.

VIII. Reste-t-il encore quelque doute sur la position de l'objet, veut-on savoir s'il est placé devant ou derrière l'iris, dans le cas où il touche les bords de cette membrane, on fait alors changer le diamètre de la pupille comme il a été dit (S. IV); et si l'objet s'agrandit par l'élargissement de cetic ouverture, on conclut qu'il doit nécessairement être placé derrière l'iris.

IX. Pour les examens ordinaires, l'œil nu, s'il est bon, suffit sans autre secours; mais dans plusieurs cas il est utile de se servir d'une loupe de force moyenne, par exemple de lunettes à cataractes. Cela est surtout avantageux quand il s'agit d'observer des changemens peu marqués de l'iris, comme aussi certaines espèces de cataractes. Un verre de ce genre placé devant l'œil, pent en même temps servir à l'éclairer davantage. (§. II. )

X. Dans les cas où l'examen de l'œil exige l'application du doigt, il faut la faire avec précaution et avoir soin que les mains ne soient pas froides ni souillées de poussière, ni surtout imprégnées de quelque principe contagieux de variole, de rougeole, de syphilis. On doit également prendre garde à soi-même, lorsqu'on a eu à toucher des paupières suppurantes.

XI. L'ophthalmoscopie, pour être complète, doit embrasser un grand nombre de points. Sans doute chaque maladie des yeux ne réclame pas un examen aussi minutieux que celui que nous indiquons dans les paragraphes suivans; mais la légèreté peut devenir très-préjudiciable, et ce sera rendre service à la science que d'examiner dans tous ses détails, la disposition des yeux dans telle ou telle maladie, d'observer s'ils sont saillans on non, quelle est la couleur de l'iris, la dilatation de la pupille, etc., et de déduire d'un certain nombre d'observations de ce genre des résultats comparatifs.

XII. On doit d'abord diriger son attention sur la situation des yeux, sur leur position plus ou moins superficielle ou profonde; on examinera s'ils sont rapprochés ou écartés l'un de l'autre; si tous deux sont parallèles ou enfoncés par l'un de leurs angles; on observera aussi quelle est leur directioa habituelle.

XIII. On devra ensuite rechercher de quelle manière les yeux sont protégés par les tubérosités frontales, les arcades sourcilières, les sourcils et les cils; quel est le nombre, l'épaisseur, la longueur et la coloration de ces derniers.

XIV. Dans un grand nombre de cas il faut également examiner la région voisine de l'angle interne de l'œil, à cause de la présence dans ce point, du sac lacrymal, et voir si elle est tuméfiée, rouge, et si elle présente quelque plaie, quelque cicatrice, ou bien une sensibilité excessive.

Chez les vieillards, comme aussi chez des personnes plus jeunes qui contractent fréquemment les paupières . on trouve souvent, près de la région du sac lacrymal, la peau pendante en forme de poche; c'est l'effet de l'action continuelle du muscle constricteur qui, en s'insérant à l'angle interne de l'œil, a poussé de plus en plus la peau

de ce côté.

On doit également explorer toute la région environnante des paupières, surtout les parties situées au-dessus et au-dessous de ces voiles mobiles; car des cicatrices ou d'autres altérations de ces parties entraînent fréquemment des changemens dans la situation des paupières, et peuvent s'accompagner d'une lésion permanente des nerfs et des vaisseaux qui s'y distribuent.

XV. Nombreux sont les points qui doivent fixer l'attention dans l'examen des paupières. Sont-elles généralement rouges, gonflées, luisantes, flétries ? Sont-elles étroitement ou largement fendues ? Si leur ouverture est étroite, cette disposition est-elle habituelle, ou l'effet, de la contraction musculaire? Leurs bords sont-ils renversés en dehors (par le relâchement du muscle orbiculaire) ou bien dirigés vers le globe de l'œil (por la contraction du même muscle)? Le clignement des yeux est-il rare ou fréquent ? Les paupières sont elles tremblantes, agitées de secousses convulsives? Quel est le rapport existant entre l'action du muscle élévateur et celle du constricteur ? Les paupières sont elles peu écartées par un manque de force ou de durée dans l'action du premier de ces deux muscles, ou bien par l'effet de la contraction spasmodique du second? Cette contraction dépend-elle d'une sensibilité extrême de l'œil pour la lumière ? Le malade est-il myope, et est-ce pour cela seulement qu'il a pris l'habitude de contracter les paupières d'une ma nière outrée? Le bord libre des paupières est-il uni, ou présente-il des échancrures, des ulcérations, des cicatrices, des excroissances? La face interne, surtout à la paupière inférieure, offre-t-elle, quand on la renverse en l'attirant doucement en bas, une disposition normale,, ou bien est-elle excessivement rouge, veloutée et gonflée par suite d'une affection des glandes de Meïbomius ? Existe-t-il quelque kyste développé dans l'épaisseur de la

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paupière ? Les cils sont-ils convenablement placés ? se secrète-t-il une surabondance de mucus déposé sous forme de filamens, de masses ou de croûtes dans les angles de l'œil, sur les bords des paupières ou dans les cils ? Les points lacrymaux sont-ils tuméfiés, d'une rougeur anormale, étroits, larges, fendillés? renferment-ils quelque corps étranger? sont-ils convenablement dirigés vers l'œil, enfin portent-ils des traces de cicatrice ?

XVI. La caroncule lacrymale n'est-elle pas trop volumineuse, rouge, garnie de poils durs, ou bien manquet-elle complètement ou en partie? La membrane clignotante n'est-elle pas tuméfiée, rouge, ulcérée ? Quelque corps étranger ne s'est-il pas implanté dans ces parties ou glissé sous elles? Telles sont les questions les plus importantes qu'il s'agit de résoudre par un examen attentif.

XVII. Quand il s'agit de rechercher s'il se trouve quelque corps étranger entre la face interne des paupières et la surface du globe de l'œil, on renverse suffisamment la paupière inférieure en dehors, en l'abaissant douce-ment avec le doigt appliqué sur sa face externe, et on fait en même temps tourner le globe oculaire en haut, afin de découvrir le repli que forme la conjonctive en passant de la paupière sur l'œil. S'agit-il d'explorer la face interne de la paupière supérieure, on la saisit doucement par un pli de la peau placé près de son bord, au moyen de deux doigts de l'une ou des deux mains, et on la soulève en l'éloignant de la surface de l'œil, pendant que l'on fait abaisser celui-ci vers la joue. Cette exploration devient plus facile si la tête du malade est plus élevée ou inclinée en arrière.

XVIII. Quant au globe oculaire envisagé dans sa totalité, il faut examiner le volume, les mouvemens et la direction de chaque œil isolément et relativement à celui

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du côté opposé. (Il est à remarquer qu'une légère différence dans le volume de l'un des deux yeux est une anomalie de naissance qui n'est pas très-rare.) On fera de même attention à la manière dont cet organe est humecté et à son degré de tension.

XIX. Quant à la conjonctive, on doit examiner la manière dont elle adhère à la cornée et à la sclérotique, et son état dans les lieux où elle se réfléchit sur la face interne des paupières: Dans ces régions la membrane est souvent boursoufflée à un tel point que cela frappe au premier coup-d'œil. Cette disposition se rencontre principalement à la limite de la cornée et de la sclérotique dans ce point la conjonctive est fréquemment soulevée sous la forme d'un gonflement circulaire qui se renverse en partie sur la cornée transparente, et qui pourrait, par un examen superficiel, engager à chercher dans la chambre antérieure une altération placée au-devant de la cornée. Un autre point où ce boursoufflement se prononce encore davantage, est celui où la conjonctive se réfléchit sur la paupière infé rieure: là cette membrane se projette en avant sous la forme d'un bourrelet qui recouvre quelquefois presque tout le segment inférieur de l'œil.

A un degré moins prononcé, ce relâchement dans les adhérences de la conjonctive ne se, remarque que lorsque le malade meut ie globe de l'œil: alors cette membrane se porte dans différens sens. Le doigt peut encore servir, sans aucun inconvénient, à faciliter une semblable exploration, en l'appliquant contre la paupière inférieure et en pressant ainsi la conjonctive, surtout vers l'angle externe de l'orbite.

Quant à ce qu'on appelle ptérygion adipeux, on sait que d'ordinaire cette petite altération ne siguifie rien.

On portera ensuite son attention sur le nombre et la

grosseur des vaisseaux sanguins de la conjonctive. On se rappellera que, dans beaucoup de cas, le blanc de l'œil qui paraît, au premier aspect, tout-à-fait normal, rougit plus ou moins vite, lorsque l'on assujettit pendant quelque temps les paupières et le globe oculaire.

On reconnaîtra aisément que les vaisseaux qu'on remarque appartiennent à la conjonctive et non à la sclérotique placée au-dessous d'elle, à leur trajet beaucoup plus étendu, à leur grosseur plus marquée, à leur position plus superficielle, et à la facilité avec laquelle ils se laissent déplacer. Lorsqu'un développement des vaisseaux sanguins existe à-la-fois dans les deux membranes, on voit souvent ceux qui appartiennent à la plus superficielle se déplacer, dans les mouvemens de l'œil, en glissant sur les seconds.

C'est encore dans les cas d'altération de la membrane muqueuse oculaire, que l'inspection latérale est souvent instructive, en ce qu'elle y fait découvrir des défectuosités, de petits ulcères, de petites excroissances qu'on n'avait pas aperçues, et qui se trouvent principalement dans la portion de cette membrane qui adhère plus fortement à la cornée, qui présente souvent alors des espèces de facettes, ou bien un aspect mat, presque velouté.

XX. La cornée doit également être examinée de face et de côté. Il faut observer le degré de sa convexité, de sa transparence, du poli de sa surface; rechercher si une ceinture de vaisseaux se manifeste à son contour entre elle et la sclérotique; si quelques capillaires noueux, isolés, s'étendent sur elle, se perdent dans son épaisseur. Quant au cercle opaque que l'on observe chez les vieillards (gérontoxon), on sait qu'il constitue une disposition particulière à un âge avancé.

XXI. Pour ce qui regarde la sclérotique, il faut en explorer soigneusement toutes les parties, examiner si

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elle ne présente pas quelques saillies, quelques points bleuâtres, ou des enfoncemens dus à des ulcérations. Les vaisseaux de cette membrane se distingueront de ceux de la conjonctive par la petitesse de leurs courbures et l'immobilité de leur position.

XXII. L'iris à son tour réclame un examen des plus attentifs et qui porte sur un grand nombre de points de

vue.

Relativement à sa couleur, on aura soin, pour établir le diagnostic de la maladie existante, d'observer principalement si elle ne présente pas, en quelques points, une rougeur morbide, puisqu'une iritis, soit chronique, soit aiguë, se rencontre bien plus fréquemment que ne l'ont cru la plupart des médecins, même ceux qui s'occupent spécialement des maladies des yeux. On portera surtout son attention sur le cercle vasculaire interne, qui rougit le plus souvent, et la plupart du temps en premier lieu. C'est quelquefois aussi sans inflammation que l'on rencontre un développement morbide des vaisseaux sanguins comme je l'ai remarqué, par exemple, dans l'hydrophthalmie, et une fois aussi dans un cas de cancer commençant de l'œil. Dans ce cas, mon attention fut d'abord excitée par une teinte rougeâtre que semblait présenter la cornée transparente, lorsque je la regardais de côté, de manière à voir transversalement, à travers la chambre antérieure ; cette teinte, que j'appellerais volontiers un reflet opalin de la cornée, me paraît provenir principament de la rougeur de l'iris placée derrière elle ; car jusqu'à ce jour un examen soigneux de l'iris a fait voir communément, dans ce cas, des vaisseaux rouges trèsdistincts dans cette membrane; et lorsque, par l'emploi local de la jusquiame, je déterminais une dilatation plus marquée de l'iris, et que j'opérais ainsi un resserrement de ces vaisseaux, je voyais en même temps disparaître

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ce reflet opalin de la cornée. Mais, dans quelques cas, je n'ai pu trouver aucune altération, soit dans l'iris, soit dans les qualités de l'humeur aqueuse.

2.° Outre la rougeur dont je viens de parler, il faut observer si la coloration de l'iris n'est pas altérée, si cette membrane n'est pas d'un blanc-grisâtre, par exemple, comme on le voit souvent à la suite de l'iritis.

3. Si l'on rencontrait un œil devenu rapidement verdâtre, de bleu qu'il était, et si cette disposition avait été précédée de quelque circonstance qui ait pu donner à l'humeur aqueuse une teinte rouge peu foncée et se rapprochant du jaune, comme, par exemple, un léger épanchement sanguin soumis à la résorption, il ne faudrait pas se laisser induire en erreur, et prendre pour une coloration de l'iris ce qui n'est en partie que l'effet du milieu à travers lequel on la considère. Du reste', il est à peine nécessaire de noter qu'une coloration non uniforme de l'iris n'est pas toujours un symptôme de maladie, puisqu'il n'est pas très rare de voir des yeux dont l'iris est ainsi diversement nuancée et présente, par exemple, un fond gris avec des segmens bruns plus ou moins larges (1).

Il est ici une remarque à faire relativement à l'étiologie

(1) On doit prêter également une attention plus grande aux changemens de couleur de l'iris, qui ne sont point un phénomène pathologique, mais l'effet d'un développement plus parfait de l'individu. Souvent en entend des mères faire la remarque que leurs enfans ont apporté au monde des yeux bleus, et que ceux-ci sont devenus insensiblement bruns. Cela est vrai, sans doute; mais je n'ai jamais vu chez des nouveau-nés des yeux d'un bleu clair décidé, une iris couleur de bleuet. J'ai fréquemment au contraire observé le passage d'une teinte grise d'acier de l'iris à une couleur brune, dans quelques cas d'une manière partielle, et persistant alors avec cette disposition, tantôt sur un seul œil, tantôt des deux côtés, quelquefois d'une manière symétrique.

des maladies des yeux : comme tel ou tel état est le type d'une disposition plus ou moins marquée pour telle ou telle affection de ces organes, il est bon d'observer si le plus grand nombre des yeux, dans certains cas morbides, présente une iris bleue, brune ou rougeâtre. C'est ainsi qu'il est des yeux foncés qui m'inspirent des craintes sérieuses, quand je les rencontre chez des personnes qui accusent une certaine faiblesse de la vue.

XXIII. Indépendamment de l'examen de la couleur de l'iris, on fera attention au degré de dilatation de la pupille. On examinera si elle est largement ouverte ou fortement resserrée; si son contour est circulaire ou échancré; si elle présente une configuration anguleuse, et, dans ce cas, si les angles sont placés dans une position horizontale ou verticale; si le bord interne de l'iris est mince et tranchant, ou épais, ou bien confondu avec les parties plus profondément situées; si enfin cette membrane est détachée à un point inaccoutumé, et forme une pupille anormale.

XXIV. On examinera également la texture de l'iris; on s'assurera si elle est réticulaire, ou au contraire d'une densité inaccoutumée formant une membrane serrée, presqu'homogène, ou garnie dans son tissu réticulaire de fibres solides.

XXV. Quant à l'iris elle-même, ainsi qu'aux parties qui la soutiennent par derrière, il est nécessaire d'examiner la situation de cette membrane: si elle est plane, convexe ou concave par sa face antérieure. Sa convexité indique une pression trop forte contre elle d'arrière en avant, qui peut être occasionnée par une augmentation excessive du corps vitré, da cristallin, de l'humeur de Morgagni, par des excroissances de la capsule ou une accumulation démesurée de l'humeur aqueuse dans la chambre postérieure seulement. Une disposition concave

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391-395

indique, au contraire, une diminution du volume de ces parties, un manque de tension du corps ciliaire, le plus fréquemment un amoindrissement ou une résorption complète, ou bien encore un déplacement du crystallin. Mais il faut en même temps mettre en ligne de compte la position naturelle de l'iris, qui dépend surtout de l'âge du sujet, puisque, à mon avis du moins, chez de trèsjeunes enfans la face antérieure de cette membrane me semble présenter une convexité non douteuse. Il faut observer encore s'il n'existe pas dans l'iris un balancement d'avant en arrière, principalement pendant les mouvemens du malade.

XXVI. Un autre point qui doit ensuite fixer l'attention, c'est la mobilité de l'iris. C'est elle surtout qui détermine la largeur de la pupille que l'on doit observer à différens degrés de clarté, quelquefois même à la lueur d'une bougie, et mesurer d'après l'intensité de la lumière. En même temps on observera encore si les changemens de la pupille, par l'effet des changemens de lumière, s'opèrent promptement ou avec lenteur; s'ils cessent bientôt, ou bien si l'iris oscille pendant long-temps; si la mobilité de la pupille est plus marquée d'un côté que de l'autre. Dans quelques cas d'amaurose et d'amblyopie amaurotique, les phénomènes qui s'opèrent dans l'iris à la lumière et à l'ombre m'ont paru tout à fait renversés, puisqu'en écartant subitement les paupières qu'on avait eu soin de bien clore, la pupille paraissait d'abord étroite, et s'élargissait ensuite à une clarté plus vive. C'est une observation que je ne trouve consignée nulle part. J'attribue ce phénomène à l'excessive susceptibilité de l'œil, en vertu de laquelle la lumière ordinaire du jour agit déjà sur cet organe avec une force qui le paralyse; du moins chez le malade que je cite, l'affection dont il souffrait avait cer

· 30.

27.

tainement ce caractère fondamental (1). A l'occasion du rétrécissement et de l'élargissement de la pupille, il faut encore faire attention s'il s'opère également dans tous les points, ou bien si quelques portions de l'iris ne suivent pas le mouvement général, comme cela a lieu principalement quand il existe des adhérences partielles.

Dans les cas où la pupille, à différens degrés de lumière, conserve toujours la même largeur, on ne se hâtera pas d'en conclure qu'il ne s'opère pas dans l'iris quelques changemens intimes. Ce n'est souvent qu'une adhérence du bord pupillaire avec la capsule crystalline, ou bien une cohésion des bords entre eux dans l'occlusion de la pupille, qui empêche cette excitabilité intérieure de se manifester par des changemens dans l'état de cette ouverture, et un examen plus attentif fait voir encore des mouvemens intérieurs de l'iris qui deviennent surtout distincts dans les cas où la structure de cette mem-brane est réticulaire; ou bien l'on remarque encore quelque changement dans la position de ses deux faces. (xxv.) Mais fréquemment aussi l'iris est réellement frappée de paralysie, ou devenue, par une hypertrophie, incapable de produire ces mouvemens.

XXVII. Les grandes altérations du crystallin et de ses annexes sont consignées dans l'histoire spéciale de la cataracte vraie et fausse.

XXVIII. Pour ce qui concerne la chambre antérieure et ce qu'elle renferme, il faut se garder de prendre un épaississement et une perte de transparence des membranes qui la bornent antérieurement, pour une opacité de l'humeur aqueuse par l'effet de quelque sécrétion ou excrétion morbide. D'un côté, une sécrétion puriforme

(1) Ce phénomène a été observé avec Himly par le professeur Grapengieser, sur une amaurotique à Berlin.

dans la chambre antérieure est bien plus fréquente qu'on ne le croit généralement; cela se fait craindre, surtout dans les cas où l'iris apparaît rouge, même seulement à son bord interne. D'un autre côté on a vu et l'on voit encore journellement confondre avec une accumulation de pus dans la chambre antérieure, une opacité laiteuse de la cornée qui s'observe à la suite de certaines espèces d'inflammations de cette membrane, principalement de celles que l'on a désignées sous le nom de métastatiques; cette méprise n'est que trop souvent cause de la perte de l'œil, en portant le chirurgien à ouvrir la cornée transparente, comme s'il s'agissait d'un abcès. Ce qui peut faire distinguer ces deux affections, c'est que l'opacité de la cornée, qu'elle provienne, soit d'un' épaississement de cette membrane qui altère sa transparence, soit de la présence d'un fluide opaque enfermé dans son épaisseur, conserve toujours la même position, tandis qu'au contraire dans le cas d'abcès de la chambre antérieure, le liquide mobile gagnant toujours le lieu le plus déclive, occupe l'espace triangulaire qui sépare la cornée de l'iris; et lorsqu'on fait incliner la tête latéralement, il se déplace dans ce même sens en glissant dans ce sillon. C'est encore là le point où se forme le gérontoxon et où la conjonctive se soulève fréquemment en forme de bourrelet: ces cas sont néanmoins faciles à distinguer. Mais une détermination plus exacte de la mobilité dont il vient d'être question devient encore nécessaire, si l'on veut éviter toute méprise. Bien souvent j'ai trouvé dans la chambre antérieure des masses opaques qui conservaient leur position, quoique je fisse pencher la tête sur les côtés. Cet effet a lieu lorsque cette matière est tenace et contient beaucoup d'albumine, ou bien lorsqu'elle n'existe encore qu'en petite quantité; dans ce cas elle reste logée d'une manière trop fixe dans le sillon

indiqué pour pouvoir se déplacer instantanément en vertu de son poids. Mais si l'on laisse le malade seulement pendant quelques heures couché sur un côté, l'on trouve au bout de ce temps le déplacement opéré.

Dans quelques cas l'humeur aqueuse paraît rougeâtre, et cependant l'iris seule est rouge; la cornée alors présente un reflet de cette couleur (xx1—1.°) ; tandis qu'au contraire une iris qui de bleue est devenue verte indique un changement de coloration de l'humeur aqueuse (XXII-3.°), etc.

XXIX. Enfin en examinant le fond de l'œil, on recherchera quelle en est la couleur; si elle est d'un noir foncé, ou bien grisâtre, nébuleuse, verdâtre; si l'on peut y distinguer des vaisseaux. On prendra en même temps en considération que la teinte noire de la pupille dépend beaucoup du degré de lumière qui la frappe, ainsi que du degré de l'élargissement de cette ouverture. On ne se pressera pas non plus en général de regarder une pupille très-foncée comme un signe d'altération morbide. Il n'est pas rare de rencontrer des yeux sains et très-bons dont la pupille est grisâtre comme dans la cataracte commençante, et plus nébuleuse que dans mainte amaurose complète. Dans les cas où la pupille présente une teinte nébuleuse réellement morbide, il devient nécessaire d'examiner d'une manière spéciale si la cause réside dans le crystallin et sa capsule, ou dans le corps vitré, ou bien réellement dans le fond de l'œil, et s'il s'agit ainsi d'une cataracte, d'un glaucôme ou d'une amaurose commençante (1).

XXX. Il reste encore un point à explorer et auquel les

(1) Dans ce dernier cas on a ordinairement trop peu fuit attention d'où provient précisément cette coloration, si c'est d'un manque de pigmentum ou d'un épaississement de la rétine qui le recouvre.

oculistes cux-mêmes ont fait trop peu d'attention. Je veux parler de l'état de la glande lacrymale; cet organe est fréquemment le siège principal de certaines affections dont la véritable nature échappe au médecin qui, ne songeant qu'au globe de l'œil, néglige de rapporter une humidité ou une sécheresse excessive de cet organe à la lésion de cette glande. L'observateur devra donç porter une grande attention sur la région qu'occupe cette glande, en recherchant si c'est dans ce point qu'existe la doulour; si cette région offre une sensibilité marquée sous la pression et si quelque tumeur se prononce sous la paupière supérieure ou même repousse le globe oculaire latéralement et en bas. Il observera ensuite la quantité des larmes et jugera également de leur qualité par l'état des parties qu'elles arrosent, en y comprenant les fosses nasales, dont l'affection, dans l'ophthalmie appelée humide, provient certainement en premier lieu de ces larmes âcres arrivées jusqu'à elles par les voies lacrymales.

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XXXI. Toutes les recherches indiquées jusqu'ici (1 xxx)TM appartiennent proprement à l'ophthalmoscopie; mais quoique la plus grande partie de l'examen de l'œil doive se faire avec l'œil lui-même, il existe cependant encore d'autres moyens d'exploration; savoir, le toucher et l'étude des sensations du malade.

XXXII. Nous recourons principalement au toucher pour juger de la tension des membranes de l'œil, pour savoir si elle dépasse la mesure normale, et si le globe oculaire semble sous le doigt de consistance pierreuse, ou bien au contraire s'il cède comme une éponge sous la main qui le touche. Mais un coup-d'œil exercé peut déjà dans la plupart des cas éclairer à cet égard et même d'une manière très-précise. L'emploi de ce moyen d'exploration devient surtout nécessaire dans Pamaurose et

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dans les affections qui la font craindre, ainsi que dans l'occlusion de la pupille. Des nodosités, des tumeurs enkystées dans les paupières, réclament encore un examen à l'aide du toucher.

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XXXIII. Sous le rapport des sensations qu'éprouve le malade, on tâchera d'apprendre d'une manière précise s'il ressent des douleurs; quand elles sont les plus fortes; si c'est le matin, le soir, la nuit; si elles ne se font sentir qu'à une vive lumière, etc.; si c'est seulement lorsqu'il ferme ou qu'il ouvre les paupières; quel est le siège de ces douleurs; quelle en est la nature si elles sont lancinantes, brûlantes, tensives, pulsatives, prarigineuses. En même temps il est nécessaire de prendre en considération la manière dont les malades rendent compte de leurs impressions; car, en général, ils expriment d'une manière vive et inquiète les sensations qu'ils éprouvent dans l'œil.

XXXIV. Quant à l'état de la vue, on doit examiner chaque œil en particulier. Il faut rechercher si l'exercice de cette fonction est altéré ou perdu; si le malade voit les objets trop gros ou trop petits, seulement à moitié, doubles, anguleux, se mouvant, tandis qu'ils sont en repos, bordés d'une espèce d'arc-en-ciel, et dans ce dernier cas, si cette auréole existe constamment ou seulement à une lumière artificielle, ou enfin uniquement lorsque les yeux sont tenus pendant quelque temps ouverts. Le malade, surtout quand les objets sont petits, les distingue-t-il bien du premier coup-d'œil, et les voit-il ensuite peu-à-peu s'entremêler et s'obscurcir? ou bien au contraire, après un effort soutenu pour bien voir, deviennent-ils successivement plus distincts? La durée pendant laquelle l'œil voit d'une manière précise, est-elle courte ? Quel est l'état de la vue dans les différens momens de la journée ? est-elle meilleure à une clarté vive

ou à une lumière faible? lorsque l'œil est placé en face de la lumière, ou bien lorsque celle-ci est placée derrière lui? A quelle distance la vue est-elle la plus exacte, et l'espace dans lequel l'œil voit distinctement de petits objets, n'a-t-il que peu d'étendue ? Le malade voit-il les couleurs telles qu'elles sont et que d'autres les voient ? ou bien les couleurs lui semblent-elles plus claires, de manière, par exemple, qu'il prenne le jaune pour da blanc, etc.? ou bien, au contraire, les voit-il plus foncées, de manière à prendre par exemple un rouge foncé ou même le bleu pour du noir? A l'occasion de cette confusion des couleurs on ne doit pas oublier qu'il existe quelques cas rares où ce phénomène est le résultat d'une idiosyn crasie (okyanopie. }

XXXV. On rencontre quelquefois des gens qui font passer à dessein leurs sensations en général, et particulièrement l'état de leur vue, pour ce qu'elles ne sont pas, et prétendent même, avec des yeux sains, être complètement aveugles. C'est ce qu'on peut voir chez des individus qui cherchent à se soustraire au service militaire, ou qui, par paresse, veulent prolonger indéfiniment leur séjour dans les hôpitaux, etc. Dans les cas où des individus prétextent une cécité complète, on ne tardera pas à découvrir la vérité, en observant avec une attention déguisée la manière dont ils conduisent leurs pas, et comment ils parcourent sans tâtonnement des lieux qui leur sont inconnus. La meilleure preuve de leur tromperie, c'est de chercher à les surprendre par quelqu'objet frappant, par exemple en leur présentant toutà-coup, mais sans bruit et sans trop d'agitation, quelque chose de brillant, en avançant sur eux un couteau où même le doigt, en réfléchissant inopinément sur leurs yeux la lumière d'un miroir, etc. Mais il est souvent très-difficile d'arriver à la découverte de la vérité lorsque

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les individus ne feignent qu'une faiblesse de la vue, surtout quand ils simulent ce genre de faiblesse dans laquelle même de petits objets peuvent être distinctement aperçus pendant un certain temps qui toutefois est de courte durée. Dans ce cas cas une longue observation devient

souvent nécessaire.

XXXVI. Plus fréquemment encore il arrive que le malade donne de faux renseignemens parce qu'il se trompe lui-même; mais les cas les plus fréquens sont ceux où les malades déclarent une cécité qui remonte à plusieurs années, comme n'existant que depuis un temps fort court; c'est ce qui arrive lorsque, depuis long-temps affligés d'une perte complète ou d'une grande faiblesse de la vue d'un côté, ils l'ignoraient et ne s'en aperçoivent que quand, par hasard, il leur est arrivé de fermer l'œil sain, ou bien encore lorsque cet il est devenu lui-même. plus faible ou aveugle.

XXXVII. Dans un grand nombre de cas, il est nécessaire de soumettre le malade à quelques épreuves, tant pour s'assurer par soi-même de l'état actuel, et souvent aussi pour le faire connaître au malade lui-même, que dans le but de pouvoir plus tard apprécier exactement la marche progressive ou rétrograde de la maladie. De semblables essais se font, par exemple, avec des caractères d'impression ou des écritures de différentes grosseurs (si le malade sait lire), ou bien avec des points de grandeur variée, tracés à l'encre sur du papier blanc ou à la craie sur un tableau noir, et que l'on conserve pour répéter et comparer les expériences. Pour faire ces épreuves avec les couleurs, on peut, à défaut de rubans ou de bandes de papier diversement nuancés et parmi lesquels les couleurs sont faciles à choisir, faire usage de pains à cacheter de couleurs diverses. Les objets brillans, tels que des instrumens d'acier, eic., donnent

une mesure trompeuse, puisque, quand ils sont luisans, ils deviennent souvent trop peu distincts pour un œil faible, et que dans le cas contraire ils frappent peu la vue c'est ce que m'ont appris maintes observations faites sur des individus opérés de la cataracte. On doit également faire des essais à différens degrés d'éloignement, et observer la durée pendant laquelle le malade voit dis tinctement lorsqu'il lit ou fait quelqu'autre exercice. Les expériences se feront en plaçant les objets devant et derrière la lumière. On doit se défier des assertions par les quelles le malade prétend voir sa main ou distinguer des circonstances connues relatives à ses vêtemens, etc.

XXXVIII. Enfin, dans ces essais, l'on doit en général ne pas négliger de comparer les deux yeux l'un avec l'autre, ce qui exige souvent que l'on couvre soigneusement l'un d'eux avec un bandeau.

Il est facile de voir que dans cet article on n'a pas eu pour but de tracer le mode de diagnostic d'une affection unique, mais de donner les préceptes généraux applicables à l'examen des différentes altérations qui peuvent se présenter.

REVUE GÉNÉRALE.

Physiologie.

ODEUR AROMATIQUE EXHALÉE A LA SURFACE DE LA PEAU DE L'AVANTBRAS ; obs. par le D. Speranza.—M. F. P., d'un tempérament sanguin et bilieux, d'une constitution robuste, âgé de trente ans, après s'être livré toute une journée à un travail assez fatigant, s'aperçut, en se déshabillant, qu'il s'exhalait de la face interne de son avant-bras gauche, près du poignet, une odeur suave, trèsprononcée, semblable à celle du baume du Pérou, ou à la vapeur du succin ou du benjoin qu'on fait brûler sur des charbons. Etonné de cette singularité dont il ne pouvait s'expliquer la cause, n'ayant

touché aucune substance aromatique, il s'empressa de venir me • communiquer son observation. Je pus`constater qu'en effet il s'exhalait une odeur tellement forte de la région indiquée, que je n'hésitai ́pas à croire que cet individu avait caché dans ses vêtemens, ou employé en frictions quelque essence aromatique. Cette opinion fut également celle des différentes personnes auxquelles il fit part de ce fait étrange. Mais l'examen le plus scrupuleux démontra aisément qu'il n'avait employé aucun moyen semblable.

A l'aide de frictions faites sur l'avant-bras, et de lotions répétées avec des matières propres à enlever ou neutraliser cette émanation aromatique, on essaya de faire disparaître cette odeur; mais elle devint, au contraire, plus pénétrante à mesure qu'on échauffait de la sorte la région d'où elle s'exhalait. On reconnut ainsi que le frottement favorisait singulièrement le dégagement de cette odeur, tandis que les lotions, de quelque nature qu'elles fussent, n'y apportaient aucun changement. Dans tous les instans du jour, l'odeur était la même; seulement elle était plus forte et plus pénétrante chaque matin, au moment du réveil.

Il n'était pas nécessaire de s'approcher à une petite distance de l'avant-bras pour sentir cette exhalation suave, elle était assez prononcée pour frapper l'odorat à un certain éloignement; aussi plusieurs personnes qui ignoraient cette particularité, s'apercurentelles ainsi de cette odeur sans soupçonner d'où elle provenait. M. F. P. avait remarqué que les frictions de l'avant-bras la rendaient trèsforte, surtout quand on déterminait ainsi une légère transpiration, et l'on produisait cet effet d'une manière plus marquée en se servant de la main : en employant de la laine, de la soie, ou tout autre corps froid et inorganique, le phénomène ne se développait qu'avecbien moins d'intensité.

Je variai mes expériences et mes recherches de mille manières pour en découvrir l'origine; j'examinai si la peau frictionuée dans l'obscurité ne donnait pas lieu à quelque dégagement d'électricité pendant que l'odeur se manifestait, et je ne pus rien distinguer. La chambre qu'occupait M. F. P., quoique spacieuse, était en quelque sorte imprégnée de cette émanation aromatique, qui devenait plus intense quand il se tenait quelque temps dans une pièce petite, ou dont la température se trouvait élevée. Nulle autre partie du corps ne présentait d'exhalation semblable, et quelque moyen qu'on employât en frictions et en lotions, on ne produisait aucun dégagement d'odeur, excepté à l'avant-bras gauche.

On avait répété les expériences pour étudier et bien constater l'existence de ce phénomène ; il avait été reconnu non seulement par moi, mais encore par beaucoup de personnes dignes de foi ; de

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 401-435
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puis deux mois il continuait de se manifester, quand M. F. P. fut atteint d'un violent accès de fièvre. Dès l'apparition des premiers symptômes, l'émanation odoriférante cessa de se faire sentir. On eut recours inutilement aux frictions, aux lotions de toute espèce sur l'avant-bras; l'odeur ne reparut plus. Je pensais que le retour à la santé rappellerait cette exhalation, mais il n'en fut pas ainsi. Ce phénomène singulier avait cessé d'exister, et depuis cette époque il n'en resta que le souvenir.

Le professeur Speranza a rapproché de ce fait la plupart des exemples analogues recueillis et publiés par les auteurs. Mais toutes les considérations qu'il présente à cet égard n'en fournissent aucune explication plausible. ( Annali universali di Med., février 1832.)

Pathologie.

PRODUCTION MORBIDE DANS LE CŒUR ; obs. recueillie par le docteur Evangelista Zorzati. Marie Dressano, douée d'une constitution saine et robuste, se maria à l'âge de seize ans, et devint presqu'aussitôt enceinte d'un enfant qui mourut quelques jours après sa naissance. Une seconde grossesse fut suivie d'une fausse-couche à cinq. mois, à l'issue de laquelle elle ressentit des douleurs d'estomac presque continuelles pendant trois mois, et qui déterminèrent un amaigrissement assez considérable; dès-lors elle commença à éprouver de temps à autre des palpitations de cœur. Enfin, une troisième grossesse se développa, mais avec un accroissement très-grand dans les palpitations; cependant elle accoucha cette fois d'un enfant à terme et encore vivant. Elle allaita son enfant pendant vingt-deux mois, et dans cet intervalle les douleurs d'estomac augmentèrent, accompagnées de crachats abondans.

Elle cessa d'allaiter son enfant au commencement d'août 1831, et en peu de temps elle reprit de l'embonpoint; mais dans le courant d'octobre, la toux, les palpitations, et une douleur aiguë dans la région précordiale se manifestèrent avec une intensité nouvelle et qui donnait lieu à un sentiment de suffocation dès que la malade marchait ou montait quelques degrés. Si elle restait quelque temps couchée la tête basse, ou étant levée, si elle faisait quelques efforts pour souffler, le col se tuméfiait aussitôt démesurément, la face devenait gonflée et d'un rouge foncé. Marie Dressano était affectée, depuis sa fausse-couche, d'une leucorrhée abondante et de douleurs d'estomac qui étaient le plus souvent accompagnées d'unc fièvre assez forte, et d'une dysurie très-douloureuse. Le 16 novembre tous les accidens sus-énoncés reparurent avec une nouvelle intensité ;. toux répétée, expectoration abondante, douleur lancinante dans le

côté gauche de la poitrine, resserrement de la gorge, pouls dur et plein, face rouge, respiration chaude et bruyante, battemens dans la région épigastrique faisant entendre un bruit, et sentir au toucher un frémissement qui agitait toutes les parois thoraciques. Enfin, œdème sous-cutané, sueurs abondantes pendant la nuit, nausées et menaces de syncope, en un mot, tous les signes de la cardite. Des saignées abondantes, l'usage de la digitale et de l'acétate de morphine modifièrent quelque temps tous ces accidens. Mais ils reparurent le 6 décembre, avec des symptômes cérébraux trèsgraves, et se terminèrent par la mort le troisième jour.

Autopsie cadavérique faite le 11 décembre. Etat extérieur. Cette jeune femme avait vingt un ans et six mois lorsqu'elle succomba. Le corps était peu amaigri, généralement démateux, spécialement aux membres. Poitrine. Le côté droit de cette cavité contenait environ trois livres de sérosité. Le péricarde en renfermait aussi une quantité assez considérable. Le cœur, de couleur pâle, avait un volume quadruple de celui qui lui est naturel ; cet accroissement, qui se remarquait également dans les oreillettes et les ventricules, était dû particulièrement à l'ampliation de l'oreillette et du ventricule du côté droit. Du reste, la situation de l'organe n'était pas changée. En ouvrant l'oreillette droite, on vit que sa cavité était remplie par une masse blanche, inodore, molle, élastique, de forme irrégulièrement alongée, adhérente dans une petite étendue anx parois de l'orcillette, et se prolongeant dans le ventricule droit dont elle remplissait la cavité sans y adhérer cette production morbide pesait quatre onces environ. Quelques caillots fibrineux étaient collés à sa surface; les colonnes charnues de ce ventricule étaient décolorées, ramollies, friables, faciles à écraser sous le doigt. On n'observait rien de semblable dans le tissu du ventricule gauche, qui, à part l'épaississement de ses parois, conservait sa couleur et sa structure normales. Les principaux troncs vasculaires qui aboutissent au cœur étaient dans l'état sain..

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Thérapeutique.

TRAITEMENT DE LA CHORÉE PAR par M. Jesse Young, M. D.

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Les poumons avaient été comprimés latéralement par l'énorme dilatation du cœur, et quoique pressés contre les parois costales, ils n'y adhéraient pas. Celui du côté droit était hépatisé à sa partie supérieure dans l'étendue de quatre travers de doigt. Les organes de l'abdomen, l'exception du foie dont le volume était sensiblement augmenté, ne présentaient aucune altération. ( Annuli universali di Med., février 1832.)

L'EMPLOI DE LA CIMICAIRE A GRAPPES ;
  La cimicaire à grappes, Cimi

rifuga racemosa, Elliott, Actaea racemosa, Michaux), est une plante de la famille des renonculacées, qui croît communément dans les forêts fertiles de l'Amérique du Nord, et qui fleurit vers la fin de juin; ses fleurs sont blanches, et elle s'élève de quatre à six pieds de hauteur. C'est un remède populaire dans ce pays pour l'homme et les animaux, et on l'emploie surtout comme pectoral en infusion et en décoction. Le hasard fit découvrir à M. Young que cette plaute pouvait être utile contre la chorée; voici le fait :

Il y a quatre ans environ, un fils de M. Fair-Lamb, âgé de 11 ans, fut attaqué d'une chorée. Un côté seulement du corps était affecté et presque continuellement en mouvement, excepté pendant le sommeil. Cette maladie durait depuis plus de quatre mois, et tous les efforts du médecin ordinaire de la maison pour la combattre avaient été infructueux. Une vieille dame de la ville, à laquelle M. Fair-Lamb parlait de la malheureuse position de son fils, lui assura que la racine pulvérisée de la cimicaire à grappes (black snakeroot), le guérirait infailliblement. Elle lui recommanda de donner à l'enfant une cuillerée à thé de cette poudre le matin pendant trois jours de suite; de suspendre pendant trois autres jours, et de recommencer de la même manière jusqu'à ce qu'il en ait fait prendre neuf doses. Il se procura en conséquence une certaine quantité de cette racine convenablement pulvérisée, et on en commença l'administration d'après la manière indiquée. Après la sixième prise l'enfant était presque guéri, et après la neuvième la guérison était complète et ne s'est pas démentie depuis. M. Young ne fit pas alors grande attention à ce que M. Fair-Lamb lui rapporta à ce sujet, et il se rappela le proverbe post hoc ergò propter hoc.



Au mois de mars 1831, une fille de M. Isaac Hall fut prise de la même maladie; le médecin de la maison, après un traitement infructueux d'environ un mois, et ayant entendu parler des bous effets obtenus de la cimicaire dans le cas ci-dessus mentionné, dit qu'on pourrait l'essayer. On l'administra aux mêmes doses et de la même manière ; après la troisième prise l'amélioration était sensible, et après la sixième les symptômes avaient complètement disparu : les neuf doses furent données cependant, et la guérison ne s'est pas démentie depuis cette époque. On observa que chaque dose donna lieu à des vomissemens violens. M. Young supposa alors que c'était à la propriété émétique de cette racine qu'on devait attribuer ses heureux effets. Cependant M. Fair-Lamb lui assura que son fils n'avait jamais eu de vomissemens, et que seulement, à plusieurs reprises, mais non toujours, l'enfant avait eu de violentes nausées. Ce fait cominença à éveiller l'attention de M. Young, et il résolut d'essayor l'emploi de cette substance à la première occasion, et d'étudier son

action sur l'économie animale. Le 12 septembre, M.me. âgée de 19 ans, mariée depuis environ deux mois, le fit appeler pour une affection nerveuse qu'il reconnut être une chorée bien caractérisée. La maladie avait commencé deux mois auparavant, mais ses progrès avaient été très-lents et même presque imperceptibles; au point que la malade ne commença à y faire attention que lorsque les mouvemens désordonnés furent devenus presque continuels dans tout le côté gauche. Le sommeil était bon, et aucune des autres fonctions ne paraissait dérangée; la santé générale était parfaite, et l'examen le plus attentif ne put lui faire découvrir aucune cause à laquelle il put raisonnablement rapporter cette affection. Il apprit seulement que le père de M.me.......... avait éprouvé une attaque semblable dans son enfance, à la suite d'une vive frayeur, mais qu'il en avait été parfaitement guéri au bout d'environ deux mois. « J'ordonnai, dit M. Young, à la malade, deux grains d'émétique, et le lendemain un mélange purgatif de calomel et de jalap. Je recommandai en outre de prendre chaque matin une certaine quantité de crême de tartre unie à du jalap, pour entretenir la liberté du ventre jusqu'au moment où je pourrais me procurer de la racine de cimicaire. Le 20, la maladie avait fait de nouveaux progrès; elle s'étendait alors à tout le corps; les bras, les jambes, la tête, la figure, la langue, en un mot toutes les parties musculaires étaient dans un mouvement continuel et irrégulier. La malade pouvait à peine parler; la déglutition était très-gênée, la marche impossible et le sommeil absolument nul. Dans cet état de choses, je lui fis prendre une cuillerée à thé de poudre de racine de cimicaire trois fois par jour, avant les repas ; mais je recommandai en même temps de prendre ces doses une heure après avoir mangé, dans le cas où elles occasionneraient de fortes nausées étant prises à jeûn. Je laissai d'ailleurs la malade libre de prendre cette poudre dans ce qui lui plairait le mieux, un peu d'eau sucrée, de mélasse, etc. Le 25, un changement remarquable s'était déjà opéré; M.me avait fait hors de chez elle trois ou quatre cents pas; elle pouvait parler et avaler comme à son ordinaire, et le sommeil était revenu. Les extrémités inférieures n'offraient plus que de faibles mouvemens; la tête était ferme, et les muscles de la face à peine convulsés; mais les bras étaient plus malades que jamais. Encouragé par ce commencement de succès, je fis suspendre l'administration de la cimicaire pendant deux ou trois jours, après quoi on la reprit à la dose d'une cuillerée et demie trois fois par jour. Le 2 octobre, il ne restait plus que quelques légers mouvemens occasionnels dans les bras; du reste, l'amélioration était telle que quelqu'un qui n'aurait pas su que M..... était malade, n'aurait pas pu s'en apercevoir. Je fis cesser

.....

une seconde fois la médication pendant trois jours, pour y revenir de la même manière, mais seulement deux fois par jour. Enfin, au bout d'une semaine la malade se trouva parfaitement guérie, et la guérison ne s'est pas démentie depuis. »

.... "

D'après les renseignemens fournis par M.me, l'auteur s'est assuré que la cimicaire n'a jamais chez elle déterminé ni nausées, ni vomissemens; elle n'a pas non plus agi comme purgatif; seulement pendant toute la durée du traitement le ventre a été d'une régularité très-remarquable. M. Young a constaté en outre que cette substance n'a produit aucun effet diurétique ou diaphorétique. Le seul effet que M.me ait observé, est une sensation désagréable, allant même quelquefois jusqu'à la douleur dans les membres, chaque fois qu'elle prenait la dose de cette poudre: sensation qui se prolongeait de trois à quatre heures.

A ces faits, l'auteur ajoute l'extrait d'une lettre à lui adressée par M. R. Gregg, l'un de ses confrères, et dont voici la substance. Un de ses cliens l'ayant rencontré un jour sur la route, fui apprit qu'un de ses enfans venait d'être pris de la danse de Saint-Guy, et qu'ayant entendu parler de la guérison de la fille de M. Hall, il venait le trouver pour lui demander la manière d'employer la racine de cimicaire. Cet homme mit en usage cette substance de l'a manière indiquée ci-dessus, et au bout de quelques jours son enfant était parfaitement rétabli.

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M. Young pense que ces observations suffisent pour éveiller l'attention sur le mode d'action de ce médicament, et il dit ne les avoir publiées que pour attirer l'attention des praticiens et les inviter à multiplier les expériences. (The American Journ. of the Med. Sciences, février 1832.)

EMPLOI DE LA NARCOTINE COMME FÉBRIFUGE; par M. Roots, M. D.

En se livrant à une série d'expériences sur les propriétés actives des divers principes constituans de l'opium, M. Roots, médecin de l'hôpital Saint-Thomas, de Londres, a trouvé que la narcotine pure peut être administrée, même à la dose d'un scrupule chez un adulte, sans produire le moindre accident. Il en est de même lorsque cette substance est dissoute dans l'huile, l'éther, ou les acides sulfurique et acétique. Ce fait est en opposition directe avec l'opinion de M. Magendie, qui pense que la narcotine est vénéneuse, même à petites doses. M. Roots ayant en outre observé dans le cours de ses recherches, que la dissolution de narcotine dans l'acide sulfurique étendu jouit d'une amertume presqu'aussi forte que celle du sulfate de quinine, imagina de l'employer dans le traitement des maladies intermittentes.

Cet essai lui réussit parfaitement, et il guérit à l'aide de ce moyen plusieurs malades atteints de fièvres intermittentes de différens

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types. Voici la formule que l'auteur a adoptée: 4 Narcotine purė, gr. xxxij; acide sulfurique dilué (1), 3 ij; eau distillée, ž vij.

M. Roots rapporte ensuite plusieurs observations de l'emploi de ce moyen dans différentes affections fébriles intermittentes, parmi lesquelles les deux suivantes nous ont paru les plus remarquables. La première est celle d'un nommé Coxe, âgé de 35 ans, qui entra à l'hôpital Saint-Thomas pour une fièvre intermittente qui le tourmentait depuis une quinzaine de jours. Cet homme habitait un lieu humide, et dix ans au paravant avait déjà été atteint de la même maladie. La fièvre présentait le type tierce, et les accès avançaient chaque fois d'une heure. Quatre grains de narcotine dissous dans de l'acide sulfurique étendu furent administrés de six en six heures, et en outre on fait prendre au malade le matin, seize grains de rhubarbe et quinze grains de calomel. L'accès revint à l'heure ordinaire, mais il fut très-léger et ne reparut plus. La rhubarbe et le calomel n'ayant produit aucun effet, on fit prendre une once d'huile de ricin pour rétablir la liberté du ventre, et en continua la naicotine deux fois par jour pendant un mois, pour assurer la guérison qui fut parfaite. La seconde observation est celle d'un vieillard nommé Paccot, âgé de 87 ans, qui depuis trois semaines éprouvait tous les deux jours et le matin, à la même heure, un accès qui s'accompagnait d'un violent mal de tête et même de délire. On employa la narcotine à la même dose et de la même manière que dans le cas précédent. Mais l'affection se montra plus rebelle; trois accès survinrent encore, et on fut obligé de porter la dose de la narcotine à six grains donnés toutes les quatre heures. Les accès ne reparurent plus. (Gazette médicale, tome III, p. 109.)

TRAITEMENT DE LA VARIOLE PAR L'EXCLUSION DE LA LUMIÈRE; par J. M. W. Picton, M. D.- Un assez grand nombre de personnes affectées de varioles furent admises, au mois d'octobre 1830, à l'hôpital de la Charité de la Nouvelle-Orléans. On les plaça dans un corps de logis séparé du bâtiment principal et dans des chambres particulières au premier étage. Chacune des salles de cet hôpital est percée 'de larges croisées munies de barreaux de fer et de voltes fermant exactement. La porte de ces salles, située vis-à-vis de la fenêtre, cst percée d'une ouverture quairée de douze à quatorze pouces, garnie aussi de petites barres de fer. D'après cette disposition, on pouvait entretenir dans chaque salle un courant d'air continuel sans que les rayons du soleil pussent y pénétrer. Les malades placés dans ces

(1) L'acide sulfurique dilué de la pharmacopée de Londres est un mélange de une partie d'acide sulfurique concentré, et de sept par

ties d'eau.

salles furent soumis au mode de traitement ordinaire, et les ordres les plus sévères furent donnés pour qu'on ne donnât sous aucun prétexte accès à la lumière pendant toute la durée de la maladie. De tous les individus placés dans ces circonstances qui sortirent guéris, aucun ne présenta la moindre trace de cicatrice après la chute des croûtes. Quelques-uns avaient eu une éruption très-légère et discrète, d'autres des boutons très-nombreux, quoique non confluens, et les autres enfin une variole confluente. Ces derniers passèrent par la période de suppuration et de dessication; dans les premiers, l'éruption parut subir une modification dans son développement qui cessa de faire des progrès entre le septième et le neuvième jour, sans cependant qu'il se manifestât de ces symptômes graves auxquels, dans d'autres circonstances, certaines causes accidentelles semblent douner lieu. Ces résultats, quelque concluans qu'ils puissent paraître, n'étaient pas suffisans pour lever tous les doutes; l'auteur, craignant de se laisser abuser par quelque cause d'erreur inaperçue, a cru devoir multiplier ses expériences à cet égard. Trois autres malades atteints de la variole à différens degrés, furent soumis dans sa pratique particulière au même mode de traitement, et dans les trois cas il a obtenu le même résultat avantageux: pas un de ces malades ne présenta de traces de la maladie. Malgré tous ces faits d'une authenticité irrécusable, l'auteur pense qu'un grand nombre encore est nécessaire pour lever tous les doutes sur ce point; il est cependant porté à croire que la lumière exerce sur les corps malades une grande influence qu'il serait très-bon d'étudier avec soin. (The American Journal of the Med. Sciences, mai 1832.)

EFFICACITÉ DU CHLORURE DE CHAUX CONTRE la gale; obs. recueillie par le prof. supp. Fantonetti. — Après avoir employé avec avantage le chlorure de chaux dans le traitement de la gale, dans ma pratique particulière, j'ai voulu répéter ces expériences cette année à la clinique médicale de l'Université I. et R. de Pavie. En voici le résultat. Le médicament fut employé chez huit galeux, reçus à-peu-près à la même époque, six hommes et deux femmes. Ces dernières, chez lesquelles la maladie avait envahi presque toute la surface du corps, furent guéries en six jours. Des six hommes, cinq étaient également complètement guéris du sixième au huitième jour; chez un seul, âgé de 16 à 18 ans, la gale fut remplacée, sous l'influence du traitement, par un eczéma général que des bains entiers tièdes firent ensuite disparaître : de retour chez lui, la gale reparut et ne céda qu'à l'emploi des fumigations sulfureuses. Un jeune frère de ce dernier malade, enfant de six à sept ans, guérit d'abord très-rapidement par l'usage du chlorure de chaux; au bout de quinze jours la gale ayant reparu elle fut entièrement dissipée au bout d'une

semaine du même traitement, et se montra une troisième fois dix jours après. Après cette double récidive, on eut recours aux fumigations sulfureuses avec un plein succès. Relativement à ces deux derniers malades, je ferai remarquer que ce sont deux enfans d'un soldat de Finanza, chargé d'une nombreuse famille, et qui hien certainement avaient chaque fois contracté de nouveau la maladie en retournant chez eux; car aucun des autres malades n'a éprouvé de récidive, les mêmes circonstances n'existant pas pour eux.

La dose pour les adultes est d'une once et demie à deux onces dans une livre d'eau commune, solution qu'on emploie en frictions trois ou quatre fois le jour sur les régions affectées; pour les enfans, la dose est d'une once dans la même quantité d'eau. Tous les trois jours le malade doit prendre un bain entier d'eau tiède, afin de laver et de nettoyer la peau de la couche crayeuse qui peut y adhérer, et de calmer l'irritation que ce médicament détermine quelquefois, soit par l'emploi qu'on en fait à dose trop élevée, soit qu'on répète trop souvent son application. Il est rare que ce moyen ne guérisse pas complètement la gale en huit jours, et je n'hésite pas à avancer que ce traitement est le plus sûr, le plus prompt dans ses effets, et en même temps le plus économique de tous ceux qu'on met généralement en usage contre cette maladie. ( Annali universali di Med., septembre 1832. )

EXTIRPATION DE la parotide ; obs. de M. Valentine Mott, M. D.— J. B., natif de Saint-Domingue, âgé de 21 ans, fut affecté au mois de janvier 1831, d'une fièvre typhoïde grave, et peu de temps après il s'aperçut qu'il existait au côté gauche de la face une tumeur qui augmenta graduellement jusqu'au mois de juin de la même année, époque à laquelle il vint consulter M. Valentine Mott. Ce chirurgien reconnut l'existence d'une tumeur dure, environ du volume du poing, occupant presque tout le côté gauche de la figure, et formée évidemment par la glande parotide devenue squirrheuse, au moins en apparence. Le volume et la nature présumée de cette tumeur ne laissaient d'autres chances de guérison au malade que l'extirpation. L'opération fut résolue et pratiquée de la manière suivante le 15 juillet.

M. Mott commença d'abord par placer sur l'artère carotide externe une ligature, immédiatement au-dessus du muscle digastrique et un peu au-dessus du bord supérieur du cartilage thyroïde. La tuméfaction de toutes les parties latérales du cou rendit cette opération préliminaire assez difficile; l'artère gissait à au moins trois pouces de profondeur au-dessous de la surface. Il pratiqua ensuite une incision s'étendant depuis le bord supérieur de l'apophyse jugale du temporal, et continuée en bas dans une direction demi-circulaire

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jusqu'à l'occipital. L'incision pratiquée au cou pour la ligature de l'artère, fut prolongée en haut pour venir couper à angle droit celle que nous venons d'indiquer. En détachant, en forme d'un double lambeau, les tégumens qui recouvraient la tumeur, la couleur noire de cette dernière ne permit plus de conserver aucun doute sur sa nature véritable; ce n'était pas un squirrhe, mais une mélanose de la glande parotide. Le chirurgien crut devoir cependant continuer l'opération. Il commença par diviser le tissu cellulaire adipeux le long du bord interne de la tumeur, et il mit ainsi à découvert le bord interne du muscle masséter. II introduisit ensuite le doigt dans la bouche pour éviter d'en léser les parois; il continua la dissection, sépara la tumeur du muscle masséter auquel elle adhérait très-fortement, et la détacha de l'apophyse zygomatique qui présentait quelques points de carie résultant de la compression qu'elle avait subie. En continuant la dissection, le chirurgien isola la tumeur des muscles sterno-mastoïdien et digastrique; mais les douleurs excessives que souffrait le malade lorsqu'on soulevait la masse morbide de bas en haut, obligèrent M. Mott à achever de la détacher en procédant en seus inverse. Quelques coups de bistouri suffirent pour séparer complètement les parties environnantes. La portion qui remplissait l'espace compris entre les apophyses styloïde et mastoïde, fut isolée avec beaucoup de précaution à l'aide du manche du scalpel, et le nerf facial divisé rapidement d'un seul coup de cet instrument. Au moment de la section de ce cordon nerveux, le malade éprouva une douleur beaucoup plus forte qu'à aucun autre moment de l'opération. Les muscles du côté gauche de la face furent à l'instant para lysés; enfin on extirpa aussi complètement que possible toutes les portions de la tumeur qui avaient échappé à l'instrument tranchant. Pendant cette opération on fut obligé de lier plusieurs artères, entre autres la temporale dont le tronc fut coupé au niveau de la tumeur, et qui fournissait beaucoup de sang. Cette opération dura environ une heure et fut pratiquée en présence de plusieurs praticiens distingués, MM, Vaché, Wilkes, Hosach, Barrow, etc. Après avoir attendu pendant quelque temps pour s'assurer que l'écoulement du sang était bien arrêté, et pour laisser respirer le malade qui ne paraissait pas trop épuisé, on rapprocha le bords de la plaie et on les maintint en contact à l'aide de quelques points de suture et de bandelettes agglutinatives; de la charpie, quelques compresses et un bandage approprié complétèrent le pansement. Tout alla pour le mieux pendant les jours suivans. Le 24, dixième jour après l'opération, on enleva toutes les bandelettes agglutinatives et plusieurs des points de suture; une grande partie de la plaie est guérie par réunion de ses bords. Le 27, la ligature de la carotide se détache,

ainsi que les autres fils de ligatures et de sutures; la cicatrisation est presque complète; seulement dans un point très-petit, vis-à-vis du lobe de l'oreille, les tégumens semblent prendre un aspect mélanique, et il s'en écoule un peu d'un fluide sanguinolent. Le 30, la cicatrisation est complète, excepté dans le point dont nous venons de parler et où la maladie semble repulluler. Une inflammation aiguë de l'articulation du genou gauche se développe tout-à-coup. On la combat par les sangsues et les applications émollientes avec peu de succès. Le 5 août, toute la cicatrice a pris la teinte noire de la mélanose et un aspect fongueux ; une petite tumeur de même nature se montre sur le sourcil. On fait prendre au malade le sirop de saisepareille et de petites doses d'une solution de deuto-chlorure de mercure. Le 12, plusieurs autres tumeurs mélaniques se développent sur différens points du cuir chevelu; le fongus qui occupe toute la cicatrice a beaucoup augmenté, et un point noir se montre sur la peau de la joue du même côté. Le malade décline graduellement ; il se plaint d'un point douloureux dans le côté; la peau prend une teinte jaunâtre, et il succombe enfin le 5 septembre au matin.

L'examen du cadavre n'a pu être fait, les parens s'y sont obstinément refusés. En divisant longitudinalement la tumeur enlevée, on reconnut qu'il ne restait plus aucune trace de l'organisation de la parotide; elle était entièrement dégénérée en tissu mélanique. Les surfaces de la section avaient l'aspect de goudron très-épais, et tachaient fortement les doigts en noir. (The American Journal of the Med. Sciences, mai 1832.)

Accouchemens.

ACCOUCHEMENT LABORIEUX, AVec rupture d'un thrombus VULVAIRE ; - Dans le mois d'octobre obs. par M. Pingeon, médecin à Dijon. 1831, je suis appelé à la campagne pour délivrer une femme qui est au troisième jour d'un accouchement que rien n'annonce devoir se terminer. Cette femme, âgée de 44 ans, est grande et bien constituée, d'un tempérament sanguin pur, et se livre habituellement aux travaux de la campagne. Elle est enceinte pour la dixième fois. Son ventre avait acquis un volume énorme, et on évalue, sans exagération, à plus d'un seau, l'eau qui s'est répandue lors de la rupture de la poche amniotique. Elle porte de nombreuses varices aux jambes qui l'ont beaucoup incommodée lors de ses dernières grossesses et qui ont nécessité pendant le cours de celle-ci l'emploi de plusieurs saignées. Il résulte des renseignemens pris près de la personne qui lui donnait des soins, que l'enfant a présenté primitivement le bras et l'épaule gauche, et que, dans l'espoir que le tronc s'engagerait, elle n'a pas ménagé les tractions sur le bras; faux

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calcul qui n'a eu pour effet que de casser l'humérus vers son insertion deltoïdienne, et de le séparer totalement de l'épaule. A mon arrivée l'enfant était mort déjà depuis long-temps; l'état du moignon, la flaccidité des chairs et surtout celles de l'abdomen, l'absence de battemens dans le cordon, et de mouvemens de la part du foetus, étaient autant de signes qui le prouvent évidemment. Depuis longtemps il n'y a plus de douleurs, les forces de la femme sont du reste, ainsi que son moral, dans le meilleur état possible. L'introduction de la main fait reconnaître que la tête est appuyée, par l'occiput, sur la symphyse pubienne; que le tronc est placé de champ et de telle manière que la crête épinière regarde la symphyse sacroiliaque droite et le rectum, et que la partie antérieure du tronc est dirigée en haut et vers la cavité cotyloïde droite; que le côté gauche du tronc appuie sur le vagin, tandis que le côté droit est tourné vers la saillie sacro-vertébrale, que le tronc est fortement incurvé et de manière à ce que la hanche droite appuyant sur la saillie sacro vertébrale, le reste du corps est dirigé avec le cordon dans une espèce de gaine qui enveloppe les membres inférieurs et les porte jusques vers l'hypocondre droit. Toute tentative est inutile pour aller saisir les pieds, outre que mon avant-bras, introduit jusqu'au coude, ne peut atteindre que la convexité de la hanche droite, et après beaucoup d'efforts que le pli de l'aine où les doigts pouvent, en appuyant, former un crochet; la résistance offerte par l'utérus. contracté est si grande, qu'il est impossible à la main de pénétrer plus loin. L'enfant représentait donc une ligne oblique de l'hypocondre droit au vagin où l'épaule gauche venait s'appuyer et s'arobouter contre la symphyse du pubis. Dans cet état de choses, désespérant de jamais atteindre les pieds, quoiqu'un aide refoulât fortement l'utérus du flanc droit vers le centre du bassin, je pris le parti de faire descendre les fesses et de repousser en haut, avec l'autre main, le moignon de l'épaule engagée. Cette manoeuvre me réussit et même assez facilement, parce que la poche formée par la matrice à droite contenait encore de l'eau de l'amnios qui, en s'échappant par le déplacement de l'enfant, le lubréfiait ainsi que cet organe, et y entretenait de la souplesse. L'introduction d'un doigt dans le vagin de l'enfant, après avoir abaissé la hanche droite, me servit beaucoup dans ces efforts, et les fesses se présentaient tout-àfait quand un accident subit et imprévu vint tout-à-coup me forcer d'interrompre mes manœuvics.

Pendant ces tentatives pour placer l'enfant dans une position favorable à son expulsion, il paraît qu'il se rompit, dans l'intérieur de la lèvre droite de la vulve, une ou plusieurs varices volumineuses, et que le sang, en s'y épanchant avec rapidité, l'avait violemment

distendus, et à un tel point, qu'elle se creva par une large déchírure. J'étais alors dans un moment de repos, la main introduite dans l'utérus et le bras appuyé sur cette lèvre, lorsqu'en portant mes regards sur lui par hasard, je vis ma chemise couverte d'une nappe de sang, et j'entendis en même temps ce liquide couler à terre, débordant alors de dessus la couche qui en était remplie. Je me hâtai de découvrir la malade pour m'assurer de la véritable source d'une hémorrhagie aussi formidable qui ne prenait pas naissance dans l'utérus, et je ne fus pas peu surpris de voir le sang s'échapper par un jet de la grosseur du petit doigt de cette lèvre de la vulve qui avait encore le volume d'une grosse pomme, et dont l'aspect était bleuâtre. Je cessai toute tentative, d'autant plus que ce seul instant avait plongé la malade dans un abattement très-prononcé; elle était découragée, pâle, froide à la figure et aux extrémités; le pouls était inégal, confus et sans résistance. Une compression permanente sur la lèvre déchirée, qui présente dans sa déchirure un gros caillot alongé, arıêta promptement cette abondante hémorrhagie; elle fut néanmoins continuée sans iuterruption pendant une heure, et ce temps fut suffisant pour que la femme reprît des forces, et pour permettre aux extrémités de se réchauffer et au pouls de redevenir dur et égal; néanmoins il resta très-serré et n'acquit qu'une force très-modérée. Des douleurs véritables d'enfantement s'étaient alors manifestées; elles furent pour moi le signal de nouvelles manœuvres. Ayant donc confié le soin de comprimer la lèvre déchirée à un aide intelligent, je dégageai bientôt les fesses et les membres inférieurs qui sortirent alongés, puis le tronc, et la tête, dont l'occiput reposait sur la symphyse pubienne, fut tournée de manière à ce que cette partie fût vis-à-vis la cavité cotyloïde droite et sortît sans difficulté dans cette position.

L'enfant dehors, l'extraction du placenta offrit quelques difficultés. Le cordon putréfié se rompait à la moindre traction, de sorte qu'il fallut porter de nouveau la main dans l'utérus pour effectuer son expulsion. Déjà cet organe s'était bilobé, et l'entrée de cette poche, qui avait contenu les membres inférieurs, et dont le placenta tapissait la surface, offrait un anneau dur et résistant, dont le diamètre égalait à peine celui d'une pièce de deux francs, et situé au niveau du détroit supérieur du bassin. Les doigts réunis en forme de coin le dilatèrent graduellement, mais lentemeut; ce ne fut guères qu'un bon quart-d'heure après que la main put pénétrer dans l'intérieur de cette poche. Le placenta y était adhérent dans tous ses points: il fallut le décoller et le rouler pour parvenir à l'extraire. Cette extraction fut accompagnée de la sortie d'un liquide sanieux, sale, qui, ainsi que le ventre de l'enfant dont l'épiderme avait été soulevé, répandait une odeur putride.

ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE.

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Délivrée complètement, la malade devint calme et dormit presque toute la nuit qui suivit sa délivrance. Les suites furent trèsheureuses; grâces à l'emploi prolongé de la diète, des boissons délayantes et de cataplasmes non interrompus sur l'abdomen, aucun accident nouveau ne vint entraver ses couches; la déchirure de la lèvre droite de la vulve se cicatrisa promptement, et au bout de dix jours cette femme jouissait de la santé la plus parfaite. ( Mémoires de l'Acad. des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, 2., 3. et 4. livrais. )

Académie royale de Médecine. (Novembre.)

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Séance du 30 octobre. Après la lecture de la correspondance qui comprend, entre autres choses, un rapport sur les épidémies dans l'arrondissement d'Abbeville, département de la Somme, par M. Visigné, on procède à l'élection d'un membre-adjoint dans la section de pathologie chirurgicale. Au premier tour de scrutin, M. Velpeau ayant réuni la majorité (46 voix sur 77 votans), est proclamé membre de l'Académie.

EMPLOI DU GUACO DANS LE CEOLÉRA. M. François annonce, dans une note, que le guaco a été administré à l'hôpital Saint-Louis, dans cinq cas de choléra, et que, dans quatre de ces cas, cette substance a déterminé une réaction prompte, accompagnée de sueurs abondantes. A l'Hôtel-Dieu, sur un égal nombre de cas, elle n'a produit d'effet sensible que dans un seul. Il ajoute que dans ce moment M. Boucher, médecin à Bourbon-Vendée, fait des expériences analogues.

TUMEUR CARCINOMATEUSE DE L'ORBITE. M. Gimelle lit en son nom et à celui de MM. J. Cloquet et Réveillé-Parise, un rapport sur un mémoire de M. Espinosa, médecin à Sainte-Croix, île de Ténériffe, contenant la description d'une tumeur carcinomateuse de l'orbite. Cette tumeur existait sur une femme de quarante-quatre ans. Elle naissait du fond de l'orbite; elle s'était prolongée dans le crâne et faisait saillie au-dehors, après avoir chassé l'oeil de sa cavité, et avoir détruit et repoussé devant elle toutes les parties charnues fibreuses, celluleuses et osscuses, qui formaient et remplissaient l'orbite. La maladie a duré neuf années; mais M. Espinosa n'a eu occasion de l'examiner qu'environ un mois avant la mort de la ma-

Jade. La tumeur se composait de tissu cellulaire, de tissu fibreux, de matière gélatineuse et de substance cérébriforme; dans le centre et en haut, on trouva l'os de la pommette, et une portion de l'arcade orbitaire du coronal que la tumeur avait chassés devant elle. Le rapporteur conclut au dépôt de ce mémoire aux archives, et à l'inscription de M. Espinosa sur la liste des candidats aux places de correspondans étrangers.

Suture du pérINÉE. —M. Roux donne lecture d'une observation relative à un déchirement du périnée, traité avec succès par la suture. La femme d'un médecin de province, à la suite d'un accouchement terminé par le forceps quinze mois auparavant, éprouva une déchirure complète du périnée sur la ligne médiane, au point que la vulve communiquait avec l'anus. Désespéré de l'état de sa femme, M..... écrivit à M. Roux pour le prier d'essayer quelques moyen pour rémédier à cette dégoûtante infirmité qui avait alors résisté à tout ce qu'il avait pu faire pour la combattre. La jeune dame, d'un tempérament lymphatique, mais d'une bonne santé, fut amenée à Paris. Les bords de la division s'étaient promptement cicatrisés. Au moment de l'examen que fit M. Roux, ces bords n'étaient nullement calleux; on eût dit une division congéniale; l'anus et la vulve étaient confondus en une seule fente, ce qui occasionnait une incoutinenee des matières fécales pour peu qu'elles fussent ramollies. L'opium et une diète rigoureuse pouvaient seuls diminuer cette incommodité en produisant la constipation. Cette circonstance parut à M. Roux favorable au succès, de l'opération qu'il se proposait de pratiquer. Une constipation prolongée devait donner aux parties le temps de contracter des adhérences assez fortes pour résister aux efforts de la défécation. Une première opération fut tentée au mois de janvier. Les lèvres de la déchirure furent ravivées avec un bistouri, de manière à ne leur faire éprouver qu'une faible perte de substance. Quatre points de suture entortillée furent placés et suffirent pour opérer un rapprochement exact de la division extérieure. On rafraîchit ensuite également, à l'aide de ciseaux, les lèvres de la division intérieure, et on plaça un point de suture simple sur la cloison recto-vaginale. Les aiguilles employées à l'extérieur étaient en argent, grosses, longues, et offraient une extrémité terminée en fer de lance qui fut coupée. Deux ou trois artérioles ouvertes fournirent un peu de sang, mais l'hémorrhagie s'arrêta spontanément. Après cette opération la vulve était un peu plus étroite que dans l'état ordinaire. Vingt-quatre heures après l'opération un écoulement de sang eut encore lieu par la vulve et par l'anus; mais il s'arrêta bientôt ; la réunion parut s'opérer, et le cinquième jour, cédant aux prières de la malade, on enleva les aiguilles qui la gê

naient un peu. On avait eu soin de sonder la malade chaque fois qu'elle éprouvait le besoin d'uriner. La réunion, qui paraissait complète, n'était cependant qu'apparente. La division se reproduisit d'abord du côté de l'anus, et bientôt elle se montra aussi grande qu'avant l'opération. Une toux catarrhale opiniâtre, l'affaiblisscment qu'avaient produit une diète rigoureuse et le séjour au lit, et surtout l'invasion du choléra, obligèrent à différer une seconde tentative jusqu'au mois de mai. On procéda alors à une nouvelle opération. On raviva comme la première fois les bords de l'ouverture qui n'avaient éprouvé aucune déchirure ou perte de substance, ni aucune déformation. Deux ou trois artérioles qui founirent du sang furent liées aussitôt. M. Roux attribuant la non réussite de la première opération à la suture entortillée qu'il avait mise en usage, parce que ce genre de suture ne produit pas un contact parfait des parties profondes, résolut d'essayer la suture enchevillée qui agit plus profondément; les aiguilles courbes, en effet, qu'on emploie embrassent plus de parties; les fils pénètrent plus avant et la pression des cylindres agissant plus également expose moins aux déchirures. Le chirurgien appliqua donc quatre points de cette suture de manière à anticiper sur les parois du vagin, mais peu profondément, afin de ne pas s'exposer au renversement des lèvres qui aurait mis en contact deux membranes muqueuses dont l'adhérence cst extrêmement difficile à obtenir. Une bougie de gomme élastique forma le cylindre, et l'on serra fortement les fils. La réunion parfaite à l'intérieur ne l'était pas à l'extérieur; les bords de la plaie faisaient saillie en dehors; quelques ligatures minces placées dans l'intervalle suffirent pour remédier à ce défaut de coaptation. Une diète absolue et un repos parfait furent prescrits, et au bout de six jours on put sans crainte enlever les aiguilles et couper les fils. Le succès de cette seconde opération fut complet; un écoulement puriforme eut lieu par le vagin et par l'anus, mais il n'y eut pas d'hémorrhagie. Il ne restait plus qu'une petite fente du côté de l'anus, laquelle se cicatrisa promptement à l'aide de mêches introduites dans le rectum. La malade resta vingt-deux jours sans aller à la selle. Au bout de ce temps elle eut une évacuation, mais de matières si dures qu'on fut obligé d'en faciliter l'issue au moyen des doigts introduits dans le vagin; mais la cicatrisation était si solide qu'elle résista à ces efforts violens. Le raphé est linéaire, et laisse voir à peine des traces de l'opération. De įtout ce désordre il ne reste plus qu'une fistule recto-vaginale où l'on peut à peine introduire le bout du petit doigt, et qui ne donne issue à aucune matière fécale, mais bien quelquefois à des gaz. Cette observation a été écoutée avec beaucoup d'attention par l'Académie.

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416-420

Aux termes du réglement, le président propose la formation d'une commission pour s'occuper de l'inauguration, dans la salle des séances, des bustes des membres morts depuis cinq ans. Cette commission, nommée au scrutin, se composera de MM. Bourdois de la Mothe, Husson, Desgenettes, Guéneau de Mussy, Laurent, Ferrus, Roux, Laubert et Esquirol. Elle est chargée de prononcer sur l'admission des bustes de Hallé, Percy et Corvisart.

Séance du 6 novembre. Le président annonce la mort de M. Montaigu, et invite MM. Double, Kéraudren, Deneux et Girard à assister à ses obsèques, au nom de l'Académie. Aucun de ces honorables membres n'a jugé à propos de remplir ce devoir.

SUTURE DU périnée. - M. Deneux, à l'occasion de l'observation lue à ce sujet par M. Roux, lui reproche de n'avoir fait remonter la première idée de cette opération qu'à Lamotte; il assure que Paré, Guillemeau et Mauriceau l'ont conseillée, et que Guillemeau l'a pratiquée le premier. Il s'élève contre la coutume barbare qui existe encore dans quelques provinces de France, d'inciser, sur la tête de l'enfant qui fait saillie à la vulve, le périnée avec une pièce de six liards. Il annonce hautement que dans tous les cas de solution de continuité de cette nature, soit naturelle, soit artificielle, il ne faut jamais hésiter à pratiquer la suture. Il blame M. Roux d'avoir retiré trop tôt les aiguilles, qui autrefois restaient placées jusqu'au vingt-quatrième jour. Enfin il pense qu'il n'est pas toujours nécessaire de placer une ligature sur la cloison recto-vaginale; il suffit, selon lui, de les placer près de l'anus et près de la vulve.

M. Roux répond à ces observations que n'ayant pas voulu faire une monographie, il ne s'est pas livré à beaucoup de recherches ; qu'il pense cependant que les premières opérations régulières de ce genre sont dues à Lamotte, mais qu'elles étaient tombées en désuétude, et qu'on n'y employait que la suture entortillée. II pense que le raisonnement et l'expérience doivent faire préférer la suture enchevillée. Il donne ensuite lecture d'une lettre du mari de la dame opérée, de laquelle il résulte que la fistule recto-vaginale se rétrécit tous les jours, et ne donne plus issue qu'à une très-petite quantité de gaz. La santé générale est d'ailleurs parfaite.

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ACEPHALOCYSTES. M. Virey lit en son nom et à celui de MM. Andral, Louis, Duméril et Cruveilhier, un rapport sur un mémoire de M. Kühn, intitulé: Recherches sur les acéphalocystes. L'auteur pense que ces êtres singuliers se développent primitivement et spontanément au mili eu des organes vivans, et qu'ils ont la faculté de se reproduire par leur surface intérieure dans l'homme, et par leur surface extérieure dans les animaux. Il examine l'espèce de

réaction qu'ils excitent dans l'organisme; il démontre que les tissus vivans les isolent, les compriment, les détruisent, et en enveloppent les débris de kystes qui se remplissent d'une matière jaune, tuberculeuse, et principalement composée de sels calcaires, lesquels se concentrent et se durcissent progressivement. Le rapporteur termine par des éloges de ce travail dû à un observateur consciencieux, et propose de réserver ce mémoire pour le publier avec ceux de l'Académie. Des dessins très-bien exécutés sont joints à ce travail, et représentent très-fidèlement les acéphalocystes et les tubercules qui résultent de leur destruction.

A l'occasion de ce rapport M. Duméril annonce que M. Geoffroy lui a fait remettre une certaine quantité d'acéphalocystes rendus par expectoration. Les uns étaient conservés dans de l'eau, les autres dans de l'alcohol. Ces derniers, qui s'étaient réduits au volume d'un grain de chenevis, placés dans de l'eau, ont repris promptement leur grosseur première par une sorte d'endosmose. L'honorable membre considère ces corps comme une matière organique particulière et non comme de vrais animaux. Cette dernière proposition fait naître une discussion. M. Itard, se fondant sur une observation de Percy, qui dit avoir observé des mouvemens dans les acéphalocystes, les regarde comme des êtres vivans. M. Breschet fait observer que tous les naturalistes allemands s'accordent à les regarder comme des produits organiques et non comme des animaux.

VACCINE. M. Chantourelle lit en son nom et à celui de MM.

Husson et Itard, un rapport sur un traité de vaccine publié par M. Bousquet, ouvrage sur lequel le ministre avait demandé l'opinion de l'Académie. Le rapporteur examine avec soin et apprécie l'une après l'autre toutes les parties de ce travail, et conclut à ce que l'Académie déclare à l'autorité que le livre de M. Bousquet serait d'une grande utilité pour la science, parce qu'il est plus complet qu'aucun autre, et qu'il fait mieux connaître l'état actuel de nos connaissances sur ce sujet important. Une discussion s'engage sur quelques points de ce rapport. M. Delens fait observer que M. Bousquet pense qu'on peut sans crainte ne pas respecter le bouton vaccinal formé, et que la commission est d'un avis contraire. L'opinion de l'auteur est fondée sur des faits; il a prouvé en effet que dès que le bouton paraît, et même quelquefois avant qu'il paraisse, l'effet préservatif est produit. M. Emery parle dans le même sens, et cite l'opinion des médecins de l'Écosse et de l'Amérique, qui croient qu'un seul bouton suffit pour préserver entièrement. Il fait observer que si l'on s'imposait l'obligation de respecter un bonton unique, on pourrait un jour manquer de vaccin; car s'il est vrai qu'on a donné la vaccine aux vaches, il est vrai aussi que le virus résultat de

cette inoculation est resté inerte pour de nouvelles inoculations; d'un autre côté, on n'a pas vu de véritable cow-pox en Angleterre dcpuis vingt-trois ans ; l'expérience faite à Paris avec du prétendu cowpox n'est pas exacte, suivant l'honorable membre; enfin quant à l'emploi des croûtes comme moyen de vaccination, il pense que ce point n'a pas encore été assez éclairci.

Le rapporteur répond que, quoique sous le point de vue scientifique l'opinion de M. Bousquet soit exacte, la commission a craint que dans la pratique elle n'ait quelques inconvéniens. Quant aux croûtes, celles qui résultent de la coagulation du virus lui-même, seraient, selon lui, efficaces, et celles qui se forment par la dessiccation Ju bouton seraieut inerte. MM. Double, Pariset et Salmade citent tour-à tour des faits qui prouvent qu'en a employé fréquemment et avec succès des croûtes pour vacciner, même après qu'elles avaient été conservées pendant plusieurs années. Le rapport et les conclusions sont adoptées, sauf les modifications que la discusssion a rendues nécessaires.

Séance du 12 novembre. — La correspondance n'offre rien d'intéressant, qu'un tableau très-bien fait des vaccinations dans le département de la Dordogne, pendant l'année 1831.

Le président donne la parole à M. Clot, docteur en médecine de la Faculté de Montpellier, et médecin du pacha d'Egypte, qui assiste à la séance dans son riche costume oriental, avec douze de ses élèves qu'il a amenés d'Egypte pour perfectionner leurs études médicales à Paris et y prendre le grade de docteur. M. Clot expose le but de son voyage en France, et raconte l'histoire de la création d'une École de médecine à Abouzabel, près du Caire. Ce discours, prononcé avec simplicité et modestie, a excité le plus vif intérêt dans toute l'assemblée.

EMPLOI DU GUACO CONTRE LE CHOLÉRA. M. Dariste annonce que M. Perrera, de Bordeaux, a administré le guaco à onze malades attaqués du choléra-morbus. Le succès n'a pas été complet chez tous; mais dans tous les cas il y a eu une réaction manifeste. Sur huit de ces malades, cette substance a été administrée conjointement avec d'autres médicamens, ce qui fait qu'on ne peut lui attribuer uniquement le succès obtenu ; mais sur les trois autres, le guaco donné seul a produit une réaction favorable, quoique la maladie présentât les symptômes les plus graves. M. Perrera continue ses expériences, et se propose de les réunir dans un mémoire que M. Dariste soumettra au jugement de l'Académie.

REMEDES SECRETS. — - M. Collineau fait au nom de la commission des remèdes secrets, un rapport sur plusieurs de ces remèdes proposés contre la peste, le choléra-morbus, etc., et dont l'un d'eux

consiste dans l'emploi des graines de lierre. Ils sont tous rejetés. TRACHEOTOMIE. M. Maingault donne lecture d'un mémoire ayant pour titre : Quelques considérations sur la trachéotomie. L'auteur cherche à prouver, 1.o que cette opération ne doit pas être pratiquée largement et d'un seul coup sur toute l'étendue de la trachée, à cause du danger de l'entrée subite de l'air et de l'écoule ment du sang veineux dans les voies aériennes, écoulement auquel il attribue la mort des ci-q-huitièmes des opérés; 2.• que cette opération doit être pratiquée de très-bonne heure pour pouvoir réussir; et 3.o enfin que l'on doit rejeter l'instillation ou l'insufflation de toute substance astringente caustique ou irritante dans la trachée ou dans le larynx.

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Séance du 20 novembre. M. Johnson, pharmacien à Paris, adresse un mémoire sur le sirop de pointes d'asperges et sur les propriétés dont il jouit. Ce travail est renvoyé à l'examen d'une commission.

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MM. Husson, Breschet et Pariset proposent de décerner à M. Clot le titre de membre correspondant de l'Académie, en récompense des services qu'il a rendus à l'art de guérir en Egypte. Une commission est nommée pour faire un rapport à ce sujet.

GUACO. M. Mérat lit une note sur le guaco ( Eupatorium guaco, Humboldt, Mikacia guaco, Kunth), dont depuis quelque temps on a beaucoup parlé à l'Académie. L'auteur rapporte, d'après MM. Humboldt et Bonpland, toutes les croyances populaires qui existent en Amérique sur les propriétés merveilleuses de cette plante contre la morsure des serpens venimeux. Il cite un mémoire du docteur Hawkins publié en 1830, et dans lequel ce médecin la présente comme propre à guérir la rage; d'un autre côté, M. Maldonado, dans le compte rendu de la Société Médico-botanique de Londres, pour 1830, assure que l'extrait de guaco guérit la paralysie et les fièvres intermittentes. M. Chabert, médecin à Mexico, dit l'avoir employé avec succès contre la fièvre jaune. Enfin tout récemment on a rapporté à l'Académie plusieurs exemples de guérison du choléra par l'usage de cette substance. M. Mérat dit qu'aucune de ces propriétés si précieuses n'étant encore parfaitement prouvée, il ne convient pas de les adopter aveuglément tant que des expériences faites et répétées par des médecins judicieux ne nous auront pas éclairés à ce sujet.

TRACHEOTOMIE. - M. Velpeau rappelle pour les combattre les conclusions du mémoire de M. Maingault, sur la tracheotomie. (Voyez la dernière séance.) M. Velpeau pense, 1.o qu'une grande ouverture faite dès le principe n'a aucun inconvénient particulier : la trachéotomic a été ainsi pratiquée quinze fois sans qu'on ait signalé

l'introduction de l'air; 2.° qu'il serait mal à propos de la faire de bonne heure, parce que souvent elle serait inutile; 3.o enfin que l'introduction des topiques irritans n'est pas funeste, comme le croit M. Maingault, et qu'au contraire l'expérience prouve qu'on en a retiré les plus grands avantages: M. Bretonneau possède quatre faits de réussite de l'emploi de ces topiques au dernier degré du croup; l'un d'un enfant de quatre, le second d'un enfant de sept ans, le troisième d'un enfant de onze ans, et le quatrième d'un enfant de deux ans et demi. M. Trousseau cite on cinquième fait qu'il a observé à Paris.

M. Maingault s'apprête à répondre, mais sur l'observation du président, la discussion est renvoyée à la séance prochaine.

INNOCUITÉ DES ÉMANATIONS ANIMALES PUTRIDES. —M. Parent-Duchâtelet lit un rapport sur un projet d'établissement d'écarrissage à Metz. Dans ce travail, le rapporteur traite la question de savoir s'il y aurait à employer comme engrais les débris provenans de chevaux ou d'autres animaux morts de la morve, du charbon, etc. Il résulte des faits et des considérations qu'il expose, que les émanations putrides de cette nature sont tout-à-fait sans danger pour les hommes et les animaux qui vivent au milieu d'elles. De nombreuses réclamations s'élèvent contre ces conclusions qui seront discutées à la prochaine séance en raison de l'heure avancée.

L'Académie se forme en comité secret pour la présentation de candidats à une place de membre titulaire dans la section de médecine.

Séance du 27 novembre. Après la lecture de la correspondance, on procède à l'élection d'un membre titulaire, dans la section de médecine. M. Itard, rapporteur de la commission, chargée de présenter les candidats, a fait deux listes, l'une de médecins étrangers à l'Académie, et comprennant MM. Chervin et Damiron, et l'autre de médecins faisant déjà partie de la société comme membres adjoints et composée de MM. Andral fils, Bricheteau et Emery. Le secrétaire perpétuel a proposé de confondre ces deux listes; M. Burdin ainé s'y est opposé fortement et les deux catégories ont été maintenues. Au premier tour de scrutin, sur 87 votans, M. Chervin a obtenu 35 voix, M. Andral 34, M. Emery 11; a second tour, sur 89 votans, M. Chervin a réuni 49 suffrages et M. Andral 40. M. Chervin est proclamé membre titulaire.

ÉQUARISSAGE. La discussion s'ouvre sur les conclusions du rapport de M. Parent du Chatelet, relatif à un établissement d'équarrissage près de Metz. M. Adelon rappelle qu'un individu de Metz demande à être autorisé à travailler les dépouilles d'animaux morts de maladies dites contagieuses. Il fait observer que l'Académie n'a

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à prononcer que sur la question scientifique. Il dit que les expériences faites par M. Parent et les renseignemens qu'il s'est procurés, l'ont conduit à penser que les chevaux n'ont jamais contracté de maladies dites contagieuses pour avoir fréquenté les clos d'équarrissage.

M. Rochoux dit que quant à la morve, une expérience de soixante ans démontre que l'exploitation des débris d'animaux qui en étaient atteints n'a pas propagé la maladie. Pour le charbon, il pense qu'il en est autrement et qu'il peut évidemment se communiquer.

M. Parent répond qu'à Montfaucon un seul ouvrier a été atteint du charbon; mais M. Rochoux rappelle des expériences qui prouvent que cette maladie se communique par injection. M. Huzard se prononce pour la contagion du charbon par les peaux d'animaux morts de cette maladie. M. Barthélemy combat dans le même sens les conclusions du rapport, et cite, à l'appui de son opinion, des expériences faites à Alfort, et dans lesquelles des animaux sains sont morts 18 à 20 heures après l'inoculation de la matière charboneuse. Les conclusions du rapport sont renvoyées à la commission, pour les modifier dans ce sens.

Académie royale des Sciences.

Séance du 29 octobre. Le ministre de l'instruction publique adresse l'ampliation de l'ordonnance du roi, en date du 26 octobre, qui rétablit au sein de l'institut de France, sous le nom d'Académie des sciences morales et politiques, l'ancienne classe des sciences morales et politiques supprimée au mois de pluviôse an XI.

EMPLOI DE L'AGARIC BLANC CONTRE LES SUEURS NOCTURNES.. - M. Bisson adresse un mémoire imprimé sur l'emploi de l'agaric blanc contre les sueurs, dans la phthisie pulmonaire: Des faits rapportés dans son travail, l'auteur conclut: 1.° Que l'agaric blanc peut être employé avec avantage contre les sueurs nocturnes des phthisiques; 2.° que, à la dose de quatre, six, huit ou dix grains, administrés pendant quelques jours, il fait ordinairement disparaître les sueurs lorsque les malades n'ont pas de diarrhée; 3.o que, aux mêmes doses et combinés avec l'extrait gommeux d'opium ou le sirop diacode, il peut être également employé avec avantage dans le même › but, chez les phthisiques atteints de sueurs et de diarrhées passagères; 4.° que dans la phthisie, lorsque le dévoiement d'abord passager devient continu malgré les opiacés, l'agaric cesse d'être utile ; 5.o qu'il aggrave les diarrhées rebelles à l'opium, et ne doit pas être employé chez les phthisiques, dans de semblables conditions; 6.° enfin, que lorsqu'il agit avec efficacité et fait cesser les sueurs, il rend

le sommeil plus calme, prévient ou ralentit l'épuisement, et si la phthisie ne peut être guérie par ce moyen, il rend au moins plus lents les progrès du mal, en faisant cesser un de ses symptômes les plus graves et les plus pénibles.

On procède à l'élection d'un membre, à la place laissée vacante par la mort de Portal. Nous en avons fait connaître le résultat.

COMPOSITION ÉLÉMENTAIRE DE CERTAINS PRODUITS IMMÉDIATS VÉGÉ➡ TAUX. M. Pelletier donne lecture d'un mémoire intitulé: Recherches sur la composition élémentaire de plusieurs principes immédiats des végétaux. Il résulte des expériences faites par l'auteur: 1.o que l'aricine, base salifiable organique et cristallisable, qu'il a découverte dans une écorce toute semblable à celle du quinquina jaune avec laquelle elle était mêlée dans un ballot, ne diffère de la cinchonine et de la quinine que par un peu moins d'oxygène, et que ces trois substances ne sont que trois degrés d'oxydation du même corps. 2.° Que l'ambréine, l'acide ambreique et la cholestérine, ne différent chimiquement que parce que les deux premières contiennent un peu plus d'hydrogène que la troisième. 3.° Que l'acide anchusique est une sorte d'acide gras, rouge par lui même, mais dont toutes les combinaisons sont d'un bleu d'une nuance variable, et qu'il a la propriété de se volatiliser par la chaleur, en répandant des vapeurs rouges, rappellant l'odeur du selénium ; 4.° que la santoline est une substance colorante acide et non de nature résineuse comme on l'avait cru jusqu'alors; 5.o que la chlorophylle n'est pas un principe immédiat, mais un mélange de plusieurs substances, entre autres de cire et d'une huile verte; 6.° que l'olivile n'est pas une gomme, mais un suc concret particulier; 7.o que la sarcocoline est réellement un principe immédiat dont la composition se rapproche beaucoup de l'olivile; 8.o enfin, que le piperin, qu'on ne doit plus regarder comme un alcali organique, ne diffère, sous le rapport de sa composition élémentaire, de l'aricine, le plus oxydé des alcalis du quinquina, que par un atôme d'oxygène en plus et un atôme d'hydrogène en moins.

Séance du 5 novembre.

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- PROPRIÉTÉS fébrifuges dU PEUPLIER BLANC. - MM. Cottereau et Verdé-Delile adressent une lettre dans laquelle ils font connaître les propriétés fébrifuges qu'ils ont découvertes dans les feuilles du peuplier blanc de Hollande, vulgairement nommé Y préau. Diverses expériences leur ont prouvé que ces feuilles possèdent cette précieuse propriété à un très-haut degré. Les recherches qu'ils ont entreprises pour s'assurer si les feuilles ne contiennent pas une base alcaline, ne sont pas encore assez avancées pour qu'ils puissent résoudre cette question.

PRIX DE PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE M Flourens fait, au nom

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de la commission chargée d'examiner les pièces envoyées au concours pour le prix de physiologie expérimentale, un rapport dans lequel il expose que la commission n'a reçu cette année aucun ouvrage sur la physiologie expérimentale proprement dite, qui lui ait paru riter le prix; mais que considérant que, parmi les autres travaux sur l'anatomie, sur la structure intime et microscopique et sur le développement des organes, qui sont parvenus à sa connaissance, il en est plusieurs qui, indépendamment de leur importance propre, ne peuvent manquer d'éclairer la physiologie par leurs résultats, la commission propose de décerner une médaille d'or à titre d'encouragement: 1.0 .o à M. Carus, pour son ouvrage sur le mouvement du sang dans les larves de certains insectes névroptères; 2.o à M. Müller, pour ses recherches sur la structure des glandes sécrétoires; 3.o à M. Ehrenberg, pour son ouvrage sur l'organisation et la distribution géographique des infusoires; 4.° à MM. Delpech et Coste, pour leurs recherches anatomiques sur l'évolution de l'embryon; 5.o à M. Lauth pour son anatomie du testicule humain; et 6.o enfin, à M. Martin Saint-Ange, pour ses recherches sur la circulation du sang dans l'embryon et le fœtus de l'homme.

M. Mirbel fait observer que dans cette liste il n'est question d'aucun ouvrage de physiologie végétale, qui est maintenant cultivée avec beaucoup d'ardeur, en Allemagne surtout; que des recherches d'un haut intérêt existent sur cette branche de la science, et qu'on aurait pu leur décerner le prix. M. Flourens répond que la commission, uniquement composée de zoologistes et de médecins, n'a pu s'occuper des travaux sur la physiologie végétale dont elle ignorait l'existence. A l'avenir, il serait à désirer qu'un botaniste fût adjoint à la commission.

Séance du 12 novembre.. Parmi les ouvrages adressés à l'Académie, on remarque une brochure italienne de M. Lorenzo Cantù, intitulée: Essai chimico-médical sur la présence simultanée de prussiate de fer et d'une matière saccharine dans une variété de l'urine humaine, de couleur bleue. Ce travail intéressant prouve, ainsi que l'avaient déjà fait des recherches de M. le professeur Mojon, de Gènes, que la couleur bleue des urines n'est pas toujours due à la cyanourine, comme le pense M. Braconnot, mais que le plus souvent c'est à la présence de l'hydro-ferro-cyanate de potasse, dont Fourcroy, d'ailleurs, a signalé l'existence dans le sang d'une femme attaquée de violentes convulsions, et que MM. Reisel, Dolxe, etc., ont constatée dans certains crachats et certaines sueurs bleues.

Le secrétaire donne lecture de l'ordonnance du roi qui confirme la nomination de M. Double. L'honorable membre prend place.

Le président annonce la mort de Scarpa, associé étranger et celle

de Leslie, correspondant, dans la section de physique générale. PRIX DE MÉDECINE. — M. Serres, rapporteur de la commission, a la parole. L'Académie avait proposé pour sujet du prix, la question

suivante :

« Déterminer quelles sont les altérations physiques et chimiques des organes et des fluides, dans les maladies désignées sous le nom de fièvres continues, et quels sont les rapports qui existent entre les symptômes de ces maladies et les altérations observées. Insister sur les voies thérapeutiques qui se déduisent de ces rapports. »

Deux mémoires ont été envoyés au concours, et ni l'un ni l'autre n'ont donné de cette question une solution satisfaisante. Dans le premier, l'auteur s'occupe de déterminer hypothétiquement le siége et la nature de la fièvre essentielle; la question, d'ailleurs, n'y est traitée dans aucune de ses parties, l'auteur considérant ces maladies sous un point de vue tout différent de celui qui était demandé.

Le second mémoire est l'œuvre d'un médecin très-instruit et au courant des travaux les plus récens. Le rapporteur déclare que là commission a lu ce travail très-étendu avec beaucoup d'intérêt, et qu'elle se serait même déterminée à lui accorder un encouragement si elle n'espérait qu'il sera reproduit au prochain concours avec des améliorations.

La commission, considérant qu'il est rare de trouver réunies dans une même personne des connaissances assez approfondies en médecine et en chimie pour traiter convenablement les deux parties de la question, propose d'en faire deux questions séparées, l’'une médicale, ainsi exprimée : « Déterminer quelles sont les altérations des organes dans les maladies désignées sous le nom de fièvres continues? Quels sont les rapports qui existent entre les symptômes de ces maladies et les altérations observées ? insister sur les vues thérapeutiques qui se déduisent de ces rapports. » L'autre, physique, qui serait rédigée en ces termes : « Déterminer quelles sont les altérations physiques et chimiques des liquides dans les maladies désignées sous le nom de fièvres continues? » Cette proposition est adoptée en comité secret, et la valeur du prix pour chaque question portée à 5,000 francs.

Séance du 19 novembre. PRIX MONTHYON.-M. Darcet fait au nom de la commission chargée de décerner les prix à celui qui aura rendu un art ou un métier moins insalubre, commission composée de MM. Thenard, Chevreul, Dulong et du rapporteur. Deux inventions ont été soumises au jugement da la commission; l'une est relative au traitement de la colique de plomb par la limonade sulfurique, proposé par M. Gendria; l'autre la substitution d'une mahine au souffle des ouvriers dans le soufflage du verre. Quant à la

première invention (si toutefois c'est une invention), la commission pense que l'expérience n'en a pas encore suffisamment constaté l'efficacité, et qu'elle ne pourrait prononcer en conaissance de cause, n'ayant dans son sein aucun médecin. La seconde invention, due à un ouvrier souffleur en verre, a été mise en pratique depuis assez long-temps, et l'expérience a prouvé en sa faveur.

BIBLIOGRAPHIE.

Nauveaux Élémens de médecine-opératoire, accompagnés d'un atlas de 20 planches in-4.° gravées, etc., etc.; par M. Aụự. A. L. M. VELPEAU. Paris, 1832. In-8.o 3 vol.

Sous ce titre modeste d'Élémens, M. Velpeau vient de publier un ouvrage qui commande l'attention autant par son étendue et son sujet que par le nom déjà honorablement connu de l'auteur. Aussi avons-nous consacré pour le faire connaître plus de pages que n'en comportent ordinairement les notices bibliographiques insérées dans ce Journal.

Introduction. Nous n'aurions que des éloges à donner à l'introduction de l'ouvrage, si l'auteur n'y soutenait une proposition inadmissible. Il n'a cité, dit-il, presque nulle part le titre ou le passage des ouvrages où il a puisé, parce que cette méthode, suivant lui, a l'inconvénient de gêner la lecture, de troubler la mémoire et de favoriser cette littérature de perroquet qui n'est déjà que trop répardue dans les écoles françaises, Nous croyons nous que ces citations faites au bas de chaque page ne gêne en rien la lecture, et favcrise beaucoup moins la littérature de perroquet, que la citation toute sèche des noms propres celle des ouvrages et des passages est d'ailleurs indispensable dans les questions de priorité.

L'ordre topographique adopté dans la description des méthodes opératoires, nous paraît bien choisi, parce que c'est celui qui entraîne le moins de confusion. Nous avons aussi vu avec plaisir dans l'introduction l'histoire de la phlébite et des collections purulentes, dont les opérations sont si souvent suivies. Cet accident, qu'on peut dire général, parce qu'il n'appartient en propre à aucune opération, mais peut se rencontrer partout où il y a division et suppuration, est convenablement placé à la tête d'un ouvrage de médecineopératoire. M. Velpeau y démontre aussi cette vérité incontestable, que la médecine-opératoire n'est pas seulement fondée sur l'anatomie

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des parties saines, sur les manœuvres cadavériques, les vivisections, mais encore sur l'anatomie pathologique, et l'habitude d'opérer sur des parties malades. En effet, la plus simple opération, la mieux réglée d'avance dans les livres, et par la pratique sur les cadavres, éprouve dans son application à l'homme malade des modifications imprévues qui pourraient étonner un jeune chirurgien, s'il n'était prévenu d'avance de la possibilité de leur existence.

Le premier volume commence par la description des opérations que l'auteur appelle élémentaires, et qui, réunies en deux chapitres sous le titre de division et de réunion, comprennent les diverses manières de tenir le bistouri, les ciseaux, les incisions, les ponctions, les sutures. L'attention des praticiens est appelée sur l'usage de l'incision en croissant, applicable à la dissection des tumeurs volumineuses, quand la peau peut être conservée; sur l'emploi de l'incision en V multipliée et formant une série de triangles contigus par leur base, convenable lorsqu'on veut à-la-fois, dans l'ablation d'une tumeur, sacrifier une portion des tégumens, et garder assez de peau pour recouvrir la plaie. Du reste, cette première partie nous a paru trop diffuse. A quoi bon, par exemple, combattre sérieusement l'usage de tremper la lame du bistouri dans l'huile pour diminuer la douleur de l'incision, et entasser les raisonnemens et les images pour prouver que cette pratique est contraire à l'agglutination de la plaie!

Après les opérations élémentaires, M. Velpeau passe aux opérations qu'il nomme complexes; il y compte : 1.o celles qui se pratiquent sur les vaisseaux sanguins, ce sont les opérations des anévrysmes et des varices; 2.o les amputations en général et en particulier ; 3.o les résections; 4. la trepanation.

Anévrysmes. Quelque prévenu d'avance que nous soyons par la préface de l'auteur, nous ne pouvons nous dispenser de lui adresser ici un reproche applicable à tout le reste de son ouvrage, et sur lequel nous ne reviendrons plus. C'est un traité de médecine opératoire et non un traité de chirurgie et d'anatomie chirurgicale qu'il a voulu nous donner. Nous tenons beaucoup à ce qu'il insiste sur les rapports des organes en décrivant une opération et surtout celle de l'anévrysme; mais pourquoi nous faire l'anatomie générale des artères, l'histoire détaillée de chaque membrane, nous parler fort bien, sans doute, mais trop longuement, des divers modes de guérison spontanée des tumeurs anévrysmales, etc. etc. Nous voyons là de la bonne chirurgie, de l'anatomie-pathologique curieuse, mais non erat his locus. L'auteur doit supposer ces connaissances à ses lecteurs ; s'ils ne les out pas, le livre de M. Velpeau serait encore très incomplet, et bien d'autres détails seraient nécessaires. Qu'il juge lui-même de

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l'étendue que pourrait encore avoir un traité de médecine opératoire, par la seule description des méthodes opératoires, et leur appréciation exacte. Combien de fois ne lui est-il pas arrivé de ne pas insister assez sur des opérations, de se borner à les mentionner sans avoir pour ainsi dire assez d'espace pour les apprécier, parce› qu'il sentait que déjà son livre était trop étendu. Il se serait mis plus à l'aise, et suivant nous l'ouvrage serait meilleur, la lecture enserait plus nette, s'il n'avait pas trop souvent perdu de vue le but unique qu'il aurait dû se proposer. Aussi pour être conséquent avec notre manière de voir nous ne nous occuperons que de l'examen des méthodes et des procédés opératoires, en y comprenant toutefois l'application de certains bandages qui appartiennent réellement aux opérations.

L'application des refrigérans et des styptiques aux tumeurs ané-, vrysmales n'aurait peut-être dû trouver ici sa place que pour remar-, quer qu'elle ne paraît avoir réussi qu'à l'occasion de tumeurs considérables, où la circulation avait déjà beaucoup diminué, qui au raient sans doute guéri d'elles-mêmes, et que l'emploi de ces moyens ne devrait jamais dispenser de la compresssion, dans les cas où elle peut être supportée.

Compression. Ce mode de traitement est convenablement dé-. taillé, son historique soigné, mais lorsque l'auteur nous a fait sentir les inconvéniens du bandage de Théden, auquel il reproche justement de comprimer toute la circonférence du membre, pourquoi le préférer à l'usage de la compression pratiquée au-dessus de la tumeur et sur deux points opposés du membre? sans doute, celle-ci n'est pas sans difficultés, mais elle a réussi quelquefois assez promptement pour être toujours préférée à celle de Théden, lorsqu'on a euen vue la cure radicale.

Nous recommandons à l'attention du lecteur les alinéas suivans qui traitent des ligatures et de l'opération de l'anévrysme en général. Toute cette partie est complète et très-bien discutée : toutefois la description des procédés opératoires me paraît devoir précéder la comparaison des ligatures et des méthodes ; il est difficile de comprendre les argumens de cette discussion tirés des procédés opératoires, avant de savoir comment on pratique l'opération.

Parmi les accidens de l'opération on compte la gangrène : cette gangrene a une physionomie particulière qui n'est pas indiquée dans l'ouvrage, et que les praticiens doivent connaître. Les parties de peau qui vont se changer en escarrhes ont le plus souvent, non pas la couleur brune ou noire de la gangrène ordinaire, mais la teinte livide et verte de la putréfaction cadavérique. Cette particularité est éminemment pratique et devait être indiquée, puisque

l'auteur ne s'est pas borné à la médecine opératoire proprement dite.

Lorsque la tumeur ne se résont pas et finit par se vider, ce n'est pas toujours en se transformant en véritable abcès, ou du moins cet abcès a des caractères particuliers : la tumeur se ramollit, et de vient plus volumineuse; l'accident qu'on redoute alors est l'hémorrhagie: la peau ne s'enflamme pas alors comme dans un abcès ordinaire; elle se gangrène par distension sur le sommet de la tumeur, qui est le siége d'une fonte putride: aussi le fluide qui s'écoule d'abord n'est-il qu'une sérosité roussâtre, et non pas un véritable pus; ce n'est qu'après l'ouverture de la tumeur et l'accès de l'air dans le foyer, que les parois de celui-ci s'enflamment franchement, et que le pus devient phlegmoneux. Ces détails sont caractéristiques, et nous devons le dire, ils manquent dans l'ouvrage de M. Velpeau. L'omission de ces remarques le conduit à donner un principe faux, si on l'adoptait d'une manière trop absolue, c'est celui d'ouvrir largement ce sac et de le débarrasser des caillots qu'il contient. Bien au contraire, on attend l'ouverture spontanée, et on ne l'aggrandit même après quelques jours que lorsqu'on croit être bien sûr, par la nature du fluide écoulé, qu'il n'y a plus communication avec le canal artériel. Mais tout ceci est de la chirurgie, sans être à proprement parler de la médecine opératoire.

On trouvera, à la fin de l'article anévrysme en général, des détails curieux sur l'acupuncture appliquée à la cure de l'anévrysme: pratiquée sur des artères d'un moyen calibre, elle a été sur les chiens constamment suivie de l'oblitération du canal du vaisseau. Ccs expériences, propres à l'auteur, sont présentées avec une réservé qui ne diminuent en rien leur valeur et leur importance présumable dans la pratique.

Viennent ensuite les opérations d'anévrysme en particulier, dont l'histoire commence par ceux du membre inférieur, des branches vers les troncs. Des rapports anatomiques précis la recommandent au lecteur. Nous y avons vu avec plaisir préférer l'incision parallèle à l'incision oblique, pour la recherche des artères tibiale antérieure, postérieure et péronière; mais nous concevons difficilement que dans l'anévrysme faux primitif de la péronière, il fût préférable à la ligature de la poplitée ou de la fémorale, de pratiquer une incision de sept pouces et une ligature médiate, dont Guthrie a donné l'exemple,

Dans l'appréciation des méthodes appliquées à l'anévrysme poplité, il nous a semblé que l'auteur éprouvait quelque incertitude dans son choix. Une contradiction choquante y existe même, et doit être due à quelque lapsus calami. A la page 152, « néanmoins on aurait

tort de se le dissimuler, cette opération (la ligature de la poplitée), est grave et ne doit pas être pratiquéé légèrement, tellement que pour les anévrysmes du tiers supérieur de la jambe, par exemple, je lui préférerais volontiers la méthode ancienne, ou même la méthode de Brasdor! et page 154: ce n'est donc, en résumé, que pour les affections anévrysmatiques du tiers supérieur de la jambe qu'il peut être avantageux de lier l'artère poplitée, et par conséquent d'après la méthode d'Anel seulement.

L'anévrysme de la fémorale, de l'iliaque externe, à l'occasion duquel on lira une observation très-curieuse d'anévrysme faux primitif guéri par l'auteur, au moyen de la ligature; l'anévrysme des bran ches de l'hypogastrique, traité par la ligature du tronc principal, opérée deux fois avec succès, sur trois tentatives, nous paraissent avoir été rendus avec bonheur par M. Velpeau. Nous partageons tout-à-fait l'opinion qu'il émet, avec M. Anderson de New-Yorck, que l'incision d'Astley-Cooper, pour la ligature de l'iliaque externe prolongée vers le flanc, est celle qui convient le mieux encore pour la ligature de l'iliaque interne. Elle est plus favorable au décollement du péritoine, parce qu'elle tombe plus près du lieu où il se réfléchit de la fosse iliaque sur la paroi antérieure de l'abdomen, et permet d'éviter plus sûrement les branches de l'épigastrique. M. Velpeau fait aussi justement observer que la ligature de l'iliaque interne est en réalité moins grave que celle de l'iliaque externe ou même de la fémorale, puisqu'elle laisse intacts les vaisseaux propres du membre correspondant, et que les hypogastriques communiquent largement entr'elles. Mais elle exige une dissection plus profonde, et des décollemens plus étendus.

La ligature de l'iliaque primitive, faite avec succès par M. Mott, avec insuccès par MM. Gibson et Crampton, paraît à M. Velpeau acquise à la science, et doit être tentée ; mais nous doutons qu'il faille comme il le dit, lui préférer la méthode de Brasdor, car 1.o celle-ci est inapplicable sur l'iliaque interne, et 2.o elle serait probablement suivie de peu de succès sur l'iliaque externe, à cause de l'embouchure de l'iliaque interne placée entre le fil et l'ouverture de l'artère, si l'anévrysme était situé sur l'iliaque commune; et trop près de l'anévrysme, s'il occupait la partie supérieure de l'iliaque externe: il faudrait, pour que la méthode de Brasdor réussît ici, que par une disposition particulière l'iliaque interne fut oblitérée. Elle n'a pu être tentée, dans ces cas, qu'à une époque où on n'osait lier l'iliaque primitive. Au reste, il nous suffirait de renvoyer M. Velpeau à l'appréciation qu'il a faite des diverses méthodes d'opérer l'anévrysme. Il a dit, de la méthode de Brasdor, « Ce n'est, toutefois, qu'un pis-aller, une dernière ressource applicable seulement aux cas qui ne permettent

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pas l'emploi des deux autres, etc., page 107. La distinction des cas où il la juge admissible, suffirait pour la faire rejeter, lorsqu'il peut être indiqué de pratiquer la ligature de l'iliaque primitive.

Après avoir convenablement examiné et jugé la ligature de l'aorte, à cela près de sa croyance à la possibilité de la guérison par les moxas sur la foi de M. Larrey, l'auteur passe aux anévrysmes des membres thoraciques.

Des considérations qu'on ne trouve dans aucun autre traité ex professo, sur la ligature de la sous-clavière en dedans des scalènes, sur la lésion de la veine jugulaire interne pendant la ligature de la carotide, la ligature de la linguale, des thyroïdiennes, celle du tronc brachio-céphalique, recommandent cette partie du Traité à l'attention du lecteur. La partie anatomique de l'histoire des anévrysmes est traitée avec une précision qui ne laisse rien à désirer : les procédés opératoires sont en général bien décrits; seulement trop de détails étrangers au but spécial du livre, uue abondance de noms d'auteurs mieux placée sans doute dans une histoire de la chirurgie, quelquefois un peu trop de promptitude à exclure ou à adopter telle ou telle méthode, selon tel ou tel procédé opératoire.

M. Velpeau a décrit les procédés opératoires usités pour la guérison des nævi materni, sans entrer à l'égard de ces tumeurs dans aucun détail anatomique. Peut-être cependant la distinction de la structure des tumeurs érectiles n'est-elle pas sans importance sur le choix de l'opération ? Quelques-unes, en raison de leurs élémens anatomiques, ont une telle tendance à s'accroître qu'elles ne permettent aucun moyen dont les effets soient lents. J'aurais désiré que M. Velpeau recommandât d'exercer la compression au-delà de la tumeur et sur les vaisseaux qui la nourrissent, quand cette opération est jugée applicable. Le doigt malade guéri par l'incision circulaire, dans l'observation de M. Lawrence, n'était pas le pouce, mais l'annulaire de la main droite. N'était-il pas utile de recommander de ménager les tendons extenseurs et fléchisseurs? Sans cette précaution l'opération serait sans but. elle se

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Quant à l'extirpation, qui est la ressource la plus efficace, pratique, dit M. Velpeau, de trois manières : . en se conformant aux règles établies pour l'extirpation de tout autre genre de tumeur. 2. En faisant l'ablatiou simultanée de la tumeur et de la partie qui en est le siège. 3.o En deux ou un plus grand nombre de temps. Les règles générales de l'extirpatiou ne s'appliquent pas ici sans modificatiou, car il faut toujours empiéter, sur les parties saines, non pas seulement pour empêcher les récidives, mais encore pour éviter l'hé morrhagie immédiate et quelquefois foudroyante qui pourrait accompagner l'ablation.

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Varices. Cet article a précisément l'étendue et la forme convenables. Les procédés opératoires sont décrits avec netteté et précision. Leur valeur relative est parfaitement appréciée ; mais il y a ici une question chirurgicale sur laquelle je diffère trop de l'avis de M. Velpeau, pour que j'hésite à lui soumettre quelques observations: 1. Il fallait admettre la possibilité de la récidive dans les veines anastomotiques, après l'emploi de quelques procédés, la ligature, par exemple. 2.o Le nombre des individus qui ont succombé à la rupture des varices, est, je le crois, inférieur à celui des victimes des opérations dirigées contr'elles. 3.o Les soins qu'exige la compression ne peuvent être mis en comparaison avec les dangers de l'opération. Si les bas lacés gênent quelques malades, c'est qu'ils sont mal faits, ou mal appliqués ; 4.o enfin, si les procédés opératoires sont en effet si rarement suivis d'accidens, pourquoi donner le conseil de ne jamais les, pratiquer qu'à la demande des malades, et attendre que les varices aient fait naître des accidens capables de gêner les fonctions de la partie lésée ou compromettre la santé générale? Dès que les accidens sont for rares, les chances fâcheuses de l'opération ne sont alors que celles de l'incision la plus simple, que le chirurgien n'hésite pas cependant à prescrire au malade dans une multitude de circonstances, bien qu'elle puisse quelquefois être suivie d'accidens mortels.

Des amputations en général. L'examen des cas qui exigent les amputations est fait avec soin et sagacité; nous reprochons toutefois à M. Velpeau de n'avoir pas fait assez ressortir l'importance que peut acquérir la plaie la plus petite dès qu'elle communique avec le foyer d'une fracture. Aux désordres extrêmes qu'il demande dans une fracture compliquée pour pratiquer l'amputation primitive, et c'est aussi notre avis, un chirurgien inexpérimenté pourrait croire qu'il ne sera jamais conduit à l'amputation consécutive dans le cas d'une plaie très-petite et très-oblique. Deux lignes auraient suffi pour le prémunir contre cette erreur. L'article sur les amputations de complaisance est digne de toute l'attention des praticiens : rien de plus vrai que tout ce qu'il contient contre la pratique de cette opération dans ces cas. Pourquoi donc sembler hésiter à la fin de l'article, et jeter du doute dans l'esprit du lecteur par des raisonnemens semblables aux suivans : « Dans l'idée de dangers plus ou moins graves, on ne devrait jamais toucher aux loupes, etc., etc.; car elles ne sont que très-rarement dangereuses par ellesmêmes, et leur ablation peut être suivie d'accidens redoutables. » Pourquoi cette incertitude de doctrine? M. Velpeau n'a-t-il pas pris soin de se répondre à lui-même. En effet, on fera toujours plus volontiers l'ablation d'uue loupe, etc., qu'une amputation de complaisance, parce qu'une extirpation de loupes est très-rarement

dangereuse, et qu'une amputation est toujours très-grave, comme il nous l'avait d'abord démontré jusqu'à l'évidence.

Tout ce qui suit sur les plaies d'armes à feu, l'époque à laquelle il convient d'amputer, la description de la méthode circulaire, ne me paraît rien laisser à désirer. M. Velpeau, à l'occasion des ligatures après l'amputation, a donné une description détaillée et fait un examen approfondi de la méthode de la torsion, à laquelle il préfère aujourd'hui la ligature; opinion qui doit avoir d'autant plus de poids aux yeux des praticiens, que dès l'année 1826 il avait déjà fait et a répété souvent depuis des recherches spéciales sur cette opération.

La question importante de la réunion médiate et immédiate après les amputations est traitée avec tous les détails qu'elle exige; on y retrouve tous les argumens qui militent en faveur de l'un et l'autre mode de pansement: mais chacun semble tour-à-tour adopté par l'auteur, et cela met à la gêne l'esprit du lecteur. Par exemple : il est dit en faveur de la réanion immédiate, et contre l'opinion de Pelletan, qui en énumère les accidens: «ce ne sont là que des exceptions; et des motifs si faibles, le plus souvent contestables, peuventils l'emporter sur tous les périls que fait courir la réunion médiate? » et à la page suivante, on trouve dans l'appréciation de ce dernier moyen qu'en permettant aux fluides de s'écouler à mesure qu'ils se forment, elle en rend l'absorption plus difficile, expose moins aux inflammations, aux abcès dans le moignon, à la phlébite et aux foyers métastastiques dans les viscères et les cavités séreuses. Que sont donc devenus tous les périls qu'elle fait courir, si la réunion immédiate les présente à un plus haut degré? Puis M. Velpeau finit par adopter une réunion immédiate, qu'il appelle secondaire, et qui serait tentée environ 15 jours après l'amputation, c'est-à-dire la méthode qui est le plus généralement suivie, même par ceux qui n'essayent pas de prime-abord la réunion immédiate. Certes, il serait injuste de rejeter sur M Velpeau tout ce que ce sujet offre encore d'incertitude; mais il devrait éviter au moins, lorsqu'il énonce son opinion personnelle, de porter des jugemens aussi tranchés, et en même temps, il faut bieu le dire, aussi contradictoires sur la même méthode, Cet entraînement avec lequel il adopte et rejette les opinions opposées, et qui n'est sans doute chez lui que l'expression du besoin de tout concevoir et de tout concilier, rend la lecture de son livre quelquefois pénible, et fait perdre à ses conclusions toute la rigueur qu'on pouvait exiger d'un chirurgien aussi éclairé.

Nons citerons avec éloge les détails donnés sur les hémorrhagies consécutives, et les accidens locaux qui surviennent après les amputations, la description générale de l'amputation à lambeaux, de la méthode ovalaire, des amputations dans la contiguité.

La longueur de ce premier article, que nous voulons faire arriver jusqu'au titre 1.er des opérations spéciales, nous force à passer rapidement sur les amputations de chaque région; nous avons remarqué et nous appellons les méditations du lecteur sur les ablations des os du carpe et du métacarpe, des os métatarsiens, sur la désarticulation de la jambe, que M. Velpeau réussit à réhabiliter dans l'opinion des chirurgiens, etc. etc. Cette partie de l'ouvrage est extrêmement soignée tous les procédés y sont examinés avec de grands détails; peut-être pourrait-on reprocher à l'auteur d'avoir admis un peu facilement des distinctions entre des procédés qui rentrent les uns dans les autres mais ce serait attaquer sa conscience d'historien, et nous ne voulons pas lui en faire un crime.

Les résections des os dans leur continuité, telles que celles de la mâchoire inférieure, du maxillaire supérieur, celles des extrémités articulaires, qui comportent des procédés opératoires plus méthodiques, ont été l'objet d'un examen approfondi. Nous signalerons au lecteur, comme fort remarquables, l'extirpation complète de la clavicule faite par Mott, la résection de l'omoplate, par Janson. L'ouvrage de M. Velpeau contient à-peu-près tout ce que la science a d'important à noter sur les résections ; mais comme il le fait remarquer lui-même, c'est souvent au génie du chirurgien à calculer l'opération d'après la lésion particulière qu'il a sous les yeux.

Nous terminerons ce premier article par indiquer la trépanation, étudiée dans son application; 1.o aux os du crâne, chapitre fort bien fait; 2.o à la poitrine, au bassin et aux membres. Nous regrettons que M. Velpeau n'ait pas examiné ici l'application du trépan sur les os longs en particulier. En effet, il y a quelques préceptes généraux à établir que je n'ai point trouvés dans son ouvrage, à mon grand étonnement, car il n'a jamais négligé d'indiquer les conditions d'une opération avant d'en donner la description; il n'était point inutile de dire que la nature se débarrasse quelquefois des sequestres et va jusqu'à courber l'os nouveau pour donner à ce sequestre une meilleure direction fallait-il omettre aussi d'indiquer les conditions que doit présenter l'os nouveau, le côté par lequel il faut l'attaquer, et ce n'est pas toujours comme au tibia par le côté le plus superficiel, c'est bien par le plus éloigné des vaisseaux, précepte de rigueur pour le fémur. Enfin pourquoi ne pas parler des acéidens locaux, qui empêchent quelquefois d'achever l'opération, ou forcent de la faire en deux temps; par exemple, l'hémorrhagie en nappe provenant de la section de ce tissu blanc lardacé qui environne l'os nouveau? Ces détails appartiennent à la médecine-opératoire.^

Nous examinerons dans un autre article toutes les opérations des régions. S. LAUGIER.

Traité des altérations organiques de la matrice; par M. Dup▲nCQUE. Paris, 1832. In-8.• de 486 pages.

La monographie de M. Duparcque, composée en 1830, pour répon dre à cette question: établir les caractères distinctifs des divers engorgemens des ulcérations du col et du corps de l'utérus; exposer les meilleures méthodes de traitement qui conviennent à chacun d'eux, et apprécier les cas qui nécessitent l'extirpation des parties malades, couronnée par la Société de Médecine de Bordeaux en 1831, renferme plus que la question ne demandait. L'anteur en effet y traite à la fois des engorgemens, des ulcérations, et de toutes les autres altérations organiques de la matrice, voir même des hystéralgies. Est-ce un bien, est-ce un mal? Voyons. —Une première partie de l'ouvrage (60 pages), traite des causes, de l'origine, du mode de formation, du développement, etc., des affections de l'utérus en général. On y trouve, comme dans presque tous les livres dogmatiques de médecine, force suppositions, quelques explications ingénieuses, et rien de plus concluant que ce que la science possédait auparavant. Ainsi, page 22, M. Duparcque parle du mouvement fluxionnaire qui précède l'apparition du flux menstruel chez les jeunes filles. Et d'en faire aussitôt un engorgement congestif revenant aux époques suivantes, jusqu'à ce que les bouches exhalantes, devenues plus perméables, offrent une voie facile de dégorgement, comme si personne avait jamais démontré l'existence des bouches exhalantes dans la matrice! Puis arrivent en preuves des observations, intéressantes d'ailleurs, mais qui ne prouvent rien, si ce n'est que l'utérus était malade, et que les femmes se sont rétablies, sans qu'on puisse affirmer que la médication employée, plutôt que le temps et les efforts de l'organisme, ait amené la guérison. Plus loin, page 47, il range parmi les causes des phlegmasies de la matrice, les tractions exercées sur le placenta avant son entier décollement, comme si le placenta n'était pas décollé avant qu'on ne fasse sur lui la moindre traction, comme si ses adhérences étaient jamais assez fortes dans l'état normal pour produire un tel résultat ! Les engorgemens sanguins, dit-il, ont leur siège dans la partie capillaire du système circulatoire propre à la matrice. Et, sans autres preuves, le voilà qui en tire ses distinctions pour la suite. Ailleurs, pages 63, 64, etc., c'est la modification des tissus où se déposent les produits pathologiques, qui explique l'hérédité des maladies cancéreuses ; comme si quelqu'un avait rendu cette hérédité incontestable! —A la page 68, on trouve que, d'après un relevé des opérations pratiquées dans les hôpitaux de Paris, la récidive est d'autant moins à craindre que la maladie était plus ancienne, sans autres preuves qu'une asser

tion vague. Où est ce relevé ? qui l'a publié, qui l'a fait ?— Le chapitre sur les moyens explorateurs de l'utérus n'offrant rien de propre à l'auteur, nous ne nous y arrêterons pas, quoiqu'il soit trèssagement pensé.

Dans la seconde partie de son livre, M. Duparcque ne me paraît guère plus rigoureux que dans la première. A ta page 106 et suivantes, on le voit, par exemple, traiter ce qu'il appelle engorgement par congestion sanguine, au moyen du seigle ergoté, et conclure en faveur de ce moyen sans s'être donné la peine de constater l'existence de l'altération, et en se fondant sur trois observations insignifiantes. M. Duparcque est conduit, dit-il, page 173, par l'analogie, en songeant aux bienfaits de l'émétique dans la pneumonie, à l'employer dans la métrite, en frictions sur les jambes, les cuisses ou l'hypogastre. Il ne nous semble pas qu'il y ait la moindre analogie entre les effets de cette substance donnée à l'intérieur, et les boutons ou l'irritation qu'elle produit sur la peau! La même remarque s'applique aux scarifications qu'il transporte de la glossite à l'inflammation de l'utérus. L'auteur rapporte, il est vrai, un certain nombre d'observations à l'appui de sa supposition, mais une foule de praticiens lui diront qu'un vésicatoire en eût fait autant, et ne manqueront pas de faits aussi concluans en faveur de leur assertion.

Toutefois si, d'après ces remarques, le lecteur allait croire que l'ouvrage de M. Duparcque est dépourvu d'intérêt, il se tromperait. Comme monographie, ce travail est au contraire un bon livre, et c'est à titre d'ouvrage conronné que j'en ai indiqué le peu d'importance. Ne démontrant rien qu'on ne connût d'avance, je ne vois nulle part le pas qu'il a fait faire à la science, ni les avantages que le public retirera des opinions propres à l'auteur, mais il résume assez bien l'état de nos connaissances sur ce sujet pour qu'on en sache gré à l'auteur. Au reste, il faut s'en prendre peut-être moins à M. Duparcque, qu'à la Société qui a cru devoir le récompenser, si son livre renferme les fautes que j'ai mentionnées. Une compagnie savante qui signale (page 10), comme neuve, comme digne d'être surtout notée, l'idée que les médicamens sédatifs et stupéfians ramènent l'innervation exagérée du tissu malade à son état normal, au lieu d'exercer une action spéciale, ne doit pas être bien difficile sur la valeur des recherches qu'on lui soumet!

Le livre de M. Duparcque renfermant ce qui a été dit sur les maladies de la matrice, les praticiens le consulteront avec fruit, et y trouveront de bons exemples à suivre. Le traitement qn'il prescrit contre les affections cancéreuses est on ne peut plus sage, et c'est avec raison qu'il fait ressortir, pour la flétrir, l'inconcevable légèreté avec laquelle certaines personnes excisent le col utérin. Je suis seulement

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 436-465
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436-440

étonné qu'il n'ait pas proscrit avec la même vivacité l'extirpation de l'organe en totalité. En résumé, le Traité de M. Duparcque est l'ouvrage d'un praticien qui, hors des hôpitaux, a fait ce qu'il pouvait faire dans l'état actuel des choses sur un pareil sujet. Qu'on élague ses explications, ses suppositions théoriques, et qu'on l'imite dans ses essais thérapeutiques, les malades ne pourront qu'y gagner. Sa manière d'écrire est d'ailleurs généralement claire et méthodique.

De la nature, du siège et du traitement du choléra-morbus; par MM. FOVILLE et Parchappe, docteurs en médecine. Rouen, 1832. In-8.o 64, fig.

L'un des auteurs de cet opuscule, dans lequel est soutenue la doctrine de M. Broussais sur le choléia-morbus, a rendu compte dans l'un des derniers numéros de ce Journal, de l'ouvrage de M. Bouillaud, écrit dans la même doctrine. La plupart des rédacteurs des Archives ne partageant pas l'opinion absolue de l'école physiologique sur le caractère de la maladie, nous avons accueilli volontiers l'analyse du livre de M. Bouillaud, qui nous a été adressée par M. Parchappe. C'était un jugement de pair, dans toute la rigueur du terme. Les remarques critiques ne pouvaient être attribnées à un esprit de parti. Maintenant, à l'occasion de la brochure de MM. Foville et Parchappe, peut-être devrïons-nous examiner et la doctrine admise par ces auteurs, et celle de M. Bouillaud; et c'est dans cette pensée que nous avons si long-temps tardé à parler de l'intéressante publication des médecins de Rouen. Mais le moment est-il bien venu de juger complètement la partie théorique de l'histoire du choléra? a-t-on bien tous les élémens pour cela? Nous ne le croyons pas. On peut bien repousser telle ou telle opinion sur le caractère, sur la nature de la maladie, sans dire précisément en qnoi consiste ce caractère. Nous ne ferons donc en quelque sorte qu'enregistrer les idées de MM. Foville et Parchappe, pour qu'on puisse les faire servir plus tard suivant leur valeur mieux appréciée.

Ces médecins furent chargés à Rouen du service d'un hôpital temporaire de cholériques. C'est ce qu'ils ont vu et ce qu'ils croyent devoir en conclure, qu'ils exposent, indépendamment des faits et des opinions émis ailleurs. Sous ce rapport, comme sous celui du talent avec lequel cette exposition est faite, le travail de MM. Foville et Parchappe prend place parmi les plus utiles matériaux qui devront être consultés pour faire l'histoire générale de l'épidémie. Après avoir donné la statistique des malades reçus dans l'établissement, statistique qui, au sujet de la mortalité, donne à peu-près les mêmes

résultats qu'à Paris, les auteurs appellent l'attention sur quelques faits relatifs à la propagation de la maladie. L'asyle des aliénés de Saint-Yon, où a été formé formé l'hôpital des cholériques, est, disent-ils, situé sur la rive gauche de la Seine, dans le faubourg où la maladie a commencé à sévir; mais à un quart de lieue environ du bord de la rivière et du quartier où elle a exercé le plus de ravages. Cet établissement réunit toutes les conditions de salubrité désirables. Les deux salles destinées aux cholériques occupent le rez-dechaussée d'un corps de bâtiment central dont les étages supérieurs étaient habités par des aliénés. Les vingt-six aliénés atteints, à l'exception d'un seul, appartenaient à la population du corps de bâtiment où existaient les salles de cholériques. Le dortoir Sainte-Anne, situé immédiatement au-dessus de la salle des femmes cholériques, et ayant une ouverture sur une cage d'escalier, dans laquelle s'ouvraient à la-fois, au rez-de-chaussée, les deux salles des cholériques, a fourni 7 cholériques sur une population de 27 aliénés. Cette salle est, de toutes celles de l'établissement, la plus salubre à tous égards. Le nombre des cas, dans les autres dortoirs du corps de bâtiment central, a été d'autant moindre que ces dortoir s'éloignaient davantage des salles de cholériques, en exceptant seulement le dortoir Sainte-Marie occupé par les malades dites gáteuses. Parmi les hommes employés au service de la maison, un seul a été atteint, le cuisinier. Il demeurait dans le corps de bâtiment central, et sa chambre s'ouvrait sur la cage d'escalier indiquée. Sur 33 religieuses qui consacraient leur vie au soin des malades, 10 ont été atteintes et 3 ont succombé.

Nous avons rapporté ces faits pour qu'ils puissent être appréciés par tout le monde, puisque nous ne partageons pas la conclusion qu'en tirent les auteurs. Ils sont, disent-ils, conduits à admettre que sous l'influence de la constitution épidémique qui fait éclore le cho léra, les personnes qui habitent dans le voisinage d'une aggrégation de malades, sont plus exposées à contracter la maladie que celles qui en sont éloignées. Ce qui s'est passé ailleurs est trop différent, pour que le mode de propagation de l'épidémie dans l'asile des aliénés, tende à infirmer, comme l'avancent MM. F. et P., l'assertion absolue de la non-contagion. Il est avéré qu'à Paris le nombre de médecins atteints réellement du choléra a été extrêmement petit, relativement à celui des malades parmi les gens de toute autre profession. Suivant M. Gendrin, (Monog. du cholera), les personnes attachées au service de l'Hôtel-Dieu ont joui d'une sorte d'immunité; et M. Rochoux nous a rapporté qu'à Bicêtre les employés atteints du choléra se sont tous trouvés étrangers au service de santé. Si l'on s'en tenait à ces faits isolés, on pou:rait done établir une proposition

toute contraire à celle de MM. F. et P., et qui ne serait pas plus · juste.

La partie de l'opuscule qui traite de la description des symptômes du choléra, de celle des altérations organiques qu'il laisse après la mort, est très-bien faite, surtout en ce qui concerne les altérations de la membrane muqueuse des voies digestives; il nous semble, cependant, que l'importance de l'affection des glandes mucipares y est notablement exagérée, et il nous semble aussi que les auteurs, en parlant de l'ulcération de ces glandes comme appartenant à une certaine période du choléra, ont confondu des complications étrangères à cette maladie, avec ce qui est dans sa marche habituelle.

MM. Foville et Parchappe pensent qu'on n'a pas généralement bien apprécié les symptômes dans leur enchaînement, dans leurs rapports avec les altérations des organes, et dans leur interprétation physiologique. Suivant ces médecins, les évacuations qui marquent le commencement de la maladie sont accompagnées de douleurs abdominales, de crampes, et souvent d'un cortège de symptômes qui se rattachent principalement à l'affaiblissement de la circulation générale, et qui paraissent surtout dépendre de la concentration du sang dans les vaisseaux du tube digestif. Dans un temps postérieur apparaissent des symptômes dépendant directement de l'état pathologique du tube digestif, et de ses sympathies morbides. Les altérations organiques constantes dans le choléra, ont, comme dans beaucoup de maladies épidémiques, leur siège dans l'appareil digestif. Ces altérations consistent primitivement dans une fluxion active considérable vers la membrane muqueuse intestinale, dans un développement des follicules de Peyer et de Brunner, avec supersécrétion d'un liquide abondant et spécial, dans des altérations qui tiennent pour la membrane à tous les degrés de l'inflammation jusqu'au plus élevé. Ces altérations du tube digestif déterminent les modifications qu'éprouvent les autres fonctions, et en particulier la circulation, la calorification et les sécrétions. La cause qui produit ces altérations qui constituent le choléra, est inconnue; et jusqu'à ce que le spécifique de cette cause soit trouvé, c'est à ses effets que la médecine peut et doit rémédier; c'est à un traitement antiphlo-, gistique que l'on doit avoir recours. On conçoit de combien de discussions chacune de ces propositions pourraient être l'objet; elles sont exposées et soutenues par MM. Foville et Perchappe avec un tel talent et sous un jour si spécïeux, qu'il faut toute l'autorité de faits et d'opinions opposés pour ne pas y adhérer.

ET

OBSERVATIONS.

DÉCEMBRE 1832.

Notice sur le choléra-morbus en général, et en particulier sur celui de Bicêtre; par J. A. ROCHOUX, médecin de l'hospice de Bicêtre, agrégé de la Faculté de Méd. de Paris. (Fin.)

re

S. III. Observations particulières. Nous croyons maintenant devoir rapporter dans tous leurs développemens quelques cas de choléra, afin de mettre les lecteurs à même d'apprécier les points principaux de symptomatologie et d'anatomie pathologique que nous avons plutôt indiqués d'une manière générale, que décrits avec détails. Obs. I. Cholera simple. Zamor, nègre, âgé de 62 ans, jouissait encore de sa bonne santé ordinaire lo 5 mai 1832, et n'avait pas le moindre dévoiement, lorsque il fut pris tout-à-coup, vers midi, de crampes extrêmement douloureuses dans les mollets. A quatre heures, les crampes sont telles, qu'elles ne permettent pas au malade de rester un instant tranquille dans son lit; l'extérieur du corps est froid, le pouls très-faible, les yeux profondément enfoncés ; la peau de la face éprouve une crispation qui la fait paraître comme veloutée. Ces accidens continuent toute la journée. Le soir la diarrhée se manifeste, la peau se refroidit de plus en plus, la respiration est gênée. Dans la nuit il survient un ou deux

30.

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vouissemens, et la mort a lieu le 6, vers une heure du matin. (Tisane de riz gom. miellée; frictions avec un liniment opiacé; lavemens laudanisés. )

Ouverture du cadavre. - Habitude extérieure. Rigidité très-considérable des membres, crispation veloutée générale de la peau.

Poitrine.

Les poumons exsangues, même à leur bord postérieur, s'affaissent comme une pâte molle sous les doigts qui les touchent. Ils sont poisseux, gluans; on les dirait enduits d'un vernis parfaitement transparent.

Le cœur, et surtout l'oreillette droite, contiennent encore une grande quantité de sang, entièrement dépouillé de sérosité, épais comme du raisiné, et d'une très-grande noirceur.

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Abdomen. Les vaisseaux de l'épiploon, du mésentère et de la tunique péritonéale des intestins, principalement des grêles, étaient fortement injectés de sang noir, ce qui donnait à ces parties une nuance violette des plus sombres que j'aie encore vues. Pareille disposition avait été remarquée, à l'ouverture de la poitrine, dans les vaisseaux des plèvres et du médiastin. L'estomac, d'une grande capacité, contenait environ une chopine du liquide vineux de la boisson, mêlé de flocons assez peu nombreux, semblables à des grains de riz crevés. La membrane interne, enduite d'une légère couche plutôt glaireuse que muqueuse, était très-ramollie, depuis le cardia jusqu'au pylore, où elle n'avait pas encore repris sa consistance naturelle. Elle offrait partout une couleur rosée uniforme. A la vue on l'aurait crue parfaitement saine, mais quand on la râclait avec l'ongle on l'enlevait comme une pulpe épaisse; trois pouces environ de la tuaique musculaire de la portion pylorique de l'estomac, dans tout son contour, étaient hypertrophiés, de manièrc à avoir acquis près du pylore, où l'affection était la plus prononcée, environ trois lignes d'épaisseur. Les trois

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441-445

premiers pouces de la tunique musculaire du duodénum offraient la même disposition.

Les intestins grêles, contractés, pâteux et épais au toucher, dans plus de la moitié de leur longueur, par trajets d'étendue variable, paraissait extérieurement chagrinés, surtout aux endroits de leur contraction. La fin de l'iléon, dans cinq ou six pouces de long, avait à peine le volume du doigt annulaire. Intérieurement ils contenaient une matière pultacée, grisâtre, peu adhérente à la muqueuse, et abondante surtout aux endroits contractés. Cette membrane était, dans toute sa longueur, d'une couleur cèdre tirant sur le rouge. Plus ou moins fortement arborisée dans divers points de sa surface, elle n'offrait nalle part de véritable inflammation. La muqueuse des gros intestins se rapprochait encore plus de l'état nor mal: elle contenait aussi des matières grises.

La rate avait à peine trois pouces de surface sur chacun de ses côtés. Légèrement ridée à l'extérieur, elle était intérieurement exsangue au plus haut degré et d'un rouge très-foncé. Le foie aussi est exsangue et flétri. La bile, très-foncée en couleur, sirupeuse, poisseuse, plus qu'il ne m'est arrivé jusqu'à présent de le voir, remplissait environ le tiers du péricarde.

Le crâne n'a pas été ouvert.

Remarques. La courte durée de la maladie, l'absence presque complète de déjections alvines, ne permettent pas d'attribuer à la déperdition du sérum la sécheresse que le sang a présenté chez Zamor. Il faut donc reconnaître que l'altération si prononcée de co liquide tenait à une toute autre cause. Quoi qu'il en sɔit, il est impossible, quand on considère l'infarctus général qu'avait produit la stase de ce liquide altéré, dans les capillaires, de ne pas admettre que là résidait la véritable cause des symptômes graves que nous avons décrits. En

effet, chaque molécule des tissus vivans, étant en contact avec du sang éminemment vicié, a dû en éprouver l'action délétère. Celle manière d'expliquer les accidens, nous semble bien plus rationnelle que ne le serait la prétention de les attribuer à la légère rougeur de l'intestin. Au reste, si l'on croyait, malgré notre remarque, devoir toujours persister dans le système que nous combattons, l'observation suivante ne laisserait aucun moyen direct ou détourné de le défendre.

Obs. II. Cholera simple. Keller (Antoine), menuisier, âgé de 34 ans, vivait d'une manière trèssobre, ne faisant jamais d'excès ni en boissons ni en nourriture, et se portait aussi bien qu'à son ordinaire, le 16 juillet 1852, jour où il vint à pied, visiter à Bicêtre, un de ses amis. A peine fût-il arrivé, qu'il commença à ressentir des coliques et des nausées. Bientôt des vomissemens survinrent, s'accompagnant simultanément de dyarrhée, de cyanose, et surtout de crampes extrêmement douloureuses dans les mollets, Sous la persistance de ces symptômes le pouls s'affaiblit rapidement, la peau devient de plus en plus froide, et la mort arrive le 17 à trois heures du matin, environ quinze heures après l'apparition des premiers symptômes du mal. Il s'était fait dans les dernières heures de la vie une nombreuse éruption de sudamina.

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Ouverture du cadavre.-Nombreuses et larges ecchymoses sur différens points du tronc, des membres et de la face; rigidité cadavérique considérable; sudamina en grande partie encore apparens.

Poitrine. Poumons exsangues, poisseux à l'exté rieur; sains du reste. Cœur sain. Sang contenu dans ses cavités et dans les gros vaisseaux, à demi-liquide et à demi-coagulé, n'étant pas d'une noirceur extrême.

Abdomen. La membrane muqueuse de l'estomac ́est très-ramollic, sans avoir éprouvé de changement no

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table dans sa couleur. Elle est peut-être un peu épaissie dans son tiers gauche et dans son tiers moyen. La portion pylorique conserve à-peu-près sa fermeté normale. La muqueuse de l'intestin grêle, qui avait le tiers de son calibre rempli d'un liquide gris, semblable à une forte décoction de riz mêlée de flocons grisâtres, offrait trèslégèrement la teinte lilas. Les plaques de Peyer étaient développées, surtout les inférieures, de manière à faire une saillie d'un huitième de ligne de hauteur. Autour de deux ou trois d'entre elles, la muqueuse offrait une rougeur de simple arborisation, n'ayant en tout que quelques pouces de surface. Partout ailleurs, elle ne présentait qu'une injection de ses gros vaisseaux, ou bien l'état à-peu-près normal du système vasculaire. Cette dernière disposition se remarquait dans les deux tiers au moins de la longueur du canal. Trois ou quatre pieds de la fin de l'iléon contenaient, en médiocre quantité, de la psorenterie, dont le développement m'a semblé être au-dessous da terme moyen. Les gros intestins ne présentaient aucune altération appréciable.

au

Le foie était flétri, la bile très-noire, fort épaisse et poisseuse. La rate avait un volume très-considérable, supérieur d'un tiers au moins à celui du foie. Sa forme ordinaire n'était pas changée, si ce n'est qu'elle offrait, nilieu de sa circonférence, une longue et peu profonde échancrure de chaque côté, ce qui faisait paraître ses deux extrémités élargies. Ferme dans son tissu, elle était presque exsangue et d'une couleur brun-rougeâtre.

Le crâne n'a pas été ouvert.

Remarques. - Voilà encore un cholérique qui a été brusquement atteint de son mal, sans avoir éprouvé lá diarrhée antécédente. J'ai pu observer un assez grand nombre de cas de ce genre. Il m'ont paru être au moins dans la proportion d'un à trois, relativement à ceux qui

sont précédés de diarrhée. Si on veut, en outre de cette remarque, faire attention qu'il est bien peu d'individus qui, dans le cours d'une année, ne soient pas pris de diarrhée, ordinairement sans conséquence funeste, on en viendra probablement à reconnaître que cet accident ne saurait vraiment être considéré comme l'indice du choléra ou comme pouvant le déterminer, si on l'abandonne à lui-même. Au reste, la considération de la bonne santé dont Keller a joui jusqu'au moment où sa maladie a brusquement éclaté, rapprochée de l'existence chez lui de la psorenterie et d'une sorte d'hypertrophie des glandes de Peyer, existant sans doute l'une et l'autre depuis un temps assez long, prouve évidemment, ce me semble, qu'aucun symptôme appréciable ne peut, pendant la vie, dévoiler l'existence de cet état de l'intestin. Le fait ci-dessus nous conduit aussi à dire un mot de l'espèce d'exception qu'il présente, par rapport au sang. En effet, ce liquide était peu noir, quoique la mort eût eu lieu avec rapidité. Mais d'abord, la noirceur était beaucoup au-dessus de celle du sang d'un autre sujet examiné comparativement, et il me semble de plus avoir observé que, depuis la récrudescence du choléra, le sang est généralement moins noir que dans le commencement de l'épidémie.

Entre autres faits propres à confirmer cette opinion, je citerai l'exemple d'un moissonneur apporté à Bicêtre, où il mourut du choléra en 15 ou 18 heures, et dont le sang n'était pas non plus très-noir. Il avait les intestins absolument exempts de toute arborisation, même légère, et leur teinte habituelle n'était pas notablement changée. Malgré la promptitude avec laquelle la mort a eu lieu dans ce cas et le précédent, il me semble qu'en général les symptômes du choléra sont moins intenses actuellement qu'au début de l'épidémie; il en est aussi quelques

uns d'entre eux, comme la prétendue ecchymose de la

sclérotique, qui paraissaient ne plus se rencontrer. Le crâne n'a pas été ouvert.

e

Obs. III. Choléra et pneumonie. Domergue (Jean-Pierre), âgé de 76 ans, fut apporté le 10 avril 1832, à l'infirmerie, vers sept heures du matin, malade depuis minuit. Il s'était couché très bien portant le 9, après être revenu à pied de Paris', où il avait passé touteune semaine.. Au moment de ma visite, il avait le pouls très-faible, la peau froide et livide, surtout à la face et aux mains, éprouvait des nausées fréquentes, un grand accablement, et se disait voué à une mort certaine. (Saignée d'une palette, eau vineuse miellée, sinapismes, moyen de réchauffement extérieurs. }

Le sang sort avec peine. Il est dépourvu de sérosité. La chaleur ne se rétablit pas, et le malade se plaint d'être graduellement plus faible.

Le 11 au matin, respiration gênée, profonde, froid plus prononcé encore que la veille, pouls extrêmement faible; il y a quelques vomissemens et deux ou trois selles. La mort survient vers onze heures, déterminée par le ralentissement progressif, et enfin la cessation de la respiration et de la circulation.

Ouverture du cadavre. Habitude extérieure ; comme elle est ordinairement sur les cadavres de cholériques.

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Cráne. Les artères vertébrales et les carotides con-tiennent une grande quantité de sang noirâtre. Ce liquide forme, au milieu de l'infiltration séreuse de la pie-mère, des plaques simulant des ecchymoses, sur la partie supérieure et externe des hémisphères. Les capillaires de la substance de l'encéphale, qui d'ailleurs est parfaitement saine, coutiennent une grande quantité de sang. Quelques gros de sérosité se trouvent dans les ventricules latéraux.

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Poitrine. -Les poumons sont extérieurement poisseux, et semblent enduits d'un vernis. Leur tissu privé de ressort s'affaisse sous les doigts, et donne au toucher la sensation qu'on éprouverait à manier une peau de chamois bien, douce. Au sommet de ces deux organes existent quelques tubercules mêlés de mélanose. La face interne de chacun d'eux adhère au médiastin par un dessèchement tel, qu'il donne au tissu cellulaire graisseux du médiastin, dans une surface de quatre à cinq pouces de chaque côté, l'aspect qu'il aurait pu avoir après une longue exposition à l'air. Du côté gauche, l'adhérence est si forte, qu'en détachant le poumon du médiastin it se déchire une bande de plèvre, large de trois à quatre lignes et longue de trois pouces, semblable à un morceau de parchemin très-mince. Le tiers postérieur du lobe inférieur du poumon droit est hépatisé d'engouement; son tissu flotte au niveau de l'eau dans laquelle on l'abandonne. Les cavités du cœur sont remplies d'un sang trèsnoir, semi-coagulé. On le retrouve en abondance, avec les mêmes caractères, dans les deux veines-caves.

Abdomen. La membrane muqueuse de l'estomac est généralement d'une couleur gris de cèdre, et parfaitement saine; une légère couche de mucosité la recouvre dans toute son étendue. Elle contient environ un verre de liquide semblable à une forte décoction de riz, ayant un peu l'odeur vineuse. Les intestins grêles uniformément contractés, épais et pâleux au toucher, ont éprouvé une réduction d'un tiers au moins de leur calibre. Ils sont chagrinés, à petits grains très rapprochés. Dans les cinq-sixièmes au moins de sa longueur, leur membrane muqueuse est d'une couleur cèdre. Dans le reste, et par trajets interrompus, elle présente une injection très-considérable, laqnelle approche, en certains endroits, de la teinte rouge uniforme, sans que néanmoins on cesse de voir distinc

tement le trajet des vaisseaux. Elle renferme une grande quantité de matière grise, pulpeuse, épaisse, qui existe jusque vers la fin du colon, où l'on ne retrouve plus que des matières fécales ordinaires, en très-petite quantité. Partout la muqueuse de la seconde partie du canal intestinal conserve sa couleur naturelle. Les glandes de Brunner et de Peyer sont fort apparentes, mais ne paraissent nullement altérées dans leur texture.

Le foie est brun, exprimé et comme flétri; la bile noirâtre, épaisse et poisseuse; la rate petite, d'un tissu sec, parfaitement exsangue; la vessie grosse comme une noix, le ganglion semi-lunaire dans un état d'intégrité parfaite. Remarques. La saignée a été faite au début de la maladie, et néanmoins le sang s'est montré entièrement dépouillé de sérum. On ne pouvait donc pas attribuer cette circonstance à l'abondance d'évacuations qui alors n'avaient pas eu lieu. Plus tard, et quand les symptômes ont continué à suivre une marche alarmante, on ne pouvait pas davantage en accuser les souffrances de la muqueuse gastro-intestinale, ou la faiblesse résultant de l'abondante excrétion de la matière cholérique, puisque, malgré la quantité assez grande de sa sécrétion, elle n'avait été un peu évacuée que par de rares vomissemens, les selles étant restées excrémentitielles pendant tout le cours de la maladie, comme la nature des matières trouvées dans la fin du gros intestin en est la

preuve.

3

Ici la mort a vraiment eu lieu par cet affaiblissement progressif de la circulation que rien n'arrête, et dont la très-grande fréquence à Bicêtre, comparativement aux autres modes de terminaison fâcheuse, tient peut-être à l'âge avancé des sujets. Mais ce n'est point à pareille cause qu'il faut attribuer le développement des tubercules compliqués de mélanosc, trouvés dans le sommet

de chaque poumon. Rien au contraire n'est plus rare que l'affection tuberculeuse chez les hommes âgés de plus de soixante-dix ans, et je crois être fort près de la vérité en-disant qu'ils la présentent à peine une fois sur trente. Il n'en a pas été de même à l'égard de la pneumonie compliquant le choléra. Elle s'est montrée, au début de l'épidémie, au moins une fois sur six. Depuis sa récrudescence, je ne l'ai pas encore rencontrée une seule fois. Il en a été de même pour le dessèchement très-prononcé des plèvres, dont le sujet de cette observation a offert un modèle si parfait que je ne puis m'empêcher d'cu faire la remarque..

Obs. IV. Cholera hémorrhagique.-Rondet (Pierre), âgé de 64 ans, avait de la diarrhée depuis trois jours, lorsque le 2 mai 1832, il fut pris vers quatre heures du matin, de vomissemens fréquemment répétés, de crampes très-douloureuses et de refroidissement de la peau. A neuf heures du matin, ces symptômes n'ont rien perdu de leur intensité, la voix est faible et très-voilée, la figure livide, le pouls extrêmement faible. (Tisane de riz vineuse, lavemens d'amidon, sinapisme, application du calorique.)

Le 3, les crampes sont dissipées, les vomissemens devenus très-rares; le pouls a repris de la force et la chaleur est assez bonne; mais la diarrhée continue à fatiguer beaucoup le malade, dont le visage reste encore livide et la voix faible, quoique moins altérée.

Le 4, dans la soirée, les selles deviennent sanguinolentes. Dès cet instant la lividité de la face augmente le pouls s'affaiblit rapidement, et la peau se refroidit de



nouveau.

Le 5, augmentation des symptômes; plusieurs selles semblables à du chocolat rouge, pas très-fétides. Chute progressive des forces, et mort sans agonie, en pleine connaissance, le 6 à quatre heures du matin.

Ourerture du cadavre. Habitude extérieure n'offrant rien que d'habituel.

Poitrine. -Les poumons, un peu engoués à leur bord postérieur, sont exsangues en avant, et s'affaissent d'une manière remarquable sous les doigts. Les plèvres, desséchées du côté du médiastin, adhèrent, à cause de cela, à cette cloison, et la portion antérieure de la plèvre gauche en contact avec le diaphragme présente la même dispo sition. Le sang de l'oreillette droite était modérement noir et coagulé. Il contenait un petit caillot albumineux.

-

Abdomen. — La muqueuse de l'estomac, d'une coulleur légèrement rosée, était très-ramollie dans toute son étendue. Les intestins grêles, rougeâtres à l'extérieur, flasques, dilatés, sont remplis au tiers de leur capacité par un liquide rouge comme du chocolat espagnol, de la consistance d'un lait épais. Les quatre cin-, quièmes au moins de la membrane muqueuse sont d'un rouge uniforme, plutôt d'injection que d'inflammation, car presque partout on y distingue assez nettement le trajet des vaisseaux capillaires. La même remarque était applicable à la membrane muqueuse du gros intestin, qui ne perdait sa rougeur qu'au commencement du rectum. Quatre pouces de cette membrane, pris dans la fin du colon transverse, perdirent presque entièrement leur rougeur uniforme, laquelle fut entièrement remplacée par une rougeur d'injection vasculaire très-fine, à l'aide d'une lotion de quelques minutes dans l'eau, et de frictions faites sur la membrane avec la pulpe des doigts. Elle avait partout sa consistance habituelle, ainsi que la muqueuse de l'intestin grêle.

Le foie était flétri, la bile très-foncée en couleur, mais moins épaisse que dans plusieurs cas analogues; la rate assez volumineuse, flétrie et exsangue.

Le crâne n'a pas été ouvert.

Remarques.-L'accord qui, dans ce cas, a existé entre les lésions d'organes et les symptômes observés pendant la vie, est de nature à frapper tout le monde. Ainsi il y a eu diarrhée sanguinolente, et les intestins étaient le siège d'une hémorrhagie assez considérable. Après un peu de mieux, ou au moins un temps d'arrêt dans les accidens, ils ont pris tout-à-coup une marche rapidement croissante. Il est probable qu'à cette époque, où l'on a vu le pouls s'affaiblir de nouveau, la peau perdre de sa chaleur et sc couvrir d'une grande lividité, l'hémorrhagie intestinale a commencé. Elle ne tenait sans doute pas à une affection ancienne de la muqueuse, car la diarrhée ne datait que de quelques jours, et ce qui est plus décisif encore, la membrane conservait sa fermeté normale.

Obs. V. Cholera hémorrhagique; épanchement aigu de sérosité dans les ventricules, et pneumonie. Colas (Nicolas), âgé de 79 ans, est apporté à l'infirmerie le 6 mai, vers neuf heures du matin. Il y en avait tout au plus quatre qu'il avait été pris, sans symptômes précur seurs, de vomissemens et de diarrhée portés à un degré médiocre d'intensité; mais le pouls était faible, la peau froide, la figure assez fortement excavée, et les mains livides. (Eau vineuse miellée, gommée.)

"

Le 7 la diarrhée a beaucoup diminué, les vomissemens sont devenues très-rares, la peau est moins froide, le pouls moins faible, mais la lividité des mains n'a presque pas diminué. Dans la soirée il survient du subdelirium.

Le 8, ce symptôme persiste et devient dominant vers. le soir; en même temps on remarque une augmentation de la lividité de la peau et un affaiblissement du pouls. Il y a plusieurs selles bilieuses foncées, dans la nuit ; une grande faiblesse leur succède, et la mort arrive le 9, à huit heures du matin.

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451-455

Ouverture du cadavre. Habitude extérieure. Le côté droit de la face est le siège d'une ecchymose avec bouffissure, qui s'étend à presque tout le même côté

du col. Cráne. Le cuir chevelu est considérablement gorgé de sang; malgré cela le tissu de la pie-mère est médiocrement injecté. Les ventricules latéraux, dont la cloi son médiane est rompue, renferment environ quatre onces de sérosité limpide. La substance de l'encéphale est parfaitement saine, et ne contient pas plus de sang qu'à l'ordinaire, dans ses vaisseaux capillaires.

Le lobe moyen du poumon droit est hépatisé rouge, ou plutôt fortement engoué. Le bord postérieur du poumon gauche est dans un état fort voisin de l'inflamma tion. En avant, les deux poumons sont notablement exsangues, mais conservent encore une certaine élasticité de tissu, par suite de laquelle ils s'affaissent médiocrement sous les doigts. Le sang contenu, en abondance, dans le cœur et les gros vaisseaux, est en partie liquide et en partie coagulé. Il est fort noir, quoique le paraissant moins que celui d'un autre cholérique examiné comparativement.

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Abdomen.-La muqueuse de l'estomac était d'un gris mêlé de jaune, légèrement ponctuée de rouge, à-peu-près uniformément sur toute sa surface. Elle avait conservé sa consistance naturelle. Vus extérieurement, les intestins présentent cette couleur brun foncé éclatant, connue sous le nom de riche Savoyard. Ils sont distendus au plus haut point, par deux ou trois litres d'une matière qui, dans quelques portions de leur longueur, est bilieuse, muqueuse, assez épaisse, d'une couleur tirant sur le vert foncé brun; dans d'autres, plus liquide, sanglante et d'un rouge-brun. Après avoir été lavée, la membrane muqueuse du premier tiers de l'intestin grêle devient

d'une couleur riche Savoyard clair. Progressivement cette couleur perd de son intensité, et est remplacée par une couleur cèdre foncé; enfin, dans les derniers pieds du canal intestinal, elle devient grisâtre avec de nombreuses arborisations rouges. Dans les points où la membrane est le plus colorée, on en exprime par la pression une légère rosée de sang, et elle y est enduite d'une légère couche mucoso-sanguinolente d'un brun foncé.

La muqueuse de tout le cœcum, et celle de près de la première moitié du colon, est d'un fond ardoisé trèsprononcé, sur lequel on remarque cinq ou six bandes parallèles d'un rouge brun, occupant la presque totalité de la surface du cœcum, et diminuant graduellement de longueur à mesure qu'elles cheminent dans le colon. Ces plaques sont autant de portions enflammées, avec disparition presque complète des capillaires, causée par l'extravasion du sang et sa fixation dans le tissu muqueux. Plus loin, la couleur ardoisée se fait seule remarquer, puis elle diminue de foncé pour faire graduellement place, vers la fin du colon, à une couleur ardoisée pâle ou gris de plomb. Excepté aux endroits où sa couleur était le plus fortement altérée, la membrane muqueuse conser

vait sa consistance naturelle.

On ne distinguait d'une manière bien apparente ni follicules discrets, ni follicules agminés. Le ganglion semilunaire était parfaitement sain. La rate était petite, pas très-sèche; le foie médiocrement flétri, contenant un squirrhe du volume d'un gros œuf; la bile, d'un jaune foncé, avait presque sa liquidité ordinaire.

Remarques. Trois causes

9

en outre du choléra, ont contribué à hâter la mort de Colas: l'inflammation hémorrhagique des intestins, l'engouement ou l'inflammation des poumons, et peut-être encore plus, l'épanchement abondant de sérosité qui s'est fait brusquement dans les

cas n'est

pas

ventricules latéraux et s'est annoncé par des symptômes assez tranchés (1). Aucune de ces assertions n'a besoin d'être appuyée de raisonnemens : chacune porte sa preuve avec elle. Mais il n'est peut-être pas mal de faire remarquer que les intestins contenaient du sang, quoique pendant la vie les selles, et seulement les dernières, eussent été non pas sanguinolentes, mais brunes. C'est que l'hémorrhagie qui s'est faite peu de temps avant la mort, occupait le haut de l'intestin, tandis que sá fin était encore seulement remplie de matières bilieuses brunes. Ce ceux où la membrane muqueuse moins un de peut être considérée comme ayant le plus souffert. Quant à l'élasticité en partie conservée du tissu de la portion antérieure des poumons, je dirai que ce phénomène m'a paru presque toujours déterminé par l'existence d'une pneumonie, et que la même inflammation a également pour effet d'empêcher le sang de devenir parfaitement cholérique (2). Rien d'étonnant donc qu'il ne le fût pas au plus haut degré dans ce cas, qui d'ailleurs n'appartient déjà plus aux morts promptes. La bile n'était pas non plus précisément poisseuse; mais si l'on voulait voir là une objection à ce que nous avons dit sur l'état habituel de ce liquide dans le choléra, il suffirait sans doute, pour la réfuter, de rappeler le squirrhe dont le foie était atteint, et qui devait nécessairement modifier les fonctions de cet organe.

(1) J. A. Rochoux, Recherches sur l'apoplexie, p. 148.

(2) On pourrait peut-être considérer comme une exception à cette règle, le sang de Domergue (obs. 3.o, p. 446), qui a présenté à un assez haut degré les caractères dits cholériques, quoiqu'il y eût complication de pneumonie chez ce sujet. Mais d'abord son sang n'était pas comparable par rapport à ces caractères, au sang de Zamor (obs. 1.o, p. 440), et en outre l'inflammation du poumon n'étant que peu étendue, n'a pas pu exercer une grande influence sur la sanguification qui a dû se faire à-peu-près comme s'il n'y cut pas eu de pneumonie.

Obs. VI.e

Cholera, pleuro-péripneumonie et Méry (Jean), âgé de So ans, fut apporté à l'infirmerie le 8 avril 1832, vers huit heures du matin. Il était malade depuis six ou sept heures seulement, et avait néanmoins dejà vomi plusieurs fois, et eu un grand nombre de selles abondantes. Le visage était livide, excavé; les yeux avaient de la tendance à se tourner en haut; les extrémités étaient froides et livides, le pouls médiocrement fréquent, à peine sensible aux radiales ; le malade éprouvait de fréquentes nausées, avait des crampes légères, et se plaignait d'une forte oppression déterminée par une douleur fixe à l'épigastre: soif vive. (Sinapisme, lampe de chaleur, eau vineuse miellée, eau de Seltz.)

Les moyens de réchauffement ne parviennent pas à rẻtablir la chaleur, le pouls continue à rester très-faible, la respiration est petite, fréquente; la voix s'éteint, et cependant la connaissance est parfaite crainte de la mort manifestée à chaque instant.

A trois heures de l'après-midi, faiblesse très-grande, affaissement; mort sans agonię. Il y avait eu depuis l'entrée à l'infirmerie, deux ou trois vomissemens de matières grisâtres, et trois ou quatre selles.

Ouverture du cadavre. Habitude extérieure. Ecchymoses assez marquées sur les jambes et les avantbras ; visage livide et violet, à-peu-près comme il l'était pendant la vie. Pulpe des doigts ridée en long et d'un livide foncé ; roideur cadavérique des plus prononcées ; muscles très-contractés, secs, contenant peu de sang et d'une couleur un peu sombre. Sur chaque sclérotique, au-dessous de la cornée, se trouve une tache noirâtre, alongée, de deux ou trois lignes de surface, produite par lə dessèchement de la portion de membrane qui a perdu sa couleur naturelle, Sur cette tache et à une ligne et

arachnitis.

-

-

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demie tout autour, les vaisseaux de la conjonctive ocu: laire sont finement injectés, formant un lacis serré. Crâne. Le tiers environ de la surface de l'arachnoïde sur chaque hémisphère, à sa partie supérieure et surtout au voisinage de la faulx, est dans un état manifeste d'inflammation chronique, épais de près d'une ligne dans les points les plus affectés, et d'un gris opaque. L'épaississement inflammatoire, dont la surface est environ de cinq pouces carrés sur chaque côté, va en perdant de son épaisseur en avant, en dehors et en arrière, et est graduellement remplacée par l'arachnoïde saine. Au-delà commence une simple infiltration séreuse très-considérable de la pie-mère, qui présente en outre trois ou quatre plaques irrégulières, de deux à trois pouces de surface chacune, où l'infiltration sanguinolente ressemble à l'ecchymose. Trois ou quatre onces de sérosité étaient épanchées à la base du crâne, et les ventriculos latéraux en contenaient environ chacune une once.

La substance de l'encéphale est dans l'état sain, et ses vaisseaux, quoique contenant encore beaucoup de sang noir, me semblent en laisser moins échapper que je ne l'ai vu dans les trois cas avant celui-ci. L'artère basilaire, presque vide, est extérieurement recouverte par une exsudation albumineuse d'un quart de ligne d'épaisseur qui règne à-peu-près sur toute son étendue, et la dépasse de deux lignes de chaque côté. Les veines des ventricules, la toile choroïdienne surtout, sont fortement injectées de sang noir. Les veines des tégumens du crâne avaient présenté la même disposition.

I 1.)

?

Poitrine. Les poumons sont poisseux, luisans comme s'ils étaient couverts d'un vernis s'affaissant d'une manière assez remarquable par la pression, surtout à la partie antérieure. Le sommet du poumon gauche contient, dans le volume d'un œuf, un grand nombre

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456-460

de petits grains de mélanose, et les traces d'une ancienne caverne guérie. Le sommet du poumon droit, dans un volume à-peu-près égal, contenait de petits tubercules comme crétacés, durs et mêlés de mélanose. Tout le lobe moyen de ce poumon est fortement engoué, dur, dans un état voisin de l'inflammation, et flottant au niveau de l'eau dans laquelle on le plonge. Partout où il n'est pas engoué, le tissu pulmonaire, aussi bien du côté droit que du côté gauche, contient très-peu de sang qui sort par points, d'un noir foncé. Quand on l'incise profondément, il est généralement veiné des marbrures ordinaires chez les vieillards. On trouve dans les premières divisions des bronches, un liquide grisâtre, semblable à une forte décoction de riz, et légèrement écumeux. Leurs petites divisions ne contenaient plus qu'un mucus grisâtre, fort liquide et médiocrement abondant. Vers la la fin de la trachée, la membrane muqueuse est un peu rosée, jusqu'à un pouce à-peu-près de chaque côté, dans les bronches. Plus loin elle prend une couleur d'un violet clair, qu'elle conserve dans le reste de son trajet.

La plèvre droite contient environ quatre onces de sérosité, et sa partie diaphragmatique a contracté avec la base du poumon des adhérences fort difficiles à rompre. Du côté gauche il existe de semblables adhérences, mais peu résistantes, et faciles à rompre, quoique anciennes.

Le sang du cœur et des gros vaisseaux, quoique d'une noirceur remarquable, était d'une liquidité inaccoutumée dans le choléra, surtout le sang que l'aorte contenait en assez grande quantité jusqu'à sa division en iliaques. Le sang de la veine cave inférieure, fort abondant aussi avait absolument le méme aspect. Point de caillot dans les ventricules ni dans les oreillettes. Hypertrophie concentrique très-considérable du ventricule gauche.

>

Abdomen. - Le péritoine est modérément poisseux. Il y a du côté gauche une hernie inguinale irréductible. La membrane muqueuse de l'œsophage est saine; celle de l'estomac, quoique ayant sa couleur naturelle dans toute sa surface, est presque partout d'une mollesse trèsgrande. Elle s'enlève quand on la gratte avec l'ongle ou le dos du scalpel, comme une sorte de pulpe, et sans presque opposer plus de résistance que la légère couche de mucus grisâtre dont elle est recouverte. Elle contient environ six onces d'un liquide grisâtre, ayant une légère odeur vineuse et paraissant aussi un peu colorée par le vin de la boisson. Une chopine de liquide analogue, à la différence près de la couleur et de l'odeur, se trouve dans le colon descendant et la dernière moitié du colon transverse. L'intestin grêle contient dans toute son étendue une matière grise muqueuse, pulpeuse, médiocrement abondante. Vu à l'intérieur, il ne paraissait pas contracté et était blanc, excepté dans ses trois derniers pieds. Là, la membrane muqueuse offrait les altérations suivantes; à commencer d'un pouce ou deux à partir du cœcum, jusqu'à un pied en remontant vers l'estomac, elle était uniformément d'un rouge vif, et avait laissé exsuder une légère rosée de sang trop peu considérable pour teindre sensiblement la mucosité intestinale. La portion de membrane ainsi rouge était manifestement épaissie; on ne pouvait plus distinguer ses capillaires. Au-delà, ces vaisseaux commençaient à devenir apparens, et la rougeur n'occupait plus qu'une portion de moins en moins considérable du contour de la membrane muqueuse. Celle-ci, après un pied ou dix-huit pouces de trajet, n'offrait d'autre altération qu'une teinte uniforme de cèdre, laquelle, après s'être graduellement affaiblie, était remplacée, au bout de deux pieds, par la couleur natnrelle gris blanc de la muqueuse de l'intes

*

tin. La muqueuse du colon ascendant et de presque tout le colon transverse offrait, sur le tiers environ de son contour, une bande longitudinale qui avait l'air d'une ecchymose, et laissait suinter un peu de sang quand on l'essuyait. Les vaisseaux capillaires étaient encore assez apparens sur cette espèce de bande, qui était entrecoupée en trois ou quatre endroits, par des portions de membrane muqueuse saine. On distinguait sur l'intestin gros et grêle un assez grand nombre de plaques de Brunner. Pendant le temps qu'a duré l'autopsie, la rougeur du gros intestin a disparu, excepté dans deux ou trois points larges comme l'ongle. Celle du petit intestin a persisté sans éprouver de diminution sensible. Les vaisseaux capillaires de la tunique péritonéale n'étaient bien manifestement injectés que dans les portions correspondantes à la rougeur ou au changement de couleur de la membrane muqueuse.

Le foie était flétri, comme si on l'eût fortement exprimé, et conservait du reste sa couleur naturelle. La vésicule contenait deux onces de bile très-foncée, mais non pas visqueuse au plus haut point. La rate, d'un bon volume, molle, facile à déchirer,, contenait très-peu de sang dans son parenchyme qu'on dirait également avoir été soumis à une forte pression. Elle avait sa tunique fibreuse uniformément épaissie et d'une couleur gris de plomb.

La vessie était entièrement vide.

Remarques. L'impossibilité d'avoir des renseignemens sur l'état antécédent de Méry, est cause que j'ignore, si avant d'être atteint du choléra, il avait éprouvé des symptômes propres à faire soupçonner l'arachnitis chronique dont il était atteint. Il n'est pas moins remarquable qu'avec une affection si grave, il ait conservé, comme il l'a fait, le libre usage de ses facultés intellectuelles. Gette remarque me paraissait ne pas devoir être omise.

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A tout autre égard son observation rentre dans l'ordre habituel. Ainsi il y avait pneumonie, et le sang s'est trouvé plus liquide qu'il n'aurait dû l'être chez un sujet mort rapidement et dans les premiers jours de l'épidémie. Ainsi la vessie était entièrement vide, comme on la trouve toujours lorsque la mort arrive promptement ; et enfin la membrane muqueuse des bronches avait, à partir de leurs premières divisions, la couleur violette livide que je lui ai vu ordinairement présenter dans toute son étendue quand j'ai cru devoir l'examiner. Mais elle se distinguait en outre par la présence d'une mucosité analogue à celle que contenait la muqueuse digestive. Ce produit de sécrétion, que M. Dalmas a fréquemment trouvé jusque dans la vessie urinaire (1), je l'ai observé deux ou trois fois sur les conjonctives (2).

Obs. VII.

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nie.

Cholera prolongé, gastrite et pneumoLeduc (Jean), âgé de 69 ans, avait de la diarrhée depuis trois jours, lorsque le 8 mai 1832, vers sept heures du matin, cette diarrhée qui jusques-là l'a vait à peine incommodé, devint tout-à-coup très-forte et très-fatigante, s'accompagnant de vomissemens doula loureux et fréquemment répétés. En même temps figure et les mains deviennent livides, et des crampes assez douloureuses se manifestent dans les mollets. A la visite du matin, Leduc offrait l'ensemble de tous ces symptômes, il avait le pouls peu fréquent, assez fort. (Tis. vin. gom. miel., lavement amid.)

1

Du 9 au 11 les crampes disparaissent; les selles ne sont

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2

(1) Rapport de la commission médicale envoyée en Pologne, etc. ́(2) Il est rare de voir une pareille sécrétion se faire à la surface des membranes séreuses. Cependant M. Velpeau en a rencontré un exemple pour le péricarde ().

(a) Arch, gén. de Méd., juin 1832, p. 212. Du Choléra épidémique, etc.

guères qu'au nombre de deux ou trois par jour; la lividité de la peau est presque entièrement dissipée, mais les vomissemens continuent à être fréquens et pénibles, s'accompagnant d'une douleur constante à la région épigastrique. (Même traitement; épithèmes de thériaque sur l'épigastre.)

Le 13, l'état du malade n'a pas changé sensiblement. (Potion de Rivière suivant la formule.) Le soir, les vomissemens s'arrêtent, mais le malade est pris de hoquets fatigans, très-fréquemment répétés; constipation.

Le 14, à-peu-près même état; pouls apyrétiqué, langue brunâtre et fuligineuse.

Le 15, dans la matinée, retour de la lividité des maias, couleur d'un léger sombre répandu sur la face, yeux cavés, affaissement des traits, pouls apyrétique, un peu dur. Le soir, peau suante et froide, surtout aux bras et aux avant-bras. Le malade, qui conserve encore assez complètement sa connaissance, ne se plaint plus de l'épigastre et n'éprouve plus de hoquets, mais il se découvre à chaque instant la poitrine. Langue noire et sèche.

Le 16, pâleur très-grande de la figure et des membres supérieurs; état de faiblesse extrême. (Vin de Malaga, 4 onces.) Dans la soirée, il survient un délire sourd ou plutôt un coma, que la mort termine le 17, à six heures du matin.

Ouverture du cadavre. — Habitude extérieure n'offrant rien de remarquable.

Poitrine. Extérieurement les poumons ne sont nullement poisseux. Le tiers antérieur seulement du lobe inférieur du poumon droit est sain. Le reste de ce lobe est à l'état d'hépatisation rouge, passant au gris, et contenant déjà un peu de pus. A-peu-près un volume égal du lòbe inférieur du poumon gauche, est à l'état d'hépa

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461-465

tisation rouge pure. Les portions du tissu pulmonaire qui ne sont pas enflammées s'affaissent d'une manière notable sous la pression des doigts. Le cœur contient en abondance du sang qui offre toutes les qualités ordinaires de ce liquide à l'état sain, si ce n'est peut-être une noirceur plus grande que de coutume.

Abdomen.

La membrane muqueuse de l'estomac est très-ramollie, excepté dans son tiers droit où elle l'est moins. Presque toute sa surface, surtout vers le grand cul-de-sac, offre une inflammation qui consiste en petits points rouges très-rapprochés, plus apparens sur la saillie des rides. La membrane muqueuse intestinale est saine et contient, dans les intestins grêles, des matières excrémentitielles d'un vert foncé, mêlées de mucosités grisâtres, demi-transparentes, et prenant tout-à fait le caractère de fécès dans les gros intestins, où elles se trouvent en grande quantité. Il était d'autant plus remarquable de voir la bile en abondance dans l'intestin, que la vésicule ayant éprouvé un resserrement de son col était fort distendue et remplie par un liquide blanc, transparent, filant, et absolument semblable, pour la couleur et la consistance, à une forte décoction de graine de lin.

Le foie est gorgé d'un sang qui ruisselle quand on y fait de profondes incisions, ou qu'on le coupe par tranches. Son tissu d'un rouge foncé est très-ramolli et se laisse déchirer à peu près comme celui d'un poumon hépatisé. La rate d'un volume médiocre n'offre aucune ride extérieurement. Sa capsule est lisse, tendue. Son tissu propre, d'une bonne consistance, contient du sang en abondance. La vessie était à demi-remplie d'urine.

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Dans les trois premiers pieds de l'intestin grêle, la membrane muqueuse est d'un verd foncé provenant d'une imbibition de la bile. Pendant quatre ou cinq pieds audelà, elle est d'une belle couleur hortensia; dans tout le

reste de l'intestin, elle est injectée d'un rouge tirant sur le violet. Ses deux ou trois derniers pieds laissent voir un grand nombre de follicules isolés, très-apparens. Les glandes de Peyer, au contraire, ne s'aperçoivent pas. La membrane muqueuse des gros intestins est, dans toute son étendue, d'un gris-ardoisé. Elle est, de même que celle de l'intestin grêle, considérablement ramollie.

Remarque. La part que, La part que, dans ce cas, dans ce cas, la pneumonie a prise à déterminer la mort est assez évidente pour qu'il soit inutile d'y insister. Mais quand même cette complication n'eût pas existé, il restait encore, comme suite ou comme accidens concomitans du choléra, des désordres organiques auxquels Leduc n'eût sans doute pas pu résister. A la vérité le sang avait repris à peu près sa liquidité et même sa couleur naturelle; il se trouvait en quantité habituelle dans la rate et le foie. Mais en outre de la grave inflammation de l'estomac, il existait un ramollissement général de la muqueuse intestinale, qui ne paraissait pas de nature à se terminer par la guérison. Il est, ce me semble, une preuve de la gravité toujours grande des phénomènes morbides dont cette muqueuse est le siége, lors même qu'ils ne sont pas assez intenses pour amener promptement la mort.

Ici la couleur hortensia existait encore dans une assez grande étendue des intestins, comme indice tout à la fois de la congestion violente qu'ils avaient éprouvée au commencement de la maladie, de l'altération que dès lors le sang avait subie, et de la lenteur avec laquelle il recouvre ses qualités premières. Nous croyons pouvoir rattacher aux deux dernières causes l'état inflammatoire que présentait généralement le tissu du foie, l'absence de sécrétion biliaire, et la filtration des mucosités blanches qui remplissaient la veinule. J'ai vu, par rapport à l'appareil biliaire, un cas fort analogue dont je dois donner une analyse rapide.

Un homme de 64 ans, après avoir eu en juin 1832 le choléra dont il s'était bien rétabli, entra le 7 juillet suivant à l'infirmerie pour une diarrhée accompagnée de soif très-vive et d'une fièvre continue intense, sous la persistance de laquelle il succomba le 30, après avoir resté pendant une huitaine de jours dans un état d'adynamie des plus profonds. A l'ouverture du cadavre, tous les intestins furent trouvés dans la plus parfaite intégrité. Il en fut de même pour les autres viscères de l'abdomen, à l'exception du foic dont le tissu était généralement rouge, gorgé de sang et d'une grande mollesse. Il s'y trouvait deux tumeurs, une de chaque côté de la scissure transversale, grosses, la droite comme le poing, la gauche comme un œuf, formées l'une et l'autre par le rapprochement de six à dix autres tumeurs ou noyaux ayant depuis trois jusqu'à cinq ou six lignes de diamètre. Ces noyaux rayonnés sont composés uniquement de bile concrète d'un vert foncé, qui semble s'être épaissie dans les canaux biliaires dont elle a déterminé la rupture, produisant ensuite, dans une ligne ou deux tout autour, un ramollissement qui offre l'apparence d'une suppuration mêlée de bile, au milieu d'un détritus de la substance du foie. La vésicule contenait environ une once de liquide semblable à une forte décoction de graine lin. Daus son fond se trouvait deux gros environ d'une matière vert-brun, ressemblant à de la suie, et qui paraissait le marc ou le résidu de la bile autrefois contenue dans ce réservoir. Dans cette affection assez récente, on ne se refusera pas, ce me semble, à reconnaître un exemple des désordres graves et fort importans à étudier, que le choléra est susceptible de laisser après lui dans l'organisme.

Nature du Cholera. Pour l'honneur de son système, M. Broussais a dû dire « le choléra est une affection inflammatoire étendue à toute la surface interne

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du canal digestif depuis la bouche jusqu'à l'anus » (1). Mais cette manière de voir n'a été goûtée d'aucun des élèves distingués du célèbre réformateur. M. Bouillaud, qui s'en est rapproché lé plus possible, ne va pas jusqu'à admettre l'inflammation, il s'est retranché dans une espèce d'irritation gastro-intestiinale (2) du genre de celle que Marandel ou plutôt M. Dupuytren a appclé irritation sécrétoire (3). C'est maintenant à ce mode d'affection que le choléra est rapporté par presque tous les medecins qui le font consister particulièrement dans la lésion des voies digestives; car très peu sont disposés à adopter les idées de MM. Serres et Nonat touchant l'influence de la psorenterie, (4). Cependant il y en a aussi plusieurs qui ont cru devoir en même temps prendre en grande considération la souffrance de la moelle épinière; de ce nombre est M. Roche: suivant lui, le choléra est produit par un poison qui agit principale ment sur la muqueuse gastro-intestinale et sur la moelle épinière (5).

comine

Nous admettons comme, seule raisonnable, seule d'accord avec l'observation des faits, l'hypothèse d'un empoisonnement miasmatique, qui nous semble aussi partagée par MM. Bouillaud, Velpeau, Souty (6) et la grande majorité des médecins français. Or si elle est vraie, il s'en suit qu'on ne saurait plus expliquer à l'aide du solidisme la production du choléra. Il faut nécessaire

(1) Le choléra-morbus épidém., obs. et traité, etc., p. 73. (2) Traité pratique, etc., du choléra-morbus, p. 284.

(3) Essai sur les irritations. Diss. inaug. 1817, p.

(4) Mém. sur le chol. morb. Lancette française, 28 avril 1832, P. 103.

(5) Journ. hebd. de Méd., Mémoire sur, etc., p. 443 et 455.

(6) Traité pratique, etc., du choléra-morbus, préface, p. vj. Du choléra épidémique de Paris. Arch. gén. de Méd., juin, 1832, Rapport à M. le vice-amiral sur le choléra-morbus observé dans l'Inde, ctc., p. 46.

p. 221.

ment en venir à cet humorisme dont j'ai plus d'une fois prédit la réapparition (1) maintenant si bien constatée par les aveux de M. Broussais (2). L'humorisme seul, comme je vais essayer de le prouver, peut expliquer d'une manière satisfesante la pathogénie du choléra, ainsi que l'a trèsbien vu M. Bonnet (3).

L'existence d'un principe vénéneux melé dans l'atmosphère, une fois admise, il faut de toute nécessité reconnaitre qu'il est absorbé par les poumons, passe dans le sang, se combine intimement avec lui, et par l'intermédiaire de ce véhicule, va porter son action nuisible sur tous les points de l'économie. Il n'y a effectivement pas d'autre théorie admissible pour les empoisonnemens dus à des substances diffusibles (4). Aucun d'eux à ma connaissance, pas même l'empoisonnement par l'acide hydrocyanique, n'y fait exception; car le poison n'agit pas immédiatement sur les nerfs, il a besoin de leur être porté par le mouvement circulatoire; fait si bien avéré que je me bornerai à son énoncé pur et simple.

Mais de ce qu'un poison existe dans le sang, on aurait tort d'en inférer que tous les organes doivent également souffrir, et qu'aucun d'eux ne doit paraitre spécialement affecté. L'expérience est là pour montrer le contraire et prouver qu'en outre de son action générale tout poison exerce une action particulière sur telle ou telle partie

(1) De l'altération du sang dans les maladies. Nouv. Bib. méd,, septembrc et novembre 1823. Maladies avec ou par altération du sang. Arch. gén. de Méd., février 1827. Dict. de méd. en 21 vol., article pathogénie. ·Des systèmes en médecine, et principalement de l'humorisme. Journ. hebd. de Méd,, mars 1829.

(2) De la meilleure méthode de philosopher en médecine, p. 23 et suivantes.

(3) Recherches sur le choléra. Archives gén. de Méd., avril 1832, p. 564.

(4) Vicq-d'Azyr, Encyclop. méthod., article AIGUILLON, p. 488.

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 466-500
« Reply #16 on: September 27, 2022, 08:32:17 PM »

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de l'organisme. Ainsi dans l'ivresse, bien que l'impression de l'alcohol mêlé au saug se fasse sentir sur tous les organes, le cerveau est spécialement affecté. Admetre l'altération du sang, n'empêche donc pas de reconnaître les souffrances particulières des organes dont on voit les fonctions être plus ou moins troublées. Une seule chose est indispensable dans l'application de cette hypothèse au choléra, c'est de bien déterminer si l'affection du sang est primitive ou bien si elle ne se manifeste qu'après les premiers symptômes du mal.

Nous croyons avoir rapporté assez de preuves à l'appui de la première supposition pour qu'on ne puisse rationellement se refuser à admettre sa réalité, bien qu'elle soit combattue par M. Magendie (1) par M. Sandras (2) et par beaucoup d'autres médecins. Suivant notre manière d'en envisager les conséquences, rien n'empêche de reconnaître que le système nerveux de la vie organique souffre spécialement dans le choléra. Seulement il nous

(1) M. Magendie ne se borne pas à dire que l'altération du sang est consécutive dans le choléra (a). Il admet encore un choléra nerveux dans lequel le sang ne subirait aucune altération (6). Suivant le célèbre physiologiste, M. Cuvier aurait succombé à cette espèce de choléra.

En supposant que le moderne Aristote soit mort cholérique, ce dont tout le monde n'est pas disposé à convenir, ce serait jusque à présent le scul cas de choléra nerveux, c'est-à dire, sans altération du sang, qu'il y eut à citer. Or, une exception unique, qui encore n'est pas à l'abri de toute contestation, ne saurait être mise en baJance avec des milliers de faits opposés, tous également bien vus et bien avérés.

(2) Du choléra épidémique observé en Pologne, p. 51.

(a) Leçons au collège de France. Lancette française, 29.mai 1832, p. 171.

(b) Leçons au collège de France. Lancette française, 16 juin 1832, p. 203.

est impossible d'y voir une affection primitive et essentielle du grand sympathique comme l'a prétendu M. Sci. Pinel (1), puisque les souffrances du nerf tiendraient à l'impression que fait sur lui un sang de mauvaise qualité.

En résumé la masse des médecins semble d'accord pour placer la cause du choléra dans un agent subtil, mêlé à l'atmosphère (2). Ils ne peuvent donc, sans méconnaître les lois les moins contestées de la physiologie, ne pas admettre le passage, l'introduction dans le sang de ce principe. Dès-lors ils sont forcés de reconnaître avec nous, que le choléra appartient à cette classe d'empoisonnement dont tous les symptômes tiennent à l'altéra tion du sang par l'addition d'un agent délétère, lequel dans le cas présent, paraît porter spécialement son action sur les nerfs de la circulation et de la respiration, et sur la membrane muqueuse des voies digestives.

Traitement du cholera.

La manière brusque dont le choléra éclate, l'agravation rapidement croissante de ses symptômes, semblent démontrer que sa cause, quelle qu'elle soit, a agi de longue main et déterminé par son action sourde et insensible, un désordre tel dans l'économie, qu'au moment où il se dévoile par des accidens prononcés, il a déjà toutes les conditions de gravité qu'il est susceptible de développer. On pourrait en inférer que le sort des malades est également décidé avant l'arrivée du médecin, et toute application

(1) Lancette française.

(2) Que cette cause s'échappe des entrailles de la terre ou qu'elle ait pour véhicule l'océan atmosphérique, elle constituera pour le moment un nouveau το τείον, un autre quid divinum, pour parler'le langage des Hippocrate et des Sydenham (a).

(a) Bouillaud, Traité pratique, etc., du choléra-morbus, p. 181.

possible des moyens médicinaux; de sorte que ceux-là à peu près seuls guérissent, dont la maladie abandonnée à elle-même était capable de se terminer d'une manière favorable par les seuls efforts de la nature.

Cette opinion, vers laquelle l'étude thérapeutique des épidémies antérieures à la nôtre m'entraînait déjà peu à peu, est devenue pour moi une vérité incontestable dès l'instant où j'ai pu observer le fléau qui pèse encore sur Paris. Pourtant je suis loin d'en conclure qu'il n'y ait absolument rien à faire contre le choléra, ou que tout traitement en vaille un autre. Je crois, au contraire, fermement que, convenablement employés, les secours de la médecine peuvent quelquefois être d'une utilité réelle et incontestable, de même que dans les conditions apposées ils peuvent faire le plus grand mal (1). Cette dernière as

(1) Rien n'est tout à-la-fois cocasse et affligeant comme de voir à l'Académie de Médecine un membre se lever pour dire : j'ai obtenu les plus grands succès de l'ipécacuanha donné pour arrêter les vomissemens et ramener la chaleur ; un autre, ajouter: j'ai obtenu les plus grands succès de l'urtication dans la période du froid; un troisième s'écrier : j'ai obtenu les plus grands succès de l'administration du bismuth, et ainsi de suite jusqu'à ce que la série des remèdes un peu actifs ait à-peu près été complètement parcourue. Un fait est certain, au milieu de ces belles assertions, c'est que malheureusement le choléra obtient des succès bien autrement avérés que ceux de ses triomph teurs vantards. Cependant voici M. Double qui, d'un ton solennel et à la grande admiration de la docte assemblée, s'écrie du haut de la tribune « Messieurs, l'expérience m'a dévoilé une vérité aussi incontestable qu'importante; tous les traitemens peuvent réussir dans le choléra. Mais une difficulté jusqu'à présent insoluble pour moi, une z algébrique que je ne suis point encore parvenu à dégager, est, dans un cas donné, de savoir reconnaître que tel traitement est préférable à tout autre. »

J'en dois l'avertissement au savant académicien. Son esprit, ordinairement si pénétrant, est cette fois ci en défaut; car s'il est vrai que tout traitement puisse convenir dans la supposition de sou opportunité, on courra grand risque de ne jamais la rencontrer. En effet, puisqu'il y a 60 ou 80 traitemens différens pour le choléra,

sertion sera suffisamment prouvée à tous ceux qui parcourront l'ouvrage sérieusement intitulé, par M. Fabre, Guide des praticiens (1). En effet, la collection de soixantedix traitemens dont il se compose forme la satire la plus sanglante, et tout à la fois la plus candide qu'on ait jamais faite de la médecine dite agissante. Il faut néanmoins avouer que prompte justice a été faite d'une foule de procédés curatifs, dont un moment de vertige bien excusable au début d'un fléau dévastateur, a pu seul empêcher d'apercevoir, de prime abord, la révoltante absurdité. S'arrêter maintenant à faire la critique d'erreurs condamnées à tout jamais, serait temps perdu (2). Le mieux est d'ar

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il est certain qu'en en adoptant un, on a 79 chances contre une, de faire un mauvais choix. En pareille conjoncture, le mieux est bien assurément de pouvoir se rappeler le conseil de Ged. Harvey, et de répéter avec lui : expecta (a).

(1) Choléra-morbus de Paris. Guide des praticiens. Chez GermerBaillière. 1831.

(2) Un remède dont je dirai quelques mots, parce qu'il n'a pas encore été frappé de la proscription qui ne peut manquer de l'atteindre, consiste dans l'injection de substances médicamenteuses dans les veines. Il a séduit beaucoup de monde par une apparence de rationnalité. On le motivait en disant puisque dans le choléra le sang est dépouillé de sérum et de parties salines, il devrait y avoir. de l'avantage à les lui rendre. L'expérience n'a pas confirmé cette belle conception, et maintenant il n'est pas difficile de faire voir combien elle est moins rationnelle qu'elle ne le paraît.

En supposant, ce dont on n'est pas forcé de convenir, qu'on peut rendre au sang les parties qu'il aurait perdues, il ne s'en suivrait pas que l'on fût amené par là à rétablir la santé. Ainsi on a beau donner de la nourriture aux animaux tenus pendant un certain temps à la diète, ils n'en succombent pas moins (b). D'un autre côté, l'introduction dans le sang d'une certaine quantité de substance saline, altère la forme des globules, comme Hewson, Mengite Hogdkins et Lister l'ont très-bien vu (c). Là se trouve un danger dont

(a) Ars curandi morbos expectatione, item de vanitatibus dolis et mendaciis medicorum.

(b) Magendie, Mémoire sur les propriétés nutritives, etc. (c) Bibliothèque universelle, tome XXXVII, p. 174.

river le plus tôt possible à l'exposition du mode de traitement, que la masse des médecins me semble avoir adoptée plus ou moins complètement.

On a généralement reconnu l'inutilité et souvent les dangers d'une thérapeutique exclusivement dirigée contre certains symptômes. On sait, par exemple, que le froid de la première période, qu'au commencement de l'épidémie on était si empressé de combattre par des procédés calorifians si variés et si énergiques, peut être complètement dissipé sans que la guérison en devienne plus assurée. On réchauffe un cholérique comme on élève la température d'un corps inerte; mais on n'a pas pour cela détruit la cause qui empêche la calorification de s'accomplir (1). Aussi réchauffe-t-on maintenant les malades avec plus de modération, et tout autant qu'ils appellent l'application du calorique extérieur. Les moyens violens de rubéfaction, de vésication, les vastes cautérisations le long de la colonne vertébrale, sont appréciés à leur juste valeur. Plus d'un médecin a également constaté que malgré l'extrême

le premier de ces auteurs a trop bien pénétré la cause, pour que je ne me croic pas obligé de citer ses propres paroles : « Quoque, dit-il, ...cumque saturatissima quam valde dissoluta salium neutrorum solutio vesicularum (globules) formam mutet, naturam; aquæ saliumque in nostro sanguine proportiones limitasse, probabile est (a). » On s'expose donc, par les injections salines, à détruire des proportions au maintien desquelles la nature semble avoir attaché la conservation de notre existence.

(1) La prétention de faire revenir la chaleur, sans avoir remis l'économie dans les conditions propres à la développer, est des plus ridicules, et suppose l'oubli le plus complet des lois de la physiologie. Pour rendre ma pensée par une comparaison vulgaire, je dirai qu'un médecin qui croit pouvoir rétablir la calorification par le simple secours du calorique extérieur, ressemble à un homme qui voudrait faire aller une montre en poussant l'aiguille avec son doigt, sans avoir auparavant réparé le dérangement des rouages.

(a) Opus posthumum, sive, etc. p. 19.

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fatigue que beaucoup de malades éprouvent par la fréquente répétition des vomissemens et des déjections alvines, il ne suffit pas de parvenir à maîtriser ces symptômes pour obtenir la guérison. Par suite de cette remarque, l'opium qu'on a si largement opposé au début de l'épidémie, est maintenant employé avec une réserve voisine de la proscription. On paraît aussi très-porté à reconnaître que, quand même on pourrait en venir aisément à bout, il n'y aurait pas un bien grand avantage à dissiper les crampes dont quelques malades sont tourmentés d'une manière cruelle. Enfin on s'aperçoit généralement que l'indication de soutenir les forces avait été prise à contresens, et les stimulans énergiques à l'intérieur sont presque généralement abandonnés.

Nourri depuis long-temps dans des idées analogues à celles qui viennent d'être exposées, et regardant d'ailleurs un grand déploiement d'agens thérapeutiques comme àpeu-près inutiles chez des vieillards comme ceux de Bicêtre, j'adoptai, dès le premier jour que le choléra y parut, le traitement que voici :

Si le froid était considérable, les crampes très-douloureuses, il me semblait y avoir de l'avantage à employer quelque procédé un peu énergique de réchauffement. Je ne sais si les cataplasmes émolliens sinapisés ou fortement laudanisés, si les frictions pratiquées sur les membres en proie aux crampes, contribuaient autant à les faire cesser; je suis plutôt porté à croire qu'elles se dissipaient à peu près également bien, soit qu'on les combattît d'une façon particulière, soit qu'on n'y fit aucune attention. Quant aux vomissemens et à la diarrhée, j'ai cru agir rationnellement en cherchant, lorsqu'ils étaient excessifs, à les modérer, les uns avec de l'eau de Seltz artificielle, la potion ́de Rivière, des épithèmes sous l'épigastre, etc.; les autres par l'usage des demi-la vemens d'amidon laudanisés, ré

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pétés suivant le besoin, et le bien qu'ils paraissaient produire. C'est assez dire que les idées de Sydenham qui regardant les évacuations comme un moyen de guérison du choléra sporadique, se bornait à combattre ce qu'elles avaient d'immodéré (1) me semblent très-applicables à l'épidémie actuelle. A mon sens, on ne peut s'empêcher de voir dans les évacuations un effort de la nature, souvent infructueux, il est vrai, pour éliminer le principe délétère qui opprime l'économie, la matière péccante, tranchons le mot. Ainsi donc, tant que l'on n'aura pas découvert un spécifique contre le choléra, son traitement devra être dirigé d'après les principes établis par Sydenham.

On s'y conforme en donnant abondamment aux malades la boisson qui pourra flatter leur goût; leur laissant la liberté pleine et entière d'en régler la qualité et la température, à moins qu'une aberration, une dépravation de goût ne porte quelques-uns d'entre eux à vouloir une boisson vraiment auisible. Pour ma part, je n'ai pas vu encore cette supposition se vérifier, et j'ai toujours pu accorder les tisanes qui m'étaient demandées, parmi celles que j'offrais; c'était ordinairement de l'eau vineuse miellée, de l'eau de riz édulcorée avec du sirop de sucre ou de coing, de la limonade tartarique; quelquefois une infusion de fleurs de tilleul ou de feuilles d'oranger, enfin un peu de vin quand il était désiré.

Moyennant ce mode de traitement ou plutôt d'expectation, beaucoup de malades ont péri, il est vrai, mais quelques-uns aussi ont guéri, dont la convalescence a été franche et prompte. Sur soixante admis dans mon service pendant la première invasion de l'épidémie c'est-à-dire du 4 avril au 15 mai, huit ont recouvré la santé. Sur dixsept traités depuis la recrudescence du mal jusqu'au 26 juillet, cinq ont guéri.

(4) Opera medica, tome I.er, p. 32 et 107.

Ce dernier résultat, notablement moins défavorable que le premier, est encore bien au-dessous de ceux qui ont été obtenus par beaucoup de médecins; mais il faut d'abord avoir égard à l'âge avancé de mes malades, dépassant tous soixante-dix ans, trois ou quatre exceptés (1). Il faut aussi être averti que je ne n'ai pas admis dans mon relevé, comme cela se pratique fort étourdiment, des cholérines ou des choléras légers et douteux; il se compose uniquement de cas bien caractérisés: et quand je me rappelle avoir entendu M. Husson dire dans une séance de l'Académie, , que sur cent trente malades traités à l'Hôtel-Dieu dans les premiers jours de l'épidémie, şix seulement avaient échappé à la mort, quand je vois, sur soixante huit aliénés cholériques, M. Lelut ne compter que sept guérisons (2), je ne saurais attribuer à l'absence de toute médication énergique, le résultat que j'ai obtenu; il tient bien évidemment à la gravité de la maladie, car s'il n'en était pas ainsi, la mortalité de la seconde reprise, durant laquelle mon traitement a été rendu s'il est possible encore plus simple, n'aurait pas été moindre que celle de la première.

Les réflexions précédentes me dispensent de comparer mon relevé aux cinq ou six autres qui ont été publiés dans des thèses inaugurales ou des journaux de médecine, je n'essayerai pas même d'établir une comparaison entre

(1) Suivant une table publiée par M. Chaudé, le choléra enlèverait le cinquième des malades âgés de 63 à 70 ans, un peu moins parmi ceux de 70 à 75 ans, et ne ferait grace à aucun de 76 ans et audelà (a).

(2) Sur le choléra-morbus de Bicêtre, etc., p. 4.

(a) Journ. hebd. de Méd. Obs. sur l'épidémie, etc., juillet 1832, page 10.

ceux-ci. Les lecteurs pourront d'ailleurs, s'ils le veulent, entreprendre et exécuter ce travail dont il leur sera facile de réunir les élémens (1). En attendant, je leur dirai que la plupart des tableaux relatifs au traitement qui me sont connus, ont été arrangés de manière à enfler les succès, ou à diminuer les insuccès, en présentant sciemment ou par l'inadvertance de leurs auteurs, des cas de cholérine ou de toute autre affection plus ou moins légère parmi ceux qui sont censés représenter la mortalité du choléra. Par exemple: si pour Bicêtre, je voulais m'en rapporter au chiffre des bureaux, je trouverais que sur une population de 2,056 indigens, il y aurait eu 182 malades, 136 morts et 46 guérisons. Mais comme pour réduire mon relevé à 60 malades, j'en ai ôté 4 non cholériques, je pense qu'il faudrait faire une réduction analogue dans les autres services pour avoir le nombre vrai des cholériques. M. Lelut a fait ce départ dans son relevé qui tendrait à établir que, comme la maladie a été plus fréquente chez les aliénés, elle y aurait aussi été plus grave (2), deux choses peu surprenantes à voir marcher ensemble. Ainsi par rapport au choléra, la folie serait une condition plus défavorable encore que l'âge avancé. Quelle que soit au reste la valeur de cette opinion, je dois éviter un reproche que l'on m'adresserait avec justice, si dans l'article du traitement, je ne disais rien des antiphlogistiques déplétifs.

Au début de la maladie, beaucoup de médecins les ont vantés d'une manière fort exagérée; aujourd'hui la plupart des praticiens ont été ramenés à des idées plus

servir à l'histoire du Choléra, 243 et 240.—Flandin, Propos. inaug., 30 mai 1832, p. 56. Bouiliaud, Traité pra

(1) Montault, Recherches pour Journ. hebd. de Méd., mai 1832, p. sur le Choléra-morbus, etc., Diss. Lancelte française, 9 juin 1832, p. 191. tique, etc., du Choléra-morbus, P. 322 à 333.

(2) Sur le Choléra-morbus de Bicétre, etc., p. 4, extrait de la Gazette méd. de Paris.

justes relativement à leur efficacité. La loc lité où j'ai recueilli mes observations, n'était guère propre à ne fournir les moyens d'apprécier les avantages des évacuations sanguines. Peut-être néanmoins les données que j'ai pu recueillir à leur égard ne sont-elles pas dépourvues de tout intérêt.

Peu de mes malades ont été saignés par la lancette, deux seulement, et trois ou quatre autres ont eu des sangsues; ils n'en ont pas moins succombé. Mais au lieu de mettre leur mort sur le compte d'une médication bien indiquée, on doit l'attribuer à l'intensité d'un mal au-dessus du bien qu'elle pouvait faire. J'incline vers eette opinion parce que l'ouverture des cadavres m'a fait reconnaître comme complication du choléra, deux gastrites fort intenses, et plusieurs cas de pneumonie plus ou moins considérables qui avaient été méconnus pendant la vie. Cette erreur, commise par plus d'un médecin, a dû m'arriver d'autant plus facilement que divers malades, tourmentés de vomissemens fatigans et pris d'oppression qui m'avait paru présenter le même caractère que chez les sujets dont je parle, s'étaient trouvés exempts de toute phlegmasie gastrique ou pectorale. La guérison đ quelques-uns d'entre eux sans l'emploi des sangsues, fut cause de mon peu d'empressement à en faire usage dans des circonstances où elles auraient peut-être été utilės. Malgré cela, il me semble probable, pour ne pas dire đémontré, que dans beaucoup de cas de choléra, on doit employer avec un véritable avantage, les évacuations sanguines pratiquées dans des limites convenables (1);

(1) M. Bouillaud accorde peut-être encore moius que moi à l'eflicacité du traitement antiphlogistique, puisque, après l'avoir recommandé avec chaleur, il termine son exhortation en disant à ses lecteurs : « Soyez bien convaincus que les malades dont cette méthode

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mais il y a loin de cette manière de voir à les considérer avec M. Broussais, comme l'ancre de salut des cholériques (1).

Si l'on est en droit de refuser à notre époque cet esprit philosophique qui, comme aux beaux temps de la Grèce, saurait planer sur les plus hautes questions et se faire un jeu d'atteindre les dernières limites de la pensée, on ne peut nier que nous ne possédions éminemment une rectitude de jugement très-propre à découvrir dans l'appréciation des résultats, la réalité des conditions dont ils peuvent dépendre : nous avons en un mot l'esprit de vérification ou d'application, le plus utile de tous dans la pratique. Il s'ensuit que si nous ne parvenons pas toujours à nous défendre des erreurs, ancune d'elles au moins ne peut se promettre une longue durée. Maintenant il est impossible de tromper longuement en quoi que ce soit la perspicacité du public, qui avec son imperturbable sangfroid et un bon sens qui ne dévie jamais, s'attache obstinément aux résultats et, comme on dit, va droit au fait. Nous en avons la preuve dans la manière prompte et juste, dont la plupart des moyens curatifs, follement préconisés contre le choléra, ont été jugés. Nous pouvons faire une remarque analogue relativement à l'usage des préservatifs (2).

Dans chaque pays où le mal s'est montré, on a com

» n'a pu préserver les jours, n'eussent été arrachés au tombeau par >> aucune des autres méthodes connues aujourd'hui, et que parmi les » malades qui ont dû leur salut aux antiphlogistiques prudemment » administrés, quelques-uns auraient succombé, peut-être, s'ils » eussent été soumis à un autre mode de traitement. » (a)

(1) Le Cholera-morbus épid. obs. et traité suivant la méthode physiologique.

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(2) Joehnichen, Mém. sur le Choléra-morbus. Voy. Bull. Sc. méd. janvier 1831, P, 56.

(a) Traité pratique, etc., du Cholera-morbus, p. 316.

mencé par croire qu'on pourrait s'en préserver par l'emploi du chlore, du camphre, ou de divers parfums. Bientôt ses progrès, malgré l'usage de ces prétendus préservatifs, en ont démontré l'inutilité (1). Les données de l'expérience ont été si décisives à cet égard que l'Académie de médecine elle-même, après avoir pendant six ou huit mois, rompu des lances en faveur des chlorures, notamment lors de la discussion de son premier rapport (2), s'est vue forcée d'en proclamer les inconvéniens (3); mais elle ne l'a fait qu'à son corps défendant, et lorsqu'enfin elle a vu qu'en s'obstinant trop à préconiser des remèdes de bonnes femmes, elle allait se mettre juste à la suite des commères de quartiers. Il était temps que cette réflexion lui vint;. car, quelques jours d'hésitation encore, et elle se prononçait en faveur de la propriété attribuée aux fortes détonnations d'artillerie de pouvoir renouveller l'air atmosphérique, comme M. Marc l'a fait soutenir par l'avocat Grant (4).

Ces deux fauteurs de la prophylaxie à coups de canons savent sans doute à présent que la masse de l'air qui

(1) Je suis forcé d'en faire la remarque à l'exception du célèbre contagioniste M. Moreau de Jonnès, dont le thême sur le choléra était fait à l'avance (a), la France ne compte guère que deux compilateurs sur le choléra, MM. Leuret et Littré. Tous deux se sont prononcés pour la contagion de la maladie, tous deux ont proposé d'en arrêter les progrès par les cordons sanitaires, les quarantaines, l'isolement des malades, etc. (b).

(2) Rapport sur le Cholera, lu à l'Académie, etc., p. 141.,

(3) Rapport et instructions pratiques sur le Choléra-morbus, p. 31. (4) Courrier français, 10 et 12 avril 1832.

(a) Rapport au Conseil supérieur de santé, sur le Cholera-morbus pestilentiel.

(b) Mémoire sur l'épidémie actuelle désignée sous le nom de Choléra-morbus de l'Inde, p. 117. Traite du Choléra oriental, p. 70.

et suiv.

environne notre planète, est plus remué par le souffle léger d'une brise de quelques secondes de durée, qu'il ne l'eût été par les 60,000 coups de canons de la bataille de la Moscowa, quand même ils fussent tous partis à la fois. Je le répète pour ceux de mes confrères qui n'auraient point encore abandonné un préjugé, dont quelques médecins auxquels on ne saurait refuser du mérite ont été dupes (1), les détonnations d'artilleries les mieux conditionnées ne sont pas plus capables de renouveller l'atmosphère, qu'un caillou jeté dans le lac de Genève ne serait capable de le faire déborder (2).

Éclairés sur l'inefficacité des préservatifs spéciaux, dont j'épargnerai au lecteur la longue et dégoûtante kyrielle, les médecins devaient se tourner vers l'usage bien entendu des règles de l'hygiène. Ils l'ont fait aussi, et sauf la trop grande confiance accordée à quelques précautions de régime, et la crainte exagérée des inconvéniens altachés à leur inobservation, la prophylaxie du choléra me semble bien entendue. Ses principes sont entrés dans l'esprit de tout le monde de telle sorte que s'il m'échappe quelques omissions dans leur exposé, elles seront facilement suppléées par la sagacité des lecteurs.

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Soins de propreté, usage des bains, vêtemens chauds, sont trois moyens hygiéniques qui ont obtenu et me paraissent mériter une véritable confiance. Je dirai pourtant que les bains, à cela près du nétoyement de la peau, n'exercent sur les personnes qui en ont l'habitude aucune action appréciable, soit en bien, soit en mal, et

(1) Devèze entre autres rapporte qu'après un combat naval acharné, on vit disparaître la fièvre jaune, c'est-à-dire, le typhus amaril qui régnait à bord d'un bâtiment de guerre («).

(2) Lancetie française, 17 avril 1832, p. 86.

(a) Traité de la fièvre jaune, p. 291.

peuvent même ne paraître pas très-rationnels à quiconque se rappelle que beaucoup de médecins mettent l'humidité au nombre des causes les plus actives du choléra. Quant à la proprété, je ne saurais regarder ses avantages comme douteux; et bien qu'il y ait plus d'un exemple de personnes qui malgré leur extrême malpropreté, ónt, comme les juifs de Pologne, peu souffert du choléra (1), je ne conseillerai jamais de les imiter. Je devais néanmoins rappeler ce fait; il mérite d'être pris en considération aussi bien que l'immunité dont ont paru jouir certains individus exposés à respirer des émanations puantes, tels que les vidangeurs, parmi lesquels on n'a peutêtre pas compté un seul cholérique (2).

Pendant que par l'adoption d'un habillement convenable, on se mettra à l'abri de toute suppression de transpiration susceptible de provoquer la diarrhée, ou de déterminer un mouvement fluxionnaire quelconque sur les intestins, on choisira les alimens parmi ceux dont la digestion facile et les qualités douces seraient de nature à atténuer ou à combattre les effets de l'impression portée sur les voies digestives. Aiusi un régime animal léger, l'usage modéré du vin et de quelques végétaux facilement digestibles et non flatulens, devront faire la base du régime alimentaire. Mais, à mon sens, on ferait une véritable faute, ou l'on s'imposerait tout au moins des privations entièrement inutiles, en renonçant aux fruits, à la salade, à la bierre, aux melons, etc. Seulement il convient.

(1) M. Sandras m'a dit que les sales juifs Polonais n'avaient pas plus souffert du choléra que le reste de la population. Je ne sais pourquoi il a omis de signaler ce fait dans son livre.

(2) Il y a eu, dit-on, peu de malades dans les passages éclairés par le gaz. Il faut espérer que les relevés statistiques que le gouvernement seul a les moyens de faire bien exécuter, éclairciront ce point d'étiologie.

par rapport à leur usage, de consulter son estomas. Ainsi les personnes dont les fonctions intestinales sont facilement dérangées par ce genre d'ingesta, feront bien d'y renoncer. Quant à ceux qui n'en éprouvent rien de semblable, ils peuvent sans inconvénient et même avec avantage, continuer à en user comme en temps ordinaire. C'est ainsi que j'ai vu un capitaine d'infanterie qui, par la crainte du choléra, s'était imposé une nourriture purement animale, dont la continuité lui avait ôté l'appétit et occasionné un sentiment d'ardeur douloureux dans les entrailles, revenir à son état de santé ordinaire deux jours après avoir repris son alimentation habituelle.

Ce que j'avance ici m'est suggéré par les remarques que j'ai été à portée de faire sur le peu de danger qu'en général présente la diarrhée. Elles ne me permettent en aucune façon d'adopter les idées de ces médecins qui pré tendent avoir préservé du choléra des centaines de leurs cliens, en les guérissant de diarrhées plus ou moins fortes (1). Le ridicule a fait justice de ces miracles de prophylaxie dont plusieurs journaux politiques ont été les complaisans échos, et ceux qui les ont opérés devraient être honteux d'en avoir fait tant de bruit, si vraîment ils ont cru à leurs œuvres. Je ne veux pas dire pour

(1) Pour prouver l'exagération des médecins qui croient avoir rcmarqué que le choléra commence ordinairement par une diarrhée dont il suffit d'arrêter les progrès pour prévenir les siens, je dirai avoir vu, durant l'épidémie, bon nombre de vieillards entrer à l'infirmerie, atteints depuis douze ou quinze jours de diarrhée déjà sensiblement affaiblie avant tout traitement, et dont la guérison s'est opérée très-promptement. Un plus grand nombre sans doute encore se sont, en pareil cas, dispensés de recourir aux secours de la médecine, et n'en ont pas moins évité le choléra. Tel aussi a étéle partage d'environ soixante indigens ou aliénés atteints le même jour d'indigestions d'intensité diverse, après avoir mangé des pois mal préparés.

1

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481-485

OESOPHAGITE AIGUE ET CHRONIQUE.

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cela qu'il faille entièrement négliger l'avertissement souvent salutaire d'un dérangement de ventre, ne rien faire pour le combattre, ou le laisser s'aggraver par un mauvais régime. Loin de là, il y aurait, suivant moi, de l'extravagance à ne point accorder à un pareil accident l'attention sérieuse qu'il mérite. Mais on ferait peut-être encore pis, si, après avoir écouté les conseils de la prudence, on ne parvenait pas à se procurer le calme d'esprit que doit donner la supputation des chances probables qu'on peut avoir d'échapper à l'épidémie. C'est là le meilleur des préservatifs. Applicable en tout temps et dans toutes les conditions de notre vie agitée, il peut seul nous mettre à même d'en utiliser tous les instans. Par. rapport au choléra, il serait facile de prouver que les gens d'un caractère ferme ou simplement insouciant, ont pour la plupart échappé à ses coups. En effet, quand il n'existe pas de préservatif directement efficace contre une maladie, le mieux est de suivre le précepte rimé par un poète dont Montaigne a oublié de nous dire le nom :

Tenez chauds les pieds et la teste,
Au demourant vivez en beste.

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Essais, livre 2.o, chap. xi, p. 182.

Recherches pour servir à l'histoire de l'œsophagite aiguë et chronique; par J. T. MONDIÈRE, médecin à Loudun. (Vienne.) (IV.o et dernier article.) — Rétrécissemens. Traitement) (1).

Nous avons déjà dit, et tout le monde sait, que, dans les rétrécissemens de l'urètre, la compression exercée par les bougies ne produit souvent qu'une cure palliative, et que plus ordinairement, même après un traitement fort

(1) V. les précédens art., Archives, tom. XXIV, p. 543; t.-XXV, p. 358; t. XXVII, p. 494.

long par cette méthode, les sujets demeurent toujours exposés à des récidives plas ou moins promptes. En est-il de même pour les rétrécissemeus de l'œsophage ? L'analogie porte à le croire; mais les faits que nous connaissons sont en trop petit nombre pour que nous puissions en tirer une conclusion. Cependant il faut dire que c'est peut-être à cause de ces résultats que la cautérisation, dont les succès nous paraissent incontestables, a été conseillée par un plus grand nombre de chirurgiens, et employée plus fréquemment que la dilatation.

Nos recherches n'ont pu nous mettre à même de connaître à quelle époque et par qui la cautérisation de l'œsophage fut pour la première fois pratiquée. Le fait le plus ancien qui soit à notre connaissance remonte à 1789, ét est rapporté par Palletta. Le succès ne couronna point la tentative de ce chirurgien distingué, ce qu'il faut áttribuer à l'état trop avancé de la maladie, et peut-être à la nature du caustique qui fut mis en usage; car, si les principales objections que l'on a faites à la cautérisation appliquée aux rétrécissemens de l'urètre, et que l'on peut égaleinent faire à son application à ceux de l'œsophage, sont : l'impossibilité de limiter l'action du caustique, la difficulté de l'appliquer seulement et directement sur la partie affectée, et la possibilité de faire de fausses routes, on verra combien il était difficile à Paletta d'éviter ces écueils, en raison de la forme liquide du caustique qu'il employa.

Obs. VIII. (1)-Une femme d'une constitution sèche éprouvait depuis quelque temps de la difficulté dans la déglutition, lorsque, au mois de mai 1789, il lui fut impossible d'avaler autre chose que des liquides. La respiration et la voix n'étaient nullement altérées; mais le cartilage thyroïde avait augmenté de volume. Au mois de

(1) Paletta, loc. cit., p. 224.

septembre de la même année, le commencement de l'œsophage, exploré avec l'extrémité du doigt, fut trouvé plus dur qu'il ne l'est d'ans l'état ordinaire. Il n'y avait aucun signe de suppuration ni d'excrétion de matière puante ou putride. « Je pensai alors, dit Paletta, que c'était le cas de pénétrer de force dans l'estomac; j'essayai de faire passer une tige de baleine, à l'extrémité de laquelle était fixée une éponge trempée dans de l'huile; mais elle fut arrêtée par l'induration de l'œsophage, obstacle que je surmontai avec une sonde en argent. Je profitai de cela pour introduire dans l'œsophage un morceau de linge trempé dans une solution caustique et fixé à l'extrémité d'une tige, Par ce moyen, continué pendant plusieurs jours, la membrane interne de l'œsophage fut corrodée, détruite, et la malade put avaler des liquides et même de la soupe. Mais elle ne jouit pas long-temps de cette amélioration, car elle éprouva de la fièvre, un ictère, une douleur sourde dans l'hypochondre droit; le visage et les yeux devinrent caves, et elle succomba après avoir vomi du sang. » Autopsie. La partie postérieure et inféricure du pharynx offrit un ulcère sordide. A partir de ce point, l'œsophage se rétrécissait peu à peu en descendant jusqu'au premier anneau cartilagineux de la trachée-artère, où son calibre pouvait à peine admettre une plume à écrire. Au-dessus de ce rétrécissement il était livide ét comme en suppuration. Le larynx participait à la maladie, et le lobe droit de la glande thyroïde contenait du pus. Le foie présentait plusieurs abcès tant à sa surface qu'au milieu de sa substance. Quelques-uns de ces abcès contenaient des vers lombrics; il se trouva également trois de ces vers dans le canal cholédoque.

On ne peut pas dire que la cautérisation pratiquée dans ce cas fut la cause de la mort; car d'autres organes plus

importans que l'œsophage offraient des lésions profondes, et qui expliquent suffisamment cette terminaison funeste; mais ce qu'on peut nier, c'est que cet ulcère sordide dont parle Paletta, n'ait été produit par le caustique; car, peu de temps encore avant la cautérisation, il n'y avait, comme il prend le soin de nous le dire, aucun signe de suppuration ni d'excrétion de matière puante ou putride; et nous avons vu que les ulcérations de l'œsophage, et surtout celles de sa partie supérieure, s'accompagnent de symptômes particuliers et en quelque sorte caractéristiques qui, s'ils eussent existé, n'auraient point échappé à l'esprit observateur de Paletta.

Nous avons rapporté ce fait, moins pour démontrer la possibilité de la guérison des rétrécissemens de l'œsophage par la cautérisation, car il y eut à la suite de l'application du caustique une amélioration marquée, que pour faire voir que les caustiques liquides sont ceux qui permettent le moins d'éviter les accidens et les écueils que nous avons signalés, et que l'on doit les rejeter. C'est, au reste, le seul cas, à nous connu où ce mode de cautérisation ait été employé.

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Nous ne pensons pas qu'on ait pratiqué, en France, la cautérisation dans les rétrécissemens de l'œsophage. Nos recherches, du moins, ne nous ont rien fait découvrir à ce sujet. Quelques chirurgiens recommandables condamnent cette méthode thérapeutique. Les Anglais, au contraire, ont un grand nombre de fois tenté ce moyen; et si le succès n'a pas toujours couronné leurs tentatives, leurs annales toutefois renferment des faits qui doivent engager à recourir à ce traitement. Parmi eux Everard Home est le premier qui l'ait mis en usage. Dans le premier volume de son ouvrage sur les rétrécissemens de l'urètre et de l'œsophage, il rapporte deux observations de cautérisation. Dans l'une il y eut succès complet, dans

l'autre la mort fut produite par un second rétrécissement situé près le cardia, le premier ayant été détruit. Dans le second volume, dont nous avons la deuxième édition, parue en 1821, il rapporte trois nouveaux cas de guérison, et deux autres dans lesquels la cautérisation apporta du soulagement, mais dans lesquels la mort eut lieu par des circonstances, il est vrai, tout à fait indépendantes de la cautérisation et des progrès de la maladie.

Peu de temps après la publication du premier volume de l'ouvrage d'Everard Home, le docteur Andrew fit paraître un travail sur le même sujet (1). Nous n'avons pu nous procurer cet ouvrage; mais d'après une analyse qui en a été donnée dans un journal anglais (2), nous savons que ce chirurgien a pratiqué trois fois la cautérisation ; que dans deux cas elle ne put réussir, on ne dit point en quelle circonstance, et que dans le troisième la cure fut complète. Nous rapporterons plus loin cette observation. Le professeur Charles Bell l'a aussi mise en pratique; mais nous ignorons quels sont les résultats qu'il a obtenus. Dans une leçon faite, en 1826, aux élèves du Collège royal des chirurgiens de Londres, sur les rétrécissemens de l'urètre et de l'œsophage, ce chirurgien fit voir plusieurs pièces d'anatomie pathologique, parmi lesquelles se trouvait un œsophage présentant un rétrécissement qui avait été cautérisé рез de temps avant la mort du malade, et qui offrait encore les traces du caustique, c'est-àdire une escarrhe noirâtre. A ce sujet Charles Bell fit cette observation, qu'il fallait absolument que cette escarrhe fût détachée par l'inflammation et la suppuration, et que par conséquent, c'est à dire en raison de cette même in

(1) Observations on the application of lunar caustic to strictures in the urethra and oesophagus. London, 1807. In-8.°

(2) Medical and Physical Journal. T. XVIII, p. 380.

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486-490

flammation éliminatoire, il fallait que les accidens augmenfassent avant la guérison complète. Du reste il se prononce formellement pour cette opération (1). Enfin, le docteur Macilwain (2), sans faire connaître les résultats qu'il a obtenus, donne à entendre qu'il a mis plusieurs fois en pratique la cautérisation de l'œsophage. Le causlique dont je me suis servi, dit cet auteur, est le nitrate d'argent, et je l'applique de la même manière que pour les rétrécissemens de l'urètre. En général cette cautérisation produit une sensation de chaleur et de gêne qui dure deux ou trois jours, et j'ai pour habitude de la laisser se dissiper entièrement avant d'introduire soit la sonde armée, soit une simple bougie. On ne doit point avoir recours au caustique tant que l'on peut, sans lui, augmenter le volume des sondes, et ne jamais l'appliquer sans avoir auparavant passé dans le rétrécissement la bougie la plus grosse qu'il peut admettre. >>

Avant les chirurgiens que nous venons de nommer, Darwin avait déjà proposé la cautérisation comme moyen curatif dans les rétrécissemens de l'œsophage; mais il ne paraît pas l'avoir pratiqué. Il veut qu'on fasse une grosse bougie de toile, enduite d'emplâtre agglutinatif et roulée sur elle même, qu'on fixe à son extrémité un morceau de pierre infernale, avec lequel on doit toucher le point rétréci de l'œsophage, assez souvent pour qu'une bougie non armée pénètre facilement jusque dans l'estomac (3).

IX Obs, (4) - Une pauvre femme, dit le docteur Andrew, âgée d'environ cinquante ans, m'appela pour lui donner des soins au mois d'avril 1805. Depuis le mois d'août 1806, elle éprouvait une grande difficulté à avaler

(1) The Lancet. T. XII, p. 707.

(2) Loc. cit., p. 241.

(3) Zoonomie. T. II, p. 217.

(4) Medical and Physical Journal. T. XVIII, p. 381.

les alimens solides et même les liquides, et depuis dix semaines elle ne pouvait faire arriver dans son estomac que ce qui était très-fluide: chaque effort qu'elle faisait pour avaler les solides, produisait le vomissement. Le 18 avril, j'appliquai le caustique et répétai cette opération le 19 et le 20. Le 21 je passai une bougie non armée dans l'estomac. Les 22, 23, 25, je passai une sonde avec plus d'aisance; et comme la malade avalait assez bien, je lui permis de retourner dans son pays. Au mois de mai suivant, elle revint, éprouvant de nouveau une grande difficulté à avaler, avec de fréquens vomissemens. Le ìì la cautérisation fut pratiquée et répétée le 12 et le 15. L'amélioration fut prompte, la déglutition devint de plus en plus facile et la guérison fut bientôt complète, et ne se démentit pas.

Xc Obs. (1) Dans l'année 1827 cette opération fut également pratiquée à l'hopital St-Jacques de Londres. Nous rapportons ce fait tout incomplet qu'il est, car il nous semble militer en faveur de la cautérisation: Une femme âgée de trente-deux ans se plaint le 3 mai 1827 de resserrement et d'une légère douleur dans l'œsophage, accompagnés d'une grande difficulté à avaler. Elle ne peut rien prendre de solide, et quelquefois les liquides eux-mêmes passent avec difficulté. Le siége du rétrécissement est rapporté immédiatement au-dessous de l'os hyoïde, et semble toujours augmenter vers la fin du jour. La malade rejette continuellement une grande quantité de mucosités visqueuses. Elle rapporte que, six ans environ auparavant, sans cause connue, la glande thyroïde augmenta de volume, au point d'égaler celui d'une orange, Des sangsues et des fomentations firent diminuer ce gonflement du corps thyroïde, qui ne produisit jamais de dif

(1) The Lancet. T. XI, p. 58. 1827.

ficulté dans la déglutition. Trois ans plus tard, à la suite d'une affection du foie, elle se plaignit d'un mal de gorge · qui continua à la tourmenter beaucoup, quoiqu'il fût fréquemment soulagé par des applications de sangsues jusqu'aux trois derniers mois, époque à laquelle le serrement de la gorge et la difficulté à avaler survinrent Deux fois on lui avait introduit dans l'œsophage une petite bougie.

Le 6 mai, depuis l'entrée de la malade à l'hopital on a fait plusieurs tentatives pour passer une sonde élastique dans l'œsophage, mais toujours sans succès. Le point où se trouve l'obstacle est immédiatement au dessous du pharynx. Un emplâtre d'onguent de belladonne fut appliqué au con.

Le 8, une bougie armée avec le caustique fut introduite, et laissée pendant quelque temps en contact avec le point rétréci. Le caustique produisit d'abord une forte irritation, mais une ou deux heures après son application, la malade s'imagina qu'elle pourrait avaler quelque chose avec plus de facilité. La santé générale est améliorée.

Le 12, depuis le 8 on a répété deux fois l'application de la bougie armée; et le 11 une petite sonde passa au-delà du rétrécissement avec beaucoup de facilité. Les intestins sont resserrés, la langue blanche (trois grains de calomel à prendre dans la nuit).

Le 20, la bougie a été souvent introduite, quoique quelquefois avec beaucoup de difficulté. Le déglutition est décidément plus facile, et la malade peut dès à présent avaler un peu de pain trempé dans du lait. Une bougie, dont la pointe était enduite d'onguent de belladone, a été fréquemment passée à travers le rétrécissement, nais sans avantage marqué. La malade prend de temps en temps du calomel:

Le 26, la déglutition est toujours aussi facile; la santé

générale s'est beaucoup améliorée; un séton est passé sur chaque côté du larynx.

Nous l'avons déjà dit, cette observation n'est point un cas de guérison complète, et nous l'eussions passé sous silence, si dans ce point de pratique où la cautérisation a été regardée par quelques chirurgiens comme très dangereuse, il ne convenait de prouver que ces craintes sont plutôt le résultat de la théorie que celui de l'expérience. Eh bien! nous voyons que là encore on a pu, un assez grand nombre de fois, porter un caustique dans l'œsophage sans faire naître le moindre accident, et que même il en est résulté une amélioration marquée. Mais hâtonsnous d'arriver à des fait concluans, et qui, recueillis par un observateur judicieux et de bonne foi, le docteur Everard Home, doivent nous inspirer la plus grande confiance.

XI° Obs. (1)—Un homme âgé de quarante-trois ans, d'une constitution très-irritable, extrêmement nerveux et susceptible d'être ému par les causes, accidentelles les plus légères, fut pris d'une difficulté d'avaler qui s'accrut graduellment, et fut accompagnée de symptômes d'une vive irritation, tels que la vitesse du pouls, la chaleur de la peau, des attaques de suffocation, des maux de cœur et des vomissemens d'une grande quantité de matières muqueuses. L'emploi de la bougie, qui fut continué pendant six semaines, ne fit qu'aggraver l'irritation, et on commença à craindre pour la vie du malade. Le pouls était fréquent, la peau chaude, la voix presque éteinte; il y, avait une confusion d'idées qui approchait du délire; L'humeur du malade était d'une impatience extrême, et toutes les fois qu'il essayait d'avaler, un spasme convulsif

(1) Bibliothèque médicale. T. VIII, p. 264.

s'emparaît de la gorge, et il évacuait une grande quantité de sérosité.

Le rétrécissement était situé environ à la hauteur de la partie moyenne de la glande thyroïde, et ne pouvait permettre l'introduction d'une bougie dont le diamètre n'avait qu'un quart de pouce. Dans un cas aussi désespéré, on eut recours au caustique. Pour déterminer précisément à quelle distance se trouvait le rétrécissement, où fit pénétrer une bougie ordinaire jusqu'au siège de l'obstacle, on la pressa contre les incisives supérieures pour marquer cette distance, et en la retirant on examina soigneusement la courbure qu'elle avait prise. D'après ces données, la bougie fut complètement armée et appliquée au rétrécissement l'espace d'une demi-minute. La douleur fut à peine sensible; il n'y eut point d'inflammation locale, et pendant la journée la déglutition fut aecompagnée de moins de spasme.

L'application fut répétée quatre fois, de deux jours l'un, et produisit toujours un soulagement marqué. Les liquides passaient sans difficulté, et même des bouchées de viande éprouvaient moins d'obstacles qu'auparavant. Comme la bougie non armée n'avait point encore franchi le rétrécissement, on ne pouvait se flatter d'une guérison complète ; mais il fallut suspendre le traitement pendant quelques mois, parce que la fièvre survint, et que l'état de la santé du malade demandait des soins généraux. Pendant cette interruption, la deglutition se maintint dans le même état favorable, la voix était devenue plus claire, et les accès de suffocation moins fréquens.

Pour compléter la cure on revint aù caustique, c'està dire, à la pierre infernale, de la grosseur ordinairement usitée dans la pratique chirurgicale. La douleur qu'elle produisit ne fut pas violente, mais la sensation subsista ane demi-heure. L'application fut réitérée, quoique le

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491-495

malade fût enrhumé, et que par conséquent la quantité de mucus fut plus abondante dans l'œsophage. A la troisième application, la bougie armée traversa le rétrécissement, et immédiatement après il évacua du mucus trèsépais qui paraissait avoir séjourné dans l'œsophage; le lendemain, la déglutition fut évidemment plus facile et la voix plus claire. Le lendemain on fit une dernière application et la bougie armée pénétra une seconde fois à travers le rétrécissement. Il fut jugé prudent de ne plus insister sur ce traitement, et d'attendre du temps des indications ultérieures. Le malade alla à la campagne pour rétablir l'état général de sa santé qui s'améliora de jour en jour, et la déglutition dovint parfaitement facile. »

Jusqu'à l'époque où ce cas se présenta à l'observation du chirurgien anglais, il avait toujours mis en usage la dilatation, et ce ne fut que parce que la sonde augmenta constamment ici l'irritation, qu'il fut porté à essayer la cautérisation. Depuis la publication de ce fait, qui remonte à 1795, Home a eu de nouvelles occasions de répéter cet essai, et dans trois cas il a obtenu une guérison complète,

XII Obs. (1) Sara Wooden, âgée de vingt-sept ans, mariée, avait avalé six ans auparavant un noyau de prune qui s'arrêta dans le gosier, mais qui fut ensuite rejeté par des efforts de vomissement. Depuis cette époque elle éprou vait une difficulté à avaler, qui, pendant les trois dernières années, s'accrut au point qu'elle ne pouvait plus avaler d'alimens plus gros qu'un pois, et qu'elle était forcée de vivre presque exclusivement de liquides. Il y avait cinq mois qu'elle était accouchée de son second enfant, qui était encore à la mamelle, et depuis ses couches son état avait empiré, lorsqu'elle réclama les soins d'Everard

(1) Practical observations on the treatment of Strictures in the Urethra and in the OEsophagus. 2.me édit. 1821. T. II, p. 497.

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Home, le 27 juin 1803. Ce chirurgien introduisit une petite bougie, qui s'arrêta contre le rétrécissement situé derrière le cartilage cricoïde, et produisit de la gêne. Le 29, nouvelle tentative avec une bougie d'un diamètre plus considérable, et également infructueuse; l'instrument fut encore arrêté par le rétrécissement. Le 1" juillet une bougic armée avec le caustique fut introduite; son application produisit une douleur brûlante qui se dissipa au bout de quelques minutes. Le lendemain la déglutition était plus facile. Le 6, le caustique fut de nouveau appliqué et donna lieu à de la chaleur et à une douleur qui persistèrent plusieurs heures. Le 11, une bougie volumineuse et non armée fut introduite avec facilité, et la déglutition se fit avec beaucoup plus d'aisance. Une bougie ordinaire fut chaque jour introduite, et le 30, la douleur avait entièrement disparu, et la déglutition se faisait avec une telle facilité que la malade retourna dans son pays. Pour prévenir toute récidive, il lui fut recommandé de laisser introduire une sonde tous les huit jours pendant quelque temps.

Dans cette observation, qui n'a pas besoin de commentaires, nous ferons seulement remarquer que la grossesse semble avoir entravé la marche de la maladie. Alexandre Monro (1) a vu un cas semblable. Une femme qui depuis long-temps était affectée d'une grande difficulté à avaler, due à un rétrécissement, vit tous les graves accidens qu'elle éprouvait, cesser entièrement pendant tout le cours d'une grossesse; mais aussitôt après l'accouchement, la dyspha gie fit de rapides progrès, et la malade ne tarda pas succomber d'inanition.

*

à

XIII Obs. (2) Un homme, âgé de cinquante-quatre

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(1) Loc. cit., p. 356.

(2) Everard Home, loc. cit., p. 409.

ans, consulta Everard Home au mois de juin 1803, pour

une difficulté à avaler. Il raconta que deux années auparavant, il avait eu une attaque de spasme de l'estomac, qui dura dix minutes environ et le laissa dans une grande faiblesse. Il eut deux nouvelles attaques pendant les quatre jours suivans, et au bout de trois mois une quatrième. Depuis il avait toujours été d'une grande susceptibilité nerveuse; au commencement du mois d'avril 1802, il éprouva une difficulté d'avaler plus grande qne de coutume, et qui fit graduellement des progrès jusqu'au moment où il consulta. Alors il ne pouvait avaler les alimens solides, et ce n'était pas sans difficulté qu'il prenait du pain trempé dans du lait. Le 2 juin, une petite bougie introduite fut arrêtée par un rétrécissement, derrière le cartilage cricoïde. Une bougie armée fut aussitôt appliquée: la douleur ne fut pas très violente et se dissipa bientôt. L'application du caustique fut répétée sept ou huit fois, à des intervalles d'un ou deux jours, sans produire beaucoup de douleur, et telle était déjà l'amélioration obtenue, que le malade pouvait avaler des alimens solides, et qu'une bougie ordinaire était introduite avec la plus grande facilité. Dans cet état le malade fut abandonné à lui-même.

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XIV Obs. (1) Une femme âgée de vingt-quatre ans, était depuis quelques années affectée d'un rétrécissement de l'œsophage, et lorsqu'elle s'exposait à un courant d'air, elle avalait avec plus de difficulté, était prise de spasmes et perdait même la voix.

Dans l'année 1800, dit Home; elle me consulta, ne pouvant à cette époque avaler que les liquides. Je proposai l'usage du caustique, qui fut facilement accepté. La première application produisit une douleur violente, mais qui ne fut pas de longue durée. La cautérisation fut ré

(1) Everard Home, loc. cit., p. 410.

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pétée après l'intervalle d'un jour, et après cette seconde application, la malade put avaler avec plus de facilité. Cette amélioration m'encouragea, et après la quatrième cautérisation, l'irritation avait beaucoup diminué, et les alimens solides pouvaient être avalés. La cinquième produisit un haut degré d'inflammation, au point que pendant deux jours la malade fut privée de la voix. Lorsque cette inflammation fut dissipée, l'amélioration fut extrêmement sensible et la déglutition si facile, que je jugeai prudent de cesser l'emploi du caustique, me proposant d'y revenir si les accidens reparaissaient. Depuis j'ai eu de fréquentes occasions de m'informer de cette malade, et trois ans après elle se portait aussi bien que lorsqu'elle quitta la villé. »

Nous avons déjà dit plus haut que dans trois autres circonstances, la cautérisation avait été employée par Everard Home, et que dans ces cas la terminaison avait été funeste. Il nous paraît indispensable de faire connaître ces faits; car si nous les taisions, nous aurions à craindre que l'on attribuât la mort à la cautérisation, qui, au contraire, a constamment produit de l'amélioration.

Dans le premier cas, rapporté dans la Bibliothèque 'médicale (1), il s'agit d'un homme âgé de 54 ans, qui avait un rétrécissement situé derrière les cartilages du larynx. Les liquides ne pouvaient passer qu'avec ménage-ment. La bougie armée fut préparée convenablement et appliquée pendant quelques secondes sans douleur, sans irritation; et immédiatement après cette opération, le malade put avaler plus facilement un peu d'eau. Le lendemain, une bouchée de veau passa sans difficulté. Le troisième jour, une seconde application eut lieu pendant une demi-minute. La pression causa un peu de douleur,

(1) Tome VIII, p. 267.

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mais

, pour la première fois, le malade put avaler deux gorgées d'eau de suite. Le lendemain il mangea aisément un petit morceau de mouton. Le cinquième jour, le caustique fut appliqué un peu plus long-temps. Le dixième jour, la bougie armée franchit le rétrécissement après y avoir été appliquée cinq fois. Au bout de cinq jours la déglutition se faisait assez bien, mais les alimens rencontraient un obstacle vers le cardia, qui les faisait rétrograder. Bientôt l'orifice supérieur de l'estomac se ferma totalement, et ne permit le passage d'aucunes substances, quoiqu'elles parvinssent facilement jusqu'à cet obstacle. L'autopsie ne fut point faite.

Le sujet de la seconde observation (1) est un homme âgé de 34 ans, et ayant un rétrécissement qui depuis long-temps ne lui permettait pas de prendre des alimens plus consistans qu'unè panade. Le 10 août 1801, le caustique fut appliqué : il preduisit une douleur brûlante qui persista pendant la soirée. Le lendemain, la déglutition était plus profonde. Le 13, le 15 et le 17, et ainsi de deux jours l'un jusqu'au commencement de décembre, la cautérisation fut pratiquée avec des alternatives de mieux, lorsque le malade ayant quitté l'hôpital pour quelque temps, afin de rétablir sa santé, mourut cinq jours après, ne pouvant avaler ni solides ni liquides. A l'autopsie, on trouva le rétrécissement et un grain de plomb fortement engagé dans son ouverture, et la bouchant entièrement. On apprit alors que dans l'espérance de frayer un passage, le malade avait aussi avalé des grains de plomb. D'après l'état des parties, il fut facile de juger qu'il eût suffi d'un très-petit nombre d'applications du caustique pour guérir ce rétrécissement.

(1) Everard Home, loc. cit,, p. 412.

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495-500

Enfin dans le troisième cas (1), qui, sous le rapport des bons effe's de la cautérisation, a la plus grande analogie avec les deux précédens, la mort fut produite par une altération profonde de l'un des deux poumons. Ajoutons que la nature du rétrécissement formé par un pli qui représentait assez bien une valvule percée à son centre, n'était pas encore aussi favorable que ceux dans lesquels la membrane interne est épaissie dans une certaine étendue.

Nous croyons inutile de nous appesantir sur la valeur des observations que nous venons de rapporter. Elles démontrent que, dans les rétrécissemens de l'œsophage comme dans ceux de l'urètre, la cautérisation compte des succès et plus complets et plus nombreux que la dilatation par les sondes. Mais ces faits sont-ils en assez grand nombre pour justifier la méthode thérapeutique mise en usage, et que beaucoup de chirurgiens ont regardée comme plus dangereuse que la maladie qu'elle est appelée à combattre? Nous ne craignons pas de répondre par l'affirmative, nous basant sur les succès incontestables obtenus, sur la presque innocuité de la cautérisation de l'œsophage, démontrée par ce que nous avons dit plus haut; enfin sur ce que les rétrécissemens de cet organe, qui ne cèdent que difficilement à l'emploi des sondes, vouent à une nort certaine et souvent très-prompte les malades qui en sont affectés (2).

(2) Ibid., p. 414.

(2) Lors de la lecture de cette partie de notre travail à la Société méd. d'Emulation, plusieurs membres objectèrent qu'il était étonnant qu'en Angleterre on obtînt des succès que l'on n'avait jamais eu occasion d'observer en France, et que l'emploi du caustique dans les cas pathologiques dont nous parlons ne devait point être conseillé d'une manière aussi générale et à cause de la difficulté de l'appliquer directement et uniquement sur le point rétréci de l'œsophage, et

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Empruntons encore ici les lumières de l'analogie pour appuyer nos conclusions. Comme ceux de l'œsophage, les

dans la crainte de ne pouvoir limiter son action et de cautériser toute l'épaisseur des parois de ce canal. La réponse à la première objection se présente d'elle-même, et elle est péremptoire : jamais en France la cautérisation de l'œsophage n'a été pratiquée; et comment eût-on osé y avoir recours, puisqu'il y a quelques années encore, le plus grand nombre des chirurgiens rejetait même, comme au moins inutile, la dilatation? Quant aux dangers de cette méthode thérapeutique, les faits que nous avons rapportés prouvent bien mieux que tous les raisonnemens son innocuité. Reste donc pour dernière objection la difficulté de porter le caustique uniquement sur le point rétréci de l'œsophage. D'abord personne ne voudra soutenir que des difficultés plus ou moins gran les dans l'exécution d'un procédé opératoire, quel qu'il soit, sont suffisantes pour le faire abandonner. Ensuite nous ne voyons pas pourquoi il ne serait pas aussi possible de porter le caustique avec sécurité, à deux ou trois pouces de profondeur dans l'œsophage, car nous avons établi par un grand nombre de faits que c'était toujours à la partie supérieure de ce conduit que se formaient les rétrécissemens, que de les porter jusque vers la région prostatique de l'urètre. Il nous semble même que le canal de l'œsophage n'étant pas susceptible de varier à chaque instant en longueur, comme le fait celui de l'urètre, selon que l'on exerce une traction plus ou moins forte sur la verge, et les dents incisives de la mâchoire supérieure présentant un point de marque fixe et invariable, la cautérisation de l'cesophage peut être pratiquée avec une certitude plus mathématique que celle de l'urètre. Au reste, la théorie doit se taire devant l'expérience, et puisque dans les observations que nous avons rapportées, la cautérisation a été suivie de guérisons complètes, il en faut bien conclure que le caustique a directement agi sur le point rétréci, et que si son action s'est étendue aux parties situées au-dessus de ce point, cette circonstance n'a pas donné lieu au plus petit accident. Le lecteur voudra bien encore se rappeler cette pièce anatomique présentée par Charles Bell aux élèves de l'hôpital Saint-Jacques de Londres, et qui offrait une escarrhe, suite de la cautérisation exactement bornée au point rétréci. Enfin nous avons pour nous l'opinion de deux membres de la Société, dont personne sans doute ne voudra contester la compétence; ce sont MM. Velpeau et Sanson, qui se proposent d'appliquer la cautérisation aux rétrécissemens de l'œsophage, aussitôt que l'occasion leur en sera offerte.

rétrécissemens du rectum, très-souvent mortels, ont été, avons-nous dit, quelquefois guéris par la dilatation; mais rarement on leur a appliqué la cautérisation. Les deux observations suivantes sont les seules à nous connues, dans lesquelles ce traitement ait été employé.

Obs. XV. (1). «Une ouvrière en soie, âgée de soixante-quatre ans, éprouvait depuis plus de deux ans une grande difficulté pour rendre les matières fécales. Plusieurs médecins, consultés sur cette maladie, attribuèrent son malaise à des hémorrhoïdes placées au-dessus de l'anus. Les remèdes qui lui furent indiqués n'amenèrent, eucun soulagement; et la maladie fit de tels progrès, que cette malheureuse passait des journées entières à faire d'inutiles efforts; son ventre était extrêmement gonflé; les forces et le sommeil avaient disparu; et la malade, quoique conservant encore de l'appétit, n'osait plus manger de crainte d'aggraver sa fâcheuse position. C'est dans ce triste état que nous fùmes consultés M. Goulard et moi, dit M. Duplat. Nous reconnûmes une tumeur squirrheuse de toute la circonférence de l'intestin, à trois pouces au'dessus de l'anus. Cette tumeur formait une saillie du volume d'une grosse noix, à surface inégale et présentant à son milieu une petite ouverture dans laquelle on aurait à peine fait entrer un gros stylet. Au-dessous de cette tumeur le reetum était extrêmement dilaté, sans doute par les fréquentes injections d'eau que la malade se faisait, espérant toujours vaincre cette cruelle constipation. Ma première pensée fut d'introduire dans l'étroite ouverture de la tumeur des mèches de charpie, au milieu desquelles était un morceau d'éponge préparée. La malade ne tarda pas à en éprouver l'heureux effet, et elle parvint, après

.

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(1) J. M. Duplat, Considérations sur divers faits de pratique chirurgicale. Strasbourg, 1824. In-4.o, fig.

avoir gardé les mèches quelques heures, à opérer une légère évacuation. Il nous fut alors possible de pénétrer dans l'intérieur de la tumeur, et de nous assurer qu'elle était formée, dans la hauteur d'un pouce à peu près, d'une substance molle, ayant la consistance des bourgeons celluleux et vasculaires qui s'élèvent à la surface de certaines plaies. Ge canal étroit était terminé en haut par un cercle uni de trois ou quatre lignes de diamètre, exerçant, sur le doigt qui cherchait à le franchir, la même constriction que l'anneau inguinal. Au-dessus le rectum était dans son état naturel. La dilatation que nous avions opérée, soit avec la première mèche, soit avec le doigt, pour explorer la maladie, nous permit d'introduire une mèche beaucoup plus grosse. Tel fut le plan de traitement que nous suivimes pendant quelques jours, au grand soulagement de la malade, dont l'état devint extrêmement satisfaisant. Mais il était bien évident que les mèches avaient seulement affaissé les obstacles, et que la maladie reprendrait son premier état dès qu'on cesserait l'emploi de ce moyen. Pour obtenir une cure radicale, nous nous décidâmes alors à porter chaque jour, sur la partie fongueuse de la tumeur, le caustique au moyen d'une canule. Quant à l'anneau qui terminait en haut le rétrécissement, et qui revenait toujours sur lui-même après avoir été dilàté, nous résolûmes de l'inciser en plusieurs points de sa circonférence, au moyen du pharyngotome, et d'entretenir pendant quelque temps les parties incisées ou brûlées le plus éloignées possible, en portant chaque jour des mèches plus volumineuses. Cette méthode a été couronnée du suc› cès le plus complet, et la malade a recouvré tout-à-fait la santé. »

Bien avant notre compatriote, Everard Home (1)

(1) Loc. cit., p. 418.

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avait mis cette méthode thérapeutique en usage et avec le même succès. Le sujet de cette observation est une femme âgée de vingt-huit ans, qui depuis long-temps n'allait à la selle qu'avec beaucoup de peine. Le rétrécisscment existait à deux pouces et demi au-dessus de l'anus, et ne pouvait admettre l'extrémité du petit doigt. La première application du caustique donna lieu à une vive douleur qui persista pendant vingt-quatre heures, et à un écoulement de sang de quelques onces. Les autres cautérisations, répétées tous les deux jours, ne furent pas suivies des mêmes accidens, et la malade ne tarda pas à être complètement guérie.

Il n'est pas très-rare de rencontrer le rectum fermé, à une distance plus ou moins grande de l'anus, par une production membraneuse complète ou incomplète; nous venons de voir que tel était le cas de la malade dont nous avons rapporté l'observation d'après le docteur Duplat: eh bien! cette disposition pathologique, soit native, soit acquise, se présente aussi dans l'œsophage. Elle a été vue par Everard Home, comme nous l'avons rapporté plus haut, et par Baillie (2). Que conviendrait-il de faire en pareil cas? L'observation d'Everard Home nous apprend que la cautérisation pratiquée plusieurs fois sur la malade, qui présenta ainsi un rétrécissement en forme de valvule, ne produisit presque aucun effet. Ne serait-il pas plus convenable dans cette circonstance d'inciser ce repli valvulaire, et d'employer ensuite les corps dilatans, comme M. Amussat le fait dans des cas analogues pour l'urètre, comme M. Duplat le fit avec succès sur la malade dont nous avons parlé; comme S. Cooper nous apprend que l'a pratiqué Copeland (1), au moyen d'un bistouri, dans

(1) Anat. pathol., p. 98.

(2) Dict. de Chir. prat., 2.mo partie, page 383.
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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 501-530
« Reply #17 on: September 27, 2022, 08:36:59 PM »

501-505

des cas de rétrécissemens annulaires du rectum, et comme Macilwain et Kingdon l'ont fait et conseillé (1) ? C'est à l'expérience seule qu'il appartient de résoudre cette question de chirurgic-pratique.

Enfin, pour ne rien omettre de ce que l'art peut faire dans le traitement palliatif ou curatif des rétrécissemens de l'œsophage, disons que Morgagni (2) rapporte que Stoffel a soulevé cette question de savoir si, dans la dégénération cartilagineuse ou les rétrécissemens de la partie supérieure de l'œsophage, il ne conviendrait pas de ". pratiquer l'œsophagotomie, pour pouvoir faire arriver des alimens dans l'estomac. Stoffel ne s'était point dissimulé, en comparant cette opération à la trachéotomie, qu'elle était plus difficile, en raison de la situation plus profonde de l'œsophage. Ce que ce médecin n'avait fait que proposer, a été mis en pratique par Taranget (3), et avec quelques succès. Voici dans quelle circonstance: « Une religieuse de l'Abbaye-des-Prés se plaignit de mal de gorge; la déglutition était difficile, elle devint impossible. L'engorgement se propageait au-dehors, dans toutes les glandes du cou et de la mâchoire inférieure. On pratiqua une ouverture inférieurement, à la place où la malade avait ressenti la première douleur. On établit à cette ouverture une espèce d'entonnoir, dans lequel on versait des nourritures liquides. Elle vécut seize mois avec cet heureux artifice. Son cadavre fut ouvert, tout l'œsophage présenta un engorgement en tout semblable à celui du dehors. »

Rappelons ici que le docteur Fine (4), de Genève, a pratiqué avec succès l'entérotomie pour un squirrhe de

(1) Macilwain, loc. cit., p. 221.

(2) De sedibus et causis, L. III, epist. XXVIII, art. 16.

(3) Ancien Journal, T. I.XVIII, p. 251, ann. 1786,

(4) Annales de Montpellier. T. VI, p. 34-58.

la partie supérieure du rectum qui mettait obstacle au cours des matières fécales. Le malade vécut encore quatre mois après l'opération, et succomba aux progrès de la maladie de l'intestin. Dans un cas à peu près semblable, le docteur Martland obtint un succès beaucoup plus grand, puisque, un an après l'opération, la santé du malade n’avait éprouvé aucune altération (1).

Maintenant que nous avons exposé ce que l'expérience a appris sur les diverses méthodes de traiter les rétrécis– semens de l'œsophage, examinons quelles sont les terminaisons de cette maladie, et comment la mort arrive, soit que la partie rétrécie éprouve ou non la dégénération carcinomateuse.

Dans quelques cas, assez rares à la vérité, la maladie se borne entièrement à l'œsophage, et peut faire périr les malades d'inanition, avant que la partie affectée ait éprouvé aucune dégénération. Parmi les faits de ce genre que nous connaissons, nous choisissons l'observation suivante, qui présente encore de l'intérêt sous d'autres rapports:

Un garçon chapelier, âgé de vingt-quatre ans, avait avalé, deux ans avant son entrée à l'Hôtel-Dieu (de Lyon), une verrée d'eau-forte. Il échappa aux premiers accidens qui se développèrent avec violence; mais il conserva au pharynx et à l'œsophage une inflammation qui ne lui permit pendant long-temps d'avaler que du lait et de l'eau. La déglutition devint impossible, et le lait ne put être porté dans l'estomac qu'à la faveur d'une grosse sonde. Un plus grand resserrement de l'œsophage ne permit plus à la sonde de pénétrer. C'est dans cet état que le malade se présenta dans la salle de M. Dupuy, le 18 mai 1822. L'impossibilité d'introduire les alimens dans l'estomac fit

(1) Dictionnaire de Med, et de Chir. pratiques, T. III, p. 126.

recourir aux lavemens nutritifs de bouillon. Ce malheureux ouvrier, tourmenté par une faim qui ne pouvait être appaisée, était d'une maigreur extrême et agité par une✨ fièvre violente; ses yeux étaient enfoncés, sa langue rouge, son ventre contracté; il avait un hoquet continuel. Enfin le 28, cet infortuné jeune homme mourut de faim dans les angoisses les plus vives, et les crispations les plus douloureuses de l'estomac. L'ouverture du cadavre montra une oblitération complète de la partie inférieure de l'œsophage, dans l'étendue de quatre pouces. L'estomac était légèrement phlogosé (1).

Cette observation offre la plus grande analogie avec celle dont nous avons déjà parlé, et quc MM. Bayle et Cayol ont consigné dans le grand Dictionnaire des Scien ces médicales (2). En effet, même cause, même marche et même terminaison de la maladie. Remarquons aussi dans ce fait le hoquet continuel dont le malade fut tourmenté, et la grande étendue de l'altération de l'œsophage. C'est un des rétrécissemens les plus étendus que nous connaissions.

Pour donner une idée du marasme auquel les malades peuvent parvenir, nous citerons la femme dont Bagard (3) nous a transmis l'histoire. Cette malheureuse, qui succomba à un rétrécissement de la partie inférieure de l'œsophage, produit par un os, pesait avant son accident 160 livres, et à sa mort seulement 27 (4).

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(1) Compte-rendu des observations faites à l'Hôtel-Dieu de Lyon, depuis le 1. octobre 1819, jusqu'au 1er octobre 1822. Lyon, 1823. In-8.o, p. 51.

(2) Tome III, art. Cancer.

(3) Marquet, Traité-pratique de l'hydropisie, etc., 1770, in-8.o,

p. 171.

(4) Voyez des faits analogues dans le Medical and Physical Journal. T. XLVIII, Commentarii in rebus gestis, P. 213.

etc.

T. XXX, p. 198 ; etc., eic.

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Les parois de l'œsophage peuvent, là où elles sont épaissies et sans devenir le siège d'une ulcération carcinomateuse, se déchirer dans une étendue plus ou moins considérable. Ainsi Sédillot jeune (1) rapporte un cas dans lequel il se fit aux parois de ce conduit une déchirure par laquelle s'infiltrèrent, dans le tissu cellulaire, les liquides que le malade, tourmenté par la soif, s'efforçait d'avaler. De cette infiltration il résulta une inflammation gangréneuse de tout le tissu graisseux de la partie antérieure du cou, et la malade fut suffoquée par une énorme tumeur inflammatoire qui s'étendait depuis les clavicules jusqu'au menton.

Un travail inflammatoire aigu peut s'établir au centre des parties qui forment le rétrécissement, et donner lieu à un abcès qui, en s'ouvrant dans la trachée-artère, suffoque le malade. Alex. Monro a vu un cas de cette espèce (2). Ou bien encore il se forme un vaste abcès dans le tissu cellulaire des organes environnans, dont la rupture donne lieu à une mort prompte. Murray a vu cette terminaison dans un cas où un abcès de cette espèce s'était formé entre l'estomac et le fo (3).

Enfin Paletta (4) dit que parmi les individus qui succombent à ces rétrécissemens organiques de l'œsophage, quelques-uns éprouvent dans les derniers temps de leur existence une douleur poignante dans le côté, douleur qui épuise promptement les forces du malade, qu'on ne peut attribuer à un état pathologique du poumon, et dont on ne peut se rendre compte par les recherches nécroscopiques les plus minutieuses. Ce symptôme fut surtout

(1) Recueil périodique. T. VII, p. 194.

(2) The morbid Anatomy of the Gulet, etc., p. 359.

(3) Mém. de l'Acad. roy. des Sciences de Suède; année 1779.

T. XL.

(4) Loc. cit., p. 225.

bien marqué chez une femme dont il parle, et qui, deux mois avant, sa mort, fut prise d'une douleur violente et semblable à une douleur pleurétique. A l'autopsie, on trouva les organes de l'abdomen et de la poitrine parfaitement sains.

Mais bien plus souvent, après un temps plus ou moins long, les tissus qui forment le rétrécissement éprouvent une désorganisation plus profonde et deviennent le siège d'une ulcération carcinomateuse. Nous n'essayerons point de donner les signes auxquels on pourra reconnaître cette fâcheuse terminaison: nous dirons seulement qu'aux symptômes ordinaires des rétrécissemens se joignent un hoquet plus fréquent, la sensation du fer chaud (pyrosis) dans l'œsophage, une douleur brûlante, lancinante, qui s'étend jusque dans le dos, entre les deux épaules, augmente par la pression et la déglutition de toute espèce de liquide, et force presque toujours le malade à se coucher sur le côté. Une femme dont parle le docteur Desgranges (1) éprouva, dans le dos, des douleurs tellement vives, qu'elle ne pouvait rester appuyée contre sa chaise. Cette même femme ent aussi des symptômes d'angine de poitrine; mais comme l'autopsie, outre les altérations de. l'œsophage fit reconnaître quelques changemens morbides dans la partie inférieure de la trachée-artère, on ne peut attribuer ces symptômes à l'état pathologique de l'œsophage (2). Les poumons et le cœur étaient sains. M. Leroux a observé dans un cas une toux creuse et suffocante, amenant de temps en temps de petits paquets de pus façonnés en globules (3).

1



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(1) Journal de Boyer, Corvisart. T. II, P. 505.

(2) Nons croyons devoir rappeler ici que Wall regardait le squirrhe de l'cesophage comme la cause de l'ensemble des symptômes décrits sous le nom d'angine de poitrine..

(3) Cours de Médecine clinique. T. II

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506-510

Ces ulcérations carcinomateuses peuvent bien faire périr les malades d'inanition et de fièvre hectique; mais bien plus souvent l'inflammation qui les accompagne fait contracter à l'œsophage des adhérences avec un vaisseau voisin, la trachée-artère, le poumon, etc., et l'ulcération, venant à détruire aussi ces organes, produit la mort de différentes manières.

Ainsi le docteur Herbert Mayo (1) rapporte un cas dans lequel une ulcération du pharynx s'étendit à une division de la carotide, donna lieu à plusieurs hémorrhagies abondantes, et nécessita la ligature de ce vaisseau, opération qui eut un plein succès. Le malade dont parle le docteur Watson (2) fut moins heureux et périt d'hémorrhagie. Barthez (3) a été témoin d'un fait semblable.

un

Plus fréquemment c'est avec la trachée-artère que ces ulcérations font communiquer l'œsophage. Alex. Monro (4) a représenté dans la 10.me planche de sa Dissertation, cas d'ulcération cancéreuse du pharynx, dans lequel la mort fut subitement produite par l'ouverture du larynx et la chute du pus dans cet organe. Dans le catalogue des pièces anatomiques de l'hôpital de Guy, à Londres, on trouve l'indication de deux cas d'ulcérations semblables communiquant avec la trachée artère. Cette terminaison a encore été observée par Hautersieck (5) et par Knep pelhout (6). Dans cette dernière observation, c'était par deux ouvertures que l'œsophage communiquait avec la

(1) London Medical and Physical Journal. T. LXII, p. 511.
(2) Medical Gezeite. T. III, p. 157.

(3) Consultations de Médecine.

(4) Diss. med. inaug. de Dysphagiá. Edinburgi, 1797. In-8.o, 14 pl.

(5) Recueil d'observations de médecine des hôpitaux militaires. T. I., p. 401.

(6) Sectionés cadaverum pathologica. Lugd.-Bat., in-4.o, fig.,

p. 5.

trachée-artère, près de la bifurcation de ce conduit. Il paraît, d'après les symptômes, que ce fut assez longtemps avant la mort que cette communication s'établit, car l'auteur dit que par intervalles il existait une contraction spasmodique de l'œsophage, telle quelquefois qu'il en résultait une grande anxiété, surtout quand il survenait de la toux, par laquelle non-seulement du mucus était chassé des voies aériennes, mais encore ce que le malade avalait.

Dans deux cas à nous connus l'ulcération communiquaitavec des kystes formés, chez l'un des malades, au centre anême de la glande thyroïde, et chez l'autre aux dépens du tissu cellulaire qui unit l'œsophage aux organes voisins.

Une fille (1), âgée de trente-six ans, née de parens sains, douée d'une grande sensibilité et ayant tous les attributs du tempérament nerveux, avait toujours joui d'une bonne santé depuis sa naissance : sa vie parait avoir été régulière et ses mœurs exemptes de reproches. Au commencement de l'année 1808, cette fille eut l'imprudence de s'exposer à l'action du froid ayant ses vêtemens trempés de sueur. Dès le lendemain elle éprouva une violente douleur à la gorge et présenta, à ce qu'il paraît, les sym ptômes d'une angine gutturale intense pour laquelle elle fut -saignée et mise à l'usage des gargarismes adoucissans. Ce traitement n'eût qu'un demi-succès; la maladie devint chronique les symptômes locaux de l'angine allèrent toujours en augmentant, et la déglutition en particulier devint très-difficile, accompagnée de douleurs générales, d'insomnie, etc. Ce fut alors que la malade entra à l'hôpital de Poitiers. La déglutition était déjà presque impossible, et la malade, qui souffrait beaucoup, n'avait ni repos ni sommeil. L'application de vésicatoires au cou et à la nu

:

(1) Cette observation nous a été communiquée par M. le docteur Bricheteau.

que, et des gargarismes de diverses espèces apportèrent peu de soulagement. L'ouverture pharyngienne paraissait presque entièrement fermée par des excroissances qui ne tardèrent pas à s'ulcérer; ce qui apporta un peu de soulagement pendant une huitaine de jours. Toutefois la déglutition n'en devint pas plus facile, et l'on fut obligé de se servir d'une sonde de gomme élastique pour introduire les alimens dans l'estomac. A chaque introduction de la sonde, la malade était prise d'une toux légère et expectorait un pus sanguinolent d'une odeur fétide. La déglutition sembla un moment se rétablir, la malade prit quelques bouillons sans le secours de la sonde; mais il fallut bientôt avoir recours de nouveau à cet instrument, dont l'introduction devint plus en plus difficile. Enfin la mort vint terminer les souffrances de la malade qui avaient toujours été en augmentant. Autopsie. La glande thyroïde était plus volumineuse que dans l'état naturel; les muscles qui la recouvrent étaient amincis; la portion cervicale de l'œsophage était entièrement squirrheuse; à sa partie supérieure existait un anneau ou bourrelet ulcéré et granuleux çà et là, et à la partie moyenne et à droite se trouvait une ouverture, pouvant admettre le doigt auriculaire et communiquant avec une ulcération de la portion droite de la glande thyroïde elle formait là une espèce de ventricule.

:

Chez une femme (1) qui succomba à un cancer ulcéré de l'œsophage, l'ulcération occupait la partie moyenne de ce conduit dans l'étendue de trois à quatre pouces. A son centre existait une perforation qui communiquait avec un abcès enkysté situé entre les divisions de la trachée-artère et formé aux dépens du tissu cellulaire environnant. Dans les quatre derniers mois qui précédèrent la

(1) Garthshore, Medical communications. T. 1., p. 242, fig.

mort, la malade cut de fréquentes attaques pendant lesquelles elle ne pouvait avaler, et qui cessaient quand elle avait rendu, par la régurgitation et les selles, une assez grande quantité de matière comme gélatineuse. L'auteur, tout en reconnaissant que cette aggravation périodique des symptômes pouvait bien dépendre d'un état d'éréthisme nerveux, n'est pas éloigné de croire que la principale cause était la distension du kyste, qui pressait alors contre la la partie inférieure de l'œsophage. Il se fonde sur le soulagement marqué qui survenait presque spontanément, aussitôt après le rejet des matières dont nous avons parlé.

Dans plusieurs cas, la mort a été produite par des altérations profondes du poumon; et l'intérêt que présentent plusieurs faits dans lesquels cette terminaison a eu lieu, nous engage à les faire connaître.

Une femme (1) âgée de trente-huit ans, d'un embonpoint médiocre, d'un tempérament bilieux, mère de six enfans en quatre couches, ayant toujours joui d'une bonne santé, commença à éprouver en 1777, des douleurs assez vives à l'œsophage, consistant en une sorte de tortillement et augmentant beaucoup lors du passage des alimens. Un médecin consulté à cette époque prescrivit un traitement qui apporta un soulagement marqué.

Mais vers le mois de juin de l'année suivante, cette femme commença à éprouver, un peu au dessus du cardia, un obstacle au passage des alimens qui étaient même souvent rejetés avec une grande quantité de mucosités. Tous les alimens solides étaient en général avalés avec peine, mais surtout les farineux, comme le pain et les haricots. La malade consulta encore le même médecin

(1) Bleuland, Obs. anat. med. de sand et morbosá œsophagi structurá, Lagd. Batav., 1785. In-1.o, fig., P. 94.

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qui, au moyen des résolutifs, la mit en état de prendre quelques alimens; et elle se crut même entièrement guérie pendant quelque temps. Mais bientôt le mal reparut et fit des progrès alarmans. Ce fut alors qu'elle réclama les soins de Van Doeveren; son état s'était aggravé au point qu'il lui était impossible de prendre aucune espèce d'alimens, qui étaient rejetés avec une grande quantité de mucosités, par un mouvement de régurgitation qui s'accompagnait des angoisses les plus vives. La diète lactée, les résolutifs, le mercure donné à doses suffisantes pour produire la salivation, les pilules de ciguë, etc., àpportèrent un peu d'amélioration, et la malade conserva un peu de forces jusqu'au commencement du mois de mars, époque à laquelle le mal fit des progrès effrayans, et où tous les symptômes s'aggravèrent. Alors l'estomac était distendu par une grande quantité de gaz et des éructations fréquentes fatiguaient beaucoup la malade. Il survint de la fièvre, de la petitesse dans le pouls et une prostration extrême des forces. La malade s'aperçut d'un nouvel obstacle au passage des alimens, et sans aucune contraction des fibres musculaires de l'œsophage, elle éprouvait un sentiment de pression et de strangulation qu'elle rapportait à un amas de mucosités adhérentes au conduit œsophagien. Bientôt les forces s'épuisèrent totalement; la malade put à peine parler; tout mouvement devint impossible, et elle fat réduite à un état de maigreur extrême, tout en conservant intactes ses facultés intellectuelles. A cette époque aussi, si elle prenait une plus grande quantité de lait ou d'un autre liquide, elle le rejetait aussitôt, mêlé avec des petits corps d'une couleur grise, d'une odeur aigre: cette odeur était surtout plus inhérente au mucus, semblable à du lait corrompu et quelquefois mêlé de sang que la malade rejetait. Si par des efforts violens elle réussissait à avaler quelques par

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celles d'alimens, ces substances ne parvenaient point dans l'estomac, mais s'arrêtaient à l'endroit affecté, et y occasionnaient des douleurs atroces, avec anxiété et lypothimies. Ce fut alors qu'on proposa à la malade de la soutenir au moyen des lavemens nourrissans, moyen qu'elle refusa, préférant la mort à une vie aussi misérable. Alors aussi les douleurs étaient générales et le membre abdominal droit tellement douloureux, qu'on ne pouvait le toucher sans arracher des cris à la malade; cependant ce membre n'offrait rien de particulier, si ce n'est une atrophie plus considérable que celui du côté gauche. Enfin la malade, véritable image de la mort, mourat tranquillement le 14 avril 1779; ayant, jusqu'au terme fatal, éprouvé des éructations continuelles, et rejeté, par régurgitation, des matières semblables à du caséum cor rompu et répandant une odeur infecte. Il luj semblait, disait-elle, que cette matière était la substance même de ses poumons.

Autopsie, trente-six heures après la mort. Sur la partie droite du cou, au-dessus de la clavicule, entre l'artère carotide et la trachée-artère, existait une glande hypertrophiée, ayant une consistance presque cartilagineuse et la grosseur d'un œuf de pigeon. Depuis cet endroit jusqu'au niveau de la septième vertèbre dorsale, l'œsophage était flasque et offrait une dilatation assez considérable: deux vertèbres au-dessous, on apercevait Ùne tumeur dure et épaisse qui semblait dépendre de co conduit. En essayant de porter à gauche le poumon droit, qui avait contracté quelques adhérences avec la plèvre à sa partie postérieure, non seulement ces adhérences furent détruites, mais encore, quoique la traction eût été légère, il se fit une déchirure par laquelle s'écoula aussitôt une matière épaisse, grumeuse, d'un blanc cendré, ressemblant pour l'odeur et les autres caractères physi

ques à du lait corrompu. Soupçonnant une vomique dans ce poumon, Bleuland introduisit le doigt dans cette ouverture, et trouva en effet, au milieu du poumon, un vaste foyer rempli de la matière que nous venons d'indiquer. Voulant connaître l'étendue de cette cavité, l'auteur la parcourut avec précaution, dans toute les directions, avec le doigt qui rencontra une autre ouverture. Le poumon ayant été enlevé avec soin, il vit que cette ouverture pénétrait dans l'œsophage, et que, par conséquent, l'intérieur de ce conduit communiquait librement avec le foyer pulmonaire. Les bords durs, inégaux et comme gangréneux de cette ouverture, annonçaient assez qu'elle n'était pas récente. Au dessous de cet endroit, l'œsophage, légèrement dévié, offrait une induration assez forte de ses parois, dans l'étendue de trois travers de doigt; de plus, son calibre était diminué au point qu'on pouvait à peine y introduire une plume. Plus bas il était entièrement sain. Les autres organes n'offraient rien de remarquable; seulement les parois de l'estomac étaient amincies et comme transparentes; et le long de la petite courbure, entre le cardia et le pylore, se trouvait une tumeur assez volumineuse, dure et squirrheuse.

Le docteur Moutarl-Martin a observé un cas presque semblable. L'individu qui en est le sujet éprouvait depuis plusieurs années les symptômes d'un rétrécissement organique de l'œsophage, lorsque, portant sur l'épaule quelque chose de très-pesant, il sentit un craquement dans la poitrine; depuis il y éprouva toujours une douleur qui s'étendait jusqu'à l'épaule. Sans rapporter ici tous les symptômes que présenta cet individu, nous nous bornerons à dire que la déglutition des alimens solides était extrêmement difficile. I avalait assez aisément la pre

(1) Bibliothèque médicale. T. XXXIV, p. 85.

mière bouchée, mais il la sentait s'arrêter vers la partie moyenne de la poitrine; et aussitôt que la seconde était parvenue au bas du col, le bol alimentaire était rejeté avec des efforts de toux violens. Les boissons, qu'il avalait très-lentement et à petites gorgées, produisaient une toux vive, et étaient rejetées sous forme d'écume. Il paraissait toujours prêt à suffoquer pendant ces quintes de toux qui, vers la fin, devint plus fréquente, et survenait sans être provoquée par les alimens ni les boissons.

Autopsie. Il n'y avait rien de remarquable dans l'arrière-bouche et le larynx. La trachée-artère contenait une matière d'un gris blanchâtre qui formait de petits grumeaux. L'esophage ne présentait aucune lésion depuis le pharynx jusqu'à la sixième vertèbre dorsale : au niveau de cette vertèbre, ses parois étaient transformées en un squirrhe ulcéré qui avait environ trois lignes d'épaisseur. A la partie inférieure du squirrhe, il n'aurait pas été possible d'introduire dans l'œsophage une plume à écrire sans de grandes difficultés. Le poumon droit était adhérent d'une manière intime à cette tumeur, qui, vers le milieu de son étendue, présentait une ouverture cor respondant à une large ulcération de la substance pulmonaire. Cette ulcération du poumon formait une cavité qui, quoique vide en partie, contenait environ six onces de liquide d'un gris-blanchâtre, grumelé, et tout-à-fait semblable à celui qui avait été observé dans la trachéeartère. Il s'en exhalait une odeur analogue à celle de la gangrène. Ses parois étaient recouvertes d'un enduit d'un gris-jaunâtre; elles étaient très-inégales et formées par la substance même du poumon. Au-dessous de l'ouverture de communication de l'œsophage avec l'ulcération pulmonaire, le calibre de ce conduit était extrêmement rétréci; de sorte que les alimens et les boissons avaient plus de facilité à passer dans la cavité formée au centre du pou

mon qu'à suivre le reste du trajet de l'œsophage. Les autres organes n'offraient rien de remarquable.

Dans les deux observations précédentes l'altération du poumon était déjà très-profonde quand les malades succombèrent; dans le cas suivant, au contraire, une mort prématurée nous la montre à son début, et permet de concevoir comment elle s'opère. Wardrop(1) rapporte qu'à l'autopsie d'une femme qui succomba à un rétrécissement squirrheux de l'œsophage, ou trouva ce conduit, là où il correspond à la dixième vertèbre dorsale, converti en une masse fibro-cartilagineuse. Au-dessus de ce rétrécissement, dans l'étendue de deux pouces, l'œsophage était profondément ulcéré, et dans un point l'ulcération avait perforé ses parois et le médiastin postérieur, et le faisait communiquer avec la cavité de la plèvre droite. Sur la surface de la base du poumon du même côté, et dans un point correspondant à l'ouverture du médiastin, était un petit ulcère superficiel, et n'affectant que la plèvre pulmonaire; à sa circonférence était répandue de la lymphe qui circonscrivait le mal: il n'y avait point d'épanchement dans la plèvre et les poumons étaient sains.

Cette terminaison a encore été observée chez le malade dont nous avons rapporté l'observation d'après M. Carrier, à l'hôpital de Guy, à Londres (2), par le docteur Heaviside (3) et par Guillume Keir (4), en 1781. Ce dernier pense que l'affection commença par le poumon, et s'étendit ensuite à l'œsophage et à la trachéeartère. Quoique cet auteur ne dise point dans quel état se trouvait le reste du poumon, les faits précédens et les

(1) London Medical repository and review. T. V, p. 536. 1827. (2) Voyez le Catalogue des préparations anatomiques du Muséum de cet hôpital.

(3) Howship, loc. cit., p. 8.

(4) Medical Communications, T. IV, p. 157.

symptômes que présenta le malade nous font croire qu'ici encore le mal débuta par l'œsophage. La déglutition se faisait avec quelque difficulté, et peu de temps après, les matières alimentaires étaient rejetées avec violence et toux. Il y avait difficulté de respirer; toux avec rejet d'une matière puriforme, et fétidité extrême de l'haleine. Autopsie. Dans la partie supérieure et postérieure du poumon droit existait une vaste cavité qui communiquait par deux ouvertures avec la trachée-artère et l'œsophage. La première avait un demi-pouce de largeur, et celle de l'œsophage près de deux pouces. Ces deux conduits contenaient du pus, ainsi que l'estomac.

Ces excavations ulcéreuses, au lieu d'avoir pour siège les poumons, peuvent détruire le foie. Ainsi Kneppelhout (1) cite une observation d'ulcération carcinomateuse du cardia et de l'œsophage, qui avait perforé ce conduit, et le faisait communiquer, par une ouverture qui donnait issue au pus, avec un abcès formé dans le parenchyme du foie.

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Enfin une observation rapportée par le D2 Anssant (2) dans sa dissertation inaugurale, démontre que la mort pourrait être produite par la lésion de la moelle épinière. A l'autopsie d'un individu mort d'un squirrhe ulcéré de la partie inférieure de l'œsophage, ce médecin trouva les vertèbres dorsales placées derrière la partie squirrheuse, ramollies et dans un état voisin de la dissolution; le scalpel y pénétrait avec la plus grande facilité. Les ligamens intervertébraux étaient dans un commencement de putrilage.

(1) Loc. cit., p. 19.

(2) Dissertation inaug sur les squirrhes de l'estomac. Paris, an X, p. 12.

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Pemphigus ou éruption vésiculaire de toute la surface du corps, à recrudescences nombreuses et successives ; complication de grossesse, d'anasarque, d'anasarque, d'hydromètre extra-membraneuse et d'accouchement prématuré; état chronique; guérison au cinquième mois. Observation par M. RENNES, D. M. P.

Le pemphigas est une éruption vésiculaire d'un caractère particulier, en général peu connue et incomplè tement décrite dans les traités des nosologistes. Classée par les uns au nombre des fièvres éruptives, décrite par les autres comme une simple phlegmasie de la peau, oubliée par un grand nombre, cette affection a été comprise avec le zona sous le nom commun de dartres phlycténoïdes, dans le grand ouvrage de M. Alibert. Ecoutons un instant MM. Stanislas Gilibert et Monfalcon, auteurs d'un très-bon article inséré au 40° volume du Dictionnaire des Sciences Médicales: «Le pemphigus a été jusqu'à présent peu observé; il est peu connu ou, ce qui est pire, mal connu..... Les faits particuliers ne sont pas en assez grand nombre, et la plupart, tronqués ou mal décrits, n'offrent que le nom de la maladie et sont loin d'avoir tous le même degré d'authenticité. Dans cet état de choses, qui n'a que fort peu changé depuis, l'observation suivante, remarquable par la marche et les complications de la maladie, mérite bien d'être publiée, puisqu'elle peut servir à compléter l'histoire du pemphigus, en fesant mieux connaître une des formes les plus rares de cette affection. Malgré les détails que comporterait cette observation, recueillie jour par jour et en quelque sorte heure par heure, j'écarterai à dessin les descriptions minutieuses et les circonstances

accessoires, pour me borner à retracer l'ensemble des faits et l'aspect plus spécial de la maladie.

Mme. Alexandre, de petite stature, d'une constitution assez forte, d'un tempérament lymphatique et nerveux, jouissant habituellement d'une bonne santé, âgée de vingt-deux ans, mariée à dix-huit, fut atteinte peu de temps après son mariage d'une fièvre grave, suivie d'hydropisie. Le rétablissement fut long, mais complet : Mme A. devint bientôt enceinte, et sa grossesse, exempte d'accident, fut terminée par un heureux accouchement. Trois ans après, une seconde grossesse se déclare; les commencemens ne présentent rien de remarquable, si ce n'est un érysipèle de la face survenu au troisième mois et promptement dissipé par de simples résolutifs. Cette fois, comme la première, Mme A. ne se sentant nullement incommodée par le sang, ne juge pas à propos de se faire pratiquer une saignée, qu'elle redoute comme opération et qui ne lui parait pas indispensable comme moyen de traitement. Arrivée au septième mois, elle est fort volumineuse, mais conserve néanmoins assez d'activité pour ne pas discontinuer ses promenades et ses courses journalières; et, quoique atteinte d'un rhume léger, elle ne craint pas de se baigner et de s'exposer ensuite dans les rues au froid et à l'humidité. On est alors dans les premiers jours du mois de mars 1832 et les vives chaleurs qui doivent signaler le printemps et l'été de cette année sont loin de se manifester: le temps est au contraire beaucoup plus froid qu'il ne l'est d'ordinaire, à cette époque, dans le midi de la France. Sur ces entrefaites et presqu'aussitôt le rhume dissipé, des boutons arrondis, du volume d'un grain de millet à celui d'une lentille, accompagnés de chaleur et de démangeaison, apparaissent en assez grand nombre, entre les doigts, à la face dorsale et à la paume des mains; ils augmentent de

1

jour en jour et inquiètent beaucoup la malade qui craint d'avoir contracté la gale. A peine rassurée sur cette crainte, Mme Alexandre, quoique mise de bonne heure à l'usage d'une boisson rafraichissante, voit cette éruption s'étendre sur les bras et gagner en même temps la plante et le dessus des pieds. Les boutons conservent la même forme, deviennent blancs au sommet, rouges à la base et sont circonscrits par une aréole de même couleur; ils s'accompagnent de boursoufflement, de tension, de chaleur, de démangeaison des parties qui en sont le siége; ils empêchent la malade de se servir de ses mains, et de se tenir debout; ils provoquent de l'agitation, des insomnies et un peu de fièvre le soir. Quinze jours se sont écoulés depuis l'apparition des premiers symptômes de l'éruption.

Du 18 au 20, augmentation dans le nombre, l'étendue et les dimensions des boutons; les plus gros se remplissent d'une eau rousse qui s'écoule lorsqu'on les ouvre et se reproduit incessamment; les bras en sont couverts; les caractères du pemphigus sont faciles à constater. La malade réclame du soulagement avec instance. On prescrit des onctions avec l'huile et l'opium, des cataplasmes émolliens laudanisés, une diète assez sévère et des boissons abondantes. Toute cette dernière partie de la prescription n'est exécutée que très-imparfaitement, et seulement à force de prières et d'insistance. Il n'y a que peu ou point de fièvre, pas de soif, pas d'anorexic, et le goût bien prononcé de cette jeune dame pour les viandes salées et les épices dont elle a fait un trop fréquent usage dans l'état de santé, se dessine encore dans la maladie.

Le 21 mars, éruption de nouvelles ampoules aux bras et aux jambes. Le 22, il en sort au dos, à la poitrine et au col, avec accroissement des picotemens, de la chaleur, de l'agitation et de l'insomnie. Bientôt toute la surface du corps en est couverte. L'éruption apparaît dès lors par

plaques rouges, bientôt après surmontées de vésicules irrégulières, diaphanes, d'un blanc jaunâtre, plus ou moins larges, plus ou moins saillantes, dont quelquesunes ne présentent pas moins de trois à quatre lignes de diamètre, répandues inégalement sur les diverses parties, plus petites et plus nombreuses sur les membres et aux extrémités de ceux-ci que sur le tronc. Le 23 et le 24, une nouvelle éruption a lieu plus particulièrement sur le ventre, sur les parties génitales et sur les cuisses, où se forment des bulles plus larges que les autres, bientôt rompues par le frottement et donnant issue à une abondante sérosité. Partout où l'éruption se manifeste, il y a gonflement, tension et prurît insupportable. Ces symptômes deviennent surtout incommodes au bas-ventre et aux grandes lèvres qui s'infiltrent et acquièrent un tel volume que Me A. qui jusqu'alors était restée levée dans la journée, est forcée de se tenir étendue sur le dos dans son lit, les jambes pliées et écartées, et qu'elle a peine à rendre ses urines.

En même temps que les phlyctènes des mains et des pieds, résultat des premières éruptions, s'affaissent et disparaissent en partie par une dessiccation lente et inégale, celles des cuisses et des grandes lèvres, plus larges et plus volumineuses, s'ouvrent d'elles-mêmes et laissent échapper beaucoup de sérosité. Toutefois, la quantité du liquide versé au dehors augmente tellement, la malade mouille une si grande quantité de linges, que cet épanchement d'eau, sujet de crainte pour les parens, provoque un examen plus attentif de la part de la malade, qui reconnaît en effet que la plus grande partie du liquide provient de l'intérieur du vagin. Plus de trente serviettes sont abreuvées, pendant trois jours environ que dure cet écoulement, d'une sérosité claire, citrine, odorante, légèrement mêlée de sang dans les premiers momens. Il est remarquable

que la perte du liquide augmente lorsque la malade se promène ou bien se tient debout. Cet état en impose d'abord pour la rupture de la poche des eaux et fait craindre un accouchement prématuré et la mort de l'enfant que la mère ne sent plus renuer depuis bien des jours. La suite a fait connaître que la source du liquide n'était autre qu'une accumulation de sérosité entre la poche des eaux et la matrice, ou une hydropisie de l'utérus que l'on connaît, en raison de son siége, sous le nom d'hydromètre extramembraneuse.

Le 26, l'écoulement par le vagin cesse d'avoir lieu. Les reins, les hanches, les cuisses, les pieds et les jambes augmentent rapidement de volume par l'infiltration du tissu 'cellulaire sous-cutané de ces parties. De nouvelles plaques bulleuses se montrent aux mains, aux bras et aux jambes, avec un redoublement de tension, de chaleur, de cuisson, d'agitation et d'insomnie. Du reste, pas de dérangement de la respiration, peu ou point de fièvre, point de nausées, point de dégoût des alimens; le désir de prendre commande si impérieusement qu'on ne peut s'empêcher de manger même avec excès; la soif est si peu vive qu'il est difficile de faire boire la malade; le ventre est resserré et les urines sont copieuses. On prescrit du bouillon d'herbes pendant trois jours et immédiatement après une eau de chiendent nitrée. C'est peutêtre ici le lieu de dire que Mme A. dont le régime a continué d'être peu exact, dissimule souvent ce qu'elle éprouve dans la crainte de la diète et des médicamens; qu'elle redoute surtout les émissions sanguines; que la frayeur qu'elle en a l'agite et lui ôte le sommeil, aussitôt qu'il est question de les employer; que cette frayeur lui a fait verser des larmes amères pendant des journées et des nuits entières; qu'un excès de pudeur lui a fait cacher pendant près de quarante-huit heures l'existence de l'écoulement vaginal; que le toucher n'a pu être pra

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tiqué, même par une sage-femme et enfin que dans toutes ses maladies, quelques légères qu'elles fussent, cette jeune femme s'est toujours montrée fort disposée à la leucophlegmatie générale ou partielle.

Jusqu'au 29 ou au 30, l'infiltration s'est bornée à la moitié inférieure du corps, et la face a été préservée de toute éruption : les oreilles seules ont été marquées plusieurs fois par une rougeur plus vive que de coutume. Le 30, à la suite d'une nouvelle crise, les mains et les bras sont envahis par la sérosité; la face présente, en arrière de la joue droite, une plaque rouge, large comme une pièce de six francs, parsemée de boutons miliaires de même couleur. Le corps tout entier est couvert de vésicules, les unes pleines, les autres vides. Les plus anciennes sont flétries, desséchées, couvertes de croûtes. D'autres plus récentes sont déchirées, ridées ou transformées en plaies, dont le fond est tantôt rouge, tantôt noirâtre, comme dans celles qui sont produites par une brûlure. Les moins anciennes sont encore vives et entourées d'un cercle érysipélateux. Celles des mains et des pieds sont restées les plus petites, se dessèchent plus complètement et conservent l'apparence de boutons durs, opaques, semblables à ceux de la varicelle dans la période de dessiccation. Celles des bras et de la poitrine restent plus longtemps humides, disparaissent plus difficilement et sont remplies d'un liquide, d'autant plus rapproché de la nature du pus qu'on s'éloigne davantage du commencement de la maladie. Là où les pustules sont le plus effacées, la peau reste rugueuse et comme parcheminée. Ces diverses nuances, plus particulières à telle ou telle région, se montrent, un peu partout, mêlées et confondues : les nouvelles phlyctènes sont superposées aux anciennes. Le tout présente un aspect assez semblable à celui de la variole confluente; et, de même que dans cette maladie, la

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suppuration répand une odeur pénétrante, sui generis, plutôt fade que fétide, qui, réunie à celle du cérat dont ces plaies sont recouvertes, devient fort incommode aux assistans. En même temps, la soif augmente; la langue est rouge et sèche, le pouls petit, vif, accéléré; les urines sont plus rares, toujours claires; les boissons nitrées et les pilules diurétiques n'ont aucune action sensible sur la marche de l'hydropisie. Le 31, il ne s'échappe que de temps à autre peu de sérosité par le vagin; mais le volume des jambes est excessif; celui des bras devient des plus considérable; le gonflement du ventre produit l'essoufflement, la gêne de la respiration et le trouble des digestions, quoique l'appétit se maintienne et qu'il y ait très-peu de fièvre. Application de quatre petits vésicatoires aux jambes ; écoulement abondant et contina de sérosité par les phlyctènes on en applique deux autres trois jours après et ces six ampoules réunies amènent un dégorgement gradue] des extrémités, lequel s'entretient par les plaies qui suc

cèdent.

Du 1er au 4 avril, l'irritation gastrique, entretenue par les erreurs du régime, par l'abus des acides et peut-être aussi par l'effet des remèdes, a semblé faire des progrès : la langue est plus rouge et plus sèche; des bouffées de chaleur montent de l'estomac à la face et se propagent par des fourmillemens douloureux aux extrémités des membres supérieurs. Plusieurs fois dans la journée la malade éprouve des agitations nerveuses qui se manifestent principalement par des démangeaisons et des douleurs lancinantes à la paume des mains. Elle les frotte l'une contre l'autre avec une sorte de fureur: peu après de nouveaux boutons s'y développent et déterminent de nouvelles ardeurs. Les vésicatoires des jambes sont convertis en plaies vives; l'hydropisie diminue dans ces parties. Mme A. abandonne l'usage du nitre pour se mettre à celui du lait et du petit

le

1

lait; on obtient enfin que toute autre nourriture bouillon soit supprimée.

7,

La nuit du 5 au 6, à la suite d'une agitation extrême et d'une fièvre assez vive, les bras, la poitrine et le col se couvrent de nouvelles pustules. La malade vaincue par la souffrance se soumet à l'application d'une dixaine de sangsues à l'anus. Cette médication est suivie d'un soulagement marqué pendant quarante-huit heures. La nuit du à la suite du pansement des plaies des jambes, vives douleurs, agitation nerveuse, tremblement général; pais chaleur vive et éruption de vésicules nombreuses sur un fond érythémateux aux bras, à la poitrine et au col. Le 8, même phénomène après le pansement du soir: état nerveux, chaleur vive, suivie de sueur et d'éruption bulleuse sur le thorax et l'abdomen (pansement des plaies avec le cérat opiacé; polion calmante). Le 9 et le 10, un peu plus de calme; sueurs fatigantes pendant la nuit: la malade ne peut rester en place dans son lit; une inquiétude vague, une démangeaison générale la tiennent dans un état continuel d'agitation. Le 11, les mains et les avant-bras commencent à se nettoyer. La journée du 12 et celle du 13 sont marquées par de la fièvre et de l'assoupissement.

Une seconde application de sangsues à l'anus a été refusée opiniâtrement; la saignée du bras, à laquelle Mme A. répugne également, est devenue impraticable à cause de l'infiltration des tégumens et de l'abondance des pustules au pli du bras. Le 13, au soir, nouvelle éruption aux cuisses. Le 14, à deux heures du matin, l'anasarque étant en grande partie dissipée, M.me A. accouche, en un quart d'heure et presque sans douleurs, d'un enfant de huit mois environ, faible, pâle, évidemment souffrant, mais cependant viable. Depuis un mois la mère ne sentait presque pas remuer. A sept heures du matin je la vois, elle est calme, point fatiguée et reprend courage, con

que

i

te

fiante dans la promesse qu'on lui fait que l'accouchement doit mettre un terme à sa maladie. Le 15 et le 6 un peu de fièvre; le 16, fièvre plus forte; le lait remonte et l'en1 fant prend le sein. Le 18, la mère, atteinte de nouveau d'une abondante éruption de vésicules semi-purulentes sur les seins et la poitrine, renonce à allaiter. Le 19, pouls est plein, vif et fréquent; la langue est sèche, les dents sont luisantes, l'épigastre est douloureux. Douze sangsues appliquées sur cette région fournissent un sang clair et mêlé de sérosité; les seins s'affaissent, la fièvre tombe, et les lochies prennent librement leur cours. Dès cette époque l'enflure est en grande partie dissipée; elle ne tarde même pas à disparaître complètement, excepté aux pieds et aux jambes qui restent engorgés et parsemés d'ulcères atoniques longs à guérir. Le 21, nouvelle éruption sur les membres supérieurs et nouvelle fièvre; formation d'un abcès sous l'aisselle; disparition des lochies à la suite d'une diarrhée passagère. Le 23, l'abcès s'ouvre de lui-même, la diarrhée cesse, et les lochies se rétablissent sous l'influence des applications chaudes et émollientes sur l'abdomen. L'enfant, confié à une nourrice jeune et saine, ne prend que difficilement le sein et meurt le dixième jour après sa naissance, atteint d'un endurcissement du tissu cellulaire qui a envahi tout le bras gauche et le côté correspondant de la poitrine.

Cet événement agit vivement sur le moral de la mère; il détermine de l'agitation, de la fièvre, et bientôt après une vingtième éruption de phlyctènes sur la poitrine et sur les bras. Depuis l'accouchement comme avant, la malade a toujours besoin d'être retenue dans l'usage des alimens aussi, bien que les principaux symptômes de la gastrite soient amendés, la langue reste sèche au centre et rouge cerise à un demi-pouce de son extrémité. L'infiltration a disparu entièrement sous l'influence d'urines abondantes.

La malade, contrariée dans ses goûts et ses appétits, fatiguée par un si grand nombre d'éruptions successives, tourmentée par un malaise nerveux, de l'agitation, une inquiétude vague et une insomnie habituelle, désespérée de ne pas guérir, se décourage et s'affaiblit de plus en plus; elle passe des nuits entières dans les larmes et refuse toute espèce de remède. Cependant une nouvelle éruption survenue à la suite d'une crise plus violente, dans la soirée du 2 mai, et pendant l'explosion d'un orage, détermine M.me A. à se laisser pratiquer une saignée de sept onces le lendemain matin. Le sang, tiré de la veine du bras, est très noir, assez épais et se couvre d'une légère couenne grisâtre. Toutefois, le jour même et le lendemain, d'autres pustules isolées se prononcent en diverses parties de la surface du corps, et les premières se remplissent davantage. La face elle-même en est atteinte à son tour; de sorte que cette fois encore la malade ne paraît retirer d'abord que peu de soulagement de l'émission sanguine qu'elle avait si fortement repoussée.

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Depuis le mai M.me A., s'étant plaint d'éprouver une douleur dans la poitrine, a abandonné le petit-lait pour le lait d'ânesse. Le 6, l'estomac est déjà mieux; la langue n'est presque plus rouge; sa surface est humectée. La malade est sans fièvre, mais les pustules couvrent encore toute l'étendue de la peau; les croûtes qui se forment sont lentes à tombur; les ulcères des jambes sent blafards, grisâtres, fort sensibles; les chevilles et les pieds restent encore un peu engorgés. Il faut dire qu'à l'exception des jours qui ont suivi l'accouchement, M.me A. est restée presque constamment levée. Le 7 mai, d'après l'avis d'un second médecin appelé en consultation, on renonce à l'emploi du lait d'ânesse, pour reprendre le petit-lait avec addition d'acétate de potasse; on insiste sur un régime humectant entièrement composé de végétaux, et l'on

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prescrit des bains de jambes dans l'eau de son et de pavots, pour nettoyer les ulcères; après quoi on panse avec des emplâtres de diachylon afin d'empêcher la formation de nouvelles croûtes.

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Le 16, tout fait espérer la cessation prochaine des accidens, quand la malade éprouve encore une éruption, sur la poitrine et sur les bras, de boutons blancs, opaques, peu larges, peu élevés, remplis dès leur apparition d'une espèce de pus concret, lesquels se dessèchent sans que l'épiderme soit entamé. Cette éruption, quoique ae compagnée, comme les précédentes, d'agitation et même de fièvre, est cependant moins vive, moins douloureuse, moins aiguë en quelque sorte; elle dure peu et laisse la malade assez libre pour se promener dans les nombreuses chambres qui composent son appartement. Le 23, les ulcères des jambes étant presque cicatrisés, M.TMe A. profite du beau temps pour faire une promenade en voiture. Le 24 bain entier; presque tous les boutons sont desséchés; la peau est couverte de squames plus ou moins humides; l'épiderme se détache par lambeaux. Ce premier bain a semblé ranimer les pustules; les suivans n'ont pas le même effet. La malade continue d'en prendre un tous les jours, et va presque tous les soirs se promener en calèche. A mesure que l'état des voies digestives s'améliore, l'appétit diminue, et la malade met plus d'exactitude dans son régime. Le petit-lait est continué; l'amélioration fait des progrès. Le 15 juin, les pustules sont affaissées ou disparues; la peau est couverte de taches d'un rouge obscur, cicatrices des anciens ulcères, et l'on n'observe plus que de temps à autre de petites éruptions partielles de petits boutons blancs, solitaires, qui ne durent pas.

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Le 1er juillet, deux mois et demi après l'accouchement, quatre mois environ après l'apparition des premiers bou

fons du pemphigus aux mains et aux pieds, M.me A. peut se promener à pied; les forces se rétablissent lentement; les menstrues n'ont pas encore reparu: je conseille l'em ploi des eaux de Bagnères de Luchon. Le 8, à la veille de se mettre en route, les règles se montrent faiblement. Départ le 10; à la seconde journée, légère apparition de boutons aqueux aux bras et aux mains: celle-là est la dernière. Après quelques bains, M.me A. recouvre promptement la confiance et la gaieté qu'elle avait perdues depuis long-temps; ses forces se rétablissent; elle se livre dans les montagnes à l'exercice de la marche et à celui du cheval qui lui était familier; et revient des eaux, le 25 août, dans l'état de santé le plus satisfaisant.

Il n'est pas indifférent d'ajouter que cette malade, en contact journalier avec plusieurs personnes qui la soignaient, mais particulièrement avec sa femme de chambre qui ne la quitta pas un instant pendant cette longue maladie, n'a communiqué son mal à aucune des personnes qui l'approchaient.

Cette observation n'apprend rien sur le traitement qui convient le mieux dans le pemphigus, et sur l'opportunité si controversée par les auteurs, des émissions sanguines dans cette maladie. Mais il me semble que les antécédens, la nature et l'opiniâtreté de la cause, la répétition des éruptions et la marche des phénomènes, manifestent une grande analogie entre le pemphigus et l'érysipèle; analogie qui deviendra plus frappante, si l'on veut bien rapprocher l'histoire de cette maladie des observations d'érysipele ambulant étendu à toute la surface du corps, que je publiai dans ce Journal, numéro de décembre 1830.

Parmi les complications nombreuses de la maladie principale, je me bornerai à signaler comme devant plus spécialement fixer l'attention du lecteur, l'hydromètre

extra-membraneuse ou hydropisie de la cavité intermé– diaire à la surface interne de l'utérus et à la surface externe de la poche des eaux; hydropisie qu'il est fort rare de rencontrer d'une manière aussi évidente, et que tous les auteurs s'accordent à regarder comme étant beaucoup beaucoup moins commune que l'hydromètre intra-membraneuse. Cette affection, comme on l'a vu, pourrait devenir l'objet de sérieuses méprises, et je dois confesser qu'elle m'eût donné, à moi-même, de graves inquiétudes pour la mère et pour l'enfant, si je n'avais eu occasion, quelques jours avant, de voir un phénomène semblable, mais moins prononcé, se manifester au huitième mois de la grossesse, chez une femme qui accoucha heureusement à son térme d'un enfant fort et bien portant. Il suffit d'être prévenu pour se tenir en garde contre une erreur de diagnostic qui pourrait devenir préjudiciable à la femme et porter atteinte à la réputation du médecin.

L'endurcissement du tissu cellulaire par suite duquel l'enfant a succombé, aurait-il quelques connexions avec l'affection de la mère? C'est une question à laquelle il serait difficile de répondre dans l'état actuel de la science, sur l'une et l'autre maladies.

Observation de tumeur abdominale suppurée et évacuée par la cautérisation des parois du bas-ventre; présomption de grossesse extra-utérine; par M. PIGEAUX, D. M.

M.me R...., marchande de farine à la halle, âgée de 30 ans, jouissant d'une santé habituellement bonne, d'ordinaire bien réglée, n'a jamais eu d'enfant; pour tout antécédent morbide elle m'a rappelé l'observation fort rare d'un cancer de l'ombilic, dont M. Jules Cloquet.

"

l'opéra avec un plein succès, il y a six ou sept ans, Saint-Côme; il n'y a pas eu de récidive. Vers le milieu du mois de décembre 1831, après une nuit où son mari l'approcha plusieurs fois, elle eut une altercation assez vive. Au milieu de la journée, un sentiment de douleur sourde se fit sentir dans le bas-ventre, vers la fosse iliaque droite. D'abord elle n'attira que médiocrement son attention. Mais quelques jours après, à la suite d'une course assez longue, la douleur se renouvella et se fit sentir avec intensité. Vers les approches de la nuit, bien qu'elle ne fût pas à l'époque de ses règles arrêtées seulement depuis quelques jours, une perte de sang assez considérable la força de garder le lit. Arrêtée spontanément, son hémorrhagie utérine reparut la semaine suivante. Cependant la douleur de la fosse iliaque allait toujours croissant, et s'accompagnait de pesanteur dans le petit bassin. Un peu de fièvre et d'inappétence vint s'ajouter aux autres symptômes. Quelque temps après le retour de l'époque menstruelle, l'hémorrhagie se renouvella, mais sous une forme nouvelle. Ce furent des caillots d'un sang noir qui sortirent en assez grande abondance. Un médecin des environs fut mandé; la douleur mal limitée dans le petit bassin, l'hémorrhagie, la chaleur, et, dit-il, le gonflement du col de l'utérus, lui firent croire à l'existence d'une métrite aiguë. Des sangsues furent posées à plusieurs reprises vers l'aine droite ; des cataplasmes, des bains généraux, des bains de siège, des injections émollientes, furent sans succès mis en usage pendant environ quinze jours. Vers cette époque il me fut donné de revoir la malade, ce que j'avais cessé de faire depuis quelque temps. En examinant attentivement la fosse iliaque, après une forte dépression des tégumens, je pus sentir une tumeur mal circonscrite dans cette région; elle me parut peu mobile; la percussion me

fit reconnaître qu'elle était au moins pleine de liquide. D'après l'étendue du son qu'elle rendait par la percussion, elle ne paraissait pas avoir, au moins dans sa partie accessible au toucher, plus d'un pouce de diamètre. En relevant l'utérus par le vagin, on lui imprimait un mouvement en masse peu apparent. La malade resta confiée aux soins de son médecin, deux mois encore; pendant ce temps je ne la voyais qu'accidentellement. Après avoir épuisé toutes les batteries du système antiphlogistique sans avoir pu arrêter les progrès de la tumeur qui bientôt devint saillante sous la peau de la région iliaque, M. Mercier jugea convenable d'administrer un traitement antisyphilitique, il y joignit des emplâtres de Vigo. Enfin pour dernier essai il fit frictionner le dessus de la fosse iliaque avec une pommade stibiée qui, à plusieurs reprises, provoqua une éruption pustuleuse assez abondante. Dans cet intervalle, la malade eut deux pertes de sang assez considérables. La première fois le sang ayant été conservé, j'y distinguai très-facilement les débris d'une fausse membrane analogue, sinon identique, à la caduque. La seconde hémorrhagie eut lieu en ma présence; elle fut précédée de la sortie de plusieurs onces de sérosité trouble. Une fausse membrane fut encore expulsée, son analogie avec la caduque fut encore mieux constatée. L'insuffisance des moyens opposés à une prétendue tumeur phlegmoneuse, la régularité et la lenteur de son développement, la fréquence des hémorrhagies, divers rapprochemens tirés des circonstances qui avaient précédé la maladie, les rapports qu'ils avaient avec certains de grossesse extra-utérine, la sortie de deux fausses membranes, me firent penser qu'on pourrait bien avoir à faire à une maladie de ce genre. La tumeur se sentait à quelques travers de doigts de l'ombilic; l'utérus ne paraissait plus le siège de congestion sanguine; son col était

cas

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 531-560
« Reply #18 on: September 27, 2022, 08:40:33 PM »

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parfaitement sain et à sa place normale; les mamelles étaient toujours aussi peu développées que de coutume. Nous attendions toujours l'époque où d'autres signes pourraient nous éclairer sur l'existence d'un fœtus ou de quelque produit morbide. Environ quatre mois s'étaient écoulés depuis le début de la maladie; la santé de M.me R. était encore assez bonne, à l'incommodité près que lui occasionnait la tumeur qu'elle portait dans le bas-ventre. De concert avec M. Mercier, nous resolûmes d'appeler M. Velpeau en consultation. Le résultat fut que des présomptions pouvaient exister en faveur d'une grossesse extra-utérine, mais qu'aucune certitude sur la nature réelle de la tumeur ne pouvait être acquise. Vers le cinquième mois de la maladie des douleurs assez vives se firent sentir dans les environs de la, tumeur; la santé de la malade en fut fortement ébranlée; la fièvre s'alluma ; une saignée du bras calma les accidens qui se renouvellèrent quelque temps après. Une diarrhée abondante et des vomissemens cholériformes vinrent aggraver la position de la malade. Quelques doses d'ipécacuanha, quelques lavemens de sulfate de soude, détruisirent en peu de jours cette fâcheuse complication.

Mme R....... maigrissait à vue d'œil; l'anorexie n'était cependant pas complète, mais une soif ardente et des sueurs abondantes vinrent affaiblir la malade. Depuis qninze jonrs la tumeur avait cessé de s'élever et de s'accroitre; elle sembla au contraire redescendre dans la fosse iliaque droite; les tégumens furent fortement portés en avant. Une douleur, d'abord pulsative puis lancinante, se fit sentir dans cette région, la peau rougit et parut s'amincir. Les forces de Mme R...... diminuaient avec une rapidité effrayante il me parut urgent d'agir. La tumeur quelle que fût sa nature tendait évidemment à se faire jour à travers les parois abdominales; je résolus d'abré

:

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ger le travail de perforation qui me semblait commencé. La potasse caustique fut le moyen dont je fis élection pour arriver à ce but ; le bistouri, plus expéditif, il est vrai, me faisait craindre un épanchement abdominal, si les adhérences entre la tumeur et les parois du ventre n'étaient pas complètes, ou si l'incision en dépassait les limites. M. Lisfranc, qui voulut bien alors m'éclairer de ses conseils, approuva l'opération et le mode que j'avais adopté pour le mettre à exécution.

Cinq cautérisations successives à deux jours de distance me suffirent à peine pour arriver au muscle transverse qui nous séparait encore de la tumeur. Sur ces entrefaites les environs de l'ombilic devinrent très-douloureux, une péritonite d'abord locale et aiguë, puis générale et chronique, se déclara; en moins de huit jours tout l'abdomen fut rempli de pus jusqu'à deux pouces au dessous des fausses côtes. L'application de vingt-cinq sangsues mises de prime-abord avait calmé la douleur, mais elle ne put prévenir l'épanchement. Les parois abdominales furent portées fortement en avant ; la tumeur parut alors se retirer en arrière, cependant les accidens se calmèrent et je me remis à l'œuvre. Trois cautérisations mirent le péritoine à nu ainsi que la tumeur qui n'adhérait pas aux parois abdominales. Cependant un stylet fin et recourbé n'ayant pu leur être interposé, je repris courage; un demi grain de nitrate d'argent dont l'action est toute locale, fut placée au fond de la plaie; deux jours après, l'adhérence était complète. J'attaquai la tumeur avec mon premier caustique; lorsque j'enlevai l'escharre, une hémorrhagie peu considérable mais continue m'inspira d'abord quelque crainte. Un fragment de nitrate d'argent porté au fond de la plaie l'arrêta fort heureusement. Je résolus de continuer la cautérisation avec le nitrate d'argent; un trou de deux ou trois lignes de profondeur fut à peine le résultat de l'appli

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calion successive de huit grains de ce sel. L'hémorrhagie se renouvella encore deux fois; une entre autres elle fut accompagnée de gonflement des parties environnantes de la tumeur; je crus un instant avoir donné lieu à une hémorrhagie interne. Deux grains de nitrate d'argent arrêtèrent encore l'écoulement du sang. Enfin j'étais arrivé à perforer la tumeur qui laissa d'abord suinter une légère sérosité roussâtre, lorsque le rectum, qui depuis longtemps était comprimé et fesait ressentir des épreintes, devint le siége de violens élancemens; les selles furent presque entièrement supprimées, la fièvre devint de plus en plus violente; on touchait cependant à une crise que nous tâchâmes de conjurer en soutenant les forces de la malade par des bouillons et du vin pris en petite quantité qui furent toujours bien tolérés. Enfin, au septième mois de sa maladie, le rectum se perfora. Une livre environ de puss'écoula à flots successifs dans l'espace de vingt-quatre heures. Le repos le plus absolu fut gardé dans cet intervalle, un bandage de corps mollement compressif fut maintenu autour de l'abdomen. La tumeur, qui avait été presque effacée par l'épanchement purulent, reparut alors et vint faire saillie au fond de la plaie des parois abdominales. Un stilet d'argent et mousse ayant été introduit et porté jusque dans la profondeur de la tumeur, on en vit surgir un pus roussâtre et fétide, d'abord peu abondant et mal lié, puis de plus en plus épais et quelquefois mêlé de sang. Une diarrhée violente se déclara; le passage du pus dans le rectum, un peu de résorption de matières purulentes en fut pour moi la cause présumée. Une once de vin de quinquina, des pilules de poudre de charbon de quatre grains (deux à six par jour) furent prescrites. La même alimentation fut continuée; un affaissement des forces porté jusqu'à la lipothymie durant quelquefois un quart-d'heure, vint renouveller mes craintes; le pouls était

à peine perceptible, mais il avait aussi diminué de frẻquence, le ventre cependant s'affaissait de jour en jour, le parties les plus déclives rendaient seules encore un son mat; la tumeur, au bout de huit jours, était déja réduite de plus d'un pouce dans son grand diamètre situé de haut en bas; elle commençait à quitter les environs de l'ombilic pour se reporter vers la fosse iliaque droite; on parvint enfin à en circonscrire la circonférence, à en apprécier la forme globuleuse. L'infiltration des tégumens, dont je n'ai pas encore parlé et qui date de l'invasion de la péritonite, diminua avant celle des extrémités inférieures qui avait été jusqu'à rompre l'épiderme. Les fusées puralentes qui de temps en temps sollicitaient les contractions du rectum devinrent moins fréquentes; bientôt les selles reprirent un peu de consistance; leur coloration par la matière noire du charbon permettait de distinguer l'existence du pus; l'absence de son mélange intime avec la matière fécale fesait présumer que la fistule intestinale n'était pas fort élevée dans de conduit digestif. Sur ces entrefaites de la toux se déclara, du râle muqueux à la base des deux poumons se fit entendre, la teinte jaune sale et cadavéreuse des tégumens s'accrut encore, la fièvre se ralluma, les glandes axillaires droites s'engorgèrent, mais tous ces symptômes alarmans se calmèrent lorsque le bras droit se tuméfia, ce qu'il fit avec une prodigieuse activité. Bientôt la main devint informe, l'articulation du coude disparut, de vives douleurs parcoururent le trajet des principaux troncs lymphatiques. La tuméfaction et la livi dité des tégumens devinrent telles que la gangrène me parutimminente. Pour la prévenir j'effleurai l'épiderme vers le coude et au poignet; près d'un litre de sérosité s'écoula par ces deux ouvertures sans amélioration notable. De larges cataplasmes de farine de lin furent mis autour du bras pendant six jours sans plus de succès. L'insomnie était

presque complète ainsi que l'anorexie; les symptômes abdominaux allaient cependant toujours en diminuant; la tumeur revenue sur elle-même était presque uniquement contenue dans la fosse iliaque; son pédicule seul plongeait encore dans l'excavation du bassin. Désespéré de l'imminence du danger que courrait le bras de la malade, je le fis recouvrir de cataplasmes de farine de lin et de lie de gros vin. Dès le surlendemain la tuméfaction commença à diminuer, et huit jours après à peine en restait-il de trace. Les articulations restèrent long-temps roides; les piqûres, toujours douloureuses, furent pansées avec de l'extrait de saturne et furent sous peu complètement cicatrisées. Dèslors l'ensemble de la maladie s'achemina vers une amélioration qui, bien que lente, marcha d'un pas à-peu près uniforme. Le pus cessa d'être perceptible dans les selles, qui, petit à petit, prirent de la consistance; l'appétit était revenu. Un sommeil réparateur vint concourir au succès de l'œuvre périlleuse que j'avais entreprise. La fistule de la fosse iliaque rendait cependant encore environ deux onces de pus par jour; la station assise dans le lit en augmentait surtout singulièrement l'écoulement; l'orifice extérieur diminuait de jour en jour; je craignis qu'il ne se fermât avant l'évacuation complète du pus contenu et sécrété par les parois de la tumeur ; j'y introduisis une mêche longue retenue par une ligature de fil dont les deux bouts étaient maintenus au-dehors. Tranquille de ce côté, mes soins fureat uniquement portés vers l'amélioration de l'état général de la malade.

Un symptôme des plus incommodes dont je me gardai bien de chercher à débarrasser la malade, fut un engourdissement quelquefois très-douloureux perçu dans tout le membre inférieur droit, et surtout dans le pied de ce côté. La compression opérée par la tumeur sur l'origine des nerfs de ce membre en était la seule cause; les stupéfians

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et les narcotiques sous toutes les formes y cussent perdu leur crédit. La diminution de volume de la tumeur vient d'y apporter un soulagement refusé à tout autre moyen.

Deux questions ressortent de cette observation et méritent d'être discutées avec bonne foi et impartialité; c'est ce que je vais tâcher de faire. 1.° Quelle est la nature de la tumeur; 2. les conditions dans lesquelles la tumeur et la malade se sont trouvées, légitiment-elles l'opération qui a été pratiquée et le mode d'opération qu'on a enployé ?

Au moment de la consultation de M. Velpeau, la question ne lui parut pas soluble; la terminaison lui fit croire que ce n'était qu'un abcès. Malgré cet avis, fort respectable à mon sens, je persiste à croire, au contraire, à l'existence d'une grossesse extra-utérine, et mes raisons à l'appui sont, 1.° l'altercation, et la douleur après le coït; 2. les deux hémorrhagies utérines; 3.° l'absence de toute influence des agens thérapeutiques qu'on mit en pratique pour faire avorter la prétendue métrite; 4.° la sortie de deux membranes analogues à la membrane eaduque, précédée de l'expulsion d'une certaine quantité de sérosité trouble; 5 le mode de développement de la tumear, d'abord insensible et apyrétique, et ensuite uniquement douloureuse par l'inflammation qui se développa dans les environs; 6. les hémorrhagies qu'on observa lorsqu'on attaqua les parois de la tumeur, circonstance bien plas propre à un kyste fœtal qu'à une tumeur puriforme. La solidité et la couleur sanguinolente du pus n'est pas da-. vantage contraire à l'opinion que je soutiens. La terminaison de la maladie clôt toute discussion relative à l'existence d'une tumeur cancéreuse. A l'hypothèse d'un kyste hydatique, j'opposerai les considérations précédentes; elles lui sont tout-à fait applicables, Enfin, la persistance de la tumeur abdominale six mois après l'entière

guérison, et la faiblesse de la jambe droite comprimée par le reste de la tumeur, ne seraient pas en opposition avec la présomption que j'ai placée en titre de cet article. Que si l'on demandait à quelle époque le fœtus a cessé de vivre, je croirais peu me tromper en indiquant la veille ou l'avant-veille du jour où la malade passa rapidement d'une santé satisfaisante à un état de maladie qui fit craindre pour ses jours, lorsque les environs de la tumeur s'endolorirent, vers le cinquième mois de la grossesse extra-utérine. Mais à cet âge, dira-t-on, le squelette du fœtus est assez formé pour donner au moins des traces de son existence dans le pus qui sortait par la plaie de la région iliaque. Je ferai remarquer que, placé en dehors de la cavité utérine, le fœtus végète le plus souvent; que la tumeur n'eut jamais plus de quatre pouces transversalement ; que dès-lors le foetus pouvait fort bien n'être pas plus développé qu'un fœtus de trois mois, et que la fonte purulente a bien pu en dissoudre le squelette en partie, comme la couleur et la rugosité du pus sons le doigt tendraient à le faire présumer; et qu'au reste la poche qui la contenait ne s'étant pas vidée complètement et restant encore dans le petit bassin où sa substance est encore sensible par la pression qu'elle exerce sur les plexus qui vont se distribuer à la jambe, il n'est pas impossible que les principaux ossemens ne se retrouvent à la mort de la malade, comme nous en avons déjà eù plusieurs exemples à la Société anatomique, et comme les fastes de l'art en possèdent de nombreuses observations.

MÉDECINE ÉTRANGÈRE.

Mémoire sur la maladie qui résulte du défaut d'action des valvules de l'aorte; par le docteur CORRIGAN, professeur de médecine théorique et pratique, etc. (1)

Cette maladie particulière, caractérisée par des symptômes qui lui sont propres, n'a jusqu'à présent été décrite dans aucun des traités publiés sur les maladies du cœur, quoiqu'elle ne soit pas très-rare. Elle consiste dans l'insuffisance d'action des valvules aortiques, d'où résulte le refoulement continuel d'une partie du sang dans le ventri. cule gauche, aussitôt que ce liquide a été lancé dans l'aorte et ses branches. Comme le reflux partiel du sang ne dépend point d'une altération spéciale de ces valvules, le docteur Corrigan ne désigne pas cette maladie autrement qu'en énonçant, comme on le voit, les conditions matérielles qui favorisent le retour de ce liquide, de l'aorte dans le ventricule. Ce mouvement rétrograde du sang peut avoir pour causes :

1. Une modification accidentelle dans la structure des valvules aortiques, par suite de laquelle leur tissu est transformé en un réseau percé d'une multitude d'ouvertures de grandeur variable, au travers desquelles une partie du sang doit nécessairement refluer dans le cœur: cette modification est probablement le résultat d'une absorption moléculaire.

2.o La rupture ou déchirure d'une ou de plusieurs valvules on conçoit que dès-lors ces replis membraneux ne

(1) The Edinburgh med. and surg. Journal. Avril 1832. univers. di Med. Août, 1832. (Extrait. O.)

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peuvent plus soutenir toute la colonne du liquide chassé dans l'aorte, et qu'une partie doit rentrer dans le ventricule en repoussant dans ce sens les débris de la valvule.

3. L'endurcissemcut et l'épaississement des replis valvulaires, leur adhérence contre les parois de l'aorte s'opposant à leur alongement, au rapprochement mutuel de leurs bords vers l'axe du vaisseau, il reste constamment entre elles un écartement qui laisse au sang un libre retour sur lui-même.

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4. Enfin, les valvules aortiques peuvent n'avoir subi aucune altération, être dans l'état normal; mais la dilatation de l'aorte à son insertion au ventricule, rend leur contact, leur rapprochement, tout-à-fait impossible. Cet élargissement du tronc artériel peut être produit par un anévrysine, ou résulter simplement d'une dilatation analogue à celle qu'il est si commun d'observer dans la courbure aortique, chez les sujets avancés en âge. Les val: vules n'ayant pas subi un alongement en rapport avec la dilatation du vaisseau, leurs fonctions se trouvent par cela même en grande partie anéanties, et le sang ne rencontre plus d'obstacle qui empêche son reflux dans le ventricule.

Les sigues diagnostiques de cette maladie sont les suivans: 1.° un mouvement de pulsation, d'ondulation, dans les artères de la tête et des membres supérieurs; 2.° un bruit de soufflet perceptible dans le trajet de l'aorte ascendante, des carotides et des sous-clavières; 3.° ce bruit de soufflet est accompagné d'un frémissement, d'une sorte de bouillonnement, sensible au toucher quand on applique les doigts sur les carotides et les sous-clavières; 4. le pouls est constamment plein. Quand on examine à nu un individu affecté de cette maladie, on est frappé de la pulsation singulière qui existe dans toutes les artères de la tête, du cou et des membres supérieurs; à chaque

diastole du cœur, on voit ces vaisseaux soulever la peau. Quelques explications physiologico-pathologiques mon treront que ces différens phénomènes sont produits par le défaut d'action des valvules sigmoïdes.

Dans l'état normal, à l'instant où le sang vient d'être chassé dans l'aorte par la contraction du ventricule, le poids de la colonne de ce liquide détermine le déploiement des valvules dont le rapprochement produit momentanément l'occlusion du vaisseau, et contribue ainsi à maintenir l'aorte et ses branches dans un état de dilatation permanente par le sang qui distend leurs parois; telle est la cause pour laquelle le calibre de ces vaisseaux est presque le même pendant la systole comme pendant la diastole du cœur. Mais il ne peut plus en être ainsi lorsque les valvules sigmoïdes ne ferment point l'embouchure de l'aorte. Après chaque contraction du ventricule, le sang refluant dans le cœur en quantité plus ou moins grande, suivant la largeur de l'ouverture qui lui livre passage, ce mouvement rétrograde s'effectue surtout dans l'aorte ascendante et dans ses branches; aussi remarque-t-on alors que ces vaisseaux perdent de leur résistance au toucher, et diminuent de volume après chaque contraction du cœur. Dans cet état, un nouveau flot de sang est lancé dans l'aorte et ses branches, et vient les distendre au moment où elles revenaient sur elles-mêmes: c'est à cette sorte d'oscillation, à ce flux et reflux du sang, qu'est due l'ondulation, la pulsation, qu'on observe dans les artères dont il s'agit.

Diverses circonstances démontrent, en effet, que ce phénomène est déterminé par la cause toute mécanique que nous signalons. En effet, il est plus apparent dans les artères de la tête et du cou, parce que leur direction y favorise le reflux du sang dans l'aorte, et conséquemment dans le ventricule. Dans la station, debout ou assise, cette

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pulsation est comparativement bien moins prononcée, et le plus souvent elle n'est pas visible dans les artères des membres inférieurs, quoique leur calibre soit plus large que celui des artères de la tête et du cou; dans ces dernières, la pulsation est plus prononcée dans la station verticale que dans l'horizontale. La remarque faite par un malade prouve encore la justesse de cette explication: quand il élevait ses bras perpendiculairement au-dessus de sa tête, il s'apercevait aussitôt que les mouvemens de pulsation des artères du bras et du poignet devenaient bien plus apparens. Cette situation favorisant le retour du sang dans l'aorte, il voyait manifestement ces vaisseaux s'affaisser, puis se distendre aussitôt après la contraction du ventricule. Le même effet s'observait dans les artères des membres inférieurs, selon que le malade tenait ses jambes pendantes, ou qu'il les maintenait élevées sur un plan oblique. Il paraît que l'action du cœur n'a presque aucune influence sur la production de cette singulière pulsation; car elle présente des variations dans sa force et sa durée, et le plus souvent elle n'est point apparente dans les artères des membres inférieurs.

On peut objecter que cette explication du phénomène que nous examinons, n'est pas toujours applicable aux membres supérieurs, attendu que, s'il se manifeste lorsque les bras sont croisés ou pendans le long du corps, il faudrait admettre que le sang remonte dans les vaisseaux contre son propre poids pour aller se déverser dans l'aorte. A cette objection, le docteur Corrigan répond: Tandis que le sang des artères sous-clavières reflue dans l'aorte et le ventricule, celui des artères brachiales est nécessairement entraîné en partie dans ce sens rétrograde, d'autant plus que par suite de l'élasticité de leurs parois, ces vaisseaux reviennent sur eux-mêmes consécutivement à la déplétion momentanée des artères sous-clavières. C'est donc sous

l'influence de cette double cause que les artères brachia les se vident en partie, et diminueut notablement de volume pendant la systole du cœur, comme les carotides et les sous-clavières. On conçoit dès-lors que le sang qui est immédiatement après lancé par le cœur, les distende de même que les sous-clavières, d'où résulte dans ces vaisseaux une pulsation visible. Mais les artères des membres inférieurs ne sont pas dans les mêmes conditions; ainsi, nous venons de dire, que pour celles des membres supérieurs, le reflux du sang y est favorisé par celui qui a licu dans les sous-clavières et l'aorte ascendante. Mais le poids de la colonne de ce liquide qui circule dans l'aorte des cendante, exerce incessamment une pression qui rend impossible un mouvement rétrograde du sang qui remplit ses principales divisions et ses branches; et lors même qu'on admettrait qu'il remonte dans la courbure aortique une petite quantité du sang de l'aorte descendante, la quantité en serait toujours trop peu considérable pour produire un effet sensible sur le liquide des embranchemens inféricurs; de sorte que celui des iliaques et des fémorales n'en éprouvant aucune influence, la pesanteur du sang qui distend ces vaisseaux suffit pour maintenir tous ceux qui sont au-dessous dans un état de réplétion continue. Si, au contraire, on vient à changer en quelque sorte les rapports de situation de cette partie de l'appareil circulatoire avec l'arc de l'aorte, de manière à favoriser le reflux du sang dans cette direction, aussitôt les pulsations des artères des membres inférieurs deviennent apparentes: c'est ce qu'on observe en faisant relever le bassin et les jambes du malade, comme il a été dit précédemment.

Le bruit de soufflet, qui est caractéristique dans cette maladie, est distinct dans la région de l'aorte ascendante, de sa courbure sous-steraale, et sur le trajet des carotides et des sous-clavières. L'application de l'oreille avec ou

sans le stéthoscope, le fait percevoir aisément au-dessus de la quatrième côte gauche, en suivant la direction de l'aorte: ce bruit augmente de force à mesure qu'on remonte davantage vers la partie supérieure du sternum, où il a le plus d'intensité; puis on le distingue à droite et à gauche dans la direction des carotides et des sous-clavières; dans ces vaisseaux, le bruit semble plus rauque que dans l'aorte. Il est isochrône aux pulsations de ces artères, à leur diastole. Ce bruit de soufflet est également prononcé, quel que soit l'état, sain ou morbide, de l'aorte et de ses branches. Le docteur Corrigan s'appuie d'une expérience ingénieuse pour démontrer que ce bruit est le résultat d'un effet tout mécanique produit par la modification apportée dans la circulation du sang. «Qu'on adapte, dit-il, une portion d'intestin grêle ou d'artère, à un tube dans lequel on entretiendra un courant d'eau assez rapide; si le jet du liquide est soutenu de manière à ce que la portion d'intestin ou d'artère soit constamment distendue, le passage de l'eau s'effectuera sans produire aucun bruit. Mais, au contraire, si l'on comprime un des points du tube de manière que la quantité du liquide qui arrive audelà de ce point ne soit plus suffisante pour maintenir le reste du tube distendu, alors dans toute cette portion incomplètement dilatée, en quelque sorte flasque, on entend un bruit de soufflet plus ou moins fort, suivant la rapidité et la force du courant qui la traverse; en outre, on sent manifestement au toucher un frémissement léger dû aux vibrations des parois de cette portion du tube, produites par le choc du liquide qu'elles renferment. On peut aussi imiter parfaitement les pulsations ou le mouvement d'on · dulation signalés plus haut, en diminuant puis en angmentant alternativement la force et la quantité de l'injection poussée dans ce tube. » Nous n'entrerons pas dans tous les détails de cette expérience, qui sont exposés fort au

long par M. le docteur Corrigan, et qu'il applique à ce qui se passe dans l'aorte et ses branches, lorsque les valvules sigmoïdes ne s'opposent plus à la rétrogradation d'une partie du sang dans le cœur.

Si l'intervalle que laissent entre elles les valvules est très-large, et conséquemment si la quantité de sang qui reflue dans le ventricule est considérable, on entend alors un double bruit dans l'aorte acendante; l'un accompagne la diastole des artères, l'autre se manifeste immédiatement après. En écoutant avec attention les deux sons qui produisent ce double bruit de soufflet, l'oreille distingue trèsbien que le premier résulte du flot de sang que le cœur chasse dans l'aorte, tandis que le second est cansé par le retour d'une partie du sang de l'aorte dans le cœur. Quand on n'a pas fait cette exploration, on a peine à concevoir toute la précision avec laquelle on distingue ainsi ces deux sortes de bruits. Un malade les entendait parfaitement sur lui-même, et la sensation qu'il éprouvait lui faisait attribuer avec exactitude chacun d'eux à sa véritable cause.

Historique et marche de la maladie. - Sar onze cas observés par le docteur Corrigan, il en a rencontré deux seulement chez les femmes, et chez elles le reflux du sang ne dépendait pas d'une altération des valvules sigmoïdes, mais de la dilatation avec amincissement des parois de l'aorte à son embouchure, dilatation qui rendait impossible le rapprochement des valvules. Il n'en a pas observé d'exemple chez les enfans. Le plus jeune des malades qu'il a vus avait vingt ans. A cet égard, cette maladie diffère notablement du rétrécissement de l'orifice auriculo-ventriculaire gauche, qu'il est assez commun d’observer chez les enfans jeunes et encore à la mamelle. Les causes de l'affection que nous étudions, sont généralement obscures; sur un des sujets observés par le docteur Corrigan, elle paraissait avoir succédé à une péricardite rhu

matismale; chez quelques autres, elle s'était développée à la suite de phlegmasies chroniques des organes thoraciques pour le plus grand nombre, on ne pouvait assigner aucune cause probable à son développement.

Les signes qui peuvent en révéler l'origine et les premiers progrès sont très-variés. Quelques malades se plaignaient d'une oppression et d'un resserrement de la poitrine, de palpitations du cœur sous l'influence de l'exercice le plus modéré, symptômes auxquels s'étaient joints, après un laps de temps plus ou moins long, des accès de toux, d'asthme, terminés par une expectoration abondante. Quelques malades ont à peine toussé pendant toute la durée de la maladie jusqu'à la mort. Cependant à mesure que le mal fait des progrès, l'anxiété et l'oppression augmentent, les quintes de toux deviennent plus fréquentes, le malade est menacé de suffocation, et souvent contraint de se lever de son lit la nuit pour aller respirer un air frais. Dans la dernière période, cette maladie est accompagnée d'un état de souffrance insupportable: les malades n'osent rester couchés un instant dans la crainte d'étouffer; la face, d'abord pâle, devient violacée comme dans le catarrhe suffoquant, les extrémités s'infiltrent, le sommeil est nul ou interrompu par des secousses inattendues, la face prend une expression de douleur et d'abattement; enfin, ils succombent dans un état d'affaiblissement extrême. Le pouls ne bat jamais moins de 80 fois. par minute, et varie entre ce nombre et 110 : il est toujours plein et vibrant jusqu'aux derniers momens du malade. A la longue, sous l'influence de cette maladie, les ramifications superficielles des carotides, des brachiales, radiales et cubitales, deviennent visibles sous la peau : elles sont plus volumineuses et tortueuses dans leur trajet.

Le frémissement des artères carotides et sous clavières est quelquefois, dans une certaine étendue, aussi facile

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à sentir, que le pouls à l'artère radiale. Dans tous les cas observés par le docteur Corrigan, le cœur était beaucoup augmenté de volume par suite de l'élargissement du ventricule gauche, dont la cavité et l'épaisseur des parois rappellaient par leurs dimensions celles du cœur du bœuf. Les autres parties du cœur, quoique développées en même temps d'une manière notable, étaient néanmoins trèsdifférentes de l'accroissement du ventricule gauche. Malgré cette hypertrophie considérable, l'impulsion du cœur est toujours moindre que dans l'état normal: chez quelques inalades on ne pouvait sentir aucuns battemens.

Cette maladie s'accompagne rarement d'hémoptysie, et après la mort on trouve généralement les poumons dans l'état sain, ce qui est dû à l'absence de toute altération de l'ouverture auriculo-ventriculaire gauche, et conséquemment au retour facile du sang des poumons dans le cœur. Aussi existe-t-il une grande différence entre les phénomènes qui précèdent et déterminent la mort, dans la maladie qui nous occupe, et dans celle qui résulte d'un rétrécissement de l'ouverture auricule-ventriculaire gauche; dans ce dernier cas, l'obsacle au retour du sang produit à la longue ou intantanément une affection pulmonaire mortelle, telle qu'une apoplexie pulmonaire, une pneumonic, ou un catarrhe suffocant, tandis que dans le uu premier cas le malade succombe par l'épuisement de ses ferces. L'inefficacité des valvules sigmoïdes obligeant le ventricule à des efforts de contraction extrêmes et continus, l'énergie musculaire de cet organe s'affaiblit graduellement, devient insuffisante pour soutenir et repousser la colonne de sang qui y afflue, s'éteint enfin, et avec elle la vic on trouve, en effet, la cavité ventriculaire énormément distendue par le sang. Les symptômes qu'on observe dans les derniers temps de l'existence des malades, sont aussi tout-à-fait en rapport avec les phénomènes que nous indiquons.

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La durée de cette maladie est très-variable. Le docteur Corrigan n'a vu aucun malade succomber avant deux ou trois ans de souffrances; chez quelques-uns, la vie s'est prolongée six à huit années sous l'influence du traitement employé. En général, la mort est d'autant plus rapide que le reflux du sang dans le cœur est plus considérable, et conséquemment que l'abolition des fonctions des valvules de l'aorte est plus complète.

Diagnostic. La maladie produite par l'insuffisance d'action des valvudes sigmoïdes peut être confondue avec le rétrécissement de l'orifice de l'aorte, avec l'altération des valvules auriculo-ventriculaires, avec l'anévrysme de la crosse de l'aorte ou de l'artère innominée, avec les palpitations nerveuses, avec l'asthme. Le seul symptôme qu'on retrouve à la fois dans le rétrécissement de l'orifice de l'aorte et dans la maladie qui nous occupe, c'est le bruit de soufflet; mais le mouvement de pulsation des artères n'existe que dans cette dernière. Le pouls est toujours petit, concentré dans la première; il est constamment plein et large dans la seconde. Dans le rétrécissement de l'orifice aortique, on remarque un contraste frappant entre la petitesse du pouls et la force et l'énergie des battemens du cœur; ici, le contraire a lieu, le pouls est fort et plein, tandis que les mouvemens du cœur sont à peine sensibles. Le bruit de soufflet qu'on entend lorsqu'il y a ́rétrécissement de l'ouverture auriculo-ventriculaire sera distingué de celui qui est produit par l'insuffisance d'action des valvules aortiques, aux caractères particuliers à ce dernier, et que nous avons exposés avec détail.

On peut confondre cet état morbide avec un anévrysme de la crosse de l'aorte ou de l'artère innominée; la méprise est surtout facile lorsque ces vaisseaux sont très-rapprochés de la base du sternum. On observe alors au bas du cou un battement très-prononcé, qui peut faire croire à l'exis

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tence d'un anévrysme d'un volume assez considérable. Chez un individu observé par le docteur Corrigan, il avait existé ainsi pendant plusieurs années un battement tellement fort dans le trajet de l'artère innominée, qu'on était resté convaincu qu'il résultait d'un anévrysme de cette artère. Mais à l'autopsie, on trouva simplement cette artère ainsi que les carotides et les sous-clavières, plus dilatées que dans l'état normal, accompagnant une dilatation considérable avec amincissement des parois de l'aorte à son embouchure, et conséquemment impossibilité de rapprochement des valvules aortiques. Le reflux du sang dans le cœur, et les pulsations qui en résultaient dans les branches de l'aorte ascendante, avaient ici, comme on le voit, causé une erreur de diagnostic qu'on ne reconnut qu'après la mort.

Le praticien qui sait apprécier toutes les conséquences de la maladie que nous étudions, d'après le fait que nous citons, ne se hâtera pas de prononcer qu'il existe un anévrysme de l'aorte ascendante ou de l'artère innominée, en voyant des battemens plus ou moins forts à la base du cou, puisqu'ils peuvent dépendre aussi du reflux du sang de l'aorte dans le cœur. D'ailleurs, s'il y a un anévrysme de l'un de ces vaisseaux, le mouvement de pulsation sera borné au siége de la maladie, et l'on n'en remarquera aucunement dans les autres branches artérielles du cou, comme cela a lieu, au contraire, quand l'action des valvules est détruite plus ou moins complètement.

Non seulement il importe pour le traitement, mais encore pour la tranquillité du malade, de ne pas oublier que ce défaut d'action des valvules peut simuler ainsi l'existence d'un anévrysme de l'aorte ou de l'artère innominée, par les battemens violens qui se manifestent à la partie inférieure du cou. Car, dans l'anévrysme de l'aorte, le malade est à chaque instant menacé de suc

comber, et malgré le peu d'espérance de guérison qu'on peut avoir, on l'oblige à s'abstenir de quelque travail que ce soit, afin de retarder au moins les progrès du mal; tandis que, quand la maladie consiste dans l'anéantissement des fonctions des valvules aortiques, la mort ne survient jamais subitement, et en observant quelques précautions, le malade peut continuer encore de vaquer à ses occupations habituelles pendant plusieurs années.

L'anévrysme de l'aorte peut exister avec le défaut d'action de ses valvules; nous avons vu en effet que la dilatation de ce vaisseau s'étend quelquefois jusqu'à son insertion au ventricule gauche, et l'élargissement de ses parois peut-être porté au point d'empêcher que les valvules sigmoïdes se rapprochent et se touchent, quand elles se déploient pour soutenir la colonne du sang lancé par le cœur. Tels furent les premiers cas observés par le docteur Corrigan, et cette double altération lui rendit d'abord le diagnostic plus obscur, en ce sens qu'il attribuait à la dilatation anévrysmatique de l'aorte les symptômes qui étaient produits par l'élargissement anormal de son embouchure, comme le bruit de soufflet dans le trajet des principales artères du cou, etc. Lors donc que ces symptômes manqueront en même temps qu'on rencontrera ceux de l'anévrysme de l'aorte, on devra penser que cette dernière maladie n'est pas accompagnée de la dilatation permanente de l'ouverture aortique.

Les palpitations causées par un trouble du système nerveux peuvent quelquefois produire dans les grosses artères qui avoisinent le cœur un mouvement d'ondulation trèsmarqué qu'on pourrait considérer comme le résultat d'une lésion des fonctions des valvules aortiques; chez les femmes en particulier on a vu ces palpitations durer par fois pendant des mois et des années, et simuler de la sorte une altération organique du cœur. Dans ce cas si

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le mouvement d'ondulation des artères du cou n'est pas accompagné du bruit de soufflet et du frémissement que nous avons signalés, on pourra penser que ce phénomène est entièrement nerveux. Toutefois on devra répéter l'exploration du malade à diverses reprises avant d'asseoir définitivement son diagnostic. Chez les personnes nerveuses et très-impressionnables, l'émotion qu'elles éprouvent lorsqu'on les soumet à une exploration convenable, cause momentanément une telle modification dans la circulation, qu'il en résulte quelquefois un véritable bruit de soufflet dans les carotides et les sous-clavières. On doit être prévenu de la possibilité de cet effet passager. Une autre observation importante à signaler lorsqu'on examine le malade, c'est de ne pas exercer la moindre pres · sion sur les vaisseaux qu'on explore avec le stethoscope, car cette seule pression pourrait suffire pour y faire naître un bruit de soufflet très-sensible à l'oreille. Toutefois, le bruit produit par cette cause est insignifiant, et n'existe que momentanément, tandis que l'autre existe continuellement, ainsi que nous l'avons déjà dit.

Une toux avec accès convulsifs suivis de l'expectoration de mucosités, a fait prendre quelquefois pour un asthme la maladie qui nous occupe, méprise que l'état du pouls favorise encore, parce qu'en le trouvant constamment plein on ne pense pas qu'il puisse exister quelqu'obstacle à la circulation, et l'on considère les poumons comme le siège de la maladie. Mais indépendamment des signes que nous avons déjà examinés, on distinguera facilement, à l'aide du stéthoscope, que cette toux convulsive n'est pas symptomatique d'un asthme; un peu d'habitude de l'usage de cet instrument suffira pour qu'on ne commette pas cette erreur.

Traitement. Le docteur Corrigan s'élève d'abord contre cette opinion généralement adinise, sanctionnée

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par l'autorité de Corvisart, Laennec, Bertin, etc., que dans le traitement de toutes les maladies organiques dù cœur, on doit s'attacher surtout à affaiblir les malades, à diminuer la quantité du sang, et à modérer la circulation. par l'emploi combiné du régime débilitant, des émissions sanguines, de la digitale, etc. Dans l'affection qui résulte du défaut d'action des valvules aortiques, il faut d'abord considérer que par suite de cette cause les contractions du ventricule gauche ont besoin d'un redoublement de force pour soutenir incessamment la colonne de sang que les valvules ne maintiennent pas dans l'aorte. Sous l'influence de ce surcroît d'activité du cœur, ses parois augmentent progressivement d'épaisseur, et l'hypertrophie du ventricule gauche vient doubler la force de résistance que cet organe doit opposer. Aussi le docteur Corrigan n'envisage pas ce changement apporté dans la structure du cœur comme une maladie, mais bien comme un effet salutaire de la nature qui donne à cet organe les moyens de résister aux efforts qu'il doit supporter. D'après cette manière de voir, il ne peut exister d'hésitation sur le mode de traitement qu'il faut empleyer: si le cœur, dans son état naturel et normal, ne peut soutenir l'impulsion continuelle qui résulte du reflux du sang dans sa cavité, et qu'il faille pour cela que ses parois acquièrent une force double de la leur, on concevra dès-lors qu'on s'éloigne des indications que la nature elle-même signale en combattant le développement de l'hypertrophie du cœur par les moyens que nous venons d'indiquer, et que recommandent Laennec, Bertin, etc.; car c'est agir de manière à enlever à l'organe central de la circulation la faculté qui lui est nécessaire pour entretenir cette fonction importante. Jamais on n'a pensé à combattre l'hyperpertrophie du tissu musculaire de l'estomac consécutive au rétrécissement du pylore, ni celle de la vessie ou du

rectam dans les cas de rétrécissement de l'urètre ou de l'intestin (1).

Le D. Corrigan fait remarquer qu'en général l'hypertrophie des organes dont il s'agit est toujours proportionnée à la force qui leur est nécessaire pour surmonter la résistance ou l'obstacle qui peut exister; suivant lui, cettə observation a été négligée ou méconnue dans la pathologie et la thérapeutique des maladies du cœur. En conséquence, on doit éviter soigneusement l'emploi des moyens propres à diminuer l'énergie du cœur dans le traitement de la maladie causée par le défaut d'action des valvules aortiques. Une diète animale et végétale très-substantielle, l'abstinence de certaines boissons qui, comme la bière, auginentent très-notablement la proportion des liquides en circulation dans l'économie, telle sera la base du régime que doit suivre le malade. On ne l'obligera pas à interrompre ses occupations habituelles, à moins que l'affaiblissement de ses forces ne s'y oppose; et comme les personnes affectées d'une maladie du cœur craignent toujours d'être frappées de mort subite, le médecin devra surtout éloigner cette idée du malade, en lui démontrant que l'affection dont il est atteint n'a jamais la terminaison rapide qu'il redoute. On conçoit toute l'importance qu'il y a à entretenir chez lui le calme de l'esprit.

Pour démontrer tous les inconvéniens de la méthode débilitante dans la maladie causée par le défaut d'action

(1) D'après les exemples que cite ici le docteur Corrigan, il est évident que ce qu'il dit contre la méthode débilitante dans l'hypertrophie du cœur, n'est relatif qu'à l'hypertrophie avec rétrécissement de ses ouverture, car chacun connaît les accidens qui résultent d'un régime et d'un traitement excitans dans l'hypertrophie de cet organe, qui n'est pas consécutive au rétrécissement des ouvertures indiquées. L'expérience a prononcé depuis long-temps sur cette question. (Note du trad.)

des valvules aortiques, le docteur Corrigan rapporte entre autres exemples, celui d'un individu sur lequel on l'avait mise d'abord exclusivement en usage: de petites saignées répétées, l'emploi de la digitale, des révulsifs, des légumes et du laitage pour seule nourriture, avaient réduit ce malade à un état de faiblesse extrême; il ne pouvait se lever de son lit. Dans cet état, l'affection du cœur s'était manifestée avec plus d'intensité; au moindre mouvement il éprouvait des palpitations, des quintes de toux, etc., beaucoup plus violentes qu'elles n'étaient au commencement de ce traitement. Néanmoins on persévéra dans la même médication jusqu'à ce que la situation du malade faisant supposer sa mort prochaine, on jugea inutile d'insister davantage. Depuis ce moment les symptômes perdirent successivement de leur gravité, avec le retour des forces; la respiration devint facile; les palpitations, la toux furent bien moins fréquentes. La maladie, sans cesser d'exister, ne menaça plus la vie, et permit à cet individu de reprendre peu à peu les travaux de sa profession.

Le docteur Corrigan recommande de ne pas administrer la digitale dans l'affection dont il s'agit, et s'appuie des raisons suivantes : le pouls bat généralement alors de 90 à 110 fois par minute; après chaque contraction du ventricule, pendant l'intervalle qui sépare cette contraction de la suivante, une partie du sang rentre de l'aorte dans le cœur. Dans cette maladie, le danger est en quelque sorte en proportion de la quantité de sang qui a suivi ce mouvement rétrograde, ou de la durée du temps qui s'écoule entre chacune des contractions du ventricule, puisque c'est pendant ce temps que le sang revient sur lui-même. Or, si l'on ralentit les mouvemens du cœur, il en résulte nécessairement un intervalle plus . long entre chaque contraction; conséquemment une plus grande quantité de sang pourra refluer dans le cœur:



l'inverse a lieu, au contraire, quand les mouvemens du cœur sont précipités, alors le reflux du sang s'effectue en proportion bien moindre. Ces remarques peuvent s'appliquer aussi, comme on voit, aux cas d'hypertrophie simple du cœur, dans lesquels on a l'habitude de donner la digitale: l'action de ce médicament peut ainsi être plus nuisible qu'utile.

Toutes les fois qu'on a administré la digitale dans la maladie qui nous occupe, on a constamment vu l'état du malade s'aggraver. Ainsi, les mouvemens du cœur deviennent plus embarrassés, l'oppression bien plus forte, le pouls intermittent, très-souvent dicrote par suite de la difficulté que le cœur éprouve à se vider en une seule contraction; le malade est dans un état de congestion générale; les membres deviennent œdémateux; dans quelques cas, des symptômes de bronchite viennent accroître l'anxiété du malade, accélèrent la chute des forces, et le mettent à l'agonie. Tous ces accidens cessent dès qu'on suspend l'usage de la digitale, et qu'on emploie les excitans: ce résultat est constant; jamais ce médicament n'a procuré le moindre soulagement; toujours, au contraire, il a augmenté le mal.

La fréquence du pouls, qui varie habituellement dans cette maladie, de 90 à 100 pulsations par minute, et quelquefois plus, ne doit pas inquiéter le médecin; car plus l'action du ventricule gauche est répétée, et plus il s'oppose au reflux du sang. Sous ce rapport, on voit encore ici cette maladie différer du rétrécissement de l'ouverture Auriculo-ventriculaire, puisque, d'un côté, la rapidité des contractions est avantageuse en ce qu'elle empêche le retour d'une trop grande quantité de sang dans le ventricule; et que dans l'autre cas, on doit, au contraire, chercher à ralentir cette action afin de favoriser le passage du sang de l'oreillette dans l› ventricule, et empêcher ainsi

qu'il n'en reflue une trop grande quantité dans les veines pulmonaires et les poumons.

Malgré son opinion sur la méthode débilitante appliquée au traitement de cette maladie, le docteur Corrigan n'en conseille pas moins de recourir à la saignée quand elle est indiquée; ce qui peut se présenter assez souvent, car cette affection prédispose à la pneumonie et à la bronchite. Lorsque ces inflammations ont été combattues énergiquement de la sorte, on revient au régime tonique et stimulant. Une autre circonstance qui pourrait encore exiger alors la saignée, serait une congestion sanguine du cœur qui entraverait ses mouvemens, et nuirait à l'énergie de ses contractions. Dans ce cas, une émission sanguine abondante, suivie de l'administration de l'opium à haute dose, produit un soulagement très-prompt. Le docteur Corrigan conseille contre les accès de toux convulsive, qui ne résultent pas alors d'un bronchite, une potion hui leuse opiacée, par exemple quatre ou cinq grains d'opium dans huit onces de mixture. Quoique la maladie produite par le défaut d'action des valvules aortiques soit incurable, cependant, ajoute-t-il, si elle était reconnue dès son origine, il serait peut-être possible d'en arrêter les progrès par l'usage combiné du mercure et des révulsifs.

REVUE GÉNÉRALE..

Anatomie et Physiologie..

FONGUS MÉDULLAIRE DU CRANE, DE L'OS MAXILLAIRE INFÉRIEUR ET DU FOIE; obs. recueillie par le docteur Hankel. Une femme qui, depuis sa plus tendre enfance, était affectée d'épilepsie dont les accès revenaient presque chaque nuit, qui, du reste, n'avait pas été affectée d'autre maladie grave, mais était d'une intelligence bornée, perdit ses règles sans accidens à l'âge de 44 ans. Bientôt après, elle aperçut

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une petite tumeur à la mâchoire. Un an après, lorsque le docteur Hankel vit la malade pour la première fois, cette tumeur avait le volume d'un œuf de poule, était située sur la branche horizontale droite de la mâchoire inférieure, présentait une surface lisse et était rouge, ferme, élastique, indolore et immobile. La langue occupait encore sa position normale. Crainte d'une opération, la malade se refusait à tout examen ultérieur. Six mois après, la tumeur avait triplé de volume, remplissait toute la cavité de la bouche, poussait la langue hors de sa place habituelle, était bosselée, douloureuse et évidemment partagée en deux moitiés. Les dou leurs augmentèrent, la déglutition devint de plus en plus difficile, et la malade mourut d'inanition. Dans les derniers temps de la vie, P'épilepsie avait complètement disparu. Ouverture du cadavre. En repliant les tégumens du crâne, on trouva sur le pariétal droit une éminence haute de quelques lignes et de l'étendue d'une pièce de 15 sous; cette éminence était molle et fermement unie au péricrâne. A la place correspondante, dans l'intérieur du crâne, on voyait également une éminence qui avait fait une empreinte de quelques lignes de profondeur à la surface du cerveau; la dure-mère n'était pas adhérente à cette éminence qui était couverte ainsi qu'à l'extérieur d'une membrane fixe, laquelle étant enlevée on voyait que cette petite tumeur était formée par une substance ressemblant à la couenne inflammatoire du sang. Après avoir fait macérer, on sépara cette substance molle de l'os et on trouva celui-ci hérissé de pointes. Le diploě avait disparu en cet endroit et l'os n'y était formé que de substance compacte. Non loin de cette tumeur on aperçut une partie du crâne plus foncée en couleur et comme déprimée; on trouva que c'était une caverne située entre les deux lames compactes du pariétal, dont l'extérieure s'était affaissée un peu. On trouva, en outre, adhérent à la glande pituitaire, un petit corps d'un jaune clair, et dont la substance ressemblait à de l'albumine coagulée. — A la mâchoire, on trouva d'abord l'os luxé et mobile vers sa partie moyenne; la tumeur était divisée en deux parties dont chacune égalait la grosseur du poing; elles paraissaient avoir pris naissance, l'une intérieurement, l'autre extérieurement, et étaient recouvertes d'une membrane blanche et lisse. La substance de ces tumeurs était blanche, en partie lardacée, en partie réduite en bouillie. L'os maxillaire était détruit dans son centre, et on en trouvait des esquilles et des pointes osseuses dans la tumeur, qui était aussi parcourue en différens sens par des vaisseaux sanguins. La surface convexe du foie présentait deux tumeurs blanches, grosses comme des noix et composées d'une substance blanche lardacée, recouverte d'une membrane mince et blanche. Les autres organes ne

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présentaient aucune altération. (Rust's Magazin. 1832, t. 37 I.er cah ier.

FONGUS DE LA dure-mère ; par le même. Un enfant de deux ans qui, depuis quelques jours, avait de la fièvre et un peu de diarrhée, devint tout-à-coup pâle, froid, contourna les yeux, eut des convulsions dans les mains, et resta sans connaissance. Lorsque le docteur Hankel arriva, l'enfant était revenu à lui, la température et le teint étaient à l'état normal, le pouls petit et lent, les yeux mats, les pupilles normales. (Fleurs de zinc, calomel, magnésie; lavement de camomille.) Le lendemain, l'enfant était aussi bien qu'avant l'accès; ma i le soir survint un second accès plus violent et plus long, mais qui passa comme le premier. Le matin du troisième jour, nouvel accès suivi d'un état comateux qui dura 12 heures et se termina par des convulsions et la mort. A l'ouverture du cadavre, on trouva dans la fosse de Sylvius droite une tumeur qui, dans son plus grand diamètre avait 9 lignes, était bosselée, composée d'une substance homogène, lisse, blanche et ferme, et prenait évidemment naissance à la surface interne de la dure-mère, qui était épaissie autour de la base du fongus, mais lisse et normale à sa surface extérieure. La partie correspondante du cerveau était déprimée. Les autres organes se trouvaient dans l'état normal. (Ibid.)

TUBERCULES DU CERVEAU; par le même. Une petite fille de 5 ans, auparavant vive et toujours bien portante, avait depuis un an perdu sa gafté, et se plaignait fréquemment de céphalalgies passagères, qu'on attribuait à la vaccination. Au mois d'avril 1828, elle fut affectée d'une rougcole bénigne qui cependant laissa après elle une toux sèche, un pouls fréquent et un amaigrissement notable. Au bout de trois semaines, la toux avait cédé, mais les maux de tête étaient revenus. Quelques jours après, se manifesta une fièvre intermittente qui fut combattue sans succès par le sulfate de quinine.

Le 9 juillet, la malade fut prise, sans cause connue, 'de perte de connaissance et de convulsions qui durèrent cinq minutes et qui avaient été précédées de céphalalgies. Après cet accès, la malade revenue à elle, était pâle, fatiguée, avait la peau fraîche et humide, le pouls petit et serré, les pupilles et la vision normales. On continua le sulfate de quinine. Le troisième jour, nouvel accès convulsif plus violent et accompagné de vomissement; il laissa après lui de la céphalalgie. (Sangsues aux tempes; à l'intérieur, digitale et calomel; révulsifs cutanés.) Les maux de tête devinrent tellement violens et continus que la petite jeta des cris en ridant le front. Elle tomba dans un état soporeux, duquel on pouvait la réveiller, puis se manifestèrent des convulsions terminées par la mort. A l'ouverture de la tête, qui seule fut permise, on ne trouva d'injection

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que dans les ventricules latéraux, qui étaient remplis de sérosité. Dans la partie postérieure de l'hémisphère droit, au milieu de la substance corticale, on découvrit deux tubercules qui n'étaient adhérens ni entre-eux ni à la substance cérébrale, qui, dans cet endroit, ne présentait d'autre altération qu'un léger ramollissement. Le plus petit des tubercules avait les dimensions d'une fève de cacao; l'autre était de moitié plus grand. Ils étaient formés par une substance blanche, lisse, assez ferme, et entourés d'une membrane fixe, qu'on ne pouvait cependant pas détacher de la tumeur. (Ibid. ) RAMOLLISSEMENT DU CERVEAU; par le même. Une femme de 44 ans, irrégulièrement menstruée, se plaignant depuis quatre ans de cardialgie et constipations, ayant eu dans ces années beaucoup de chagrins, fut affectée au mois de septembre 1824, de violentes céphaJalgies, de manque d'appétit et d'un sommeil troublé. (Sangsues, pédiIuves, tartrate de potasse avec extrait de chiendent.) Huit jours après se joignit aux précédens symptômes une fièvre intermittente avec sueurs copieuses, sur laquelle le sulfate de quinine agit favorablement. Le 12. jour, la malade fut prise subitement de perte de connaissance et de convulsions qui durèrent un quart-d'heure, et qui laissèrent après elles la bouche écumeuse, les paupières pendantes, comme paralysées, la vision obscurcie, les mains faibles. Des excitans internes et externes produisirent un mieux passager, bientôt suivi d'un état soporeux, duquel on pouvait réveiller la malade, en l'appelant ou la touchant; elle répondait alors aux questions qu'on lui adressait, mais retombait bientôt dans son état antérieur. Pouls peu fréquent et dur; respiration gênée, teint pâle, température du corps diminuée. (Petite saignée, excitans internes et externes. ) Le lendemain matin, accès moins fort, mais suivi d'un état soporeux qui dure plus d'un jour. La malade répondait juste, quand on la réveillait. Plus tard, respiration de plus en plus gênée, râle, paralysie des extrémités supérieures; mort. Ouverture du cadavre. Dans les ventricules latéraux du cerveau, on trouva plus de sérosité qu'à l'ordinaire ; près du troisième ventricule un ramollissement blanc, crémeux, de la substance cérébrale, dans l'étendue d'une pièce d'un frane, dans toutes les directions. La partie inférieure du ramollissement avait un aspect déchiré, frangé ; il y avait là un petit épanchement de sérosité claire, dans laquelle flottaient les parties détruites. La substance cérébrale qui entourait cette partie détruite était très-molle et grisâtre à quelques lignes de profondeur. (Ibid.)

RAMOLLISSEMENT DU CERVEAU; CALCULS RÉMAUX; OSSIFICATION DE QUELQUES ARTÈRES ; par le même. - Une dame âgée de 50 ans, souffrait depuis quelques années, par suite de la cessation des règles et d'affections tristes de l'âme, des douleurs lombaires accompagnées

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d'émission de sable dans l'urine, de manque d'appétit, avec nausées, vomissemens et faiblesse, qui l'obligeait de garder le lit. Le 14 février 1830, au moment où l'on changeait soigneusement le linge du lit, la malade fut prise de convulsions qui durèrent 15 minutes, et furent suivies d'un état soporeux qui ne se termina qu'au bout d'une heure; alors le malade mangea un peu et dormit assez bien pendant la nuit. Le 15, M. Hankel la trouva dans l'état suivant : intelligence non troublée; visage pâle, affaissé; température du corps abaisséc; pouls faible, de 70 à 75; abdomen non douloureux, langue blanchâtre, soif intense mais facile à étancher; appétit faible; urine trèspâle et claire. En outre des vomissemens qui duraient depuis quelques semaines et avaient lieu surtout le matin à jeun, la malade se plaignait encore d'une douleur brûlante dans la poitrine, qui revcnait fréquemment, s'étendait au côté gauche de la poitrine et au bras, et durait quelques minutes. Dans la tête, la malade sentait journellement une oscillation incommode, quelquefois continue. En même temps, il y avait des bourdonnemens d'oreilles et des contractions comme électriques dans les bras et les mains. — Les médicamens employés jusqu'à présent par le médecin qui avait d'abord vu la malade, furent continués; c'étaient l'acétate de potasse dans un véhicule mucilagineux, la liqueur de corne de cerf succinée, la teinture de castoréum, etc. Les symptômes devinrent de plus en plus intenil s'y joignit un œdème des paupières et quelquefois de l'incohérence dans les paroles de la malade. Le 6 mars eut lieu un nouvel accès de convulsions, avec perte de connaissance et suivi d'état soporeux; mais cet accès ne dura pas aussi longtemps que le premier. La malade s'affaiblissait graduellement. Le 9 mars, dans l'après-midi, perte de connaissance et mort à 10 heures du soir. Ouverture du cadavre, le second jour après la mort. Paupières œdématiées; dure-mère normale à la surface extéricure ; à l'intérieur elle présentait, de chaque côté du sinus longitudinal supérieur, une ossification longue de quelques lignes, large d'une demi-ligne; celle du côté gauche était pointue et dirigée vers le cerveau. Autour de ces ossifications et des grands sinus, ainsi qu'entre les circonvolutions beaucoup de lymphe exsudée; arachnoïde opaque et épaissie. Substance cérébrale non altérée. Cervelet ramolli, liquéfié, dans l'étendue d'une pièce d'un franc et à la profondeur de quelques lignes, immédiatement sous la tente du cerveau, là où les deux moitiés du cervelet se réunissent. Glande pituitaire augmentée de volume. Dans la poitrine, plusieurs artères ossifiées. Pancréas totalement endurci ; quelques calculs dans la vésicule du foie ; dans les bassinets des reins, un grand nombre de petits calculs et de masses friables » et un calcul solide dans chaque rein. (Ibid.)

ses;

PREDOMINANCE DE LA SUBSTANCE CORTICALE SUR LA SUBSTANCE MÉDULE LAIRE DU CERVEAU; DÉVELOPPEMENT ANORMAL DE LA CRÊTE CORONALE; par le même. Un garçon âgé de 7 ans avait eu des convulsions d'abord à l'âge de quelques semaines, ensuite pendant la dentition ; convulsions qui avaient cédé à l'usage des fleurs de zinc unies au calomel et à la magnésie, et des lavemens de camomille. Il était muet sans être sourd et sans qu'il y eût un vice d'organisation apparent; il paraissait affecté d'un léger degré d'idiotisme et fut élevé comme un sourd-muet. Du reste, son corps était bien développé, et ce n'est que par suite d'indigestions qu'il souffrait des maux de tête, ce qu'il indiquait en portant la main à la tête, et en ridant le front. Après une attaque de céphalalgie et un léger vomissement, il fut pris de convulsions qui furent suivies d'un état d'insensibilité complète avec teint pâle, figure et extrémités froides. Le bras droit paraissait paralysé. (Irritans internes et externes.) Le second et le troisième jours, mieux passager, suivi d'état fièvreux avec congestion sanguine vers la tête, qui exigea l'application de sangsues, laquelle fit disparaître tous les accidens, même la paralysie du bras. Douze jours après, le malade mourut subitement, après avoir eu de la céphalalgie et des convulsions. Ouverture du cadavre. — Dure-mère épaissie, peu adhérente au crâne; crète coronale trèslongue, se terminant en pointe au sinus lougitudinal.Substance corticale du cerveau très-développée et s'étendant presque jusqu'aux ventricules latéraux. Ventricules plus petits qu'à l'ordinaire. L'arbre de vie paraissait également contenir plus de substance corticale que dans l'état normal. ( Ibid. )

COMPRESSION DE LA MOELLE ALONGÉE PAR L'APOPHYSE ODONTOIDE DE LA SECONDE VERTÈBRE CERVICALE; ABCÈS DES VERTÉBRES CERVICALES ; par le même. Au mois de mars 1830, le docteur Hankel fut priẻ d'assister à l'ouverture du cadavre d'une fille de 7 ans, qui depuis quelques années portait des tumeurs et des abcès scrofuleux au cou, et avait eu à différentes reprises un écoulement purulent, fétide, par l'oreille gauche. Dans la dernière année de sa vie, elle fut affectée de violentes céphalalgies; les extrémités gauches s'atrophièrent et parurent plus courtes que les droites. Douleurs du côté gauche, surtout dans les bras, qui s'appaisaient par des frictions. Intelligence développée; intégrité de la mémoire et des sens jusqu'à la mort, qui fut amenée par une fièvre hectique. On trouva une disproportion frappante entre les extrémités des deux côtés; glandes du cou tuméfiées. Cerveau et plexus choroïdes injectés; couleur de la substance cérébrale naturelle. Sur la moitié gauche de la moelle alongée, forte dépression ovale occasionnée par l'apophyse odontoïde qui était très-mobile et avait passé par le trou occipital. Après la section
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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 561-590
« Reply #19 on: September 27, 2022, 08:45:10 PM »

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des ligamens, il s'écoula de derrière la dure-mère quelques onces de pus liquide, jaune, mêlé à des portions de matière tuberculeuse. La substance osseuse de l'atlas et de la seconde vertèbre était friable et corrodée par le pus. Il ne fut pas permis de pousser plus loin l'examen de ces parties. On trouva des tubercules dans les poumons et dans les glandes du mésentère. (Ibid.)

PLAIE DE TÊTE; observée par M. Schellhorn. Un garçon de 12 ans tomba du haut d'un sapin; la tête frappa contre une racine de l'arbre. M. Schellhorn qui logeait à deux lieues de là fut appelé; il trouva le blessé sans connaissance, ayant la tête défigurée par la tuméfaction des parties molles. Le gonflement considérable, bleu, ecchymosé, s'étendait depuis le milieu du pariétal droit à toute la moitié droite de la face, en couvrant le frontal et la portion écailleuse du temporal. Vers le milieu du pariétal, il y avait une plaie cutanée superficielle, longue d'un pouce et demie et qui saignait beaucoup. L'œil droit ne pouvait être examiné à cause de la tuméfaction; l'œil gauche était fixe, la pupille dilatée et immobile ; de la bouche et du nez s'écoulait une écume sanguinolente. Respiration courte, râleuse, quelquefois suspirieuse; émission involontaire de l'urine et des féces. Une incision longue de quatre pouces fit découvrir un enfoncement du crâne de deux lignes de profondeur et dans une longueur d'un pouce et demi, se dirigeant de l'arcade temporale vers l'orbite, et ne pouvant être relevé. (Pansement, fomentations froides, purgatif sa'in; de l'eau pour boisson.) Le lendemain, tout fut préparé pour l'opération du trépan, en présence de quelques médecins. Une incision cruciale longue de six pouces découvrit presque toute la moitié droite du crâne; l'hémorrhagie fut arrêtée par la ligature de l'artère temporale et les fomentations froides. Après avoir enlevé le périoste, on vit que la dépression était longue de trois pouces, qu'à sa partie inférieure, elle pinçait une portion de la dure-mère ; qu'en outre, toute cette partie droite du crâne (pariétal presqu'en entier, portion écailleuse du temporal et partie droite du frontal) était tellement fracassée, qu'il était impossible d'appliquer le lévier ou la couronne de trépan. En conséquence, on réunit les lambeaux de la plaie par quatre points de suture, en laissant à découvert la portion enfoncée du crâne et la dure-mère enclavée qu'on couvrit sans relâche de compresses trempées dans l'eau froide; on prescrivit une décoction émolliente nitrée, le repos et une diète sé-vère. Pendant les huit premiers jours, le malade resta sans connaissance Le 9.°, il se réveilla comme d'un songe, ne sachant ce qui lui était arrivé et se plaignant d'une douleur obtuse à la tête, qu'on soulagea par les fomentations froides. Les lambeaux de la plaie s'étaient en grande partie réunis au crâne; la dure-mère enclavée était

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gangrence et se détacha le 11.o jour; quelques onces de sang veineux s'étaient écoulées journellement des fissures osseuses, ce qui cessa également le 11. jour; depuis ce moment, on discontinua les remėdes à l'intérieur, en continuant encore pendant six semaines les fomentations froides et le repos absolu; la plaie était alors fermée, à l'exception d'une petite place dont on obtint la cicatrisation par l'application du nitrate d'argent. Depuis quinze mois, le garçon n'a pas cessé de jouir d'une bonne santé. ( Mediz. Conversations blatt. 1832, N.os 4 et 5.)

DÉGÉNÉRATION OSSEUSE DU TISSU MUSCULAIRE ; obs. par T. H. Wrigt,

médecin de la maison de Charité de Baltimore, Un homme, âgé d'environ 30 ans, entra à l'hôpital au mois de janvier 1831, dans un état d'épuisement extrême, suite d'une vie déréglée et d'une misère profonde. Les moyens qu'on mit en usage pour relever les forces restèrent sans effet, et le malade mourut trois jours aprèsson arrivée. En examinant cet homme lors de son admission, on avait remarqué que l'une des jambes était déformée par plusieurs tumeurs volumineuses, d'une figure irrégulière et d'une grande consistance. On y voyait, en outre, de larges cicatrices paraissant résulter d'anciennes ulcérations; mais il n'y avait alors aucun point ulcéré. Après la mort, on examina le membre malade, et on reconnut que la tuméfaction dure, les inégalités, etc., dépendaient d'une exostose de la totalité du péroné. Deux épines ou crêtes parallèles et très-saillantes, naissant des bords de l'os, regnaient dans toute sa longueur; elles avaient plus d'un pouce d'épaisseur et s'écartaient en-dehors de manière à donner au péroué la figure d'une petite auge osseuse plus large en haut qu'en bas. Entre la crête antérieure et le tibia, existait une masse bien distincte des deux os et formée d'une substance presque aussi dure et presqu'aussi semblable au tissu osseux que les os eux-mêmes, dans la plus grande partie de son étendue. Dans plusieurs points, cette masse paraissait formée de matières dures et molles entremêlées, et avait assez bien conservé la couleur et la texture des fibres musculaires, mêlées avec une grande quantité de matière calcaire. Dans d'autres endroits, le tissu de cette masse morbide, avait l'aspect, dans l'étendue de plusieurs pouces, d'un corps entièrement osseux et inégal à sa surface. Dans les points où la masse offrait moins de solidité, il y avait augmentation considérable de volume, ce qui occasionnait les tumeurs qu'on avait observées sur la jambe. Cette matière intermédiaire entre le tissu osseux et le musculaire, avait envahi tous les muscles de la partie antérieure de la jambe situés entre le tibia et le péroné; tels que le jambier antérieur, l'extenseur propre du gros orteil, l'extenseur commun des orteils, etc., qui tous étaient plus ou moins transformés en tissa osseux et confondus en une seule masse.

Le

Bien qu'il soit probable que cette ossification anormale ait commencé d'abord par le périoste du péroné, et se soit propagée ensuite aux tissus inter-musculaires, cependant la transformation osseuse des muscles eux-mêmes ne paraît pas s'être faite directement par l'extension de la matière osseuse ou par simple augmentation de la masse. En effet, la masse des muscles à demi ossifiés était, dans tous les points, complètement distincte des os de la jambe et pouvait en être très-facilement détachée, et de plus elle avait été tellement poussée en avant par le développement morbide du péroné, qu'elle faisait saillie à la partie antérieure de cet os et du tibia. Il se peut, dit l'auteur, en terminant, que le stimulus, cause de la sécrétion morbide, se soit propagé aux tissus environnans les os ; mais il paraît certain que le dépôt calcaire dans l'épaisseur du tissu musculaire a été certainement le résultat d'une action propre des vaisseaux de ce tissu. (The American journal of the med. Sciences, novembre 1831.) IMPERFORATION CONGÉNITALE DE L'ANUS GUÉRIE PAR UNE OUVERTURE PRATIQUÉE DANS la vessie; observ. par M. Will. Fergusson. 3 mars 1831, on présenta à M. Fergusson un enfant né depuis douze heures environ, et qui depuis le moment de sa naissance n'avait rendu aucune matière par l'anus. Un examen attentif fit bientôt reconnaître que l'anus manquait complètement, et qu'à la place qu'il devait occuper la peau présentait un aspect brunâtre, mais sans aucun trace d'ouverture anciennement ou récemment oblitérée. L'enfant paraissait à terme, très-fort et très-bien portant; mais dans la journée il avait vomi fréquemment une matière d'une couleur brune. En palpant le périnée, M. Fergusson parvint à reconnaître une tumeur très-peu distincte, et placée à une grande distance de la peau; mais il ne put distinguer si elle était ou non due au rectum. L'abdomen était très-listendu, mais ne présentait de saillie extraordinaire dans aucun point de sa surface. Avant d'entreprendre une opération, seule chance de salut qu'il y eut pour l'enfant, il s'agissait de savoir si l'on irait chercher le rectum en incisant le périnée, ou bien si on n'établirait pas un anus artificiel en ouvrant l'S du colou, et en le fixant dans une incision de l'aine gauche. D'accord avec les docteurs Campbell et Knox, qui avaient été appelés en consultation, M. Fergusson se décida à inciser le périnée. En conséquence il pratiqua une incision sur le raphé, depuis le scrotum jusqu'au sommet du coccix, qu'il distinguait parfaitement à travers les tégumens. Il continua son incision avec beaucoup de précautions, dans la direction du lieu où se trouve habituellement le rectum; mais il lui fut impossible d'en trouver la moindre trace. Il mit à nu le col de la vessie, ce dont il se convainquit en introduisant dans cet organe un catheter d'argent.

L'introduction de cet instrument par le canal de l'urètre, lui fut trés-utile, en lui donnant les moyens de ne pas blesser la vessie, ce qu'il était très-difficile d'éviter. Il continua la dissection jusqu'à environ un pouce et demi de profondeur, jusqu'au niveau de la partie supérieure du sacrum, mais sans découvrir l'intestin, même avec le doigt porté au fond de la plaie. Il était donc évident qu'on ne pouvait rien tenter de plus de ce côté, et on remit au lendemain matin de bonne heure à décider ce qu'on aurait à faire. M. Fergusson espérait que la distension des intestins augmentant nécessairement dans cet intervalle, quelque saillie se manifesterait au fond de la plaie du périnée. Il avait d'ailleurs quelque soupçon qu'il pouvait exister une communication entre la vessie et le rectum; ce qui lui avait fait naître cette idée, c'est que, en exerçant à-la-fois une pression et du côté de l'incision et sur l'abdomen, il était sorti par l'urètre une petite quantité de matières brunâtres, comme de l'urine mêlée de méconium. Cependant l'urine sortait claire par intervalles, et M. Fergusson ne put pas pour le moment savoir au juste à quoi s'en tenir sur cette communication.

Le lendemain, à six heures et demie du matin, on examina de nouveau l'enfant. En ce moment même il rendit par la verge un jet d'urine limpide et immédiatement après une goutte ou deux de méconium, ce qui ne laissa plus aucun doute sur la communication du rectum et de la vessie. On décida alors que la seule chose qu'il y eut à faire était de pratiquer une ouverture dans ce viscère; et en conséquence M. Fergusson fit une incision dans son bas-fond, aussi près que possible de la ligne médiane et un peu en arrière de la prostate. Une sonde cannelée droite en argent, introduite préalablement dans la vessie, servit de guide pour cette incision. Aussitôt qu'elle fut terminée, le méconium s'écoula en abondance; lorsque l'écoulement eut cessé spontanément, on introduisit une canule dans l'ouverture de la vessie, et on injecta de l'eau tiède pour nettoyer la cavité de ce viscère. Comme il n'était pas à craindre qu'en ce moment la plaie se fermât, on ne fit aucun pansement, et M. Fergusson résolut d'attendre pour agir suivant les circonstances. Nous omettrons les détails de l'observation, et nous nous bornerons à dire que du moment de l'opération jusqu'à l'époque à laquelle M. Fergusson a publié cette observation, 1er août 1831, l'enfant a joui d'une parfaite santé. La plaie du périnée s'est rétrécie de manière à ne plus admettre qu'une bougie d'une moyenne grosseur, que le chirurgien est obligé d'introduire fréquemment pour empêcher une cicatrisation complète à laquelle cette ouverture fistuleuse a la plus grande tendance. Il a une fois jugé nécessaire d'élargir cette fistule avec un bistouri droit boutonné. Les matières fécales ont passé en

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totalité ou en partie par l'ouverture du périnée, le reste s'est frayé passage par l'urètre. Une circonstance des plus remarquables de ce cas intéressant est que M. Fergusson a observé que jamais une seule goutte d'urine n'est sortie par la fistule artificielle. Ce liquide a toujours été rendu par l'urètre, soit limpide, soit mêlé avec des matières fécales.

Quelque temps après l'opération, un abcès assez considérable s'est formé à la partie postérieure du sacrum. Une ouverture fut pratiquée et donna issue à une grande quantité de pus de bonne nature. La guérison ne tarda pas à s'opérer, et la santé de l'enfant ne parut pas en éprouver la moindre altération.

A la suite de cette observation, M. Fergusson passe rapidement en revue ce qui a été écrit sur ce point par différens auteurs, et il résulte de cet examen que le cas qu'il a rapporté est jusqu'ici unique dans les fastes de la science. Celui qui s'en rapproche le plus est celui que rapporte Flajani dans ses Observazioni di chirurgia, t. IV. Mais l'enfant ne put survivre et mourut dans les convulsions. Il termine son Mémoire par la description d'une préparation anatomique, conservée par M. Thatcher, et provenant du cadavre d'un enfant opéré par M. Lizars. Dans ce cas, le rectum communiquait avec la vessie, et le chirurgien fut obligé d'inciser très-profondément pour arriver à l'intestin. L'opération sembla avoir réussi, car l'enfant vécut en bonne santé pendant trois semaines; mais il mourut subitement dans un accès de convulsions. En examinant le cadavre, on reconnut que le rectum se terminait par une extrémité largement ouverte dans la cavité de la vessie. L'ouverture pratiquée par le chirurgien était plus grande que l'ouverture naturelle, et intéressait la partie postérieure de l'intestin, vis-à-vis la partie supérieure du sacrum. (The Edinburgh med. and Surg. Journ., octobre 1831.)

EMPLOI DE L'HYDRO-FERRO-CYANATE DE QUININE DANS LES MALADIES PÉRIO DIQUES; par G. Cerioli, M. D.-Personne ne doute plus aujourd'hui que le meilleur moyen de combattre les maladies intermittentes ne soit le quinquina et surtout les alcalis qu'il contient; mais il est tout aussi certain que très-sonvent ces maladies reparaissent au bout de très-peu de temps, et que le médicament ne paraît avoir fait qu'interrompre leur type périodique. Sans prétendre, dit M. Cerioli, connaître toutes les causes des récidives fréquentes des fièvres intermittentes, je pense que ceux-là ne s'éloignent pas de la vérité, qui, tout en ne regardant pas ces maladies comme des irritations ou des inflammations intermittentes avec un siège fixe et facilement reconnaissable, admettent que, outre les émanations miasmatiques, l'humidité, etc., certaines altérations des viscères, et surtout de

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ceux qui sont contenus dans l'abdomen, concourent à produire ces fièvres. Je crois encore que c'est faute de fixer son attention sur l'état des organes, que le quinquina et ses préparations restent trèssouvent inefficaces; car ils font bien, il est vrai, cesser la périodicité, mais n'agissent pas contre la lésion pathologique ou l'état inflammatoire auquel la périodicité est subordonnée. C'est ainsi qu'on peut se rendre compte de la nécessité de combiner les antiperiodiques avec les antiphlogistiques pour réussir dans plusieurs de ces cas. L'auteur, comme la plupart des praticiens italiens, regarde l'acide hydrocyanique comme un moyen puissant de diminuer l'augmentation des forces vitales qui accompagnent l'état inflammatoire; et, partant de ces idées, il a imaginé de combiner cet acide avec la quinine, et d'employer le sel résultant de cette combinaison contre les maladies périodiques. Les résultats qu'il a obtenus dans un assez grand nombre de cas, prouvent que si ses idées théoriques ne sont pas à l'abri de toute contestation, la substance qu'il a mise en usage jouit de propriétés fébrifuges à un très-haut degré. Il est vrai qu'il ne l'a employée que dans des fièvres intermittentes simples et qui ne présentaient aucun danger, car « il ne m'est jamais venu à l'esprit, dit-il, d'essayer une substance dont je ne connaissais pas encore bien la manière d'agir dans les fièvres intermittentes pernicieuses, dans lesquelles le moindre retard peut compromettre les jours du malade. »

C'est principalement dans les fièvres d'accès entretenues par une irritation des viscères qu'il a administré l'hydro ferro-cyanate de quinine. Les cas dans lesquels il l'a employé sont au nombre de vingt-quatre, et dans tous, le sulfate de quinine avait complètement échoué, soit à empêcher, soit même à éloigner les accès. Dans treize de ces cas, la maladie qui présentait le type quarte, paraissait dépendre d'une irritation de la rate; dans quelques-uns, en effet, çet organe était manifestement plus volumineux et plus dur que dans l'état normal, et dans d'autres il y avait une douleur à la pression dans l'hypochondre gauche, qui devenait ordinairement pongtive au moment de l'accès. Ces maladies, pour la plupart, étaient anciennes et duraient, les unes, depuis plusieurs mois, pour les uns, depuis deux ou trois ans pour les autres, et même depuis huit ans chez une jeune fille. Elles avaient toutes résisté à tous les moyens de traitement les plus rationnels et employés avec le plus de prudence, tels que les émissions sanguines générales et locales, les émolliens, les apéritifs et enfin le sulfate de quinine, qui n'avait produit que peu ou même pas du tout d'effet.

Il suffit dans les fièvres quartes, de même que dans celles de tout autre type, d'administrer d'abord l'hydro-ferro-cyanate de quinine

à la dose de deux, trois, quatre et enfin huit grains, dont on fait avec le roob de sureau six pilules à prendre dans la journée. On ne doit augmenter la dose ci-dessus indiquée, deux graiùs, que progressivement et lorsque la fièvre n'a pas cédé complètement, que les accès ont été seulement éloignés et que cette première dose n'a pas dérangé l'estomac.

Rarement, continu M. Cerioli, j'ai observé des récidives et je n'ai jamais vu survenir, pendant l'emploi de la substance en question, ces exacerbations qui se manifestent si souvent lorsqu'on emploie le quinquina ou le sulfate de quinine, quoique je ne croie pas qu'on doive attribuer ces exacerbations des fièvres qui simulent l'intermittence à l'action irritante du sulfate de quinine.

Une inflammation chronique du foie était la cause, chez quatre individus, de fièvres irrégulières ou erratiques, accompagnées d'un affaiblissement considérable, d'amaigrissement, d'anorexie, de flatuosité, de gastralgie, d'urines rouges et déposant un sédiment briqueté, et enfin de douleurs obtuses qui, chez deux de ces malades, s'étendaient de la région du foie et à l'épaule droite. Dans un de ces cas, l'hépatite chronique dépendait d'une cause rhumatismale; dans les trois autres, elle avait été occasionnée par une vie déréglée qui avait déterminé en outre une irritation assez vive de l'estomac. Les émissions sanguiues locales souvent répétées, soit à l'anus, soit sur l'hypochondre droit ou sur l'épigastre, les lavemens émolliens, les mercuriaux, une diète sévère, et dans un des cas les bains tièdes, réussirent très-bien à dompter l'irritation abdominale intermittente; mais la fièvre continuait malgré l'emploi du sulfate de quinine. Pour prévenir une nouvelle congestion vers le foie ou vers l'estomac, M. Cerioli administra l'hydro-ferro-cyanate de quinine et obtint promptement une guérison parfaite.

Une jeune dame d'une faible constitution était attaquée d'une fièvre intermittente tierce qui fut combattue par le sulfate de quinine qu'elle prit à la dose de quinze grains. La fièvre ne céda pas et devint au contraire continue. En même temps, la malade se plaignait d'ardeur et de douleur persistantes à l'épigastre, que les alimens les plus faciles à digérer et la moindre pression rendaient presque insupportables. A ces symptômes se joignaient une soif très-vive, l'amertume de la bouche, de la céphalalgie et de la fièvre qui était beaucoup plus forte les jours correspondans aux précédens accès. M. Cerioli commença à combattre la gastrite par les antiphlogistiques, et au bout de douze jours de traitement, tous les symptômes inflammatoires avaient disparu; la fièvre même cessa pendant plusieurs heures, mais elle revint bientôt sous le type tierce qu'elle avait eu d'abord. Le sulfate de quinine fut employé de nouveau,

mais sans aucun succès. Il eut alors recours à l'hydro-ferro-cyanate de la même base, et les accès disparurent presqu'aussitôt pour me plus revenir.

L'auteur rapporte encore plusieurs cas d'affections intermittentes de diverse nature dans lesquelles il a employé avec succès le sel de quinine qui nous occupe; nous nous bornerons à en citer deux qui nous paraissent les plus intéressans.

Un prêtre d'un âge avancé, qui, dans sa jeunesse, avait éprouvé une toux continuelle avec expectoration muqneuse et même crachemens de sang, fut pris tout-à-coup d'un affaiblissement des facultés intellectuelles, de coloration de la face, d'un gonflement des veines jugulaires, de stupeur, accompagnés d'un pouls très-dur, d'un peu de chaleur à la peau, d'embarras dans la prononciation, de distorsion de la bouche et d'un commencement d'hémiplegic. Deux larges saignées du bras et l'emploi de purgatifs légers et d'une forte infusion de fleurs d'arnica, firent disparaître tous ces symptômes graves et le malade se croyait rétabli, lorsque, au bout de cinq jours, les mêmes accidens reparurent accompagnés d'une fièvre très-forte qui avait été précédée d'un frisson très-violent. On eut de nouveau recours à la saignée, et au bout de huit heures une sueur très-forte mit fin à cet état alarmant, Le lendemain, la fièvre ne reparut pas; mais le jour suivant elle se montra de nouveau avec beaucoup d'intensité. Ne doutant plus alors de la nature et du type de la maladie, M. Cerioli administra l'hydro-ferro-cyanate de quinine, et après la seconde dose tous les accidens disparurent et ne revinrent pas.

L'autre observation est celle d'une jeune dame d'un tempérament sanguin, d'une constitution robuste, qui était affectée d'une sciatique des plus aiguës qui reveuait par accès, lesquels se terminaient par une sueur très-abondante. On essaya de combattre la maladie par la saignée de la saphène, les sangsues, les ventouses scarifiées, les fomentations émollientes et opiacées, les vésicatoires, l'emplâtre de belladone, l'application d'un cautère et une foule d'autres moyens; on obtint ainsi une guérison presque complète, mais qui ne dura que quatre mois. La maladie reparut plus violente au bout de ce temps et affectait le type quotidien, Le sulfate de quinine ayant échoué, M. Cerioli administra l'hydro-ferro-cyanate à la dose de huit grains, la douleur disparut très-promptement, et la guérison ne s'est pas démentie depuis.

Enfin, l'auteur assure qu'il a obtenu les plus heureux résultats de l'emploi de ce moyen, dans trois cas d'irritation du poumon caractérisée par une douleur dans le côté, avec difficulté de respirer, toux et impossibilité de se coucher sur le côté droit. Dans un de ces cas, il y avait, en outre, hémoptysie assez abondante.

ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE.

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Les saignées générales, les purgatifs et les autres moyens appropriés, firent cesser la fièvre continue, mais elle reparut sous le type tiercez les accès étaient marqués par le retour de tous les symptômes décrits ci-dessus, et en outre par un crachement de sang rouge et écumeux. L'hydro-ferro-cyanate de quinine fut administré convenablement, après toutefois avoir essayé le sulfate, qui resta sans effet, et en quelques jours on obtint une guérison parfaite. (Annali universali di Medicina. Juillet, 1832.)

Académie royale de Médecine. (Décembre.)

Séance du 4 décembre. La mort de Leroux, Portal et Laugier laissant trois places de titulaires vacantes dans la section de pathologie médicale, le président annonce, qu'aux termes du réglement, il y a lieu à l'élection d'un tifulaire; il invite la section à présenter une liste de six candidats à la prochaine séance.

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CHOLÉRA-MORBUS.. M. Double, au nom de la commission du choléra-morbus, lit un rapport sur un traité du choléra, par le docteur Ragge, de Berlin, que l'auteur avait envoyé au gouvernement français pour en faire l'acquisition, moyennant une somme de 25,000 francs. L'auteur cherche à établir qu'il y a analogie trèsgrande entre le choléra et les fièvres intermittentes pernicieuses, et propose pour le combattre le sulfate de quinine. Le rapporteur fait observer que ces idées ne sont pas nouvelles, et conclut au rejet de la demande.

Le même membre donne lecture d'un second rapport sur deux élixirs propres à guérir le choléra, et présentés par M. Rienzi. Ces deux préparations usitées dans l'Inde, rentrent dans toutes les formules stimulantes aromatiques et anodines qui ont été tour-à-tour préconisées. Le rapporteur eonclut à ce qu'elles soient rejetées.

Enfin M. Double lit un troisième rapport sur un mémoire de M. Clot, relatif au choléra qui a ravagé l'Egypte. Selon M. Clot, cette maladie serait une véritable inflammation de l'estomac et des intestins. Le rapporteur propose de réserver ce mémoire pour une prochaine lecture, et de le renvoyer au comité de publication. Une vive discussion s'engage sur l'opinion de M. Clot, relativement à la nature de la maladie. M. Castel soutient que l'autopsie des sujets morts trèsrapidement du choléra, ne présente pas de trace d'inflammation dans les voies digestives. MM. Capuron, Bouillaud et Rochoux soutiennent au contraire que les organes digestifs sont toujours enflam

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més; quelques autres membres prennent part à cette discussion qui n'a pas de suite. Les conclusions du rapporteur sont adoptées.

M. Pariset, en son nom et à celui d'une commission, fait un rapport sur les titres que possède M. Clot, à une place d'associé étranger, et propose de lui accorder celle que la mort de Rolando a laissé vacante. M. Ollivier, d'Angers, demande que M. Clot soit nommé associé régnicole, en raison de sa qualité de citoyen français. Cette proposition n'a pas de suite, le réglement s'opposant à ce qu'elle soit prise en considération.

EMPOISONNEMENT PAR LE GAZ HYDRŐGENE ARSéniqué. — M. Ollivier, d'Angers, fait un rapport sur une observation de M. Fumey, de Coligny, relative à une maladie qui se déclara chez plusieurs individus de la même famille, et qui offraient des symptômes analogues à ceux du choléra. L'auteur pense que cette affection était occasionnée par un dégagement de gaz hydrogène arséniqué dans une fosse d'aisance dans laquelle on avait jeté de l'arsenic. Le rapporteur pense que, cette fosse n'ayant pas de cheminée ni de courant d'air, le gaz arséniqué n'aurait pu s'élever en raison de sa pesanteur spécifique, et que d'ailleurs ce gaz ne pouvait pas se former dans cette circonstance. Il regarde donc l'opinion de l'auteur comme dénuée de fondement.

M. Laudibert pense comme M. Ollivier, qu'il n'y avait pas dans ce cas possibilité de formation de gaz hydrogène arséniqué; mais, en admettant son développement par une cause quelconque, il croit qu'il aurait pu s'élever couche par couche, malgré sa grande pesanteur spécifique.

BRONCHITE AIGUE. -Le même membre donne lecture d'un second rapport sur un autre mémoire du même auteur, relatif à une bronchite aiguë qui se manifesta dans un pensionnat chez un grand nombre de jeunes garçons qui burent une eau très-fraîche provenant d'une fontaine dans les conduits de laquelle il s'était formé du souscarbonate de fer. M. Ollivier pense que la fraîcheur seule de l'eau suffit pour expliquer le développement de la maladie, et qu'il n'est pas nécessaire de faire jouer un rôle au sous-carbonate de fer dont l'emploi thérapeutique n'a jamais produit de symptômes analogues. Séance du 11 décembre. M. Bally dépose sur le bureau une proposition tendant à solliciter auprès du ministre d'abroger la distinction d'associés résidens et de les faire jouir des mênies préroga ́tives que les titulaires. L'honorable membre se propose de développer ces idées à cet égard au mois de janvier. M. Desgenettes voudrait étendre cette proposition aux membres adjoints.

M. Adelon fait observer que les modifications du réglement ne peuvent être discutées par l'Académie, et le président doune lec

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571-575

ture de l'article du réglement qui dit que les séances seront uniquement consacrées à la science. Après quelques réclamations un peu vives de la part de plusieurs membres, l'ordre du jour est mis aux voix et adopté. La plupart des membres n'ont pas voté.

Séance du 18 décembre. M. Rochoux demande la parole à l'occasion du procès-verbal; il fait observer que le véritable but de l'article 2 du réglement invoqué à la séance dernière, contre la proposition de M. Bally, est d'interdire à l'Académie les discussions politiques et non celles qui regardent son organisation intérieure. Il se plaint que la liberté de parler accordée aux adjoints n'existe pas, car on lui a déjà trois fois refusé à lui-même la parole dans des discussions scientifiques. Le président répond qu'il n'a ôté ou refusé la parole à M. Rochoux que parce qu'il sortait de la question. La réclamation de M. Rochoux excite un grand tumulte; on demande l'ordre du jour. Après quelques observations de MM. Double et Adelon, ilest prononcé.

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On procède au scrutin pour la nomination de M. Clot comme associé étranger. Le candidat réunit l'unanimité des suffrages.

On va au scrutin pour remplacer les membres sortans du comité de vaccine. Nous ferons connaître les noms des membres élus en même temps que ceux des autres dignitaires de l'Académie.

M. Collineau fait au nom de la commission permanente quatre rapports sur des remèdes secrets, et en propose le rejet.

M. Girard lit en son nom et à celui de M. Andral fils et Bally, un rapport sur les travaux de M. Hamon, chef de l'Ecole vétérinaire d'Abouzabel. Le rapporteur propose de conférer à M. Hamon le titre d'associé étranger. Adopté

INOCULATION DE LA VARIOLE AUX VACHES.-M. Villermé communique la note suivante : « On a plusieurs fois tenté chez nous, en Allemagne et en Angleterre, de reproduire la vaccine en inoculant la variole aux vaches. Ces essais n'ont pas réussi, mais on vient de les tenter de nouveau aux États-Unis d'Amérique, et avec un plein succès: ces expériences intéressantes sont dues à M. Mac-Phail, jeune médecin de Baltimore. >>

SHÔN

CHOLERA MORBUS. - M. Bally continue la lecture de son mémoire sur le choléra, qu'il rapproche de la fièvre jaune. L'heure avancée suspend de nouveau la lecture de ce travail que nous ferons connaître quand nous l'aurons entendu en entier.

Séance extraordinaire du 22 décembre. Cette séance a été entièrement consacrée au renouvellement du bureau M. Marc a été élu président pour l'année 1833; M. Orfila vice-président, et M. Guéneau de Mussy, sécrétaire annuel.

Séance du 26 décembre.

PROLAPSUS UTÉRINS. M. Tanchou

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adresse, pour prendre date, une lettre dans laquelle il annonce qu'il a trouvé le moyeu de guérir complètement et sans l'emploi des pessaíres, les prolapsus ou descentes de l'utérus. Il dit avoir eu à traiter recemment quatre cas de ce genre, et que les malades ont été guéris en quelques jours et sans le secours de moyens mécaniques, de manière à pouvoir reprendre les occupations habituelles qu'elles avaient été forcées d'abandonner. Le traitement a été fait sous les yeux de MM. Nauche et Desinaisons. Deux de ces femmes ont été dessinées, et M, Tanchou a joint à sa lettre les dessins qui en ont été faits. Il termine en demandant la nomination de commissaires qui suivraient le traitement qu'il emploie. Il assure que diversement modifié, ce moyen pourra être employé contre l'inflammation et les ulcérations plus ou moins avancées du col de la matrice.

Académie royale des Sciences.

Séance solennelle du 26 novembre.—PRIX Monthyon de mÉDECINE ET DE CHIRURGIE, — - Le président décerne les médailles aux auteurs des travaux couronnés par l'Académie. 1.oUne somme de 1,500 francs est accordée à M. Emmanuel Rousseau, pour ses expériences sur les propriétés fébrifuges de la feuille du houx; 2.o une somme égale à M. Lecanu, pour ses recherches sur le sang; 3.o une pareille somme à M. Parent-Duchâtelet, pour ses recherches sur les inconvéniens du rouissage du chanvre; 4.° 4,000 francs à M. Manec, pour son traité de la ligature des artères; 5.o 2,000 francs à M. Bennati, pour ses recherches physiologiques sur les modifications produites dans la voix par l'action des organes situés au-dessus du larynx; 6.o 4,000 francs à M. Deleau jeune, pour un nouveau moyen applicable au diagnostic et au traitement des maladies de l'oreille; 7.o 1,500 francs à M. Mérat, pour avoir concouru à faire connaître et propager, en France, l'emploi de la racine de grenadier contre le tœnia; 8.o enfin 1,500 francs à M. Villermé, pour ses recherches sur la durée comparative de la vie, le développement de la taille de l'homme, et sur la fréquence des maladies dans l'état d'aisance et de pauvreté.

Le reste de la séance est occupé par la lecture de l'éloge de Lamarck, ouvrage posthume de Cuvier, et par celle de l'éloge historique de Young, par M. Arago.

Séance du 3 décembre. CONFORMITÉ ORGANIQUE DANS L'ÉCHELLE ANIMALE. -M. Dugès adresse un ouvrage imprimé, intitulé: Mémoire sur la conformité organique dans l'échelle animale. Entre autres sujets importans, l'auteur signale la découverte d'un rachis ou co

Tonne vertébrale intérieure chez les mollusques. Une préparation à l'appui de cette opinion est jointe au Mémoire.

MOYENS ORTHOPÉDIQUES. M. Pravaz adresse le rapport adopté par l'Académie de médecine sur les moyens et appareils qu'il a imaginés pour remédier d'une manière permanente aux difformités de Ja taille, et demande qu'une commission vienne examiner son établissement, et fasse un rapport à l'Académie. La commission sera composée de MM. Serres, Savart et Double.

Séance du 10 décembre. - Dragonneau. - M. Clot adresse plu-sieurs brochures contenant le compte-rendu des travaux de l'École de médecine qu'il a fondée à Abouzabel, près du Caire ; une relation des opérations chirurgicales qu'il a pratiquées en Egypte, et un aperçu sur le ver dragonneau. Ce ver, selon l'auteur, se développe dans toutes les parties du corps, le nez, la langue, les membres supérieurs et inférieurs, les doigts, le scrotum, etc. Il assure en avoir observé un exemple, en 1828, dans l'œil, sur une négresse arrivée d'Afrique depuis cinq à six ans et esclave à Monpox, ville située sur les bords de la Madeleine. Le dragonneau était logé dans Porbite même de l'œil, et avait déterminé une inflammation bien moindre qu'on aurait pu s'y attendre. On ne le voyait pas constamment; de temps en temps seulement il s'avançait de l'angle externe de l'œil vers la prunelle, en glissant entre la sclérotique et la conjonctive; arrivé à la cornée transparente, il se repliait en suivant le contour de cette dernière, et en se dirigeant en haut. En Égypte, comme à la Côte-Ferme, on a remarqué que les blancs, qui ont des communications avec des nègres nés en Afrique, sont quelquefois attaqués du dragonneau..

MÉCONINE.-M. Chevreul lit en son nom et à celui de M. Thénard un rapport sur un Mémoire de M. Couerbe intitulé: Histoire chimi que de la méconine. Le rapporteur conclut à l'impression de ce tra vail intéressant dans le Recueil des mémoires des savans étrangers. Séance du décembre. 17 POPULATION DES ÉTATS-UNIS.-M. War den adresse le tableau de la population des États-Unis d'Amérique, d'après le recensement. fait en 1830. Il résulte des faits contenus dans ce travail, 1.o que la population totale est de 12,856,154 individus, sur lesquels il y a 10,526,058 blancs libres, 2,010,629 esclaves, et 319,467 gens de couleur libres; 2.° que le nombre des hommes dans la première catégorie est de 5,358,345, et celui des femmes de 5,167,299; dans la seconde, le nombre des hommes est de 1,014,345, et celuides femmes de 996,284; enfin dans la troisième, de 153,495 pour les hommes, et de 165,972 pour les femmes; 3.° que parmi les blancs, il y a 5,244 sourds-muets dont 1,640 au-dessous de 14 ans, 1,874 de 14 à 25, et 1,730 au-dessus de 25 ans; parmi les esclaves et les gens.

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de couleur libres, le nombre des sourds-muets est de 684; 4.o que l'on compte sur la population totale 3,983 aveugles; 5.° enfin que le nombre des centenaires n'est que de 508, savoir: 274 hommes et 234 femmes, c'est-à-dire 1 sur 20,720, pour les blancs; tandis que parmi les esclaves il est de 1386, savoir: 718 hommes et 668 femmes, c'est-à-dire 1 sur 1,450, et parmi les gens de couleur libres, de 627, savoir: 266 hommes et 361 femmes, c'est-à-dire 1 sur 510 individus. STATISTIQUE MÉDICALE. -M. Villermé adresse un mémoire imprimé ayant pour titre: Des épidémies sous les rapports de la statistique médicale et de l'économie politique. L'auteur, d'après les recherches exposées dans ce travail, arrive aux conclusions suivantes :

Les épidémies diminuent de fréquence et d'intensité dans tous les pays qui de la barbarie ou de l'ignorance passent à la civilisation, ou qui d'une civilisation imparfaite arrivent à un état de civilisation perfectionnée. Les classes malhenreuses en sont beaucoup plus souvent atteintes, et par conséquent beaucoup plus souvent victimes que les classes aisées. En faisant disparaître les épidémies, et en diminuant leur fréquence et leur intensité, la civilisation a déplacé, dans beaucoup d'endroits, les époques du maximum et du minimum de la mortalité, et surtout celle du premier; dans les cas d'épidémies, sur un même nombre de malades de chaque âge, la mortalité est d'autant plus forte pour les enfans qu'ils se rapprochent davantage de la naissance, et pour les vieillards qu'ils sont plus avancés en age; de sorte que, sous ce rapport, la loi de la mortalité épidémique suit la loi de la mortalité ordinaire. Delà cette conséquence que les épidémies qui frappent les deux extrêmes de la vie, sont, toute proportion gardée, les plus meurtrières. La vaccine ne fait guère, du moins dans nos pays pleinement peuplés, que déplacer la mort; mais dans les lieux dont les habitans étendent à volonté le sol cultivable, ou disposent de plus de moyens d'existence qu'il ne leur en faut, elle accroît véritablement la population. II ne faut pas croire pourtant qu'elle ne puisse jamais, en aucune manière, contribuer chez nous à cet accroissement. En substituant, pendant un laps de temps donné, un enfant qui devient adulte à deux enfans qui consomment et meurent avant de pouvoir rien produire, la vaccine favorise la production, et par conséquent favorise indirectement, par l'emploi des produits ou des moyens qui en résultent, l'accroissement de la population. Mais cet effet est bien minime en comparaison de celui qu'on attribue généralement à la vaccine. Tous les préservatifs des maladies de l'enfance agissent de la même manière ; et de même aussi, en supprimant une cause de mort, ils donnent plus d'activité aux autres.

Dans nos pays civilisés, les épidémies les plus meurtrières ne

diminuent la population que passagèrement; les vides qu'elles occasionnent se comblent très-vite, et par des mariages et par des naissances proportionnellement plus nombreux que jamais, et par l'arrivage des étrangers qui viennent prendre les emplois vacans. Mais si les épidémies ne diminuent pas communément la population des pays qu'elles ravagent, si ce n'est d'une manière passagère, elles n'en ont pas moins sur la population et sur son mouvement une influence très-réelle, influence qui est différente selon que les épidémies ont lieu tous les ans ou bien à de longs intervalles. Dans le premier cas, c'est-à-dire quand les épidémies se reproduisent à peu-près chaque année, comme cela se voit au voisinage des rivières et de beaucoup de marais, le renouvellement des générations est plus rapide; la vie moyenne des hommes est plus courte; il y en a moins qui atteignent l'âge adulte et surtout la vieillesse. La population ne diminue pas par la raison toute simple que les mariages se font, pour ainsi dire, au sortir de l'enfance, et que dans un temps donné, il y a beaucoup plus de naissances que dans les autres pays; seulement la place qui, dans les cantons les plus favorables à la longue vié des hommes, se trouve occupée par le même individu durant quarante ans, le sera successivement par deux ou trois, dans ces cantons malsains où, par la fréquence des épidémies meurtrières, la moyenne de la vie est réduite à vingt et même à treize ans. Mais si le nombre des individus peut être le même dans les deux pays, il s'en faut bien que leur valeur soit la même. Ici ce sont des individus chétifs, infirmes, trèssouvent malades, dont beaucoup meurent avant de pouvoir produire et sont, si l'on peut employer cette comparaison, comme des capi taux qui se perdent en mer; là, ce sont au contraire des hommes bien portans, bien valides, robustes, vigoureux, qui font la force du pays et vivent en général d'une pleine vie, ou dont le travail du moins dure tout le temps nécessaire pour profiter à eux-mêmes. et à leur famille. Dans le second cas, c'est à-dire, lorsqu'une épidémie apparaît tout-à-coup dans un lieu qu'elle n'avait pas coutume de ravager, ou même qu'elle sévit avec une vigueur inaccoutumée, dans une contrée qui n'en était pas complètement exempte, il se fait un vide sensible dans la population, et immédiatement après on remarque parmi ceux qui restent une quantité extraordinaire, toutes choses égales d'ailleurs, de mariages et de naissances. C'est à tel point, que des unions qui n'ont pas été rompues, et dont on n'attendait plus d'enfans, redeviennent fécondes. Enfin, non seulement le nombre annuel des morts diminue, mais encore le nombre proportionnel, comme si véritablement les hommes étaient devenus plus vivaces ou moins sujets à mourir. Voilà ce qui a fait dire que les grandes épidémies sont suivies d'une période de grande salubrité;

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mais tout doit porter à croire qu'il n'y en a que l'apparence; conçoit en effet que la maladie emporte surtout les individus malingres, et laisse plus considérable la proportion des hommes valides, et qu'en même temps qu'elle fait plus de place, elle donne plus d'existence à ceux qui restent. Or, ce dernier changement, quelle qu'en soit la cause, a toujours, comme on le sait, une influence sensible sur la longévité aussi bien que sur le nombre des naissances.

Séance du 24 décembre. M. Bennati adresse un paquet cacheté contenant le dessin et la description d'un appareil nouveau destiné à éclairer et à rendre accessible à la vue la partie supérieure du larynx et les parties environnantes.

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ANATOMIE DU CERVEAU. — - M. Leuret annonce une découverte qu'il a faite sur la véritable structure du cerveau qui, suivant lui, est formé de lamelles très-minces et distinctes les unes des autres. Il demande qu'une commission soit nommée pour examiner les préparations qu'il a faites et dans lesquelles il a rendu cette structure manifeste.

PARA-MORPHINE. M. Pelletier annonce qu'il a découvert, dans l'opium, une nouvelle substance cristalline, isomère de la morphineet qu'il propose de nommer para-morphine. Cette substance diffère essentiellement de la morphine par ses propriétés chimiques, quoique sa composition élémentaire paraisse la même. On ne peut pas. non plus la confondre avec la codéine de M. Robiquet, ni avec les autres substances cristallines trouvées dans l'opium. Sa saveur est analogue à celle de la pyrethre; sa solubilité dans l'alcohol et dans l'éther, infiniment plus grande que celle de la narcotine, et elle en diffère encore par sa fusibilité et sa cristallisation. Elle jouit d'une action très-énergique sur l'économie animale, et à très-petites doses elle tue un chien en quelques minutes, comme l'ont prouvé plusieurs expériences tentées par M. Magendie. Elle paraît agir sur le cerveau et donne lieu à des convulsions violentes. MM. Thénard et Chevreul sont chargés d'examiner le travail de M. Pelletier.

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Séance du 31 décembre. SULFATE DE CADMIUM. M. Grimaud adresse, pour le concours Monthyon, un mémoire dans lequel il cherche à prouver, par des faits et des expériences, que le sulfate de cadmium peut être substitué avec avantage aux préparations mercurielles.

A l'occasion d'une lettre de M. Leuret relative à ses découvertes sur la structure du cerveau, M. Serres fait remarquer que plusieurs des opinions que l'auteur lui attribue ne sont pas conformes à ce qu'il a déjà publié. Il soutient que plusieurs de ces découvertes ne ́sont pas nouvelles. Nous rendrons compte de cette discussion lors du rapport à faire sur le mémoire de M. Leuret.

M. Larrey lit en son nom

CURE DES HERNIES INGUINALES RÉCENTES. et à celui de M. Boyer un rapport peu favorable sur un procédé proposé par M. Bertrand, pour la cure des hernies inguinales récentes et peu volumineuses. Ce procédé consiste à ouvrir le sac herniaire et à déterminer l'inflammation de ses parois pour en obtenir l'adhé rence; ce qu'il arrive à faire en y introduisant une mêche de charpic. Le rapporteur blâme cette méthode comme peu sûre et pouvant entraîner des dangers. M. Serres et Duméril pensent, au contraire, que les expériences sur les animaux tendent à faire regarder ce procédé comme utile dans beaucoup de cas. Une discussion s'engage sur ce point; cependant, le rapport et ses conclusións sont adoptées.

VARIÉTÉS.

Séance annuelle de la Faculté de médecine de Paris. tribués et proposés par la Faculté.

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Cette solemnité avait attiré, comme d'ordinaire, une grande affluence de médecins et d'élèves. On remarquait sur les premiers bancs Clot-Bey et les jeunes arabes que le pach. d'Égypte a envoyés en Europe, pour rapporter dans leur patric les leçons puisées dans nos écoles. La séance était présidée par le doyen de la Faculté, M. Orfila, assisté des membres du conseil. C'est M. Chomel qui a prononcé le discours. Ce professeur, après avoir retracé les terribles effets du fléau inconnu jusqu'alors à nos contrées, et signalé le dévouement des médecins dans cette époque de désolation et de terreur générale, a payé un tribut d'éloges à ceux de nos confrères qui ont succombé dans l'année sous les coups de l'épidémic ou d'autres maladies. Il s'est particulièrement étendu sur deux médecins appartenant spécialement à l'école; Leroux, octogénaire, qui fut longtemps doyen de la Faculté et professeur de clinique médicale; et Dance, frappé à l'entrée de sa carrière, agrégé de la Faculté, et que ses talens appelaient à y remplir une place plus élevée. M. Chomel a très-bien caractérisé les travaux et le mérite de ces deux médecins, ainsi que de Cuvier, Chaptal, Portal, que la même année a vu descendre dans le tombeau.

M. Chomel a ensuite rappelé les nombreuses améliorations qui ont eu lieu cette année dans la Faculté, et qu'elle doit aux lumières et à l'activité de son doyen: ces salles de dissection, où l'étude de l'a

natomie est devenue facile et salubre, par le soin avec lequel toús les besoins de la science ont été prévues, et qui sont disposées pour se transformer l'été en laboratoire de chimie où un nombre considérable d'élèves pourront être exercés aux manipulations et s'instruiront dans la partie pratique de cette science ct surtout de la médecine légale relative aux poisons; ces cliniques de médecine, de chirurgie, d'accouchement, qui s'élèvent à grands frais à côté de la Faculté et qui doivent compléter son enseignement pratique; les nombreuses et utiles acquisitions de livres pour la bibliothèque. Ces bienfaits d'un professeur déjà cher aux élèves avant qu'il eut été placé à la tête de la Faculté, amenaient naturellement le souvenir de la maladie récente qui faillit enlever M. Orfila au milieu de ses travaux imparfaits. M. Chomel a décrit en homme qui les avait vivement partagés tous les sentimens qui émurent l'école toute entière, à la nouvelle de l'événement qui la menaçait, puis des espérances qui se réalisèrent enfin après une longue et douteuse convalescence. Les applaudissemens unanimes et répétés qui accueillirent cette partie du discours prouvèrent à l'orateur qu'il avait peint avec vérité les sentimens de l'assemblée.

Le discours de M. Chomel, écrit dans des principes droits et sévères, et prononcé d'un ton grave, a été généralement goûté, et a reçu de nombreux applaudissemens.

M. le professeur Berard a proclamé ensuite les noms des élèves de l'Ecole pratique, et des élèves sages-femmes qui ont obtenu des prix et des mentions honorables.

Le prix fondé par un anonyme a été obtenu par M. Chauffard, d'Avignon.

Il n'y a pas eu lieu à décerner cette année la médaille du prix Corvisart. Deux médailles d'argent et des livres sont seulement accordés à MM. Fleury, de Clermont (Puy-de-Dôme); Requichot, de Salongey (Côte-d'Or); Lagarde, de Brigueil (Charente).

La Faculté a arrêté pour sujet du prix de clinique fondé par Corvisart, à décerner en 1833, la question suivante :

Déterminer, d'après les observations recueillies dans les cliniques médicales de la Faculté, l'effet des médicamens purgatifs dans les diverses malad ies.

Concours pour l'agrégation ( chirurgie. )

Les concurrens nommés sont MM. Michon, Robert, Monod, Danyau, Alphonse Sanson.

Réclamation de M. MARC D'ESPINE, relativement à l'article de M. PIGEAUX, sur les bruits du cœur.

MONSIEUR LE Rédacteur,

M. Pigeaux, auteur de l'article sur les bruits du cœur, que renferme votre dernier numéro, avait déjà publié l'année dernièrè, sur le même sujet, un examen critique d'un mémoire que je venais de lire à l'Académie royale de médecine, et que je ne publiai qu'un mois plus tard dans votre journal. J'aurais eu donc presque le temps de répondre à la critique empressée en publiant son substratum. Cet examen critique était un peu obscur; il n'offrait rien qui portât la moindre atteinte à mes résultats; je pris donc le meilleur parti, et pour le public qui n'aime pas à feuilleter des pages où il n'a rien de bon et de positif à prendre, et pour M. Pigeaux auquel je me serais vu forcé de dire que je ne le comprenais pas. Je ne répondis rien. Mais voici que M. Pigeaux revient à l'assaut; et dans un examen critique de tous les systêmes ou doctrines sur les bruits du cœur, j'ai de nouveau l'honneur d'être mis en avant. Je suis fâché de le dire encore; mais M. Pigeaux est encore bien obscur. Après quelques lignes qu'on croit avoir comprises, on rencontre des séries de phrases embrouillées dont on ne peut au juste mesurer la portée. M. Pigeaux me fait marcher de front avec M. Hope, auteur anglais, qui, sauf un point spécial, est arrivé aux mêmes résultats que moi, à la suite d'expériences faites principalement sur des ânes.

J'ai lu dans l'ouvrage de M. Hope la partie qui a trait au sujet dont je me suis occupé. Et je dois avouer que tout ce qui tient aux expériences parait avoir été fait avec un très-grand soin. Les faits n'ont été regardés comme constatés, que lorsqu'ils étaient reconnus par toutes les personnes présentes aux expériences. Si j'osais me permettre une critique à ce sujet, ce n'est certes pas l'expérimentation que j'attaquerais; je dirais seulement que les conclusions m'ont paru sur quelques points être un peu plus affirmatives que ne le permettent les faits. C'est ainsi que M. Hope conclut que les causes du premier et du second bruit sont la contraction et la dilatation des ventricules, quoi qu'il ne soit arrivé qu'indirectement à cette solution. Voilà en quoi je veux être isolé de M. Hope. Il y a dans mes recherches deux ordres de résultats; les uns dans de simples faits constatés par mes amis, par moi, et vérifiés par M. Andral, qui voulut bien faire un rapport à l'Académie sur mon mémoire: ces faits sont suivis des conséquences rigoureuses qu'ils comportent; les coïncidences qui existent dans le temps entre les divers mouve

mens qui se passent dans le mécanisme du cœur, et les divers temps dans lesquels se décompose chaque rythme du cœur à l'auscultation. Il y a ensuite une seconde partię où je me demande quelles sont, parmi les coïncidences, les vrais causes des bruits. J'ai serré autant que possible cette discussion. Je me suis borné à affirmer que tout mouvement non coïncidant devait être rayé de la liste de ceux parmi lesquels on pouvait chercher les causes; mais en arri vant à l'hypothèse de la dilatation active des ventricules comme cause du second bruit, j'ai bien soin d'indiquer que je ne suis plus sur le terrain de l'affirmation; que cette cause me paraît être celle qui explique le mieux le second bruit, et je le prouve par les détails dans lesquels je suis entré. On voit donc que je n'ai point eu la prétention de faire une théorie dans le sens qu'on donne ordinairement à ce mot, une théorie neuve; je me garderai, j'espère, toute ma vie de pareilles prétentions, et je les laisse à ceux qui par-dessus tout ont envie de faire du bruit, sans trop s'inquiéter d'avancer de quelque chose l'oeuvre de la vérité.

Il est encore bien des choses que me prête M. Pigeaux, et que je crois devoir repousser. Il prétend que M. Hope et moi nous nous appuyons sur les principes du docteur Barry, pour refuser aux oreillettes toute participation active aux bruits du cœur. J'avoue, pour ma part, que je n'ai jamais été chercher des principes et des points d'appui dans les opinions des autres; je ne fais pas plus de cas d'une pure opinion que d'un simple doute; j'ai dit ce que j'ai vu, c'est que les appendices auriculaires seuls se contractent visiblement; et quand j'ai bien vu une chose, j'ai coutume de le dire: de ce que les oreillettes ne se contractent pas visiblement, je me garde bien de conclure qu'elles sont un luxe d'organisation; car de ce qu'elles ne remplissent pas un but connu, il n'en résulte pas qu'elles n'aient une ou plusieurs autres fins qui nous échappent. Je me borne à douter. Quant à M. Hope, il a cru voir battre l'oreillette ou plutôt l'appendice dans un temps qui n'est isochrône ni au premier, ni au second bruit: voilà la raison qui l'a engagé à lui refuser toute chance de causalité.

M. Pigeaux m'honore aussi d'une explication des bruits de soufflet et de scie, desquels, à dessein, vu l'insuffisance de mes données, je n'ai pas dit un seul mot. Enfin je m'arrête de crainte d'occuper déjà trop de place dans votre Journal. Je renvoie les lecteurs qui ont eu la patience de lire la critique de M. Pigeaux, et qui veulent juger consciencieusement mes recherches, au Numéro de novembre 1831 de votre Jonrnal. Je maintiens tout ce que j'ai avancé ; j'offre d'aider à vérifier les faits quand on le voudra; et je prie M. Pigeaux,

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si mes paroles ont été d'une vérité un peu apre, de ne pas trop m'en vouloir ; il ne peut s'en prendre qu'à lui. MARC D'ESPINE.

ERRATA.

P. S. Il a été dit à la page 334 du numéro de novembre des Arch. gén. de Méd., que la vaste salle des cancérés, exposée est et ouest, a eu 16 malades sur 88 habitans. Exacte, par rapport à ce dernier fait, l'assertion ne l'est pas sous le rapport de l'exposition attribuée à la salle, puisque celle-ci n'est pas orientée nord et sud. Elle avait donc contre elle son genre d'exposition, et à cet égard elle ne fait pas exception. La sixième salle seule en est un exemple, car elle a plus souffert que la salle des ivrogues. Anssi les deux exceptions à l'influence de l'exposition des bâtimens, que nous disions avoir remarqué à Bicêtre, se réduisent à une seule. ROCHOUX.

BIBLIOGRAPHIE.

e

Elémens de Médecine-operatoire, par M. VEL PEAU. (II. article.)

Dans le dernier Numéro des Archives, j'ai fait l'examen des opérations générales, ou que l'on pratique sur toutes les régions du corps: je vais maintenant donner l'analyse des opérations spéciales, en suivant avec M. Velpeau l'ordre topographique.

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Téte. Parmi les opérations qui se pratiquent sur la tête, la rhinoplastique tient aujourd'hui une des premières places. Cela justifie l'étendue des réflexions de M. Velpean sur les méthodes de l'opérer; sa préférence pour le procédé de Tagliacozzi modifié par Graëfe, est sans doute fondée sur les quatre succès obtenus sur cinq essais tentés par ce dernier chirurgien ; cependant on a généralement renoncé à tailler le nez sur le bras, et à le maintenir sur la face jusqu'à la réunion du lambeau destiné à faire le nez, comme M. Velpeau avoue d'ailleurs, que la méthode de tailler le nez sur le front, est celle qui de nos jours a eu le plus de succès, nous ne voyons pas bien clairement pourquoi il préfère la méthode de Tagliacozzi.

et

Viennent ensuite les procédés nombreux pour la guérison de la tumeur et de la fistule lacrymales nous aurions voulu que M. Vel

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peau suivit dans tout le cours de l'ouvrage l'esprit qui l'a dirigé ici, Détails anatomiques chirurgicaux, description, et examen pur et simple des méthodes opératoires. Tous les procédés anciens y sont décrits avec exactitude; parmi les méthodes indiquées ou renouvellées par les modernes, la cautérisation prend justement une place importante faite de bas en haut d'après la méthode de M. Gensoul, elle est conseillée à juste titre par M. Velpeau : j'adhère d'autant plus volontiers à ce conseil que je l'ai répétée et pratiquée avec quelque succès. Puis arrivent les méthodes de pratiquer aux larmes une route artificielle; ici, j'ai personnellement des reproches à faire à M. Velpeau. Je le soupçonne d'avoir rendu compte de la méthode d'ouvrir une route dans le sinus maxillaire sans avoir remonté aux sources; il y aurait eu affectation de ma part à ne pas relever les erreurs à ce sujet, par cela seul que je crois l'avoir proposée le premier; voici sur quels motifs se fonde ma réclamation.

1. Ce n'est pas M. Briot, mais M. Pecot, le père, qui a pénétré par hasard dans le sinus maxillaire (T. VIII des Mémoires de la Société médicale d'émulation).

citer ses sources!

2. Jamais M. Pécot n'a proposé de placer une canule dans le sinus maxillaire, j'ai fait des recherches à cet égard, j'ai consulté et n'ai rien appris, qui appuie l'assertion de M. Velpeau. Si j'ai mal cherché, voyez ce que c'est que de ne pas 3. Quand bien même M. Pecot aurait proposé de placer uue canule dans le sinus maxillaire, je ne l'ai pas proposé, moi. Pourquoi me le faire dire? M. Velpeau n'a pas lu, ou a mal lu mon mémoire; il y aurait vu ce que devient le danger de l'accumulation des larmes dans le sinus.

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4. Il se serait bien gardé de déclarer alors d'une manière aussi péremptoire qu'à cause de ce danger, la perforation de l'os unguis aurait encore moins d'inconvéniens.

Veut-il savoir quel est l'état de la science à cet égard? Les deux seules observations connues d'ouverture de la paroi correspondant au sinus maxillaire, constatent la convenance et l'innocuité de cette méthode. L'une est celle de M. Pecot, rapportée par M. Briot, et suivie d'un succès qui ne s'était pas démenti après huit ans, bien qu'on n'eût fait aucune tentative pour maintenir l'ouverture accidentelle, l'autre est de Jourdain, dentiste du dernier siècle. Une fistule lacrymale communiquait avec le sinus maxillaire par carie de la paroi osseuse qui la sépare du canal nasal: le sinus était d'ailleurs distendu par du pus, qui sortait par regorgement à travers la fistule lacrymale. L'ouverture du sinus, faite dans la bouche pour guérir l'abcès,

fut suivie promptement de la guérison de cette collection purulente et de la fistule lacrymale: Si l'on veut, qu'on vante après cela, la perforation de l'os unguis si difficile à maintenir ouverte ! Ainsi M. Velpeau rejette l'ouverture du sinus à cause des accidens que peut y causer l'accumulation des larmes, et il déclare sa préférence pour la perforation de l'os unguis; ce qui ne l'empêche pas de nous dire à la page suivante que, ce qui doit éloigner davantage encore de la mé thode de Woolhouse, c'est que les larmes prennent rarement l'habitude de tomber dans le nez, quand même la route qu'on leur a frayée resterait béante!! Cet inconvenient de ne pas répondre à son but, le plus grave de tous pour une route artificielle, M. Velpeau ne le redoute pas pour la perforation du sinus maxillaire, puisqu'il ne craint que l'accumulation des larmes dans cette cavité; c'est donc un avantage qu'il reconnaît de fait à cette dernière opération; quant aux accidens produits par les larmes, ils sont imaginaires et fusseut-ils réels, rien de plus simple que d'y remédier, puisqu'on guérit l'hydropisie de l'antre d'Hygmore.

A l'occasion de l'ectropion, nous n'avons pas trouvé le procédé de Chelius, qui ne consiste pas seulement à inciser les cicatrices, la peau de la paupière inférieure, mais à la décoller largement de haut en bas, afin de donner une plus grande laxité aux parties. Il est beaucoup plus facile alors, dit le docteur Fisher, dans sa thèse inaugurale soutenue à Heidelberg en 1830, de relever le bord libre de la paupière. Chelius fait ensuite quelques petites incisions verticales sur le muscle orbiculaire mis à nu, qu'il regarde comme contracté spasmodiquement ; delà pour lui un ectropion spasmodique, que Bénédict croit pouvoir faire disparaître quelquefois par le seul rapprochement des paupières.

Cataracte. La convenance de l'opération de la cataracte, lorsqu'un œil seulement est affecté, est assez bien établie par M. Velpeau, qui regarde comme rare l'inflammation de l'oeil sain consécutive à l'opération, rejete avec Lusardi et M. Roux, l'inconvénient généralement admis pour la vision de la perte du cristallin d'un seul côté. Cette opinion est fondée sur des faits nombreux; il ne faut donc pas dire : « en conséquence, si le malade est jeune et bien constitué, il faudra l'opérer.» En admettant cette restriction, on a l'air de douter de sa propre conviction. Qui ne sait d'ailleurs que le malade âgé est plus pressé de jouir de l'opération?

La discussion relative au broiement de la cataracte laisse croire à tort que ce procédé est au choix de l'opérateur. On broie forcément les cataractes molles, on ne broie pas à volonté les cataractes dures; les tentatives faites dans ce cas déplacent le cristallin en masse; c'est en arrivant sur cet organe qu'on apprend ce qu'on doit

faire. Le broiement est commandé à l'opérateur; généralement il n'en a pas le choix.

En parlant de la méthode d'aller chercher le cristallin dans la chambre antérieure à travers la pupille, il fallait citer M. Briot de Besançon, en tête. Son mémoire, couronné en 1814 par la Société médicale d'émulation, en contient une belle observation. Décidément M. Velpeau n'a pas lu ce mémoire.

L'examen comparatif des deux méthodes principales de traiter la cataracte est fait avec beaucoup de talent. Je ne saurais trop cn conseiller la lecture. Les méthodes de pratiquer la pupille artificielle sont aussi bien traitées. J'en puis dire autant de l'extirpation de l'ail, du bec de lièvre.

L'art de restaurer les lèvres et les joues, si bien établi aujourd'hui sur les essais ingénieux de MM. Delpech, Lallemand, Roux, Gensoul, me semble avoir été rendu d'une manière un peu obscure par M. Velpean: il faut, pour faire bien comprendre ce genre d'opérations, une description très détaillée et très-claire. Il a été plus heureux à mon avis, en décrivant la méthode ingénieuse de Dieffenbach, pour guérir la coarctation de l'ouverture de la bouche.

Tumeurs salivaires.- Le séton, si efficace, comme le reconnaît M. Velpcau, pour le traitement des fistules salivaires, a été jugé par lui bien sévèrement dans son application à la curc de la grenouillette. Mais il est évident qu'il s'est mépris sur le mode d'action de ce moyen : il a cru que les praticiens qui l'emploient avaient l'intention d'enflam mer l'intérieur de la poche, comme on le fait pour l'hydrocèle. On sait bien qu'il est ici question d'établir un orifice fistuleux permanent. Le séton, sous ce rapport, donne une double chance. Il y a aussi là une question de priorité qu'il était convenable de mieux éclaircir. Quant à la valeur de ce moyen, il arrive au reste, par un hasard singulier, que M. Velpeau loue à la page suivante l'emploi du même procédé opératoire, fait par M. Verhnes du Tarn, pour guérir une tumeur salivaire développée sur le trajet du conduit de Stenon à la suite d'une blessure. Il en est donc partisan: au reste, pour le fortifier dans cette opinion quant à la grenouillette, deux exemples récens, dus à MM. Mancel et Guersent fils, prouvent la supériorité de cette méthode simple.

L'histoire de la staphyloraphic est bien faite; elle est complétée par la description de la méthode de MM. Krimer et Bonfils, qui consiste à emprunter à la membrane muqueuse palatine des lambeaux pour combler les pertes de substance du voile du palais.

Polypes. C'est donner une idée bien inexacte du serre-noud de Graeffe, pour la ligature des polypes du nez, que de dire qu'il est composé de deux pièces qu'on fait glisser l'une sur l'autre à l'aide d'un bouton

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latéral : il serait impossible, d'après cet énoncé, dese figurer sa structure et son mode d'action. L'une des pièces qui le composent est uné tige percée à une extrémité d'un petit canal, comme les serre-nœuds ordinaires, sillonnée d'un pas-de-vis sur sa longueur, et portant à l'autre extrémité un pavillon à l'aide duquel on peut la faire tourner sur elle-même. L'autre pièce est une virole à pas-de-vis intérieur, surmontée d'une plaque horizontale échancrée vers l'opérateur, pour arrêter les fils. La virole court sur le pas de la tige, et se rapproche du pavillon à mesure que l'anse du fil qu'elle entraîne avec elle se rétrécit, et étrangle le polype. Ce serre-nœud est certainement un des plus simples et des plus efficaces.

Titre II. — Opérations pratiquées sur le tronc. -Col. Nous devons recommander à toute l'attention du lecteur les détails d'anatomie et de médecine opératoire, que M. Velpeau a donnés sur l'ablation de la parotide et des tumeurs de la région occupée par cet organe; le traitement des tumeurs du corps thyroïde, bien que sur ce dernier sujei il ne nous ait pas paru connaître toutes les observations, et qu'il n'ait pas insisté, à tort, suivant nous, sur les cas où il y a kyste. La méthode des ponctions exploratrices était ici de toute rigueur; car la matière contenue est loin d'être Ja même dans tous les cas.

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Mais ce que nous devons louer sans restriction, c'est l'exposé des motifs de la bronchotomie appliquée au traitement du croup; les raisonnemens les meilleurs, parce qu'ils sont appuyés sur les observations les plus concluantes, établissent qu'il est du devoir du chirurgien de pratiquer la bronchotomie, d'après l'exemple de M. Bretonneau, dans les cas même les plus désespérés.

Poitrine.-M.Vel peau propose de faire l'opération de l'empyème d'un seul temps, comme on fait l'ouverture d'un abcès ordinaire. «< Elle serait, dit-il, plus simple et tout aussi sûre; si l'on n'est pas tombé sur le foyer, il ne craint pas d'atteindre le poumon parce qu'il sera refoulé par l'air extérieur aussitôt que la plèvre sera ouverte ; et dans le cas d'adhérence, quel danger, dit-il, pourrait faire naître une faible piqûre de son parenchyme? La modification proposée par M. Velpeau ne me paraît pas heureuse. Son but n'est pas seulement, je le suppose, de rendre l'opération plus prompte; car les ponctions avec le trois-quarts sont depuis long-temps conseillées, et répondent à cette intention; c'est probablement de faire avec promptitude une incision de la plèvre aussi grande que dans l'empyeme, suivant la nature du fluide contenu. Eh bien! je crois que par cette méthode le danger de blesser le poumon serait beaucoup plus grand que par l'empyème ordinaire, et ce danger serait couru inutilement. D'abord il ne faut pas oublier que des chirurgiens distingués se sont quelquefois trompés sur l'existence du liquide. M. Velpeau admet

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lui-même le cas où l'on ne tomberait pas sur le foyer. Dans ce cas le poumon, libre d'adhérences, sera si brusquement saisi par l'instrument tranchant, que le mouvement de retraite sera impossible; car il faudrait nier alors que le poumon peut être blessé par la pointe d'un sabre ou d'une épée plate dans une plaie de poitrine, attendu que la plèvre est toujours incisée avant cet organe. Dans l'opération ordinaire, le retraite du poumon n'a lieu si sûrement que parce que la plaie extérieure est largement ouverte. Au contraire, s'il y a des adhérences, on ne courra pas sans doute le danger de l'épanchement sanguin dans la plèvre; mais on aura fait au tissu, pulmonaire une plaie aussi grande que la plaie extérieure. Et pourquoi, sans utilité réelle, s'exposer à blesser le poumon? Est-il convenable d'ailleurs de faire la plaie de la plèvre aussi grande que celle des tégumens, ou de faire celle-ci aussi petite que celle de la plèvre ? L'embonpoint du sujet, l'infiltration des parois de la poitrine, pourraient de plus rendre cette manière d'opérer fort incertaine.

Abdomen. -La discussion relative à la cure radicale des hernies m'a semblé pleine d'intérêt. M. Velpeau n'est pas éloigné d'admettre qu'elle puisse être tentée; et après avoir lu les pages qu'il consacre à soutenir cette opinion, on est fort disposé à partager son avis: les faits et le raisonnement y autorisent.

Tout ce que M. Velpeau a écrit touchant les hernies m'a paru fort bien fait; mais il est évident qu'ici il a complètement oublié qu'il ne faisait qu'un traité de médecine opératoire : l'emploi de tous les moyens recommandés contre la hernie étranglée, l'histoire anatomique du sac herniaire, des diverses causes de l'étranglement y sont exposés avec beaucoup de soin. Au reste, on peut dire que ce sujet est l'un de ceux où il est le plus excusable de ne pas s'en tenir strictement à la description des procédés opératoires, parce que des modifications sans nombre peuvent les faire varier.

Organes sexuels. On trouve dans l'ouvrage de M. Velpeau des détails curieux et peu connus sur l'état de la tunique vaginale du testicule après l'opération par injection. Mais il nous laisse ignorer si l'on doit opérer des deux côtés le même jour; s'il faut opérer à la fois, par incision, l'hydrocèle enkystée du cordon compliquée d'hydrocèle vaginale.

La castration est traitée d'une manière complète. Un véritable inconvénient de la ligature du cordon en masse, c'est de donner lieu quelquefois à des engorgemens et des abcès du cordon, et de persister fort long-temps. Je l'ai vue s'opposer six semaines à la guérison de la plaie. M. Velpeau, qui la défend, n'a pas parlé de ces inconvéniens.

On trouve à l'article, Corps étranger dans la matrice, un exemple de la pierre de cet organe, observé par M. Velpeau.

Les procédés de Levret et de Desault, pour la ligature des polypes utérins, ne sont pas décrits, à mon avis, avec assez de clarté pour des élèves. M. Velpeau m'a paru ici trop concis.

L'ablation du col utérin, l'extirpation ou l'excision de l'utérus, m'ont semblé au contraire bien étudiées et bien présentées. L'auteur a fait justement remarquer, pour apprécier la valeur pratique de la première de ces opérations, que MM. Dupuytren, Récamier et Lisfranc y ont depuis quelques années renoncé, ou l'ont appliquée moins souvent. Quant aux deux autres, on sera moins tenté d'y avoir re cours après avoir lu son ouvrage.

Sou appréciation des moyens opératoires dirigés contre les fistules vésico-vaginales, est à mes yeux moins bien raisonnée. Comment dire que dans l'observation de Malagodi, la cautérisation par le nitrate d'argent ait eu plus de part à la guérison que la suture, lorsque les deux tiers de la fistule étaient déjà cicatrisés par la suture, avant l'application du caustique?

Il est évident que pour peu que la fistule soit large, il faut en rapprocher les bords à l'aide de la suture, ou des moyens analogues. Pour la pince-érigne, je crois qu'on peut en combatre l'usage, mais par d'autres argumens que ceux de M. Velpeau. Comment douter par exemple que ses crochets puissent être assez fixes pour maintenir les lèvres de la fistule? Mais ce genre de pince a toute la force et la fixité de l'entérotome; craignez plutôt qu'elles ne déchirent les parties. D'autre part, si le contour de la fistule est en général fort mince en arrière, épais en avant, etc., etc., qu'en un mot ce contour offre une résistance inégale, les points faibles seront aussi bien déchirés par la suture que par la pince-érigne. Je ne dis pas que la suture ne puisse être considérée comme préférable, mais ce n'est pas par les motifs qu'allègue M. Velpeau qu'on doit établir sa supériorité.

M. Velpeau a cru devoir faire précéder l'examen des procédés de lithotomie, du diagnostic des calculs urinaires, sur lequel il a beaucoup insisté, avec raison, puisque cette exploration préliminaire doit précéder toute opération de taille, et fait pour ainsi dire partic de l'opération elle-même mais il est loin d'avoir établi toutes les causes d'erreur que le chirurgien peut rencontrer. Je me bornerai à lui signaler l'introduction de la sonde dans l'uretère, dont Pelletan a rencontré deux exemples, ainsi que l'avance Chopart.

Le diamètre transversal de la prostate a-t-il 15 à 18 lignes d'étendue, ou bien a-t-il 16 à 20 lignes? Il ne peut venir à l'esprit de per

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sonne que M. Velpeau n'ait pas à cet égard les notions les plus précises mais il a donné ces deux mesures notablement différentes d'une page à l'autre ; dans tous les cas le diamètre de l'urètre se trouve compris dans cette étendue. D'où vient alors cette diversité d'indications? Il est de la dernière importance d'être précis à cet égard; peutêtre est-ce une faute d'impression.

A l'occasion de la taille bilatérale, il eût été juste de mentionner la pratique d'Astley-Cooper, qui l'a faite plusieurs fois avant 1825, à l'aide d'une lame plate et tranchante sur les deux côtés : je l'ai entendu lui-même en parler à l'Hôtel-Dieu, au sujet des malades opérés par le double lithotome.

Du reste tout ce que M. Velpean a écrit sur ces diverses méthodes de tailler l'homme et la femme, est fait avec beaucoup de soin, c'est une des parties les mieux traitées du livre.

L'exposition de la lithotritie est fort bien faite; quoique compliqué par lui-même, ce sujet est rendu avec une grande clarté. Nous ne devons pas moins louer l'impartialité avec laquelle est établi le parallèle de la lithotritie et de la taille.

La cauterisation d'avant en arrière dans l'urètre est à peu près proscrite par M. Velpeau ; comme méthode générale, il est certain qu'elle doit être repoussée. Mais il est des cas où il est impossible de faire pénétrer la bougie la plus fice, et, où par conséquent la cautérisation latérale et la dilatation sont nécessairemeut ajournées. Les observations de M. Lallemand en font foi. J'en ai rencontré de semblables. Il est d'autres cas où la cautérisation convient seule; par exemple: celui des rétrécissemens très-courts, daus lesquels le canal est plus ou moins fermé par une cloison mince. La dilatation serait longue à les effacer; la cautérisation les détruit en une séance; ces diverses circoustances devaient être notées.

M. Velpeau avait fortement blamé T. 3, page 775, la canule que quelques praticiens mettent dans la plaie après la taille périnéale, pour rétablir plus promptement le cours des urines. Elle irrite, disait-il la plaie, le col de la vessie, et l'intérieur de cet organe: il vaudrait mieux, ajoutait-il, si l'on sentait le besoin de s'opposer au rapprochement des lèvres de la plaie, y placer une mêche de linge effilée, ou une tente de charpie. D'autre part page 937, à l'occasion du traitement des rétrécissemens de l'urètre par l'incision de dehors en dedans, il rejetait avec raison la méthode de Groniger et Cox, y préferait de beaucoup la ponction de la vessie, et ajoutait: « Je doute qu'aucnn praticien français se trouve aujourd'hui dans la nécessité d'imiter uue pareille conduite, et que la simple boutonnière elle-même (qui doit toujours suffire à l'homme iustruit pour découvrir la continuité du caual, ne soit pas constamment évitée

par, eux. » Aussi ai-je été très surpris de rencontrer le passage suivant aux pages 962 et 963, dans l'examen de la ponction de la vessie par le périnée. « Néanmoins, comme en pareil cas la vessie est fortement distendue, et que son conduit excréteur est presque constamment élargi derrière la coarctation, si j'étais jamais dans la nécessité d'ouvrir une voie artificielle aux urines, je me bornerais à chercher l'urètre, à lui faire une boutonnière entre le rétrécissement et l'anus, dussé-je comprendre le sommet de la prostate dans mon incision. Cette ouverture aurait le double avantage d'offrir un passage à la sonde, aux canules qu'on voudrait introduire, etc., etc. La boutonnière dont je parle est certainement moins dangereuse que les autres espèces de ponctions, qu'elle est de nature, si je ne me trompe, à remplacer avec efficacité, etc., etc., » d'où il résulterait que la boutonnière ne devrait pas toujours être évitée par les praticiens, et que la canu!e introduite dans la vessie par une plaie du périnée, ne serait plus aux yeux de M. Velpeau une source aussi féconde d'accidens, puisqu'un des avantages de la boutonnière serait de permettre de la placer.

Il est à craindre que M. Velpeau ne donne aux jeunes chirurgiens trop de sécurité après l'ablation des hémorrhoïdes internes, en disant des vaisseaux intéressés par l'opération : « Abandonnées à elles mêmes, ces bouches vasculaires ne tarderaient probablement pas à cesser de fluer, et je ne serais pas étonné que les précautions recommandées pour prévenir l'hémorrhagie ne fussent assez souvent la cause de son apparition. » La pratique des chirurgiens les plus distingués prouve que l'hémorrhagie interne offre une marche assez insidieuse pour qu'il soit dangereux de s'endormir dans la confiance du succès. En pareil cas, il vaut mieux exagérer les craintes et pêcher par précaution.

Telles sont les principales remarques que m'a suggérées la lecture de l'ouvrage de M. Velpeau. Voilà pour le fonds; quant au style, je ne doute pas qu'à une seconde édition l'auteur n'en ait fait disparaître quelques locutions singulières, telles que la tige spermatique, le faisceau séminal, pour dire en langue vulgaire le cordon des vaisseaux spermatiques, etc., etc.

Je l'engage aussi à examiner encore s'il est dans l'intérêt de la science de lui créer une nomenclature nouvelle, car il doit être évident que M. Velpeau a eu ce dessein. Son livre est surchargé de dénominations nouvelles qui, au premier coup-d'œil, ont quelque chose d'étrange. Je sais qu'il n'a fait qu'imiter en cela certains auteurs allemands: mais en Allemague ce vernis scientifique peut être utile: : en France, si les dénominations ne passent pas dans la science, il y a de quoi compromettre le succès d'un ouvrage, et cependant

celui de M. Velpeau est de nature à réussir. Il est sans aucun doute, dans l'état actuel de notre littérature chirurgicale, ce qu'il y a de plus complet. Il serait dès aujourd'hui difficile de s'en passer. Tout chirurgien après l'avoir lu voudra en accroître sa bibliothèque. Nous verrions donc avec un vrai plaisir disparaître les imperfectious inséparables d'une première édition.

L'atlas est composé de vingt planches dues au crayon exercé de M. Chazal.

Dans l'impossibilité de tout représenter, l'auteur a dû faire un choix parmi les opérations les plus difficiles à concevoir à la lecture, et les instrumens les plus usités pour les pratiquer. Il a bien fait de soumettre à l'œil du lecteur les sutures en général mal distinguées les unes des autres par les étudians, et qu'on retrouve cependant dans un grand nombre d'opérations importantes; les ligatures d'artères aussi sont bien choisies. J'en dirai autant des instrumens pour la cataracte, la pupille artificielle, la fistule lacrymale: cependant, je dois faire observer qu'avant d'enfoncer la canule M. Dupuytren prend le mandrin de la main droite, parce qu'il faut quelquefois de la force et que le cas est imprévu : la planche, il est vrai, représente l'introduction de la canule sur le dos du bistouri; mais c'est la méthode la moins usitée. Le couteau de Richter, qui incise la cornée dans l'opération par extraction représentée, est enfoncé trop près de la sclérotique; les mandrins et sondes de Gensoul ne sont pas dessinés de manière à bien faire juger la direction de leur portion coudée, il aurait fallu une projection verticale de cette partie de l'instrument. A quoi bon représenter les lithotomes à chasses de Collot? En revanche, nous avons les divers instrumens usités pour la staphyloraphie, la lithotritie, les rétrécissemens de l'urètre; tout cela fort bien rendu. S. LAUGIER.

Recherches sur le mécanisme de la voix humaine; ouvrage couronné par la Société des Sciences physiques et chimiques de Paris, par F. BENNATI, etc. Chez J. B. Baillière. 1832.

L'ouvrage est précédé d'un rapport favorable du célèbre Cuvier, et l'auteur, probablement par recounaissance, lui en a offert la dédicace, en le remerciant d'avoir trouvé en lui cet appui tutélaire et cette bienveillance que les hommes de génie ne refusent jamais aux premiers travaux d'un jeune homme. Par hommage pour la vérité et pour la morale, nous osons dire que cette phrase louangeuse consacre une erreur, et que trop souvent les hommes de génie, loin d'encourager les hommes laborieux, les découragent par toutes sortes d'obstacles et de persécutions.

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Pangwall

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Re: ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE. 591-ENDE
« Reply #20 on: September 27, 2022, 08:49:31 PM »

591-595

C'est avec peine que nous rencontrous, contre l'érudition, ces expressions de dédain qui sont surtout à l'usage des auteurs peu érudits. La critique doit enfin en dégoûter les écrivains. « Il m'a semblé pour le moins inutile de prouver ici, par un étalage d'érudition, les études auxquelles j'ai dû me livrer. » (Introduct. p. 8.) M. Bennati a d'autant plus tort qu'il ne fait pas preuve d'une instruction solide et bien précise dans ce qu'il dit des auteurs qui ont écrit sur la voix (p. 17, 18, 32, 33).

Quoi qu'il en soit, au reste, voici les faits originaux de l'ouvrage. L'auteur désigne sous le nom de notes sur-laryngiennes, celles dont la modulation est due au travail presque exclusif de la partie supérieure du tuyau vocal, et laryngiennes, celles qui sont dues presque entièrement à l'action du larynx; et cela posé, il dit: 1.o que dans les notes aiguës, la langue se contracte sur sa base en même temps qu'elle s'élargit; 2.o que dans le travail le plus prononcé des notes sur-laryngiennes des soprani sfagati, elle se relève par ses bords et forme une cavité sémi-conique (p. 23, 24); 3.o que chez les soprani parfaits, où la voix est modulée presque exclusivement par les notes laryngiennes ou sur-laryngiennes, la langue se hausse, s'étend et se contracte vers sa base en présentant une surface rebondie par suite de l'abaissement de ses bords (p. 25. ); 4.° qu'en général dans les notes graves, la langue a une action moins prononcée et conserve à peu près sa position et sa forme ( p. 25.); 5.o que dans les sons graves le voile du palais se hausse en même temps que le larynx s'abaisse; 6. qu'alors la luette ne cesse pas de conserver sa position ordinaire, bien qu'en se repliant elle se raccourcisse (p. 34, 35); 7.o que le contraire s'observe dans les notes aigues (p. 35.), et que la luette se raccourcit (p. 36. ). De ces faits, les trois derniers sont inexacts, ou ils varient beaucoup chez les différens individus. Mais nous les croyons plutôt inexacts pour des raisons que neus exposerons plus bas.

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Que ne pouvons-nous dire maintenant que l'ouvrage est au niveau des connaissances physiologiques et anatomiques que l'on possède sur la voix et son organe! Où M. Bennati a-t-il vu que les thyro-hyoïdiens portent l'hyoïde en haut (p. 22). Suivant lui, le génio-glosse le lingual et l'hyo-glosse, participent à l'élévation de l'hyoïde; oui, la langue étant fixée par les muscles stylo-glosses et glosso-staphylins, ce que ne dit pas M. Bennati, et ce à quoi les digastriques ne servent pas, quoiqu'il les représente, eux en particulier, comme aidant les stylo-glosses au moment de leur contraction (p. 22). Si on l'en croit 1.o les glosso et pharyngo - staphilins, 2.° les mylo et glossopharyngiens, concourent à élever le voile du palais, et ce mouvement coincide avec l'abaissement du larynx dans les sons graves

(p. 34). Il est évident que M. Bennati se trompe. Les premiers muscles, allant du voile du palais à des parties inférieures à ce voile, ne peuvent que l'abaisser; les seconds, lui étant tout-à-fait étrangers, ne peuvent le mouvoir. L'élevation du voile du palais ne peut d'ailleurs coïncider et ne coïncide pas avec l'abaissement du larynx, parce que, la plupart de ses muscles descendant à la base de la langue, à l'hyoïde, au thyroïde et au pharynx, qui s'abaissent tous avec le larynx, le voile du palais ne peut-être entraîné que dans ce sens, ou rester immobile quand il se trouve abaissé.

Ce n'est pas seulement la théorie qui montre qu'il en doit être ainsi. L'observation directe le prouve, et si M. Bennati affirme qu'il a vu le contraire, nous lui répondrons que M. Malgaigne a décrit comme M. Gerdy les mouvemens du voile du palais; que M. Hellway cité par Cuvier dans son rapport sur l'ouvrage que nous analysons, a vu comme ces auteurs les mouvemens de la luette; que lui seul M. Bennati les a vus d'une autre manière, et que l'exposition qu'il en a faite, est écrite en termes si contradictoires qu'elle n'annonce pas des observations et des idées bien précises: « la luette conserve sa position ordinaire, bien qu'en se repliant elle se raccourcisse. >>

Un mot enfin sur la thérapeutique de M. Bennati. Cet auteur profasse que la fatigue du chant poussée à l'excès, peut déterminer l'affaiblissement du système nerveux du sommet du tuyau vocal. Or, quand il n'y a qu'excès de fatigue: usage de certains gargarismes astringens, frictions alcoholiques camphrées et point d'antiphlogistiques, car la voix pourrait être perdue sans retour. Ce remède souverain, qui guérit radicalement, est recommandé par M. Cuvier, avec approbation de l'Académie des Sciences, à l'attention des praticiens !!!

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TABLE ALPHABÉTIQUE

DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TRENTIÈME VOLUME
DES ARCHIVES générales de médecine.

BAUDELOCQUE, neveu. Nouvel ins-

trument pour terminer des ac-

couchemens difficiles. 125

BAUDRIMONT. Table analytique et
raisonnée du Bulletin et du
Journal de pharmacie, de 1809
à 1830. Ana.
294
BENNATI. Recherches sur le méca-
nisme de la voix humaine.
Anal.
569
Biscuits antisyphilitiques de M.
Ollivier (sur les)
124

BOUILLAUD. Traité pratique, théo-

rique et statistique du choléra-

morbus de Paris. Analys. 128

BOULLAY, de la Meurthe. Histoire
du choléra-morbus dans le quar-
tier du Luxembonrg. (Analys.)
142
BRESCHET. (Analyse des mém. de
cet auteur présentés à l'Acad.
des Sciences, sur les anévrys-
mes.)
278
BRICHETEAU, Observ. recueillies à
l'hôp. Necker pendant les neuf
derniers mois de 1831. (Emploi
du tartre stibié dans la pneu-
monie et la pleuro-pneumonie.)
- (Vaste suppur. dans le

tissu cellulaire sous-péritonéal,

communiquant avec des abcès

du poumon); faits divers. 322

211.

-

121

Artères. (Sur la torsion des )
Ascite. (Emploi du lait dans l') 275 | BROUSSAIS. Mémoire sur la philosoTM

Abcès de l'abdomen. V. Dance,
  Bricheteau.

Abdomen. (Tumeur de l') V.
  Pigeaux..

Académie roy. de Médecine.(Séan-

ces de l') 120, 272, 413, 569

Académie roy. des Sciences.(Séan-

ces de l') 124, 275, 421, 572

Sur le remplacement de

Portal à l') 283. Prix de l')
422, 572
Accouchement. V. Baudelocque.
- Laborieux. (Obs. d'un) V.
Pingeon.

Acéphalocystes. (Sur les)

416

Agaric blanc. (Emploi contre les

-

ses.

sueurs des phthisiques.) 421

Aliénés. (Sur les illusions chez les)

275

Alun. (Emploi de l'-) contre l'oph-

thalmie.) 1 16. — ( Emploi de l'-

contre les maladies cancéreu-

>

Anévrysme de l'artère fémorale.

V. Cooper. (Sur les ) 278

Anus. (Imperforation con génitale

de l'- guérie par une ouverture

pratiquée dans la vessie). 563

Aorte. (Maladie résultant du dé-

faut d'action des valvules de l')

538

-

-

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120

285

120

-

phie de la médecine.
Cancer. (Traitem. du)
Cerveau. (Obs. de tubercules du)
557. — (Obs. de ramollissement
du) 558. (Obs. de ramolliss.
du
avec calculз rénaux, etc. )
Ibid. (Obs. de prédominance
de la substance corticale sur
la substance médullaire du )
560.(Sur la structure du)576
CHAUFFARD. Obs. sur les fâcheux
cffets d'un traitement stimu-
lant appliqué à des tumeurs
articulaires qui semblaient pas-
sées à l'état froid ou chron. 311
Chlorure de chaux. (De son effi-

cacité contre la gale. 407
Cholera-morbus. (Influence des
émauations putrides d aus le )
122. (Sur la non-contagion
du) 123. — Analyse de diver-
ses brochures de MM. Gérardin
et Gaimard, Souty, Mabit,
Masuyer, Quin, Fraisse et
François, relativement au) 138
( Sur le) 273, 569. — (Traitem.
du) 413, 418. — V. Duplay,
Bouillaud, Boulay, Rochoux,
Foville.

-

-

-

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de l'artère fémorale guérie par
la ligature de l'art. iliaque. 114
CORRIGAN. Mém. sur la maladic
qui résulte du défaut d'action
des valvules de l'aorte. 538.
Crâne. (Fongus médullaire du)
555
DANCE. Obs. d'une maladie convul-
sive remarquable par sa forme,
revenant chaque jour par accès
Mé-
périodique, etc. 108.
moire sur l'odeur fétide et ster-
corale que présentent certains
abcès développés dans l'épais-
seur des parois abdominales.
149. Observations sur plu-
sieurs cas de guérisons remar-
quables (hypertrophic du cœur;
paraplégie remontant jusqu'aux
membres supérieurs ;
inflam-
mation chronique de l'utérus,
avec menace de désorganisation
cancéreuse).
295
D'ESPINE. Reclamation relative à
l'article de M. Pigeaux, sur l'e-
xamen de la cause des bruits du
579€
DEZEIMERIS. Quelques réflexions
sur l'histoire de la médecine. 5
Diph hérite. (Sur la ) 274
DOUBLE. Conclusions du mém. de
ce médecin sur l'influence du
système nerveux dans la pro-
duction et le développement
282
des maladies.
DRAGONNEAU. (Sur le ver) 5,8
DUPARCQUE. Traité des altérations
organiques de la matrice. Ana-
lys.
434
DUPLAY. Du choléra enté sur la
gastrite et la gastro entérite;
obs. recueillies dans le servicc
de M. Rayer.

cœur.

-

-

29

dans l'urine. (3 art.) 85.
(4 et dernier art.)
241
Grossesse extra - utérine. V. Pi-
geaux.

Dure-mère. (Obs. de fongus de la)
557

Dysenterie. V. Gouzée.

Electricité médicale. V. Lemolt,
  Fabré-Palaprat.

Emanations putrides (Sur les), 420
Endosmose (Sur l').
277
Epidémie. V. Villermé.

Equarrissage (Sur les clos d'). 420
ESQUIROL. Analyse du mém. de ce
médecin, présenté à l'Ac. des
sciences, sur les illusions chez
les aliénés.
275
Exhalation d'une odeur aromati-
que à la surface de l'avant-
bras.
399
FABRE-PALA PRAT. Sur son instru-
ment pour les frictions électri-

ques.
126
Faculté de Méd. de Paris. (Séance
annuelle et distribution des
prix de la)
577
Fer (Sous-carbonate de). V. Trous-

Guaco (Sur l'emploi de cette sub-
stance contre le choléra) 413-
418. (Sur le ).
419
HANKEL. Obs. de fongus médul-
laire du crâne, de l'os maxil-
laire inférieur et du foie, 555.

Obs. de fongus de la dure-
mère, de ramollissement du
eerveau, 557 et suiv. Obs. de
compression de la moelle alon-
gée par l'apophyse odontoïde;
carie des deux premières vertė-
bres cervicales.
560
Hernies inguinales (Sur la cure
des).
HIMLY. Principes généraux sur
577
l'exploration symptomatologi-
que des maladies des yeux. 378
HOPE. Obs. d'une énorme dilata-
tion avec hypertrophie des deux
ventricules du cœur, 112.-Obs.
d'hypertrophie considérable du
cœur ; maladie des valvules
aortiques; adhérence générale
du péricarde; rhumatisme aigu.
113
123

-

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seau.

Fille (Obs. d'organisation précoce
d'une jeune).
372
Foie (Fongus médullaire du). 555
Fongus médullaire. V. Hankel.
FOVILLE et PARCHAPPE. De la na-

ture, du siége et du traitement
du choléra-morbus. Analys. 436
Gale (Traitement de la). 407
Gastralgie. V. Trousseau.
Gastrite et gastro-entérite.V. Du-
play.

GOUZEE. Notice sur la dysenterie
qui a régné à Anvers pendant les
mois de novembre et décembre
1831, janvier et février 1832. 102
GREGORY (J. CRAUFURD). Altéra- | Lithotritie (Sur la ). 275-282
tions des reins qui se manifes-Lumière (De son influence sur la
tent pendant la vie par la pré variole).
sence d'un excès d'albumine Mâchoire inférieure (Nécrose d'une

LEMOLT. Sur son établissement
pour l'application thérapeuti-
que de l'électricité.

120

406

Huaco (Sur l'emploi du).
Hydrogène arséniqué déve loppé
dans une fosse d'aisance. (Em-
poisonn ement par le gaz.) 570
Iliaque (Ligature de l'artère). V.
Cooper.

------------------------------

596

moitié de la ), 118. — ( Fongus | Paraplégie (Guérison d'une). V.
médullaire de la).
555 Dance.
Malgaigne. Essai sur l'inflamma- Parotide (Extirpation de la). 408
tion, l'ulcération et la gan-Pathogénie. V. Double.
591.77 Pemphigus. V. Rennes.

grène des os.
Médecine (Sur l'histoire de la), 5. | Périnée (Sur la rupture du ), 273.
- (Sur la philosophie de la).
285
Mephitisme des fosses d'aisance.
V. Hydrogène.

121

Moelle alongée (Compression de
la). V. Hankel.
Momification (Sur la).
MONDIÈRE. Recherches pour servir
à l'histoire de l'œsophagite ai-
gue et chronique (Rétrécisse-
ment-traitement).
481

274

—(Obs, de suture du). 414. 416
Peuplier blanc (Sur les propriétés
febrifuges du).
422
PIGEAUX. Examen critique et com-
paratif des divers systêmes émis
sur la cause des bruits du cœur,
356. Obs. de tumeur abdomi-
nale suppurée et évacuée par la
cautérisation; présomption de
grossesse extra-utérine. 528
PINGEON. Obs. d'accouchement
laborieux avec rupture d'un
thrombus vulvaire.
410
Principes immédiats végétaux (Sur
la composition élémentaire de
plusieurs).
422
Quinine (Hydro-ferro cyanate de).
Emploi de ce médicament dans
les maladies périodiques. 565
RATIER. Formulaire pratique des
hôpitaux civils de Paris. Ann.
144
Reins (Maladies des ). V. Gregory.
RENNES. Pemphigus ou éruption
vésiculaire de toute la surface
du corps, à recrudescences
nombreuses, complication d'a-
nasarque, d'hydromètre extra-
membraneuse et d'accouche-
ment prématuré.
516
ROCHOUX. Notice sur le choléra-
morbus en général, et en par-
ticulier sur celui de Bicêtre.
332, 439
ROQUES (Jos.). Histoire des cham-
pignons comestibles et véné-
neux. Analys.
145

Monstruosité (Ohs. de).

Mort violente (Obs. médico-légale
  sur un cas de).

167

MOTT (VALENTINE). Obs. d'extirpa-
tion de la parotide.
408
Musculaire (Obs. de dégénération |
osseuse du tissu).
562
Narcotine (Sur les propriétés fé-
brifuges de la).
405
OEsophage (Maladies de l'). V.
Mondière.

OLLIVIER (d'Angers). Consultation
médico-légale sur un cas de mort
violente.
167

Opérations. V. Velpeau.
Ophthalmie sur-aiguë épidémique
traitée avec succès par l'alun.
116

Opium. V. Paramorphine.
Orbite (Obs. de tumeur carcino-
mateuse de l').
413
Os (De l'inflammation, l'ulcéra-
tion, et la gangrene des). 59
Osseuse (Dégénération). 562
Para-morphine ou nouveau prin-
cipe de l'opium (Sur la). 576

Urine (Séméiol. ). V. Gregory.
Utérus (Guéris. de l'infl. chron.
de l'). V. Dance. (Altéra-
tions de l'). V. Duparcque.
(Sur les prolapsus de 1') 571
Vaccine. (Sur la )
121, 417
Variole. (Exclusion de la lumiè-
re comme moyen curatif de la)
406
VELPEAU. Nouveaux élémens de
médecine-opératoire. Analysés.
581

2. art.

425.
Vertèbres cervicales. (Carie des
deux premières). V. Hankel.
Vésicatoires extempcranés. (Sur
des)
272
VILLERME. Des épidémies sous les
rapports de la statistique médi-
cale et de l'économie politique.
574

Roux. Obs. de déchirement du
périnée traité avec succès par la

suture.

414

Des

Statistique. V. Villermé.
États-Unis d'Amérique. 573
Sueurs des phthisiques (Traitem.
des).
421

Sulfate de cadmium (Surle). 576
TACHERON. Statistique médicale de
la mortalité du choléra-morbus
dans le 1e arrondissement de
Paris. (Analys.)
142
Tartre-stibié. V. Bricheteau.
Tumeurs articulaires froides. V.

Chaaffard.

Tète (Obs. de plaie de ). 561
Thrombus vulvaire. V. Pingeon.
Tracheotomie (Sur la). 419

TROUSSEAU et BONNET. Mém. sur
l'emploi du sous-carbonate de
fer dans le traitement des dou-
leurs d'estomac chez les fem-
mes. 2. Art.
42

-

FIN DE LA TABLE.

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Voix. V. Bennati.

Yeux. (Maladies des) V. Himly.

Imprimerie de MIGNERET, rue du Dragon, N.o 20.

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Stoppt die österreichischen Massenmörder!
Stoppt die schweizer Massenmörder!

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