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l'infirmerie le 17 mars 1831; il présentait des symptômes d'une hypertrophie du cœur, de catarrhe pulmonaire, d'engorgement du foie et d'hydropisie générale, qui dataient déjà de plusieurs années. L'urine, peu abondante, était haute en couleur, d'une pesanteur spécifique de 1023, et légèrement coagulable. Sous l'influence de la crême de tartre et de la digitale, la sécrétion urinaire augmenta en quelques jours jusqu'à 100 et 160 onces par jour, et les symptômes d'hydropisie disparurent trèspromptement. Après un séjour de six semaines, le malade sortit de l'hôpital dans un état très-satisfaisant.
Obs. LXV.-John How, âgé de 20 ans, fut admis à l'infirmerie le 12 mars 1831, pour s'y faire soigner d'une hypertrophie du cœur considérable, compliquée d'hydropisie. L'urine était d'une couleur naturelle, d'une pesanteur spécifique de 1016 et très-coagulable. On fit une saignée au bras, qui procura beaucoup de soulagement, puis on administra la digitale qui porta la quantité d'urine à 160 onces par jour. Il sortit notablement soulagé le 2 avril. Le sang de la saignée était très-couenneux; le sérum était opalin, manquait d'albumine, et sa pesanteur spécifique était de 1024 seulement.
L'espace nous manque pour donner ici, comme nous en avions l'intention, les remarques que les observations précédentes ont suggérées à M. Gregory. Ce résumé sera l'objet d'un quatrième et dernier article dans notre prochain numéro.
REVUE GÉNÉRALE.
MOIS
NOTICE SUR LA DYSENTERIE Qui a régné a Anvers pendanT LES DE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1831, JANVIER ET FÉVRIER 1832. Par le docteur Gouzée, médecin principal à Anvers, membre de la commission de surveillance médicale de la province, etc. Une dysenterie d'un caractère assez grave a régné l'hiver dernier dans plusieurs provinces de la Belgique. Le mémoire de M. Fallot, qui vient d'être publié en partie dans les Archives, fait connaître les circonstances au milieu desquelles cette maladie s'est développée à l'hôpital militaire de Namur, et les nuances qu'elle y a présentées. Il m'a paru que des détails sur celle qui s'est montrée à Anvers ne seraient pas sans intérêt, d'autant plus que j'ai essayé pour la combattre l'emploi d'un moyen particulier qui a produit d'heureux résultats.
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Il n'est pas hors de propos de dire un mot de la constitution atmosphérique avant et pendant cette épidémie. Je pense à la vérité que des qualités inappréciables de l'air, ócculta aeris diathesis, selon l'expression de Sydenham, donnent naissance aux maladies épidémiques ; mais ces maladies sont puissamment influencées par les vicissitudes de l'atmosphère, et il est utile d'en tenir compte.
De fortes chaleurs avaient régné pendant le mois d'août 1831. Tout le mois de septembre fut humide et froid. En octobre et au commencement de novembre, le temps redevint sec et beau; les malades étaient peu nombreux, les maladies ne présentaient rien de remarquable. A la fin de novembre les pluies froides revinrent, et avec elles parurent de nombreuses diarrhées. Tout le mois de décembre fut froid et humide; à cette époque, les inflammations de la muqueuse du gros intestin furent très-fréquentes, graves, rebelles souvent funestes. La maladie parut à son plus haut degré d'intensité à la fin du même mois et au commencement de janvier. Plus tard, quelques jours de froid sec semblèrent la faire diminuer; mais elle éprouva, à la fin de janvier, une récrudescence très-marquée, coïncidant avec le retour d'une température froide et humide. Les mois de février, mars et avril furent presque constamment secs et froids, et le flux dysentérique ne se montra plus que rarement. La maladie acquit alors une nuance plus légère, et se confondit bientôt avec des cas plus ou moins tranchés de cholérine, lesquels précédèrent l'apparition du choléra.
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C'est au commencement de décembre que je vis les premiers cas de dysenteric, et les circonstances qui en accompagnèrent le développement sont assez intéressantes pour les rapporter ici.
Le nommé Vannonkelen, soldat du 9. de ligne, étant sorti vers le milieu de novembre de l'hôpital militaire de Bruxelles, où se trouvaient beaucoup de malades affectés de colites, pour rejoindre son corps, retomba malade en route, et revint dans sa famille à Eeckeren, village à deux lieues nord d'Anvers. Il eut des selles abondantes, quelques vomissemens, et il mourut deux ou trois jours après son arrivée. Bientôt après, sa sœur aînée tomba malade, présenta les mêmes symptômes, et succomba au bout de huit jours de maladie. Dans l'intervalle, une autre sœur, âgée de quatorze ans, devint malade à son tour, et mourut de même en neuf jours de temps. Ces faits éveillèrent à juste titre l'attention de l'autorité; on redoutait l'apparition du choléra, et la commission médicale de la province fut chargée d'aller faire une enquête sur les lieux. Nous nous y rendîmes le 6 décembre. Cette famille habitait une maison petite, isolée, éloignée du village d'un quart de lieue environ. La dernière malade venait de succomber. Nous y trouvâmes encore sept personnes entassées dans une petite chambre basse, humide, n'ayant pour boisson que de l'eau bourbeuse; l'une d'elles, âgée de sept à huit ans, commençait à ressentir des coliques et de la diarrhée.
Les renseignemens que nous prîmes, l'examen du malade encore existant, l'autopsie du cadavre de la jeune fille que nous allámes faire le lendemain, me convainquirent que c'était une colite dysentérique, et non le choléra, comme on le craignait. En effet, plusieurs militaires entrèrent bientôt après dans mon hôpital, présentant les mêmes phénomènes, et mon opinion, qui avait été partagée par les autres membres de la commission, se changea ainsi en certitude.
Avant de dire un mot de ces phénomènes, il n'est pas inutile de faire remarquer la facilité avec laquelle cette maladie s'est communiquée et propagée dans cette famille. On voit également, dans le mémoire de M. Fallot, que la dysenterie s'est promptement répandue dans l'hôpital militaire de Namur peu après l'arrivée des dysentériques de Louvain. Sans toucher à la question de la contagion, qui est trop ardue, on doit, ce me semble, inférer de ces faits qu'il faut éviter soigneusement d'établir des communications entre des dysentériques et des hommes bien portans ou d'autres malades, surtout quand, dans ces deux derniers cas, les lois les plus importantes de l'hygiène ne peuvent être observées.
Cette famille fut isolée par mesure de prudence. Elle eut encore
deux malades qui se rétablirent. La dysenterie ne se montra pas dans le reste du village.
A Anvers et dans ses environs, la maladie n'exerça pas de grands ravages, si ce n'est dans des cas semblables à celui dont je viens de rapporter des détails, où les lois de l'hygiène ne pouvaient pas être rigoureusement suivies. Elle se montra assez fréquente et grave à l'hôpital militaire, et c'est là que je l'ai observée. Je crois inutile de grossir cette notice d'histoires particulières longues et détaillées, qui ne sont le plus souvent, dans ce cas, que des répétitions fastidieuses d'un petit nombre de faits ; je vais passer aussitôt aux traits les plus tranchés de l'histoire générale de la maladie, considérée dans sa plus grande simplicité. Je terminerai toutefois par deux observations pour faire connaître avec quelques détails un moyen thérapeutique que j'ai souvent employé avec succès.
La maladie s'est fréquemment déclarée à la suite d'un refroidissement, de l'exposition au froid humide, d'une indigestion ; elle attaquait particulièrement les personnes faibles; cependant les constitutions fortes n'en étaient pas à l'abri.
Des selles liquides accompagnées de tranchées sont bientôt suivies de déjections sanglantes, incessamment répétées, accompagnées de coliques vives, de pesanteur et de sentiment de brûlure à l'anus; le sang disparaît peu à peu, et au bout de quelques jours les selles, toujours liquides, deviennent brunes, jaunâtres, moins abondantes, mais extrêmement fatigantes par les coliques et le besoin qu'elles suscitent à chaque instant; l'impression du froid, les lavemens les plus doux, l'usage du lait, de boissons sucrées, de liquides trop abondans, paraissent les augmenter; jusqu'au dernier moment elles ont lieu avec conscience; les premiers jours la langue est blanchâtre, mais elle reprend bientôt sa couleur naturelle; il y a peu de soif, souvent au bout de quelques jours le désir de prendre des alimens se prononce; les dents, les gencives, les lèvres sont nettes, humides; point de douleur abdominale au tact. Le pouls est faible, fréquent dans les premiers temps; il devient petit, entièrement nul les derniers jours, lorsque la faiblesse est à son comble. La chaleur de la peau est d'abord normale, plus tard la peau est plutôt froide que chaude. La face n'offre d'abord rien de remarquable; mais quand la maladie se prolonge et tend à une terminaison funeste, elle devient pâle, terreuse, les yeux s'enfoncent dans les orbites; en même temps Ja maigreur fait des progrès et va jusqu'au dernier degré du marasme. Les facultés intellectuelles demeurent intactes jusqu'au dernier moment; durant les derniers jours, le malade, ressemblant à un squelette, se plaint d'un profond sentiment de faiblesse, sent sa fin prochaine et s'éteint comme une lampe que le combustible finit insensiblement d'alimenter.
La durée de la maladie a été constamment longue. Dans les cas graves elle a été de vingt à quarante jours et plus. Des selles moins fréquentes, plus consistantes, avec cessation des coliques, ralentissement du pouls, retour des forces, annonçaient le plus souvent la diminution de la maladie.
La langue, les gencives, les lèvres, qui conservent presque leur état normal, le peu de soif, le désir de prendre des alimens, l'absence de chaleur morbide à la peau, la conservation intacte des facultés intellectuelles annonçaient assez que la maladie n'existait pas dans l'estomac et les intestins grêles, et la présence des autres signes suffisait pour la faire regarder comme une irritation étendue à la men brane muqueuse du gros intestin. C'est d'après ces données que J'avais porté un jugement sur la nature de la maladie qui s'était déclarée près du village d'Eeckeren, et plusieurs nécroscopies l'ont
confirmé.
En effet les cadavres des personnes qui succombèrent à la maladie dans son état de simplicité, outre un état d'émaciation extrême, offrirent constamment les seules lésions suivantes : la bouche et l'œsophage étaient dans leur état naturel; l'estomac était sain et ne présenta que dans quelques cas des taches superficielles, rosées ou d'un brun clair, sans dégénérescence de la muqueuse; les intestins grêles offrirent parfois des arborisations légères, et souvent ils contenaient des vers lombrics: alors la muqueuse dans les points correspondans était d'un rouge brun, et les ganglions mésentériques voisins étaient tuméfiés. Le gros intestin était le siége de lésions profondes et d'autant plus graves qu'on l'examinait plus en descendant vers l'anus. La membrane muqueuse était épaissie, d'abord rouge, puis brune, puis noire, couverte d'ulcérations arrondies, superficielles, de plus en plus nombreuses et répandant une odeur gangreneuse infecte; souvent cet intestin dilaté dans un endroit, était considérablement rétréci et endurci dans d'autres. Les plaques de Peyer, à la fin de l'intestin grêle, ne présentèrent jamais de lésion
sensible.
Chacun sait qu'on a recours, dans ces maladies, aux applications de sangsues à l'anus ou sur le trajet du colon, aux adoucissans, aux cataplasmes, aux opiacés, etc., joints à une diète sévère. J'ai remarqué toutefois que lorsqu'on n'avait pu traiter la maladie dans son principe et qu'elle était déjà parvenue au degré hémorrhagique, les déplétions sanguines affaiblissaient le malade sans améliorer son état et n'empêchaient pas qu'elle ne parcourût ses périodes comme si l'on n'avait rien fait (1). J'ai cru voir encore que le sucre et les sirops, le lait et ses préparations lui étaient contraires.
(1) M. Dance, dont la science déplore si justement la perte ré
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Un moyen qui m'a très-souvent réussi, même dans des cas qui paraissaient désespérés ; c'est l'application endermique de l'acétate de morphine sur le trajet du gros intestin. Les observations suivantes feront connaître l'emploi et les effets de cette médication.
Obs. Ire. Duyé, fusilier au 5e de ligne, âgé de 21 ans, d'une bonne constitution, ayant la pean blanche et fine, est tourmenté depuis trois à quatre jours de coliques et de diarrhée. Ces accidens s'étant aggravés, il est forcé le 23 décembre 1831 d'entrer à l'hôpital.
Ses selles sont de sang pur, répétées à chaque instant, accompagnées de coliques vives, de pesanteur et de sensation de brûlure à l'anus, la langue est muqueuse, il a peu de soif; le pouls est petit et fréquent, la chaleur normale; il se plaint de froid et d'un sentiment pénible d'affaissement.
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Des applications de sangsues à l'anus, des boissons adoucissantes, des cataplasmes émolliens sur l'abdomen, des lavemens d'amidon laudanisés, des frictious ammoniacales sur le ventre ne produisirent pas d'amélioration. Les selies restèrent sanglantes jusqu'au 29, époque ou elles devinrent brunâtres et très-fétides.
Le 3 janvier, le malade est pâle, faible, amaigri; les selles sont toujours liquides et très-fréquentes, le ventre affaissé laisse apercevoir an toucher des tumeurs dures, mobile et indolentes. (1) Le sentiment de faiblesse est extrême. Deux longs vésicatoires sont appliqués aux deux côtés de l'abdomen, sur le trajet du colon. Toute -autre médication est suspendue.
Le 4, l'état du malade est entièrement le même. Un demi-grain d'acétate de morphine est étendu de chaque côté sur le derme denudé, puis recouvert d'un emplâtre de diachylum gommé.
Le 5, sommeil, calme, diminution du nombre des selles.
Cette application fut réitérée quatre fois, une fois tous les deux jours, et l'amélioration fut prompte, progressive, persistante. Le 8 jour après la première application, les selles étaient redevenues
cente et prématurée, avait fait, dans un mémoire plein d'intérêt, inséré dans les Archives, la même remarque pour les fièvres graves, typhoïdes, les gastro-entérites intenses, les dothinentérites, qui ne sont le plus souvent que l'inflammation de la muqueuse de la partie du tube digestif au-dessus du gros intestin, et j'ai eu un grand nombrc d'occasions de vérifier la justesse de son observation.
(1) Ces duretés ne sont autre chose que des tumeurs stercorales qui restent fixées dans le lieu qu'elles occupent malgré les désordres qui les entourent. Les médecins qui ont porté leur attention sur ce phénomène, qui n'est pas sans intérêt, ont dû commc moi en acquérir la preuve dans leurs recherches sur les cadavres.
naturelles, l'appétit était prononcé. On accorda peu à peu des alimens, la convalescence fut bientôt assurée et Duyé sortit le 6 février en état de reprendre son service.
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Obs. II. Simons, fusilier du 5e de ligne, âgé de 22 ans, d'une constitution faible, ayant la diarrhée depuis quatre jours, entra à l'hôpital le 3 janvier selles extrêmement frequentes, sanglantes, accompagnées de coliques `viyes, de ténesme; ventre souple, légèrement sensible à la pression; enduit blanchâtre à la langue, soif légère; pouls fréquent, chaleur normale, sentiment de faiblesse. On emploie les adoucissans, les cataplasmes émolliens, une diète absolue, et plus tard on a recours au laudanum, etc., mais sans succès.
Le 15, les selles sont devenues insensiblement jaunâtres, mais elles sont toujours liquides, copieuses, très-fréquentes et accompagnées de tranchées; le sentiment de faiblesse et l'amaigrissement augmentent, le ventre est affaissé. (Deux vésicatoires sont placés sur le trajet du colon comme dans l'observation précédente).
Le 16, l'état du malade n'a éprouvé aucun changement par l'action scule des vésicatoires. (Application endermique de l'acétate de morphine comme dans le cas précédent).
Le 17, le malade est calme, les selles et les coliques ont diminué. Le 18, il n'y a eu que six selles dans les vingt-quatre heures, mais il se plaint d'ischurie, dépendant probablement de l'absorption des cantharides. (Même application d'acétate de morphine avec addition de deux grains de camphre en poudre très-fine. Quant au régime on a accordé d'abord du jaune d'œuf mêlé à de l'eau tiède, aujourd'hui on le donne dans du bouillon).
Le lendemain l'ardeur d'urine avait disparu; le 20, il n'avait eu que deux selles dans les vingt-quatre héures. Les forces reviennent, les selles reprennent de la consistance, les coliques ont entièrement cessé. A la fin de janvier il était en pleine convalescence.
Pour m'assurer si l'amélioration obtenue ne provenait pas uniquement de la résolution produite par le vésicatoire, j'ai tardé plusieurs fois deux jours avant de saupoudrer le derme d'acétate de morphine, et l'état du malade restait le même. Ce n'était que sous l'influence de ce sel appliqué ensuite que l'amendement avait lieu.
Il faut observer que dans les cas qui viennent d'être rapportés, je n'ai jamais eu recours à ce moyen dans les premiers temps de la maladie, mais plus tard, lorsque loin de céder aux opiacés et à l'influence d'une médecine expectante hygiénique, elle restait stationnaire, ou montrait même quelque tendance à une terminaison.
Dans deux cas j'ai augmenté la dose d'acétate de morphine jusqu'à deux grains pour chaque application, mais c'était des cas désespérés, et la mort a bientôt eu lieu, soit parce que le narcotique absorbé a
enrayé les mouvemens vitaux déjà extrêmement faibles, soit plutôt à cause des progrès de la maladie.
Le régime exige les plus grandes précautions dans les maladies du tube digestif en général et dans les phlogoses du gros intestin en particulier. L'abstinence des alimens doit être complète les premiers jours; mais plus tard il arrive un temps où il est nécessaire de soutenir les forces du malade par un peu de nourriture, tout en évitant soigneusement d'augmenter l'irritation. Il faut alors, dans les cas qui nous occupent, permettre l'usage de substances nutritives qui sont promptement absorbées sans exiger un grand travail digestif et sans laisser de résidu. Il m'a paru que le jaune d'œuf, délayé dans l'eau, ou dans le bouillon, ou légèrement cuit, selon le cas, faisait très-bien atteindre ce but. J'ai déjà dit que le lait s'est montré uuisible; j'ai observé plusieurs fois que quelques cueillerées de riz-aulait, ou de lait coupé d'eau-de-riz produisirent une rechûte. Il est inutile d'ajouter que les mêmes soins ont dû être continués pendant la convalescence, et qu'on n'accordait des alimens plus solides qu'avec la plus grande prudence et pour ainsi dire en tâtonnant.
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MALADIE CONVULSIVE, REMARQUABLE PAR SA FORME, REVENANT CHAQUE JOUR PAR ACCÈS PÉRIODIQUES DOUBLES, TRIPLES OU MÊME QUADRUPLES L'UN DE CES ACCÈS COINCIDANT AVEC LE LEVER DU MALADE, ET L'AUTRE AVEC LE COUCHER DU SOLEIL ; obs. par Dance.-Un jeune homme, âgé de 22 ans, habitant les environs de Liége appartenant à une honnête famille, se rendit à Paris, dans le mois de mai 1825, pour y prendre les conseils des hommes de l'art, au sujet d'une affection nerveuse convulsive qui le tourmentait depuis quelques années. Il s'adressa d'abord à M. Husson, médecin de l'Hôtel-Dieu, qui eut la bouté de me faire part de la singularité de cette affection et me fournit l'occasion de l'observer par moi-même. Le 16 mai je me rendis dans la soirée auprès de ce malade; il avait l'air de jouir de la meilleure santé et se livrait tranquillement à la conversation avec un de ses amis, lorsque tout-àcoup, à huit heures moins un quart précises, il semble se déplacer de la chaise sur laquelle il était assis et nous rend témoin des phénomènes suivans; mouvement subit du membre supérieur droit dont la main va frapper avec force sur la cuisse du même côté, et se relève incontinent pour se porter en croisant la poitrine au devant de l'épaule gauche; même mouvement du membre supérieur gauche qui va frapper pareillement avec la main sur la cuisse correspondante et se relève aussitôt en se portant vers l'épaule droite. De ces mouvemens résultent quatre chocs qui se succèdent pour ainsi dire en cadence avec une régularité admirable; le premier et le deuxième tiennent à la percussion de la main droite, puis de la gauche sur chaeune des cuisses correspondantes, le troisième et le quatrième dépendent
également de la percussion de la main droite sur l'épaule gauche ; puis de la main gauche sur l'épaule droite. Ces mouvemens ont quelque chose de convulsif et d'involontaire; ils sont d'abord tellement précipités qu'on a peine à les suivre des yeux; au bout de deux minutes et demie ils se ralentissent en conservant leur symétrie, ils cessent enfin pendant une seconde; alors le malade fait une profonde inspiration, et aussitôt les mouvemens recommencent d'abord très-rapides, bientôt ils se ralentissent de nouveau et se suspendent encore après une minute et demie; alors nouvelle inspiration profonde, et aussitôt nouvelle invasion dans les mouvemens qui suivent Ja même marche, mais dont la durée est de plus en plus courte, et qui terminent enfin l'accès après cinq minutes environ. Immédiatement après, le malade quitte sa chaise, se promène avec rapidité dans l'appartement, étend ses bras comme pour se déroidir et reprend son calme ordinaire. Cet accès se compose, comme on le voit, de trois temps distincts, séparés par une courte suspension dans les mouvemens, la durée de chacun d'eux va graduellement en diminuant de longueur, jusqu'au dernier qui est le plus court de tous. Pendant cet accès le malade éprouve un léger vertige, toutefois sans perdre connaissance; il entend les bruits extérieurs, mais ne peut répondre à aucune question et ne conserve qu'un souvenir confus de ce qui frappe alors ses sens; ses traits sont immobiles et non convulsés; il semble occupé à voir ses bras se mouvoir en cadence: aussi a-t-il dit que plus d'une fois surpris dans un lieu public par un accès, les passants se moquaient de lui et croyaient qu'il se livrait à ces mouvemens par une sorte de jeu.
Voici maintenant les renseignemens tout aussi extraordinaires que je tiens de ce malade et d'un jeune médecin (M. Delacharlerie), qui l'a observé plusieurs fois dans son pays: jusques en 1823 sa santé n'a éprouvé aucun dérangement; il n'a jamais eu aucune affection cutanée, dartreuse ou vénérienne, n'est point adonné aux femmes ni aux boissons spiritueuses, il est issu de parens sains. A l'âge de 17 ans il a été sujet à une épistaxis périodique qui s'est supprimée spontanément dans le mois de décembre 1823; peu de temps après il fut pris d'une insomnie prolongée, et plus tard d'une grande fièvre (dite ataxique) avec délire, qui se prolongea pendant neuf jours. C'est à la suite de cette fièvre que le malade tomba la première fois dans les accès convulsifs dont nous venons de parler. Mais ils avaient alors. un autre type et un autre caractère que ceux d'aujourd'hui ; ils étaient longs et irréguliers, s'accompagnaient de perte de connaissance, de prostration du corps et d'écume abondante à la bouche. Sous cette forme, ils ont duré quatre mois, après lesquels ils ont pris un caractère régulier et absolument semblable à celui que j'ai décrit. Ces
accès reviennent trois fois dans la journée; un le matin, au moment même où le malade se lève, un autre, juste à midi, et le troisième le soir au coucher du soleil; le premier et le dernier s'accommodent toujours au lever du malade ou au coucher du soleil et en suivent les variations. Depuis le 10 janvier 1825, le malade ayant éprouvé un vif chagrin de la mort d'un de ses frères, un accès nouveau s'était ajouté aux précédens, il revenait à dix heures précises du matin. Ces quatre accès ont ainsi duré deux mois et demi avec une constante régularité. Au bout de ce temps, l'accès de 10 beures du matin a cessé spontanément; enfin, il y a onze jours, celui de midi a pareillement cessé après une route de vingt lieues que le malade a fait à pied, d'après le conseil de son médecin; en sorte qu'il n'existe plus aujourd'hui que l'accès du matin et celui du soir. Un autre renseignement non moins singulier que les précédens et dont j'ai vérifié plusieurs fois l'exactitude, c'est que le nombre des chocs imprimés par chaque main aux cuisses et aux épaules est exactement le même pour chaque accès correspondant. Ainsi, l'accès du matin se compose toujours de 110 chocs successifs sans repos intermédiaire; celui du soir, qui est divisé en trois temps, comme il a été dit, fournit également 110 chocs dans le premier temps, 60 à 65 dans le second et 30 à 35 dans le dernier ; celui de 10 heures du matin n'était que d'un seul temps et donnait 70 chocs; celui de midi ressemblait exactement à celui du soir. En rapportant de pareilles choses, on peut être taxé de trop de crédulité, mais j'ai pour garant de ces faits plusieurs médecins recommandables, et entre autres M. Husson, qui ont visité le malade à diverses reprises. Une dernière circonstance, dont il est bon de faire mention, c'est que le mala le est averti de l'arrivée de ses accès non-seulement par leur périodicité constante, mais encore par une sorte d'aura qu'il désigne sous le nom de frémissement qui part du bout des pieds et se propage rapidement jusqu'aux épaules seule. ment; dès qu'il éprouve cette sensation il s'assied, sans quoi il tom. berait par terre, comme cela lui est arrivé plusieurs fois. On n'a jamais essayé de réprimer ses mouvemens pendant l'accès, il affirme que cette contrainte le jetterait dans un état pius pénible et lui ferait éprouver des convulsions plus grandes; on a eu recours aux saignées, aux bains, à l'usage de l'assa fœtida, de la valériane, de la belladone, de l'opium, tous ces moyens ont échoué. M. Husson a fait prendre, le 16 et le 17 mai, immédiatement avant l'accès, une potion antispasmodique fortement éthérée, et après ces mêmes accès 10 gr. de sulfate de kinine: même insuccès.
Le 18 mai, à huit heures moins un quart précises du soir, accès en tout semblable à celui dont j'ai parlé, le nombre des chocs est conforme à celui qui a été indiqué. Le 19, 5 heures du matin, j'ai
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trouvé le malade couché; à peine était-il levé, n'ayant eu le temps quede passer un caleçon, il a été pris d'un accès comme les précédens, mais ne se composant que de 110 chocs successifs. Les jours suivans j'ai fait les mêmes remarques tant pour l'accès du matin que pour celui du soir.
Au commencement de juin, le malade s'est rendu à l'Hôtel-Dieu à ma prière; plusieurs de nos anciens collègues internes dans cet établissement, entre autres MM. Menière, Leloutre, King, Johe ont été témoins de l'accès de huit heures du soir. Depuis cette époque je n'ai pas revu ce jeune homme qui, après l'essai infructueux de plusieurs moyens, est retourné dans son pays, emportant les avis de plusieurs médecins. Un conseil tout naturel qui lui a été donné, est celui de rester couché pendant plusieurs jours de suite.
MM. Esquirol et Villermé auxquels M. Husson a fait part de cette singulière affection, ont pensé qu'elle se rattachait à la chorée ; il semble toutefois, en se fondant sur les commémoratifs, et spécialement sur l'existence d'un aura, qu'elle a plus de rapport avec l'épilepsie qu'avec la chorée; ayant d'ailleurs succédé à des attaques réelles de cette première maladie. Quoi qu'il en soit, cette observation trouvera peut-être quelques incré lules (malgré les témoignages dont nous l'avons environnée) tant elle paraît extraordinaire! La forme particulière des mouvemens convulsifs qui étaient bornés aux membres supérieurs, le nombre exact de ces mouvemens, tant pour chaque accès correspondant que pour chaque temps du même accès; leur retour périodique à dix heures du matin, à midi, au lever du malade, au coucher du soleil : tout cela semble une histoire faite à plaisir, ou plutôt une jonglerie dont nous aurions été dupe. Comment concevoir en effet que le lever du malade, le coucher du soleil aient en quelque part dans le retour de ces accès? A cela je répondrai qu'un fait bien constaté ne doit point être révoqué en doute, par cela seul qu'on ne le conçoit pas, et que vouloir subordonner sa croyance à la connaissance intime d'un phénomène serait tomber à tous momens dans un scepticisme sans fin. Ce n'est pas d'ailleurs la première fois qu'on a observé l'influence des astres sur le retour périodique de certaines affections nerveuses; ainsi J. Frank cite (1), d'après Wodel, l'histoire d'une jeune fille épileptique qui éprouvait un accès à chaque nouveau quartier de la lune. Et quidem tam exacto calculo ut ipso momento quadræ lunaris et inscia sæpe penitùs hujus mutationis in cœlo, rhythmum lunarem in suis paroxysmis explicaret. Nasse rapporte (2) avoir gnéri un jeune homme épileptique
(1) J. Frank, Praxeos medico, tome IV, page 322.
· (2) Meckel, Archiv. de physiol., Hal. 1826, page 132.
qui n'éprouvait des accès que dans les ténèbres et jamais à la lueur du jour ou d'une lumière artificielle. Quandiù candela totas per noc tes arderet, nunquam dormiens morbo prehendebatur; quò primum vero lux nocte quádam extingueretur, constantissimus erat cpilepsiœ reditus. Ces faits sont assurément tout aussi extraordinaires que celui que j'ai rapporté et n'en méritent pas moins une pleine confiance; ils n'étonneront point au reste ceux qui ont réfléchi aux bizarreries sans nombre que présentent les maladies nerveuses. (Observ. tiréc des manuscrits de Dance.)
ENORME DILATATION AVEC HYPERTROPHIE DES DEUX VENTRICULES;
par le docteur Hope. - R. C.***, âgé de 36 ans, carrossier, d'une haute taille, mais amaigri et affecté de jaunisse, fut admis à l'hôpital Saint-George, le 19 août 1829. Son état était le suivant: ascite; œdème considérable des jambes; dyspnée exaspérée par tout mouvement; toux; battemens violens des carotides; développement variqueux et ondulations des veines jugulaires; impulsion du cœur plus forte et plus étendue qu'à l'état normal; pouls vibrant mais sans dureté et médiocrement plein; peau visqueuse; langue blanche; diarrhée, évacuations couleur d'argile; urines rares et foncées. Le foie est augmenté de volume. Cet homme est malade depuis deux ans; il attribue sa maladie au chagria. Celle-ci a commencé par une diminution de la respiration et la perte de l'appétit. L'hydropisie apparut pour la première fois, il y a six mois, et la peau est jaune depuis cinq ou six semaines. Il dit qu'il est sujet à des attaques. Toute la région précordiale rend un son mat. L'impulsion du cœur repousse le cylindre avec force, et se termine par une secousse; elle est perçue sous une plus grande étendue qu'à l'état normal; on la sent à l'épigastre. Les bruits du cœur sont plus forts, et le premier est plus court qu'à l'ordinaire. Au-dessus des clavicules, il y a une légère impulsion accompagnée d'un très-faible tremblement cataire (purring tremor) et d'un bourdonnement qui n'est ni fort, ni âpre.
A
- Pendant la première semaine, il eut trois attaques, qui consistèrent dans une stupeur, accompagnée de légères convulsions, respiration stertoreuse et suivie de sommeil; la dernière dura deux heures. L'hydropisie avait beaucoup diminué; mais il mourut d'épuisement (exhausted) le 18.o jour après son admission.
Autopsie. Le cœur avait le double de sa grandeur normale, et comme il appartenait à un homme très-grand, il était énorme. Le ventricule gauche aurait pu admettre un gros limon, et ses parois avaient trois quarts de pouce d'épaisseur. Le ventricule droit était parcillement affecté, mais à un moindre degré. Le tissu musculaire était pâle et un pcu ramolli. Les valvules et l'aorte étaient intactes. Le thorax contenait quatre pintes de liquide. Les poumons étaient
gorgés de sérosité. La muqueuse des bronches était injectée et d'une couleur rouge-foncée. Le foie avait deux fois sa grosseur ordinaire; il était d'un jaune d'ocre foncé. Le cerveau était sain, mais il y avait de la sérosité sous l'arachnoïde. Le degré remarquable d'hypertrophie avec dilatation, présenté par ce sujet, était indiqué manifestement par l'étendue de la matité du son à la région précordiale, sans sigues d'hydro-péricarde; par l'énergique répulsion du cœur, et par la force des deux sons. La prédominance de la dilatation sur l'hypertrophis, empêchait le pouls d'être aussi dur et aussi incompressible qu'il l'eût été dans le cas d'hypertrophie seule. Les battemens, la vibration et le bourdonnement particulier des grosses artères, qui avaient lieu chez ce sujet, sont des phénomènes qui ne sont pas rares quand une grande quantité de sang est poussée dans les vaisseaux avec une force morbide. On peut les distinguer des phénomènes semblables qui résultent d'une dilatation ou d'une autre maladie de l'aorte, par la dureté du son et la vigueur de l'impulsion qui sont plus grandes dans ces dernières maladies. (Treatise on the diseases of the heart.)
HYPERTROPHIE CONSIDÉRABLE DU CŒUR; MALADIE DES VALVULES Aor= TIQUES; ADHÉRENCE GÉNÉRALE DU PÉRICARDE; RHUMATISME AIGU. — Par le docteur Hope. - John Copas, âgé de 24 ans, jardinier, de taille moyenne, robuste, d'une pâleur cadavérique, fut admis à l'hôpital Saint-Georges, le 14 décembre 1829, se plaignant de douleurs rhumatismales générales, aggravées par la chaleur et la transpiration; œdème très-léger des jambes, visage un peu boufi; palpitations; réveils en sursaut; les battemens du cœur ne sont pas sculement sensibles à la main, mais visibles dans toute l'étendue de la surface antérieure de la poitrine, et particulièrement à l'épigastre. La région précordiale donne un son très-mat; pouls à 120, plein, fort et régulier, mais compressible. Le malade avait souffert d'un rhumatisme aigu, huit ans auparavant, et depuis ce temps n'avait jamais été exempt de palpitations. On ne l'ausculta pas; il mourut au bout de vingt-quatre heures, après une hémoptysie très-abondante. — Autopsie.—Adhérence générale du péricarde, au moyen d'une fausse membrane mince et dense. Le cœenr avait trois fois son volume normal; l'augmentation portait principalement sur le ventricule gauche, dont les parois avaient un pouce et demi d'épaisseur, et dont la cavité était plus étendue en capacité que la plus grosse orange. Le ventricule droit était pareillement malade, mais à un moindre degré. Les valvules aortiques étaient épaissies, rendues inégales, informes, par une sorte de dégénération en une matière opaque, jaunâtre, en partie cartilagineuse, en partie steatomateuse. Cette altération avait donné lieu à la séparation des extrémi
tés angulaires des valvules de leurs insertions; de telle sorte que n'étant plus adhérentes que par leur centre, elles gissaient dans l'intérieur de l'artère, privées de point d'appui, pour s'opposer au Comme la refoulement du sang de l'aorte dans le ventricule. dilatation était excessive, il est probable qu'elle provenait, au moins en partie, d'un ramollissement suite de péricardite : cette dernière datait de loin, comme l'attestait la nature de la fausse membrane. On diagnostiqua cette adhérence d'après l'état de dilatation, d'après la circonstance de rhumatisme et de péricardite antécédente, et d'après le mouvement remarquable de l'épigastre, probablement occasionné par la rétraction, comme le docteur Sanders le suppose. La compressibilité du pouls provenait-elle de la facilité avec laquelle le sang pouvait refluer dans le ventricule? L'hémoptysie s'explique très-bien par l'état du cœur ; car la pression de la colonne de sang qui refluait vers le ventricule gauche avait précisément le même effet qu'un obstacle au passage de ce sang du poumon dans la circulation artérielle; tandis que le ventricule droit hypertrophié poussait dans la circulation pulmonaire une trop grande quantité de ce fluide; delà, une transsudation forcée du sang des vaisseaux ténus du poumon dans les cavités aériennes. C'est ainsi que l'apoplexie pulmonaire et l'hémoptysie se lient plus souvent à un obstacle à la circulation dans le cœur gauche, accompagné de l'hypertrophie du ventricule droit, qu'à toute autre lésion de cet organe. (Treatise on the diseases of the Heart.)
SUIVIE
ANÉVRYSME DE L'ARTÈRE FÉMORALE; LIGATURE DE L'ILIAQUE, Hans Jacob, âgé DE LA GUÉRISON; par le docteur Br. Cooper. de 40 ans, avait passé la plus grande partie de sa vie dans la marine; en 1809, il fut traité pour une dysentérie à l'hôpital naval de Deal; en 1825, il fut retenu dans celui de Bombay par la fièvre; depuis ce temps, il s'était bien porté.
Le 2 avril dernier, étant employé à pomper, et faisant de grands efforts, il éprouva dans la cuisse gaúche: comme si le membre était enlevé en entier par un coup de feu. Aussitôt, il lui fut impossible de s'appuyer dessus, et une douleur cruelle se fit sentir dans les deux tiers inférieurs de cette cuisse, et le long du mollet jusqu'à la malléole. Quatre ou cinq jours après, une tumeur se développa à la partie interne et antérieure de la cuisse, environ à deux pouces au-dessous du ligament de Poupart; alors la douleur s'effaça, elle reparut aussitôt qu'il voulut s'appuyer sur le membre malade. A cette époque la tumeur alongée, étroite, offrant des pulsations, avait la grosseur de son pouce; elle demeura deux mois stationnaire; mais l'exercice renouvela la douleur et donna lieu à un gonflement cedémateux de sa jambe. Pendant les trois dernières se
mais
maines, la tumeur s'accrut rapidement, la douleur devint vive surtout autour du genou, et le malade fut admis à l'hôpital de Guy le 16 juillet 1831. - A la partie interne de la cuisse est une tumeur plus étendue en travers que de haut en bas, située au-dessous du ligament de Poupart; sa circonférence est ferme; sa partie centrale, plus proéminente, renferme un corps liquide; on peut la diminuer considérablement par la pression; ses pulsations sont manifestes ; la peau n'a rien perdu de sa couleur, mais elle est traversée par de grosses veines qui entourent le membre jusque vers la hanche. Tout le membre est considérablement gonflé; sa température augmentée, et la jambe œdémateuse. La santé générale est fort altérée; perte d'appétit, des forces et du sommeil; le pouls bat 66 fois, il est régulier; la face exprime la souffrance.
―
Le 17, on fit prendre un purgatif, et le 19, après une nuit tranquille; le pouls naturel, donnant 84 pulsations; la langue humide et nette; la peau fraîche, et l'intestin suffisamment évacué, on procéda à la ligature de l'artère iliaque externe. - Une incision sémi-lunaire fut faite depuis un pouce au-dessus et en dehors de l'anneau abdominal externe jusqu'à un pouce en dedans de l'épine antérieure et supérieure de l'os coxal; la concavité de cette incision était dirigée en haut vers l'abdomen. Le but de cette incision était de mettre à découvert le tendon du muscle oblique externe, mais il fallut plusieurs coups de bistouri pour y réussir à cause de l'épaisseur des parties qui le recouvraient. Ce tendon ayant été divisé dans le sens de la première incision, fut soulevé par un aide pour mettre à découvert l'anneau interne; mais les fibres de l'oblique externe, considérablement développées au point où elles naissent du ligament du Poupart, le cachaient entièrement; il fallut passer au-dessous d'elles une sonde cannelée, et les diviser avec un bistouri boutonné. Le cordon spermatique et l'anneau interne furent mis à nu, et tandis qu'un aide écartait le premier en haut et en dedans, le doigt indicateur de la main droite fut introduit dans le dernier pour séparer le péritoine des vaisseaux iliaques, en l'attirant en haut vers l'abdomen. Le fascia qui unit la veine iliaque à l'artère en dedans, fut séparé pour faire place à l'aiguille qui fut introduite sur ce dernier vaisseau de dedans en dehors, armée d'une ligature de soie plus large du double qu'à l'ordinaire, afin d'éviter une séparation trop prompte des deux bouts de l'artère. Avant de serrer la ligature le vaisseau fut examiné avec soin, et on écarta une petite branche du nerf spermatique qui rampait près de lui. Aussitôt les pulsations de la tumeur cessèrent, celle-ci diminua de près d'un tiers. On réunit les bords de la plaie à l'aide de la suture, d'un emplâtre agglutinatif et d'un appareil approprié. L'opération toute entière dura douze
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116-120
minutes. Dans la journée, de la douleur se fit sentir dans le lieu de l'opération, le membre perdit de sa chaleur, qui fut rappelée par l'application de flanelles chaudes et de bouteilles d'eau chaude. Un peu d'opium calma l'agitation, mais le soir la jambe était légèrement engourdie. Le lendemain, il n'y avait plus guère de douleur que dans la plaie, due au mouvement imprimé par la respiration aux parois abdominales, et à la pression sur le ventre; le pouls, de 78 s'éleva à 100 pulsations; la tumeur a diminué de moitié. Alternative de sommeil et d'agitation. La douleur a disparu; la langue est humide et uette. Après l'administration de quatre onces de vin blanc, la température de la peau s'est élevée, celle du membre malade est devenue plus forte qu'à l'état normal; la douleur s'étend de la plaie vers les lombes ; point de selles depuis l'opération. Quinze gouttes de teinture d'opium et trois gros d'huile de ricin sont administrés vers le soir. Le pouls est à 96, la langue humide, la température du membre naturelle, le malade est bien, il s'endort. Le 3. jour, l'œdème de la jambe se dissipa, la cuisse revint à son volume ordinaire ; nul battement ne se faisait sentir dans la tumeur; une légère douleur superficielle et circonscrite existait dans la région iliaque gauche; un écoulement séreux eut lieu par la plaie; le pouls s'éleva le soir à 102 pulsations. Le 4. jour, après une bonne nuit, tous les symptômes étant favorables, la plaie fut pansée; le même écoulement séreux peu abondant fut remarqué; le soir, plus de douleur, Le 5. jour, le malade avait passé une bonne nuit; les selles étaient naturelles ; le pouls à 76 pulsations, plein, mais compressible; la langue était humide, la température du membre naturelle; la douleur avait disparu. Le 6. jour, il se trouvait parfaitement bien. L'écoulement de la plaie, plus abondant, présentait des qualités normales; le pouls naturel était à 72 pulsations. Depuis ce moment, la plaie a continué à marcher vers la cicatrisation. Il a pourtant, dans sa convalescence, été atteint, sans cause apparente, d'une violente inflammation du testicule droit, qui n'a cédé qu'au bout de huit jours à un traitement antiphlogistique. Une semblable inflammation se développa ensuite dans le testicule gauche, mais elle fut moins opiniâtre. Il est maintenant dans un état parfait de convalescence. La ligature s'est détachée le 22. jour après l'opération. (London Med. and Phys. Journal, janvier 1832.)
OPHTHALMIE Sur-aigue épidémique traitée avec succès par l'alun. Il est une ophthalmie qui, dans l'Inde, se développe souvent sur un grand nombre d'individus à la fois, et dont l'invasion, la marche, les symptômes et la nature offrent de singuliers rapprochemens avec les accidens du choléra-morbus. Cette ophthalmie, nommée Dord-d'œil par les créoles, arrive, dit le D. Souty, dans l'espace de quelques heu
res, au plus haut degré d'intensité. La douleur est intolérable, c'est la sensation continue de la brûlure. La conjonctive est de la couleur du sang artériel; quelquefois elle devient violette; son tissu semble boursoufflé, pâteux, il y a souvent chémosis; toujours larmoiement considérable au début, exaltation de la sensibilité de la rétine, et de là, impossibilité de supporter les plus faibles rayons de lumière. Peu d'heures après l'invasion du mal, on voit s'établir une sécrétion d'un mucus blanchâtre, épais, visqueux, qui ulcère la conjonctive et la cornée s'il séjourne entre les paupières, qui excorie la peau autour de l'orbite, si on néglige les soins de propreté. Parfois la douleur est si forte qu'elle jette les malades dans de véritables aecès de phrénésie, surtout s'ils sont d'un tempérament nerveux ; les accidens sont plus modérés chez les enfans et les sujets d'une constitution lymphatique. A l'apparition de cette ophthalmie épidémique, je crus en triompher par les antiphlogistiques employés largement, hien que déjà je me fusse convaincu, tant aux Antilles que dans l'Inde, de la nécessité de n'appliquer qu'avec réserve, avec de grandes modifications, aux maladies de ces climats, les divers modes de traitement qui, en Europe, attestent chaque jour l'excellence de la doctrine physiologique. J'observai, dès les premiers jours, que les saignées, les sangsues, les collyres émolliens, ne parvenaient jamais seuls à produire de l'amélioration, et que l'amendement des symptômes n'était dû qu'aux purgatifs drastiques et aux révulsifs à la peau que j'employais après les évacuations sanguines. Diverses observations m'ayant fait reconnaître, en outre, le danger de laisser arriver la maladie à la période que je nommerai de suppuration, je voulus enrayer sa marche, et dès le début, je secondai l'action des révulsifs par l'usage de collyres avec l'acétate de plomb, le sulfate de zinc et le laudanum. Je réussis parfois, mais ces astringens ne sont pas assez actifs. Les Indiens, frappés du danger de l'expectation, emploient des moyens perturbateurs, mais qui souvent aggravent le mal. C'est ainsi que des mestris instillent, dans les yeux affectés, un mélange de poivre, de suc de feuilles de tamarin et de jus de citron, ajoutant ensuite de la noix de galle torréfiée pour former une sorte de pâte (vulgairement nommée patou), qu'ils appliquent autour des paupières.
L'épidémie continuait lorsque j'entendis parler des merveilleux ef- ‹ fets de l'alun de roche pour calmer instantanément les douleurs et arrêter le cours de la maladie. L'action de ce mélicament me paraissant rationnelle, j'en fis faire l'essai devant moi, de la manière dont les créoles ont l'habitude de l'employer, et j'affirme que ses bons effets sont si prompts, si assurés, qu'il ne m'est venu à l'idée ni de chercher un autre mode de traitement, ni d'apporter la moindra
modification dans le procédé généralement adopté. En voici la des-
cription fidèle. On prend un morceau d'alun que l'on frotte pendant
8 à 10 minutes dans un vase un peu rugueux et contenant du blanc
d'œuf. On verse ensuite le mélange dans un morceau de mousseline
que l'on attache de manière à former un petit sachet. Le malade
ayant la tête renversée en arrière, on écarte les paupières et l'on ins-
tille dans les yeux, en pressant le sachet, quelques gouttes d'albu-
mine et d'alun. Le malade a soin de tenir les yeux fermés et au bout
de quelques instans il peut supporter le jour, tant le soulagement est
prompt! Il convient de réitérer souvent cette instillation, toutes les
demi-heures ; moins souvent, si l'ophthalmie n'est pas intense. On ap-
plique d'ailleurs le médicament dans toutes les périodes de la maladie.
La conjonctive pâlit, s'affaisse, et revient à con état normal; la sup-
puration ne s'établit pas, ou si elle existe on la voit diminuer rapi-
dement, et en 24 ou 48 heures, plus ou moins, suivant la docilité
du malade à éviter l'éclat de la lumière, cette cruelle ophthalmie a
tout à fait disparu. Je pourrais détailler bien des observations dans
lesquelles la guérison a suivi une marche aussi prompte, aussi ré-
gulière que celle que je viens de décrire. Je me contenterai de citer.
M. l'administrateur Ducler et ses enfans, actuellement en France,
qui ont éprouvé les merveilleux effets de ce traitement. J'ajouterai
à ces guérisons celles obtenues à bord, dans ma traversée de l'Inde
à l'île Bourbon, sur la femme de M. l'ingénieur en chef de Pondi-
chéry, sur un officier marchand passager, que des sangsues n'avaient
point soulagé, et sur un enfant de M. Ducler qui deux jours avant
notre débarquement à l'île Bourbon, se désolait d'être aveugle pour
l'arrivée, et qui était débarrassé de son ophthalmie au moment où
nous vîmes la terre. (Extrait du rapport de M. Souty à M. le mi-
nistre de la marine, sur le choléra-morbus observé dans l'Inde. Paris,
1832,
in-8°.
NÉCROSE DE LA MOITIÉ GAUCHE DE LA MACHOIRE LNFÉRIEURE.
Obs. par le docteur A. Pingeon, de Dijon. Sur la fin de 1829, on m'amena un enfant d'environ trois ans, qui, depuis à-peu-près dix-huit mois, souffrait de la moitié gauche de la mâchoire inférieure. Son habitude est charnue et scrofuleuse, la lèvre supérieure et les ailes du nez offrent un développement disharmonique; il existe des ganglions sous-maxillaires, le ventre est très-gros. L'examen de la mâchoire fait reconnaître une nécrose qui paraît atteindre toute l'étendue de la moitié gauche de cet os, et déjà, à plusieurs reprises, des dents de ce côté sont tombées, et des portions du séquestre sé sont détachées. J'engage les parens à confier cette expulsion à la nature et à se borner à soumettre l'enfant à un régime restaurant, et surtout anti-scorbutique.
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Au printemps de 1830, on ramène cet enfant. Le séquestre est devenu mobile, mais il est encore trop fortement fixé pour être détaché en entier; les pinces n'en séparent que les portions les plus antérieures. Il s'est formé à l'angle de la mâchoire une fistule par laquelle s'écoule un liquide sanieux très-fétide, et la mâchoire, ainsi que la joue de ce côté, se sont tuméfiées, au point de produire une difformité très-apparente. Du reste, même habitude extérieure. (Anti-scorbutiques, bains, frictions réitérées avec une pommade d'hydriodate de potasse ; application, au-dessous de la mâchoire, de quatre sangsues, répétée tous les huit ou dix jours; lotions dans l'intérieur de la bouche avec une éponge imbibée d'eau de mélilot miellée. )
Le 1. mai, l'os nécrosé est devenu plus mobile; son extrémité antérieure s'est soulevée et blesse la commissure des lèvres et la joue, où elle a déterminé, à la partie interne, des ulcérations, très douloureuses dans divers points; son extrémité, saisie avec de bonnes pinces, est à-peu-près ébranlée; et après des tentatives réitérées nous parvenons à détacher la moitié postérieure de cette portion de mâchoire, comprenant son condyle entier et l'angle de cet os dépourvu de l'apophyse coronoïde. Cette portion nécrosée, située ext térieurement à l'os nouveau, si elle comprenait entièrement la branche condyloïdienne de la mâchoire, ainsi que semble l'attester la pièce pathologique, n'a dû atteindre que la moitié la plus extérieure du corps de la mâchoire; puisque plus intérieurement, et après l'avoir enlevée, on voit des tubercules osseux qui ne sont réelment que les dents qui ont acquis un volume double de celui qu'elles ont dans l'état normal (Mêmes moyens.)
Depuis, j'ai revu cet enfant. La fistule s'est entièrement cicatrisée, la joue s'est affaissée, et la difformité, qui résultait de son gonflement, dissipée ; les dents ont également diminué de grosseur, et une nouvelle mâchoire gauche jouissant des mêmes mouvemens que la première, en attestant les ressources de la nature, ne permettra pas, à un âge un peu plus avancé, de reconnaître la perte éprouvée. (Mém. de l'Acad. des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, ann. 1831, 2.o, 3.o et 4.o livr., p. 35 (1).)
(1) Ce recueil estimable contient plusieurs mémoires et observations intéressantes, entr'autres un mémoire par M. le docteur Vallot, sur de prétendus vers intestinaux et sur d'autres animaux, rendus, dit-on, par des malades.
Académie royale de Médecine. (Septembre.)
Séance du 28 août.-M. Husson fait un rapport au nom d'une commission sur l'inauguration du buste de Portal daus la salle des séances. Il conclut que le réglement de la société s'y oppose formellement, et qu'une telle proposition ne peut être faite que cinq ans révolus après la mort d'un membre. A cette occasion le rapporteur rappelle que Corvisart, Percy et Hallé sont dans le cas de recevoir cet honneur.
Sur la demande de M. Renauldin si l'on s'occupe du remplacement de Portal comme président d'honneur, M. Marc prend la parole et dit qu'il accepterait cette haute distinction si elle lui était conférée par le vœu de l'Académie, mais qu'il la refuserait s'il y était nommé par ordonnance. Il propose, en conséquence, d'écrire au ministre pour demander l'abolition de l'ordonnance qui nomme président d'honneur le premier médecin du roi. Il pense que ce privilége pourrait avoir de graves inconvéniens en appelant au fauteuil un premier médecin qui ne serait pas même membre de l'Académie. La proposition est adoptée.
M. Itard fait, au nom d'une commission, un rapport d'après lequel l'Académie décide que le titulaire qu'elle doit nommer à la place de Coutanceau, Bagneris et Geoffroy appartiendra à la section de pathologie, et que le nombre des candidats à présenter sera le plus grand possible, c'est-à dire six.
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ELECTRICITÉ MÉDICALE. — M. Thillaye fait un rapport favorable sur l'établissement de M. Lemolt pour l'application de l'électricité au traitement des maladies. Il décrit les différens appareils qui y sont réunis et les divers procédés qui y sont suivis ; il termine en demandant la création d'une commission pour suivre les expériences de M. Lemolt sur des malades qui lui seront confiés. L'Académie nomme membres de cette commission MM. Deneux, Husson, Guéneau de Mussy, Delens, Récamier, Marjolin, Bricheteau et Itard.
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EMPLOI DE L'ALUN DANS LES MALADIES CANCÉREUSES. – M. Guéneau de Mussy donne lecture d'une lettre de M. Jacquot, de Saint-Dié, relative à l'efficacité de l'alun contre les maladies cancéreuses. Ce médecin avait déjà adressé en 1831 deux mémoires sur ce sujet à l'Académie, sur lesquels M. Récamier avait été chargé de faire un rapport. Dans sa lettre, l'auteur rapporte de nouveaux faits à l'appui de son opinion, et il annonce avoir trouvé, dans une certaine douleur du pied, un signe caractéristique et distinctif des affections can
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céreuses de l'utérus. La lettre est terminée par une observation de guérison d'un engorgement de la prostate par l'administration de l'alun à l'intérieur, à la dose de 8 à 16 grains. M. Récamier, auquel est renvoyée cette communication, et qui se propose de faire incessamment sou rapport, dit qu'il a tenté plusieurs fois ce moyen dans des cas de cancer utérin dont la nature n'était pas douteuse. Il a obtenu quelques améliorations, mais pas de guérison. Il a aussi essayé l'emploi d'une solution d'alun animée d'un peu d'alcohol canphrée dans les cancers du sein et en a obtenu de très-bons effets: enfin employé dans quelques cas de gastralgie, ce moyen lui a parfaitement réussi.
TORSION DES ARTÈRES.-M. Fricke, chirurgien en chef de l'hôpital général de Hambourg, adresse la note suivante sur ce moyen d'arrêter les hémorrhagies. « Peu de temps après que M. Amussat eut publié ses essais sur la torsion, je m'empressai de les renouveler, et je suis charmé de pouvoir déclarer ici n'avoir pas eu depuis lors à regretter son emploi. Dans le grand hôpital de Hambourg, il se présente annuellement de 350 à 400 opérations, et depuis trois ans que, non seulement là, mais encore dans ma pratique privée, j'emploie la torsion des artères; je l'ai pratiquée plusieurs fois à toutes les artères, à peu d'exceptions près, même à la crurale, au point où elle dépasse le ligament de Poupart, et à l'axillaire, sans suites dangereuses, telles que hémorrhagies, suppuration, etc. Un trèsgrand nombre de médecins étrangers et du pays ont été témoins de l'application de la torsion, et un grand nombre de ceux de Hambourg l'emploient maintenant avec succès. L'opération de la torsion selon M. Amussat, comparée à la mienne, est un peu plus compliquée, mais aussi plus sûre. Avec ma pince à laquelle je n'ai fait subir que quelques changemens peu importans, on saisit l'extrémité de l'artère coupée en la tordant jusqu'à ce que, par le déchirement d'un petit morceau de la membrane, l'on ait acquis la certitude que la torsion a réussi. Je l'ai pratiquée de cette manière plus de mille fois. » L'auteur termine en faisant remarquer qu'on ne doit pas attribuer 'à la torsion quelques accidens secondaires qui se manifestent quelquefois, et il pense que M. Amussat a rendu un immense service à la chirurgie en faisant connaître ce procédé ingénieux qui, dans quelques cas, ne peut être remplacé par aucun autre.
Séance du 4 septembre. MOMIFICATION. MM. Capron et Albert, pharmaciens à Chaillot, annoncent que, par des procédés de leur invention, ils sont parvenus à faire une momie qu'ils demandent à exposer publiquement. Une commission, composée de MM. Larrey, Oudet, Caventou, Ribes et Pariset sont chargés d'examiner ce tràvail, qui intéresse vivement la salubrité publique.
VACCINE.-M. Bousquet donne lecture d'un mémoire intitulé: Dw degré d'importance des boutons de la vaccine, considérés dans leur rapport avec l'effet préservatif de la vaccine. D'après de nombreuses expériences, l'auteur pense que l'éruption du bouton, nécessaire peut-être au diagnostic, ne l'est nullement comme préservative de la variole. Il pense que l'effet préservatif est dû seulement au changement qui s'opère à l'intérieur de l'organisation, soit par la réaction fébrile, soit de toute autre manière; car d'une part il a vu des sujets vaccinés à dix, douze ou quinze reprises, n'avoir aucune éruption, offrir seulement quelques symptômes fébriles et être ensuite exempts de toute contagion variolique ; d'autre part, il a ouvert au quatrième jour des boutons dont la matière communiquait déjà la vaccine, les a cautérisés profondément et détruits avec le nitrate d'argent, et plus tard ces individus n'ont pas eu la variole en s'y exposant, et il n'a pu une seconde fois développer chez eux la vaccine. Il conclut de ces faits que, comme il y a des varioles sans éruptions, variolæ sine variolis, il y a aussi des vaccines bonnes et préservatives sans boutons.
Cette lecture donne lieu à une controverse animée. Le point de doctrine est vivement contesté par les uns et chaudement défendu par d'autres.
Séance du 11 septembre.-Influence des émanations putrIDES DANS LE CHOLÉRA.—M. Double, au nom de la commission du. choléra-morhus, fait un rapport sur cette importante question. Lorsque le choléra parut à Blois, un médecin de cette ville ne vit pas sans crainte que les ouvriers en dépavaient les rues pour les nettoyer; il craignait que ces terres remuées ne donnassent naissance à des émanations funestes aux cholériques, observation qu'il pensait avoir déjà été faite à Paris. Il écrivit en conséquence au préfet, et ce dernier transmit ces lettres au ministre qui les renvoya à l'Académie pour décider la question. Des recherches nombreuses étaient nécessaires pour arriver à cette solution M. Double s'y est livré avec un soin extrême; il décrit tous les travaux qui ont été faits en ce genre à Paris dès l'origine et pendant la durée du choléra; il les a suivis de rue en rue, dans les différens quartiers; il en donne toutes les dimensions, indique la nature des terres que l'on a creusées à différentes profondeurs pour y établir des canaux ; et d'après les relevés faits dans les arrondissemens, il fait voir que les habitans des rues où ces travaux ont été exécutés, ainsi que les ouvriers qu'on y a employés, ont été sans comparaison, plus ménagés que tous les autres. Il appuie cette remarque, et sur les expériences faites récemment par M. Parent-Duchâtelet et par l'observation faite à Montfaucon, où l'on s'occupe des travaux les plus insalubres, et où cependant
très-peu d'ouvriers ont été atteints. De ces faits M. Double conclut que les émanations que laissent échapper les matières animales ne sont pas à beaucoup près aussi dangereuses qu'on l'avait supposé jusqu'ici, et que, même en temps d'épidémie, les remuemens de terres qui auraient pour résultats de multiplier ces émanations peuvent être faits sans péril; ce qui, toutefois, ne saurait lier les mains de l'administration, lorsque des circonstances particulières la mettraient dans la nécessité de différer des entreprises de cette nature. Après une discussion assez vive, l'Académie décide que les conclusions de ce rapport seront exprimés en termes moins affirmatifs. Cependant la rédaction définitive en est confiée à M. Double, et le rapport et ses conclusions mis aux voix sont adoptés.
Séance du 18 septembre. CHOLERA MORBUS. M. Guéneau de Mussy lit une lettre de M. Mitivié, relative à la non-contagion du choléra-morbus. Une femme qui nourrissait a été gravement atteinte de cette maladie, et n'a pas cessé d'allaiter son enfant qui n'a pas été malade. M. Rullier à cette occasion, cite plusieurs cas semblables; deux de ces malades ont guéri, une troisième a succombé; toutes trois ont donné le sein à leurs enfans, les deux premières pendant toute la maladie et la troisième jusqu'à deux heures avant sa mort. Les enfans n'ont pas été malades.
EMPLOI DU HUACO. M. François communique à l'Académie l'extrait suivant d'une lettre de M. Chabert, médecin en chef de l'armée mexicaine. «< Au moment où j'ai appris que le choléra-morbus était arrivé jusqu'à Paris, je m'attachais à constater l'efficacité du huaco dans le traitement de la fièvre jaune. Si le choléra vient jusqu'à nous, j'essayerai contre lui le même moyen ; je vous invite à m'imiter. Je vous envoie un échantillon de quelques livres de cette plante. Le huaco est une liane aromatique, amère, sudorifique. Voilà sa propriété essentielle. On l'emploie en décoction, en teinture spiritueuse. Elle a une action prompte et presque miraculeuse contre la morsure des serpens venimeux. C'est à cause de cela que je l'administre dans la fièvre jaune. Dès la troisième ou quatrième tasse de la décoction de cette plante, la peau, loin de se réfroidir, s'échauffe, et la transpiration s'établit; je la donne à petites doses de demiheure en demi-heure. S'il y a défaillance et refroidissement, j'ajoute 25 à 30 gouttes et même une cuillerée à café de la teinture alcoholique .Je me sers aussi de la décoction en lavement, et de la teinture en frictions sur la colonne vertébrale et les extrémités. » A cette occasion M. François annonce qu'il a essayé le huaco sur un cholérique, et qu'il y a espérance de succès.
Séance du 25 septembre
SUBLIME CORROSIF DANS LA SYPHILIS. M. Emery fait au nom de la commission des remèdes secrets, un rap
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port sur la méthode syphilitique dulcifiée de M. Ollivier. Il résulte des nombreuses expériences faites par la commission, qui avaient pour objet de déterminer dans quel état se trouvait le mercure dans les diverses combinaisons que M. Ollivier lui fait subir, que dans chaque préparation, soit biscuits, sirop, pastilles, etc., on trouve que le deuto-chlorure de mercure est changé en proto-chlorure, mercure doux, tellement divisé qu'il devient soluble. (1) Le rapporteur annonce que, chez les nombreux malades auxquels les préparations de M. Ollivier ont été administrées, aucun n'a éprouvé les accidens qu'entraîne toujours l'emploi du sublimé; que ces préparations sont préférables à toutes les autres pour les constitutions débiles et délicates; que les combinaisons de M. Ollivier sont le résultat de dix années de travaux; qu'il a fourni gratuitement dix mille biscuits tant pour les expériences que pour divers malades auxquels on les a administrés. D'après ces motifs, il propose au nom de la commission d'appliquer à M. Ollivier le bénéfice des décrets de 1810 sur les remèdes secrets, et d'engager le gouvernement a acheter les formules de M. Ollivier pour qu'elles soient publiées, moyennant douze cents francs de rentes sur le grand livre Après une longue discussion, l'Académie décide que la commission fera un nouveau rapport sur ce point dans la prochaine séance.
Académie royale des Sciences.
Séance du 27 août. M. Thénard fait un rapport favorable su les observations adressées par M. Payen, relativement à la propriété qu'ont les solutions aqueuses alcalines de s'opposer à l'oxydation du fer et de l'acier. Il suffit, pour obtenir ce résultat (dont les avantages pourront être facilement appréciés par les chirurgiens) de tremper le métal dans de l'eau de chaux pure ou même étendue d'une fois son poids d'eau ordinaire, ou encore dans une solution aqueuse de potasse caustique contenant seulement un deux-millième de cet alcali. Les carbonates alcalins et le borax produisent le même effet, mais seulement à des doses plus fortes, de manière que si l'eau, chargée de potasse caustique, dans la proportion indiquée plus haut, avait le contact de l'air, à mesure que l'alcali se carbonaterait, le fer ou l'acier qui y serait plongé pourrait s'oxyder. Séance du 4 septembre. M. Flourens est élu candidat pour la
(1) Nous ne comprenons pas ce que le rapporteur entend par ces mots devient soluble. Nous ne savons pas sur quoi s'appuie cette assertion.
place de professeur d'anatomie humaine, vacante au muséum d'histoire naturelle par la mort de Portal.
L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre honoraire en remplacement de M. Henri de Cassini. M. Desgenettes est élu. Séance du 17 septembre. M. de Humboldt adresse, de Berlin, une lettre contenant la copie d'un passage d'une autre lettre que lui a écrite de Buenos-Ayres, le 7 mai dernier, M. Bonpland. Ce célèbre naturaliste annonce, entre autres faits intéressans pour la science, que ses collections renfermeront deux espèces nouvelles de convolvulus dont les racines jouissent de toutes les qualités bienfaisantes du salep, et trois écorces très-amères, provenant de trois espèces nouvelles d'un genre qui appartient à la famille des simaroubées. Ces écorces ont le goût du sulfate de quinine, et agissent de la manière la plus heureuse dans les dysenteries et autres dérangemens gastro intestinaux. Bonpland ajoute que, s'il pouvait encore obtenir à Buenos-Ayres des renseignemens sur l'efficacité des ces écorces, d'après les essais qu'on en pourrait faire à Paris, il tâcherait, avant son départ, de faire des dispositions pour en fournir nos hôpitaux.
MM. Capron et Boniface Albert annoncent qu'ils ont trouvé un moyen expéditif de conserver les corps humains sans préparation externe, sans altération des traits du visage et sans retrancher aucune partie. L'opération se fait dans huit jours. Ils demandent à mettre sous les yeux de l'Académie un squelette ainsi préparé.
M. Tanchon dépose un paquet cacheté. M. Couerbe en fait autant pour un manuscrit contenant des recherches chimiques.
On procède à l'élection d'un candidat pour la chaire d'histoire naturelle, vacante à l'école de pharmacie. M. Guibourt obtient la majorité des suffrages.
On passe ensuite à l'election pour la place laissée vacante au Collége de France par la mort de M. Cavier.-M. Elie de Beaumont ayant obtenu la majorité, est déclaré candidat de l'Académie pour la chaire vacante.
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Séance du 24 septembre. ACCOUCHEMENS LABORIEUX. - M. Baudelocque, neveu, soumet au jugement de l'Académie un nouvel instrument qu'il a inventé pour terminer quelques-uns des accouchemens les plus difficiles. Cet instrument est un double crochet mousse à lame cachée, et est propre à couper en un instant, par morceaux, le trone de l'enfant mort pendant le travail de l'accouchement laborieux. Un mémoire, joint à l'envoi de l'instrument, indique les cas dans lesquels il paraît devoir être employé. Ce travail, étant présenté comme le complément d'un premier travail du même auteur sur le broiement de la tête de l'enfant mort, est renvoyé aux commissaires qui ont jugé la première partie, MM. Boyer et Duméril.
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ÉLECTRICITÉ MÉDICALE.
M. Fabré Palaprat adresse un instrument qu'il propose de substituer pour les frictions électriques aux brosses en crin ou aux brosses en fils de laiton terminées par de petites boules de plomb employées jusqu'à présent pour ces frictions. Ces deux sortes de brosses offrent, dit l'auteur, le très-grand inconvénient de ne pouvoir être bien nettoyées et de porter sur la peau d'un second malade les matières souvent malfaisantes qu'elles ont détachées de la peau d'un premier. L'instrument qu'il propose n'apas ce désavantage; il se compose d'un vase métallique creux dont la forme et la grandeur varient selon la partie qui doit être soumise à son action, et dans lequel, d'après les indications qu'on a à remplir, on introduit un liquide plus ou moins chargé de calorique. Le vase est fermé par un bouchon de métal à vis, terminé par un manche de verre. Il est mis en communication avec le sol ou avec une machine électrique au moyen d'une chaîne de métal. On recouvre le vase d'une chemise d'étoffe plus ou moius épaisse, plus ou moins douce au toucher. et dont, si cela est jugé utile, une des surfaces extérieures peut être formée d'un tissu à pinceaux de crin, de blaireau, de laine, etc. D'après la nature du tissu et la forme de la chemise, et selon les indications, on détermine à volonté avec cet appareil, ou des simples courans ou des jets d'étincelles plus ou moins excitantes, qui, en stimulant la peau, y produisent une sorte d'urtication que l'on proportionne à l'état du malade, et en même temps une friction peu différente de celle qu'on pourrait obtenir des brosses ordinaires. Les chemises de l'instrument, qu'elles soient unies ou à pinceaux, doivent, après chaque opération, être soumises au lavage et à l'action du chlore; de cette manière, l'on est certain de ne transmettre à la peau aucune malpropreté ni aucune espèce de virus, lorsqu'on employe les enveloppes de l'appareil pour frictionner de nouveaux malades.
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L'électro-thermophore, c'est le nom que l'auteur donne à cet instrument, renfermant ou pouvant renfermer une substance d'un degré de température déterminée, l'on a, outre l'avantage du frottement mécanique, celui d'agir en même temps sur la partie affectée, et par le moyen de l'électricité et par le moyen du calorique, portés l'un et l'autre, selon l'indication, depuis le degré le plus faible jusqu'à un degré très-élevé.
M. Payen dépose les résultats de ses recherches sur la formation de l'acide sulfurique, et de plus un paquet cacheté contenant la description d'un procédé pour la conservation des viandes alimentaires. L'auteur s'est proposé de remplir les conditions suivantes, qu'il considère comme étant de rigueur pour une complète solution du problème: 1° le poids de la substance utile et des agens préser
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vateurs doit être peu considérable; 2° cette matière organique si altérable doit être pour longtemps garantie d'altérations, même sous l'influence de températures variées; 3o la saveur agréable ne doit pas être sensiblement modifiée; 4° l'arôme que produit la coction, comme l'ont démontré les expériences de M. Chevreul, ne doit pas être libre de se dégager avant le moment où l'on fait usage de la viande alimentaire; 5° les agens et les procédés de conservation doivent être peu coûteux et facilement applicables dans différentes localités; 6° l'emballage et l'arrimage des produits doivent être faciles et peu dispendieux.
ANATOMIE COMPARÉE. M. Geoffroy-Saint-Hilaire présente un mémoire, intitulé: Observations sur la concordance des parties de l'hyoïde dans les quatre classes d'animaux vertébrés, accompagnant, à titre de commentaire, le tableau synoptiqne où cette concordance est figurativement exprimée.
VARIÉTÉS.
Réclamation.
D'après un arrêté de la préfecture du département de la Seine, en date du 2 juin 1806, basé sur la loi du 19 ventosc an xi, les places de médecins vérificateurs des décès étaient données depuis cette époque aux plus anciens des médecins des bureaux de bienfaisance, en considération de leurs services gratuits.
Sur la foi de cet engagement de l'administration, les médecins des bureaux de bienfaisance s'attendaient, à une époque plus ou moins avancée de leur pénible carrière, à une espèce de retraite, que quelques uns seulement parvenaient à obtenir, la mort seule dépossédant ceux qui avaient les places dont il s'agit.
L'arrêté que nous citons, rendu sous M. Frochot, a tellement été respecté pendant la longue administration de M. de Chabrol que, dans le douzième arrondissement, un médecin déjà ancien dans le bureau de bienfaisance, s'étant fait nommer par intrigue à une place de médecin vérificateur des décès qui revenait à M. Devilliers, par son rang d'ancienneté, le préfet, par une délibération du 19 avril 1825, cassa au bout de quinze mois sa nomination, qui était contraire à cet arrêté, et nomma M. Devilliers.
M. de Bondy, qui ne se croit engagé ni par l'arrêté de M. Frochot, ni par la conduite équitable de M. de Chabrol, vient de nommer, dans le dixième arrondissement, à une place de vérificateur des décès
que le titulaire, démissionnaire par arrangement, n'avait obtenu que par son ancienneté; M. de Bondy, disons-nous, vient de nommer dans cet arrondissement un jeune homme à peine reçu docteur, qui n'appartient à aucun établissement de bienfaisance, mais qui appartient par alliance à un des chefs de bureaux de la préfecture de la Seine.
Vaines ont été les réclamations faites auprès du préfet, soit par les tiers lésés, soit par les maire et adjoints de l'arrondissement, etc. Vaines aussi ont été de pareilles réclamations adressées au ministre compétent!..
Il nous reste, à nous tiers intéressés, à en appeler, comme d'abus, au conseil-d'état, et dans tous les cas à l'opinion publique par la voie de pétitions adressées aux chambres.
Un des plus anciens des médecins du Bureau de
Bienfaisance du X. arrondissement.
BIBLIOGRAPHIE.
Traité pratique, théorique et statistique du choléra-morbus de Paris, appuyé sur un grand nombre d'observations recueillies à l'hôpital de la Pitié; par J. BOUILLAUD, professeur de clinique médicale à la Faculté de Médecine de Paris, etc. Paris, 1832, in-8. pp. xv1-426. Prix, 6 fr. 50 cent. Chez J. B. Baillière.
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Le traité que vient de publier sur le Choléra-Morbus de Paris M. le docteur Bouillaud, devait attirer l'attention des médecins. L'importance du sujet et la position de l'auteur imposent à la critique le devoir d'un examen sérieux.
Quoique ce traité soit matériellement divisé en trois parties, il n'en contient réellement que deux: des faits, c'est-à-dire toutes les observations particulières, quelle qu'ait été l'issue de la `maladie; des inductions tirées de ces faits, c'est-à-dire l'histoire générale de la maladie, résumée de toutes les observations.
Ce sont là aussi les deux points de vue généraux sous lesquels l'ouvrage doit être examiné.
Les observations particulières qui sont contenues dans la première et la troisième parties du traité, et qui constituent les faits sur lesquels s'appuie la description générale, sont au nombre de 97; car il faut retrancher du nombre 102, adopté par l'auteur, les cinq observations de maladies étrangères au choléra qui forment la troisième -section des observations de guérison.
Cette collection de faits est la plus considérable qui ait été jus'qu'alors publiée. Elle a d'autant plus de valeur qu'elle contient les procès-verbaux de 50 ouvertures de cadavres.
En général les symptômes ont été recueillis avec soin, et les altérations anatomiques étudiées avec intelligence. Toutefois ces observations laissent quelque chose à désirer.
Le défaut de renseignemens précis sur l'époque de l'invasion de la maladie et sur les circonstances antécédentes, était inévitable dans beaucoup de cas et ne peut être imputé à l'auteur; mais il n'en est pas moins fâcheux, car ces renseignemens ont une grande valeur quand il s'agit de généraliser les faits. D'autres imperfections relatives à la description des altérations anatomiques auraient pu être évitées. Les principales méritent d'être signalées.
Souvent l'altération dont la muqueuse était le siége a été seulement indiquée par le mot injection. Cette expression beaucoup trop vague peut induire en erreur sur la nature de la lésion; car elle est employée également par l'auteur pour représenter deux états fort différens, celui du tube digestif à l'extérieur et celui de la membrane muqueuse. Le plus grand inconvénient de son emploi, c'est que cette expression ôte aux faits qu'elle désigne toute valeur pour ceux qui contestent la nature inflammatoire des lésions du tube digestif dans la première époque du choléra. Une autre remarque plus importante est celle-ci : Il ne paraît pas que le cerveau ait été examiné avec toute l'attention nécessaire, ou au moins que son état ait été constaté avec toute l'exactitude désirable.
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Dans le plus grand nombre de cas où les malades ont succombé avant la réaction, M. Bouillaud n'a rien trouvé à noter sur l'état de l'encephale. Sur un grand nombre de cas (1), dans les mêmes circonstances, j'ai constamment trouvé un engorgement très-considérable de l'encéphale. Les vaisseaux veineux et artériels étaient pleins de sang noir, la substance grise avait une teinte violacée, et la substance blanche divisée par le scalpel, se couvrait d'une multitude de gouttelettes de sang noir, dont on augmentait le nombre et le volume par la pression.
Cette lésion m'a paru tellement constante que je la considère comme caractéristique de la première époque du choléra avec affaiblissement de la circulation, et que je suis porté à croire à son existence dans les cas analogues qui font partie des observations de M. Bouillaud, quoique cet observateur n'en ait pas fait mention.
(1) Le résultat des observations et des recherches faites par M. le D. Foville et moi, sur 78 malades, a été publié quelques jours avant l'ouvrage de M. Bouillaud.
Enfin des observations du traité, il résulterait que le développement des plaques de Peyer serait beaucoup moins fréquent que celui des follicules de Brunner. J'ai observé le contraire, et j'ai eu occasion, en outre, de constater dans ces plaques divers degrés d'altération qui paraissent avoir échappé à M. Bouillaud.
La classification des faits n'est pas sans influence sur les inductions générales qu'on en peut déduire. Cette classification est loin d'être irréprochable dans l'ouvrage de M. Bouillaud.
Les observations ont été distribuées en plusieurs groupes.
Dans la section qui comprend les 50 observations de choléra suivi de mort, les cas de choléra simple forment trois catégories. La première comprend les cas dans lesquels la mort est survenue presque immédiatement après l'entrée ou après 24 heures de séjour au plus. Les observations de cette catégorie portent toutes le titre de choléra asphyxique foudroyant.
La seconde catégorie comprend les cas dans lesquels la mort n'est survenue que plus de 24 heures après l'entrée des malades, sans apparition des symptômes typhoïdes. Les observations de cette catégorie sont appelées simplement asphyxiques, excepté l'observation 26, dans laquelle le choléra est dit demi-asphyxique.
Ces deux catégories sont arbitraires et fondamentalement défectueuses. Prenant pour limite des classes la durée, ce n'était pas la durée du séjour à l'hôpital, qui est quelque chose d'accidentel et de fortuit, mais la durée réelle de la maladie qui devait servir à établir un rapport de coordination entre les faits.
Ce vice fondamental dans la classification des observations a conduit l'auteur à des rapprochemens forcés et à des inductions qui manquent de rigueur.
Dans la première catégorie se trouvent rapprochés des cas de choléra dont la durée a varié de 12 heures à 4 jours; dans la seconde, des cas dont la durée a varié de 36 heures à 5 jours. Et comme tous les cas de la première catégorie ont été appelés asphyxiques foudroyans, tandis que ceux de la seconde sont seulement asphyxiques, il en résulte cette bizarrerie qu'un cholera qui a duré 4 jours (observation 17) est considéré comme foudroyant, tandis que des choléra qui ont amené la mort en 36 ou 37 heures (obs. 24 et 25) sont simplement asphyxiques et non foudroyans.
Mais ce qui est plus grave, cette classification vicieuse a détourné l'auteur du véritable point de vue sous lequel il devait étudier les faits, la durée réelle de la maladie, et par suite elle lui a fait négliger une considération fort importante, le rapport des lésions organiques avec cette même durée. Ces conséquences fâcheuses se feront vivement sentir dans la description générale.
La troisième catégorie, comprenant les cas dans lesquels la mort est
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survenue pendant la réaction typhoïde, n'offre pas les mêmes inconvéniens, parce que l'époque à laquelle apparaissent les phénomènes morbides ainsi qualifiés est naturellement en rapport avec la durée de la maladie et le degré correspondant des altérations organiques., Une différence fondamentale, la complication avec une autre maladie, justifie la réunion des observations de choléra-morbus compliqué dans une même catégorie qui est la quatrième. Toutefois ce groupe aurait dû être rattaché aux autres par un rapport commun qui eût rendu tous les faits comparables Ce rapport naturel était la durée.
On trouve dans cette catégorie des complications du choléra, 4 cas d'affections chroniques des organes abdominaux, 8 cas d'affections des organes thoraciques, un cas d'affection des organes encéphaliques. Ces observations intéressantes prouvent qu'une maladie actuelle ne préserve pas du choléra. Mais les complications du choléra offraient une question d'un grand intérêt que M. Bouillaud n'a pas abordée, et dont la solution aurait pu être jusqu'à un certain point obtenue des faits que lui-même a observés : je veux parler de la complication du choléra avec des affections aiguës du tube digestif.
Plusieurs des altérations pathologiques constatées à la Pitié, dans la muqueuse digestive, après une durée du choléra de moins de 48 heures, sont de nature à faire croire que ces altérations doivent être rapportées à une durée plus longue et par conséquent à une inflammation aiguë préexistante; et cela avec d'autant plus de raison que dans ces cas l'invasion du choléra avait été précédée par un trouble des fonctions digestives ayant duré plusieurs jours (notamment Obs. 24 et 25). Si M. Bouillaud avait cherché à apprécier la succession des altérations pathologiques dans son rapport avec la durée de la maladie, il aurait été conduit à reconnaître que les traces d'inflammation par lui observées dans l'estomac et les intestins chez plusieurs cholériques doivent être attribuées à un travail inflammatoire préexistant à l'invasion du choléra. Je reviendrai sur cette question importante.
Les observations de choléra-morbus suivi de guérison, rejetées par l'auteur à la fin de l'ouvrage pour en constituer la troisième partie, sont intéressantes; elles sont au nombre de 47: 25 appartiennent au choléra grave, 22 au choléra léger.
Telles sont les remarques principales que m'a suggérées l'examen attentif des faits qui forment la partie fondamentale de l'ouvrage de M. Bouillaud. L'exposé didactique et théorique qui est résumé de ces faits doit reproduire les inexactitudes qu'ils contiennent, et surtout mettre en relief les conséquences de l'analyse défectueuse qui a présidé à leur classement. C'est ce qui va ressortir de l'examen de la deuxième partie du traité qui porte ce titre : Histoire ou description
générale du choléra-morbus de Paris. Elle se compose subdivisées en un grand nombre de chapitres ou d'articles.
de
7 sections
Dans la première section, l'auteur traite de la cause spécifique du choléra-morbus et de ses causes adjuvantes et occasionelles ; de la date de l'invasion de cette maladie; de son mode de développement et de propagation. Rien autre chose dans cette section que ce qui se retrouve partout. La cause spécifique est ignorée; les causes occasionnelles sont celles de toutes les maladies en général; la question du mode de propagation est tranchée par la non importation et la non contagion, sans que la discussion offre rien de remarquable pour les argumens ni pour les faits.
La deuxième section est consacrée à l'exposition et à l'appréciation des symptômes et au diagnostic.
L'auteur ne distingue avec raison que deux espèces de choléra, le grave et le léger. Pourquoi donc n'avoir pas sacrifié à cette vue fort juste tout le fatras de dénominations spécifiques employé pour désigner les cas particuliers? Choléra asphyxique foudroyant, asphyxique, semi-asphyxique, sub-asphyxique, algide, sub-algide, grave, intense, cyanique, cholérine, choléra de moyenne intensité, sub-intense, léger; et toutes les combinaisons possibles de ces qualifications avec le mot typhoïde!
L'auteur divise le choléra grave en deux périodes: celle des grandes évacuations gastro-intestinales ou de l'irritation sécrétoire de la membrane folliculeuse des voies digestives, et celle de la réaction avec ou sans développement de l'état typhoïde.
Les symptômes qui précèdent l'invasion du choléra, soit qu'ils en constituent les prodrômes, soit qu'ils appartiennent à une affection préexistante du tube digestif, n'ont pas trouvé place dans cette description. Ces symptômes ont pourtant de l'importance; seuls ils peuvent expliquer, par leur nature et leur durée, la gravité des lésions trouvées dans le tube digestif chez des malades qui avaient succombé peu de temps après l'invasion du choléra proprement dit.
Les symptômes de la maladie à dater de cette invasion, sont en général bien exposés. Cependant ceux qui, suivant l'expression de l'auteur, sont fournis par l'exploration des appareils de l'intelligence, des sensations et des mouvemens, dans la première période, me paraissent manquer d'exactitude.
L'intelligence est intacte, dit M. Bouillaud. Si par là il faut cntendre seulement qu'il n'y a pas de délire, l'observation est vraie. Mais il n'en faudrait pas conclure que les fonctions de l'encéphale ne sont pas notablement troublées. En effet d'après la description même de M. Bouillaud, il y a chez les cholériques dans la première période, découragement, sinistres pressentimens ou indifférence pour leur état, (différences qui, suivant l'auteur, tienpent aux particuliarités de
tempérament et d'organisation cérébrale), tendance marquée à l'assoupissement; vue émoussée, vertiges, étourdissemens, éblouissemens. Si à ces symptômes on ajoute la difficulté de fixer l'attention des malades, la lenteur et la briéveté de leurs réponses, que l'auteur a omis de constater, on est conduit à reconnaître un trouble profond dans les fonctions de l'encéphale. L'anatomie pathologique prouve que ce trouble coïncide avec l'engorgement remarquable du cerveau qui n'a pas attiré l'attention de M. Bouillaud.
L'exposition des symptômes laisse encore à désirer une appréciation exacte da rapport de succession qui les lie, rapport qui malgré son importance a été généralement négligé par l'ruteur.
Dans l'appréciation des symptômes, M. Bouiilaud a fait un usage judicieux de la connaissance des lois physiologiques.
Il rapporte les symptômes de l'appareil digestif à une congestion sanguine active, et les symptômes des autres appareils à un affaiblissement de la circulation et de l'action organique. Et il subordonne la lésion des fonctions de la circulation, de la respiration, la calorification et de certaines sécrétions, aux phénomènes abdomi naux représentés principalement par les grandes évacuations cholériques.
de
Ce sont là les idées fondamentales de la doctrine professée par M. Broussais, auxquelles les observations et les inductions de M. Bouillaud viennent prêter leur appui.
La 3me section est consacrée à l'exposition et à l'appréciation des lésions rencontrées chez les individus qui succombent au choléra-morbus ; lésions qui eonstituent les caractères anatomiques de cette maladie. M. Bouillaud a conservé la division en deux périodes adoptée par lui pour les symptômes..
Dans un premier article où sont exposées les lésions anatomiques rencontrées chez les choleriques qui succombent dans la période des grandes évacuations intestinales, ces lésions sont en général énumé`rées et caractérisées avec exactitude.
Mais dans ce résumé des observations particulières, se remarquent les conséquences de la classification vicieuse des faits.
On se tromperait singulièrement, dit l'auteur, si l'on pensait que chez tous les individus qui succombent rapidement, dans l'espace de 12, 24, ou 48 heures par exemple, on ne rencontre jamais qu'une rougeur à peine marquée, une injection très-médiocre.
Je pense qu'on se tromperait bien davantage, si l'on attribuait à une maladie qui a duré seulement 12, 24 on 48 heures des désordres tels que quelques-uns de ceux que M. Bouillaud a rangés dans une même catégorie, sans tenir compte de la durée réelle de la maladie et des affections préexistantes, et sous prétexte que les malades auraient succombé 12, 24 ou 48 heures après leur entrée à l'hôpital.
Ce qui est vrai et ce qui peut être conclu même des observations publiées par M. Bouillaud, c'est que les altérations organiques sont successives dans le choléra comme dans les autres maladies, et que leur intensité de développement est en raison de la durée de la maladie.
Dans les véritables cas de choléra foudroyant, c'est-à-dire, quand un individu qui n'était nullement malade et qui surtout n'avait pas de diarrhée, est enlevé en un petit nombre d'heures au milieu des symptômes les plus graves du choléra, le tube digestif dans toute sa longueur n'offre d'autres altérations que les suivantes : engorgement général du systême vasculaire, couleur rose, hortensia, lilas, violacée de la muqueuse de l'estomac et de l'intestin grêle, souvent pâleur blafarde de celle du gros intestin, développement des plaques de Peyer et des follicules de Brunner. Cette coloration uniforme, due à un engorgement général, n'est interrompue que par un petit nombre de plaques pointillées, disséminées et très-petites.
Dans les cas où il y avait avant l'invasion du choléra proprement dit, trouble des fonctions digestives et particulièrement diarrhée, suivant la durée de ces symptômes morbides, on trouve des traces d'inflammation plus ou moins considérables dans l'estomac, dans l'intestin grêle et notamment dans le gros intestin, altérations dont l'origine est plus ancienne que l'invasion du choléra.
A dater de cette invasion, les altérations du tube digestif qui appartiennent au choléra, et qui consistent d'abord dans la congestion générale et la coloration uniforme de la muqueuse, passent rapidement, il est vrai, mais successivement à des modifications d'intensité dans la couleur et de forme dans l'injection, et peuvent arriver au ramollissement et même à la gangrène, après avoir passé par l'injection pointillée, arborisée, ecchymosée, infiltrée, etc.
Cette succession des altérations en raison de la durée de la maladie a été méconnue par M. Bonillaud. Elle est indispensable à connaître, pour concevoir la marche de la maladie. Elle est importante par les conséquences qu'on en peut déduire pour les indications therapeutiques.
Enfin elle peut seule expliquer, comment des observateurs ont pu dire avec vérité que dans certains cas le tube digestif a été trouvé chez des cholériques, exempt de rougeur dans toute sa longueur.
Cette absence de rougeur est un fait qui a frappé beaucoup d'observateurs en France et à l'étranger; je l'ai moi-même observé plusieurs fois.
Ce n'est pas en niant ce fait incontestable qu'on peut combattre avec succès l'argumentation qui s'appuie sur lui pour contester la nature de la congestion dont le tube digestif est le siége dans la
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première époque du choléra. Mais en établissant ce qui est la vérité et ce qui a échappé à beaucoup d'observateurs, que dans cette première époque où il n'y a pas à proprement parler de rougeur inflammatoire, c'est-à-dire ni plaques, ni pointillé, ni arborisations, etc. toute la muqueuse est pourtant le siége d'une congestion qui a aug menté son épaisseur, et qui lui donne une teinte hortensia uniforme, qu'en même temps les follicules agminés et isolés ont pris un développement considérable, et que c'est à cet état de la muqueuse que corespond la super-sécrétion caractéristique.
Ces caractères anatomiques, qui sont réellement ceux de la première époque du choléra, sont les seuls dont on puisse tirer des inductions pour apprécier la nature de la congestion de la muqueuse, et ils sont suffisans pour qu'on soit en droit d'en conclure que cette congestion est active.
Une analyse exacte des faits observés par M. Bouillaud, aurait pu le conduire à ce résultat qui me paraît concilier les assertions contradictoires des observateurs, sur l'état du tube digestif dans la première époque du choléra.
On peut remarquer dans la description d'ailleurs exacte donnée par M. Bouillaud des liquides que renferme le tube digestif, la défaut d'analyse que j'ai signalé dans son appréciation des autres caractères anatomiques. Les rapports qui existent entre les qualités de ces liquides, la durée de la maladie et la lésion de la muqueuse avec laquelle ils sont en contact n'ont pas été exactement déterminés,
Ainsi le liquide caractéristique blanc appartient à la première époque du choléra et correspond à la congestion générale de la muqueuse avec développement des follicules.
Le liquide plus ou moins coloré par le sang appartient à une époque un peu éloignée, et correspond à cet état inflammatoire plus prononcé de la muqueuse. Cette coloration varie d'intensité à peu près comme les altérations de la membrane. Et si les faits ont prouvé à M. Bouillaud, ce qui est vrai, que ce liquide coloré peut exister dans la partie inférieure, cela tient à ce que l'inflammation marchant ordinairement avec plus de rapidité dans la partie inférieure et particulièrement dans les derniers pieds de l'iléum et le cœcum à une même époque ces dernières parties peuvent être plus profondément altérées que les autres.
Les liquides colorés par la bile appartiennent à une époque encore plus éloignée, celle où la super-sécrétion intestinale a cessé pour faire place à l'inflammation.
M. Bouillaud n'a pas saisi ce rapport de succession,